dimanche 15 janvier 2017

Doutes à propos des Dubia des Cardinaux

  Atila Sinke Guimarães


http://www.traditioninaction.org/bev/199bev12_30_2016.htm

Traduction par les soins de Reconquista

Ces deux derniers mois, les catholiques ont beaucoup entendu parler des Dubia – la lettre envoyée par quatre Cardinaux au Pape François demandant des clarifications sur les parties ambiguës de l’Exhortation Amoris Laetitia (AL).  Les quatre Cardinaux sont l’Américain Raymond Burke, l’Italien Carlo Cafaro et les Allemands Walter Brandmuller et Joachim Meisner.  Burke est le seul prélat actif, les trois autres sont à la retraite.

Cardinal Burke, Meisner, Cafarra, Brandmuller
Les Dubia sont cinq questions adressées au Pape et demandant une réponse.  C’est de tradition dans l’Eglise  que les prélats présentent aux Sacrées Congrégations du Saint-Siège, et même au Pape, leurs questions écrites très clairement et brièvement.  Normalement, ils reçoivent de concises réponses, un simple oui ou non.

Ces questions –dont l’entièreté du texte et du contexte peut être lu ici – à la base posent cette question : Est-il possible pour un catholique civilement divorcé et remarié de recevoir la Communion ?  Cette question est motivée par le fait que certaines parties d’Amoris Laetitia insinuent en termes énergiques que cette permission est accordée.  En d’autres termes, la question basique des Cardinaux est celle-ci : Est-il possible, pour une personne en état de péché mortel, de communier ?

Ces questions furent d’abord envoyées au Pape et au Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, mais, vu que les Cardinaux n’ont pas reçu de réponse, ils ont rendu leur document public le 14 novembre 2016.  Depuis lors, des interviews et déclarations variées de Burke et Brandmüller ont alimenté les discussions.

A cette vive interpellation, nous devons ajouter un lettre publique de soutien, suivie d’interviews et communiqués, d’un autre nouvel héros du conservatisme, Mgr Athanasius Schneider, qui a mis plus de poivre dans la sauce en parlant de schisme qui croît à l’intérieur de l’Eglise.  Ces schismatiques seraient les progressistes de la tendance de Kasper qui veulent libéraliser la Communion pour les catholiques divorcés et remariés.

Vu l’état de la question, que devrions-nous penser de ces Dubias ?

Pour être objectif et clair, distinguons trois perspectives différentes mêlées dans ce problème.

1.    Du point de vue logique

A.   Si nous considérons le contenu de ces deux documents (Amoris Laetitia et le document des Cardinaux) selon une perspective logique, nous voyons que les Prélats dissidents ont pris une position avantageuse pour tous.  Il est évident que le Pape ne peut pas explicitement permettre à quiconque de recevoir la Communion s’il est en état de péché mortel.

Si le Pape en arrivait à le permettre explicitement, il commettrait directement un sacrilège, qui induirait l’Église entière à faire de même et à se séparer elle-même du Magistère antérieur de l’Église.  Il est donc évident que le Pape ne va pas ouvertement dire : « Oui, je permets à une personne en état de péché mortel de communier. »

Il est aussi évident qu’il ne dira pas clairement : « Non, personne ne peut recevoir la communion en étant en état de péché mortel. »  Car, en réalité, il insinue le plus possible que les personnes divorcées/remariées peuvent recevoir la communion.


Donc, s’il est évident qu’il ne peut dire ni oui, ni non, pourquoi les Cardinaux ont-ils écrit leur lettre ?  Étant donné qu’ils savaient qu’ils ne recevraient pas de réponse, ils ont choisi délibérément de placer le Pape dans une situation très embarrassante.  Pourquoi ?  Dans l’analyse stratégique (ci-dessous 3), j’analyserai ce doute au sujet de l’objectif de ces Dubia.

B.   Toujours en nous penchant sur le contenu, pourquoi les Cardinaux ont-ils ignoré de nombreuses autres situations aussi graves que celle sur laquelle ils se concentrent ?  En effet, dans Amoris Laetitia, le Pape François a ouvert la porte non seulement sur la communion aux divorcés/remariés, mais aussi sur une foule d’autres se trouvant dans de scandaleuses situations qui sont objectivement en état de péché mortel, comme tous ceux qui sont engagés dans des rapports sexuels avant le mariage, ceux qui cohabitent habituellement sans être mariés, ceux qui usent de méthodes artificielles[1] de contrôle des naissances et ceux qui pratiquent l’homosexualité.  Ces points ont été considérés dans mon étude précédente sur Amoris Laetitia.

François a marié 20 couples vivant dans le péché...


Cette omission devient de plus en plus suspecte lorsque nous considérons que si les Cardinaux avaient exposé le spectre complet des insinuations d’Amoris Laetitia, il serait devenu évident que François utilise ces insinuations comme méthode pour ouvrir des portes à des abus en matières doctrinales où il ne peut le faire explicitement.  Pourquoi les Cardinaux se sont-ils tu sur cette méthode ?

Si cette méthode de libéralisation de la nécessité d’être en état de grâce pour communier avait été clairement exposée par les Cardinaux, cela aurait confirmé le fait que le Pape ne peut pas répondre à leurs Dubia.  A nouveau, la question se pose : Pourquoi ont-ils écrit leur lettre alors qu’il était évident que François ne pourrait répondre ?

C.   De plus, pourquoi n’ont-ils pas fait mention de la multitude d’autres écrits, discours, actions et initiatives faits par François si fréquemment durant son pontificat qui, directement ou indirectement, étaient favorables à permettre aux personnes en état de péché mortel – même dans le péché d’hérésie – de pouvoir communier ?  Les mêmes doutes qu’au point B sont confirmés par cette omission.


2.    Du point de vue moral

A.   Du point de vue moral, il est très bon pour les Catholiques d’avoir quatre cardinaux qui renforcent l’enseignement traditionnel de l’Église.  Nous vivons dans un monde horrible, moralement parlant, et pour nous, il est de la plus haute importance que les vérités pérennes de l’Église soient réaffirmées par des autorités religieuses.  Nous avons un certain nombre de prêtres traditionalistes et quelques évêques qui rappellent encore la doctrine immuable de l’Église.  Mais il est vraiment salutaire de voir quatre Cardinaux prenant la position correcte.

Burke ne souhaite pas retourner à la Tradition mais au temps de JPII et Benoît XVI

B.   Une grave faute morale que j’ai remarquée dans la lettre explicative faisant suite aux Dubias, c’est que les Cardinaux sont partisans de l’amour comme fin première du mariage.  En prenant cette position, ils adhèrent à la révolution faite lors de Vatican II qui inverse les fins du mariage.  Les fins traditionnelles sont : premièrement, la procréation et l’éducation des enfants ; deuxièmement, le soutien mutuel des époux.  En présentant l’amour comme fin première, les Cardinaux montrent qu’ils ne souhaitent pas revenir au Magistère traditionnel comme ils sont sensés le faire.


C.   Une autre faiblesse que je remarque dans leur déclaration, c’est que, en dépit de quelques mentions des commandements et une citation de l’Évangile, la presque totalité de leur document est basée sur l’enseignement de Jean-Paul II.[2]  Les Cardinaux affirment publiquement qu’ils répètent la doctrine traditionnelle, mais les documents qu’ils citent sont seulement ceux du pape post-conciliaire Wojtyla.

Disons-le, JPII était loin d’être un maître d’une saine moralité.  Bien qu’il répéta parfois l’enseignement traditionnel de l’Église, de manière habituelle, son approche morale était tributaire du personnalisme de Max Scheler, qui est opposé à la philosophie traditionnelle de l’Église.  Sa théologie du corps est clairement immorale ; les éloges du nudisme ne sont pas rares dans ses travaux, et, lors des Journées Mondiales de la Jeunesse, il a implicitement promu l’amour libre parmi les jeunes.  Si les Cardinaux souhaitaient défendre la morale pérenne de l’Église, pourquoi se sont-ils basés eux-mêmes à une source contaminée ?

D.   L’omission des Cardinaux à citer l’immense ensemble des documents de l’Église sur le mariage et la communion est une omission favorisant l’idée que l’Église conciliaire – à laquelle les quatre Cardinaux appartiennent – est différente du Magistère précédent Vatican II. On peut même dire que les Cardinaux eux-mêmes sont dans un schisme pratique par rapport au passé de l’Église.  Cela étant, c’est la véritable accusation portée par Mgr Schneider et, plus récemment, par le Cardinal Brandmüller, contre ceux qui n’acceptent pas les enseignements de Jean-Paul II.  Pourquoi cette position contradictoire ?

3.    Du point de vue stratégique

The Wall Street Journal
Avec l’augmentation de la vitesse de la Révolution bergoglienne, que personne d’autre que Benoît XVI n’a mise sur pied, le nombre de réactions contre le Pape François croît.  Récemment, même un journal comme The Wall Street Journal l’a qualifié de « leader de la gauche globale ».

Pour catalyser ces réactions, rien ne serait plus pratique que l’émergence d’une fausse droite religieuse qui regrouperait ensemble tous les conservateurs mécontents de l’Église et les empêcherait de rechercher un authentique leadership et, éventuellement, de devenir traditionalistes.

C’est ce qui semble être le principal objectif des quatre Cardinaux, principalement du Cardinal Burke, qui est le membre le plus éloquent et virulent de ce groupe.  Son principal acolyte dans la sphère publique est Mgr Schneider, dont j’ai déjà analysé le rôle dans la fausse droite,

Si c’est vrai, ce que je crois, alors cela expliquerait pourquoi les Dubia ont été écrites avec la certitude qu’elles n’auraient pas de réponse.  Son objectif serait de mettre apparemment François dans une position embarrassante.  Mais en réalité, les écrivains joueraient le même jeu, permettant à François d’avancer avec une réaction contrôlée.

Comment cela se finira-t-il ?  Cela peut se terminer comme le suggère le nouveau supérieur des jésuites, le Père Arturo Sosa : « Dans notre langage de jésuites, nous disons qu’il est nécessaire de connaître toutes les opinions dans le but de réaliser un vrai discernement commun. »

En d’autres termes, l’Église progressiste peu utiliser les réactions pour augmenter le « pluralisme » dans l’Église, ce qui signifie que nous pourrions très bien avoir deux parties en apparente opposition et vivant ensemble au Vatican.  Cela aidera l’Église à devenir une démocratie, l’un des objectifs principaux de Che Bergoglio.










[1] L’auteur déplore bien sûr ces méthodes peccamineuses, mais cela ne justifie en aucune manière l’usage des méthodes naturelles de contraception.
[2] La seule exception est un texte du De Malo de St Thomas d’Aquin  qui n’est pas dans les Dubia à proprement parler, mais dans la lettre explicative qui les accompagne.