Verset
1.
Au
commencement était le Verbe.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 3 sur S. Jean).
Tandis que tous les autres Evangélistes commencent par
l'incarnation du Sauveur, saint Jean, sans s'arrêter à sa
conception, à sa naissance, à son éducation, aux progrès
successifs de ses premières années, raconte immédiatement en
ces termes la génération éternelle : « Au commencement était
le Verbe. » — S. Augustin : (Liv.
des 83 quest). Le mot grec λόγος signifie également en latin
raison et verbe, mais ici la signification de verbe est
préférable, parce qu'elle exprime mieux les rapports,
non-seulement avec le Père, mais avec les créatures qui ont été
faites par la puissance opérative du Verbe. La raison, au
contraire, même quand elle n'agit pas, s'appelle toujours raison.
S.
Augustin : (Traité 3 sur S. Jean).
L'usage journalier de la parole, lui fait perdre de son prix à
nos yeux, et nous en faisons peu de cas, à cause de la nature
passagère du son dont elle est revêtue. Or, il est une parole
dans l'homme lui-même qui reste dans l'intérieur de son âme,
car le son est produit par la bouche. La parole véritable, à
laquelle convient particulièrement ce nom, est celle que le son
vous fait entendre, mais ce n'est pas le son lui-même.— S.
Augustin : (de la Trinité, 15, 10). Celui
qui peut comprendre la parole non-seulement avant que le son de la
voix la rende sensible, mais avant même que l'image des sons se
présente à la pensée, peut voir déjà dans ce miroir et sous
cette image obscure quelque ressemblance du Verbe dont il est dit
: « Au commencement était le Verbe. » En effet, lorsque nous
énonçons ce que nous savons, le verbe doit nécessairement
naître de la science que nous possédons, et ce verbe doit être
de même nature que la science dont il est l'expression. La pensée
qui naît de ce que nous savons est un verbe qui nous instruit
intérieurement, et ce verbe n'est ni grec, ni latin, il
n'appartient à aucune langue. Mais lorsque nous voulons le
produire au dehors, nous sommes obligés d'employer un signe qui
eu soit l'expression. Le verbe qui se fait entendre an dehors est
donc le signe de ce verbe qui demeure caché à l'intérieur, et
auquel convient bien plus justement le nom de verbe. Car ce qui
sort de la bouche, c'est la voix du verbe, et on ne lui donne le
nom de verbe ou de parole, que par son union avec la parole
intérieure, qui est son unique raison d'être.
S.
Basile de Césarée : (hom. sur ces par).
Le Verbe dont parle ici l'Evangéliste n'est pas un verbe humain;
comment, en effet, supposer au commencement l'existence du verbe
humain, alors que l'homme fut créé le dernier de tous les êtres
? Ce Verbe qui était au commencement, n'est donc point le verbe
humain, ce n'est point non plus le verbe des anges; car toute
créature est postérieure à l'origine des siècles, et a reçu
du Créateur le principe de son existence. Elevez-vous donc ici à
la hauteur de l'Evangéliste, c'est le Fils unique qu'il appelle
le Verbe.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean).
Mais pourquoi saint Jean nous parle-t-il immédiatement du Fils,
sans rien dire du Père ? C'est que le Père était connu de tous
les hommes, sinon comme Père, du moins comme Dieu; le Fils
unique, au contraire, n'était pas connu. Voilà pourquoi
l'Evangéliste s'applique dès le commencement à en donner la
connaissance à ceux qui ne l'avaient pas. Disons plus, le Père
lui-même est compris dans tout ce qu'il dit du Fils. C'est pour
cette raison qu'il lui donne le nom de Verbe. Il veut enseigner
que le Verbe est le Fils unique de Dieu, il détruit donc par
avance toute idée d'une génération charnelle, en montrant que
ce Verbe a été engendré de Dieu d'une manière incorruptible.
Une seconde raison pour laquelle il lui donne ce nom, c'est que le
Fils de Dieu devait nous faire connaître ce qui concerne le Père.
Aussi ne l'appelle-t-il pas simplement Verbe, mais il le distingue
de tous les autres verbes, en ajoutant l'article. L'Ecriture a
coutume d'appeler verbe ou parole les lois et les commandements de
Dieu; mais le Verbe dont il est ici question est une substance,
une personne, un être qui est né du Père par une naissance
exempte de corruption et de douleur.
S.
Basile de Césarée : (hom. précéd).
Mais pourquoi est-il le Verbe ? parce que sa naissance est sans
douleur, parce qu'il est l'image de celui qui l'a engendré, qu'il
le reproduit tout entier en lui-même, sans aucune division, et en
possédant comme lui toute perfection. — S.
Augustin : (de la Trin., 15, 13). De même
qu'il existe une grande différence entre notre science et celle
de Dieu, le verbe qui est le produit de notre science est aussi
bien différent du Verbe de Dieu qui est né de l'essence même du
Père; comme si je disais qu'il est né de la science du Père, de
la sagesse du Père, ou ce qui est plus expressif encore, du Père,
qui est science, du Père, qui est sagesse. Le Verbe de Dieu, Fils
unique du Père, est donc semblable et égal à son Père en
toutes choses; car il est tout ce qu'est le Père, il n'est
cependant pas le Père, parce que l'un est le Fils, et l'autre le
Père. Le Fils connaît tout ce que connaît le Père, puisqu'il
reçoit du Père la connaissance en même temps que l'être.
Connaître et exister sont ici une seule et même chose; et ainsi
le Fils n'est point pour le Père le principe de la connaissance,
parce qu'il n'est pas pour lui le principe de l'existence. C'est
donc en s'énonçant lui-même, que le Père a engendré le Verbe
qui lui est égal en toutes choses; car il ne se serait pas énoncé
dans toute son intégrité et dans toute sa perfection, si son
Verbe lui était inférieur ou supérieur en quelque chose.
N'hésitons pas à considérer quelle distance sépare de ce Verbe
divin notre verbe intérieur, dans lequel nous trouvons cependant
quelque analogie avec lui. Le verbe de notre intelligence ne
reçoit pas immédiatement sa forme définitive, c'est d'abord une
idée vague qui s'agite dans l'intérieur de notre âme, et qui
est le produit des différentes pensées qui se présentent
successivement à notre esprit. Le verbe véritable n'existe, que
lorsque de ces pensées qui s'agitent et se succèdent dans notre
âme, naît la connaissance qui donne à son tour naissance au
verbe, et ce verbe ressemble en tout à cette connaissance; car la
pensée doit nécessairement avoir la même nature que la
connaissance dont elle est le produit. Qui ne voit quelle
différence extrême dans le Verbe de Dieu, qui possède la forme
et la nature de Dieu sans l'avoir acquise par ces divers essais de
formation, sans qu'il puisse jamais la perdre, et qui est l'image
simple et consubstantielle du Père ? C'est la raison pour
laquelle l'Evangéliste l'appelle le Verbe de Dieu, plutôt que la
pensée de Dieu; il ne veut pas qu'on puisse supposer en Dieu une
chose qui soit soumise au changement, ou au progrès du temps; qui
commence à prendre une forme qu'elle n'avait pas auparavant, et
qu'elle peut perdre un moment après en retombant dans les vagues
agitations de l'intelligence. — S.
Augustin : (serm. 38 sur les par. du
Seig). C'est qu'en effet le Verbe de Dieu est la forme qui n'a
jamais été soumise à la formation, c'est la forme de toutes les
formes, la forme immuable, exempte de vicissitudes, de
décroissance, de toute succession, de toute étendue mesurable,
la forme qui surpasse toutes choses, qui existe en toutes choses,
qui est le fondement sur lequel reposent toutes choses, et le
faîte qui les couvre et les domine.
S.
Basile de Césarée : (hom. précéd).
Notre verbe extérieur a quelque ressemblance avec le Verbe de
Dieu. Notre verbe, en effet, reproduit la conception de notre
esprit, car nous exprimons par la parole ce que notre intelligence
a préalablement conçu. Notre cœur est comme une source, et la
parole que nous prononçons est comme le ruisseau qui sort de
cette source.
S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd).
Remarquez ici la prudence spirituelle de l'Evangéliste. Il savait
que les hommes avaient de tout temps rendu des honneurs divins à
l'être qu'ils reconnaissaient exister avant toutes les créatures
et qu'ils appelaient Dieu. C'est donc par cet être qu'il commence
en lui donnant le nom de principe, et bientôt celui de Dieu : «
Dans le principe était le Verbe. » — Origène
: Ce nom de principe ou de commencement a
plusieurs significations. Il peut signifier le commencement d'un
chemin ou d'une longueur quelconque, comme dans ces paroles : «
Le commencement de la bonne voie est de faire la justice. » (Pr
16, 5). Il signifie encore le principe ou commencement de la
génération, comme dans ces paroles du livre de Job : « Il est
le commencement des créatures de Dieu; et l'on peut, sans rien
dire d'extraordinaire, affirmer que Dieu est le commencement ou le
principe de toutes choses. Pour ceux qui regardent la matière
comme éternelle et incréée, elle est le principe de tous les
êtres qui ont été tirés de cette matière préexistante. Le
mot principe a encore une signification plus particulière, comme
lorsque saint Paul dit que le Christ est le principe de ceux qui
ont été faits à l'image de Dieu. (Col 1) Il y a encore le
commencement ou le principe de la discipline et de la morale
chrétienne, et c'est dans ce sens que le même Apôtre dit aux
Hébreux : « Lorsqu'on raison du temps, vous devriez être
maîtres, vous avez encore besoin qu'on vous enseigne les premiers
commencements do la parole de Dieu. » (Hé 5, 12). Le mot
principe a lui-même deux sens différents, il y a le principe
considéré dans ses rapports avec nous. Ainsi le Christ est par
nature le principe de la sagesse, on tant qu'il est la sagesse et
le Verbe de Dieu; et il est pour nous ce môme principe en tant
que Verbe fait chair. Parmi tontes ces significations différentes
du mot principe, nous pouvons choisir ici celle qui exprime le
principe agissant; car le Christ créateur est comme le principe
en tant qu'il est la sagesse, et le Verbe dans le principe, est la
même chose que le Verbe dans la sagesse; car le Sauveur est la
source d'une infinité de biens. De même donc que la vie était
dans le Verbe, ainsi le Verbe était dans le principe,
c'est-à-dire dans la sagesse. Considèrez, si d'après cette
signification, il est possible d'entendre le principe, dans ce
sens que c'est suivant les règles de cette sagesse, et les idées
exemplaires qu'elle renferme, que toutes choses ont été faites.
Ou bien encore, comme le Père est le principe du Fils, le
principe des créatures et de tous les êtres, il faut entendre
ces paroles : « Dans le principe était le Verbe, » dans ce sens
que le Verbe qui était le Fils, était dans le principe,
c'est-à-dire dans le Père. — S. AUG, (de la Trin., 6, 2). Ou
bien encore, ces paroles : « Au commencement, » dans le
principe, signifient : « Avant toutes choses. » — S.
Basile de Césarée : (hom. précéd). Le
Saint-Esprit a prévu que des envieux et les détracteurs de la
gloire du Fils unique chercheraient à détruire par leurs
sophismes la foi des fidèles en disant : S'il a été engendré,
on ne peut pas dire qu'il était, et avant d'être engendré, il
n'était pas. C'est pour fermer par avance la bouche à ces
blasphémateurs, que l'Esprit saint dit : « Au commencement était
le Verbe. »
S.
Hilaire : (de la Trin., 2). Tous les temps
sont dépassés, tous les siècles sont franchis, toutes les
années disparaissent; imaginez tel principe que vous voudrez,
vous ne pouvez circonscrire celui-ci dans les limites du temps, il
existait avant tout les temps.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean).
Lorsqu'un homme monte sur un navire, tant qu'il est près du
rivage, il voit se dérouler devant lui les ports et les cités,
mais dès qu'il est avancé en pleine mer, il perd de vue ces
premiers objets, sans que ses yeux puissent s'arrêter sur aucun
point. Ainsi l'Evangéliste, en nous élevant au-dessus de toutes
les créatures, laisse notre regard comme suspendu et sans objet,
et ne lui permet d'entrevoir ni aucunes bornes dans les hautes
régions où il l'a transporté, ni aucunes limites où il puisse
se fixer, car ces paroles : « Au commencement, » expriment à la
fois l'Etre infini et éternel.
S.
Augustin : (serm. 38 sur les par. du
Seign). On fait cette objection : S'il est Fils, donc il est né.
Nous l'avouons. Ils ajoutent : S'il est né un Fils au Père, il
était Père avant la naissance de son Fils. La foi rejette cette
conclusion. Mais, poursuit-on, expliquez-moi donc comment le Père
a pu avoir un Fils, qui fut coéternel au Père dont il est né,
car le fils naît après son père pour lui succéder après sa
mort. Ils vont chercher leurs comparaisons dans les créatures, il
nous faut donc aussi trouver des comparaisons à l'appui des
vérités que nous défendons. Mais comment pouvoir trouver dans
toute la création un être coéternel, alors qu'aucune créature
n'est éternelle ? Si nous pouvions trouver ici-bas deux êtres
absolument contemporains, l'un qui engendre, l'autre qui est
engendré, nous pourrions avoir une idée de l'éternité
simultanée du Père et du Fils. La sagesse nous est représentée
dans l'Ecriture comme l'éclat de la lumière éternelle et comme
l'image du Père. Cherchons dans ces deux termes une comparaison
qui, à l'aide de deux choses existant simultanément, puisse nous
donner l'idée de deux êtres coéternels. Personne n'ignore que
l'éclat de la lumière vient du feu; supposons donc que le feu
est le père de cet éclat, dès que j'allume une lampe, le feu et
la lumière existent simultanément. Donnez-moi du feu sans
lumière, et je vous concéderai que le Père n'a point eu de
Fils. L'image doit son existence au miroir, cette image se produit
dès qu'un homme se regarde dans un miroir, mais celui qui se
regarde dans un miroir existait avant de s'en approcher. Prenons
encore comme objet de comparaison une plante on un arbuste nés
sur le bord des eaux, est-ce que leur image ne naît pas
simultanément avec eux ? Si donc cet arbuste existait toujours,
l'image de l'arbuste aurait la même durée. Or, ce qui vient d'un
être est vraiment né de lui; l'être qui a engendré peut donc
toujours avoir existé avec celui qui est né de lui. Mais on me
dira : Je comprends que le Père soit éternel, et que le Fils lui
soit coéternel, mais de la même manière que je comprends
l'éclat du feu moins brillant que le feu lui-même, ou comme
l'image de l'arbuste qui se produit dans les eaux, moins réelle
et moins parfaite que l'arbuste lui-même. Non, l'égalité est
parfaite et absolue. Je ne le crois point, me réplique-t-on,
parce que vos comparaisons ne sont pas justes. Peut-être,
cependant, trouverons-nous dans les créatures des choses qui nous
feront comprendre comment le Fils est coéternel au Père, sans
lui être inférieur, mais ce ne sera pas dans un seul objet de
comparaison. Joignons donc ensemble deux comparaisons différentes,
celle qu'ils donnent eux-mêmes et celle que nous apportons. Ils
ont emprunté leur comparaison aux êtres qui sont postérieurs
par le temps à ceux qui leur donnent naissance, par exemple, à
l'homme qui naît d'un autre homme; mais cependant ces deux hommes
ont une même nature. Nous trouvons donc dans cette naissance
l'égalité de nature, mais nous n'y trouvons pas l'égalité
d'existence. Au contraire, dans cette autre comparaison empruntée
à l'éclat du feu et à l'image de l'arbuste, vous ne trouvez pas
l'égalité de nature, mais l'égalité de temps. Vous trouvez
donc réunies en Dieu les propriétés qui sont disséminées dans
plusieurs créatures, et vous les trouvez réunies, non pas comme
elles sont dans les créatures, mais avec la perfection qui
convient au Créateur.
actes
du concile d'ephèse. L'Ecriture appelle le Fils, tantôt le Fils
du Père, tantôt le Verbe, tantôt l'éclat de la lumière
éternelle, et elle emploie tour à tour ces divers noms en
parlant du Christ, pour les opposer aux blasphèmes de l'hérésie.
Votre fils est de même nature que vous; l'Ecriture, pour vous
montrer que le Père et le Fils ont une même nature, appelle le
Fils, qui est né du Père, son Fils unique. Mais comme la
naissance d'un fils rappelle l'idée de souffrance et de douleur
qui accompagnent inséparablement la génération humaine, la
sainte Ecriture appelle le Fils de Dieu le Verbe, pour éloigner
toute idée de souffrance de la génération divine. Et encore,
tout père est incontestablement plus âgé que son fils, mais il
n'en est pas de même pour la nature divine, et c'est pour cela
qu'elle appelle le Fils unique du Père, l'éclat de la lumière
éternelle. En effet, la lumière naît du soleil, mais elle ne
lui est point postérieure. Le nom d'éclat de la lumière
éternelle vous montre donc que le Fils est coéternel au Père,
le nom de Verbe vous prouve l'impassibilité de sa naissance, et
le nom de Fils, sa consubstantialité avec le Père.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean).
On objecte encore : Ces paroles : « Au commencement, » ne
signifient pas simplement et nécessairement l'éternité, car
n'est-il pas dit de la création du ciel et de la terre : « Au
commencement, Dieu fit le ciel et la terre ? » Mais qu'a de
commun cette expression : « Il était, » avec cette autre : «
Il fit ? » Lorsqu'on dit d'un homme : « Il est » cette
expression marque le temps présent; lorsqu'on l'applique à Dieu,
elle signifie celui qui existe toujours et de toute éternité. De
même l'expression : « Il était, » appliquée à notre nature,
signifie le temps passé, mais lorsqu'il s'agit de Dieu, elle
exprime son éternité. — Origène :
(hom. 2. sur div. sujets). Le verbe être
a une double signification, tantôt il exprime les différentes
successions de temps, lorsqu'il se conjugue avec d'autres verbes;
tantôt il exprime la nature de la chose dont on parle sans aucune
succession de temps, c'est pour cela qu'il est appelé verbe
substantif. — S. Hilaire : (De
la Trin., 2). Jetez donc un regard sur le monde, comprenez ce qui
est écrit du monde : « Au commencement Dieu créa le ciel et la
terre. » Ce qui est créé reçoit donc l'existence au
commencement, et ce qui se trouve renfermé dans le principe qui
lui donne l'existence se trouve également renfermé dans les
limites du temps. Or, ce simple pécheur, sans lettres, sans
science, s'affranchit des bornes du temps, remonte avant tous les
siècles et s'élève au-dessus de tout commencement. Car ce qui
était, c'est ce qui est, ce qui n'est circonscrit par aucune
durée, et qui était au commencement ce qu'il est, bien plutôt
qu'il n'était fait. — Alcuin : C'est
donc contre ceux qui alléguaient la naissance temporelle du
Christ, pour enseigner qu'il n'avait pas toujours existé, que
l'Evangéliste commence son récit par l'éternité du Verbe : «
Au commencement était le Verbe. »
Et
le Verbe était en Dieu.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 2 sur S. Jean).
C'est surtout le propre de Dieu d'être éternel et sans
commencement, c'est ce que l'Evangéliste a établi tout d'abord,
mais de peur qu'on ne vînt à conclure de ces paroles : « Au
commencement était le Verbe, » que le Verbe n'a pas été
engendré, il ajoute aussitôt pour repousser cette idée : « Et
le Verbe était en Dieu. » — S. Hilaire
: (De la Trin., 2). Il est dans le Père
sans aucun commencement, il n'est point soumis à la succession du
temps, mais il a un principe de son existence. — S.
Basile de Césarée : (hom. précéd). Il
s'exprime encore de la sorte contre ceux qui osaient blasphémer
que le Verbe n'était pas. Où donc était le Verbe ? Il n'était
pas dans un lieu, car ce qui ne peut être circonscrit, ne peut
être soumis aux lois de l'espace. Mais où était-il donc ? Il
était en Dieu. Or, ni le Père, ni le Fils, ne peuvent être
contenus dans aucun espace.
Origène
: Il est utile de faire remarquer que nous
lisons dans l'Ecriture, que le verbe ou la parole a été faite ou
adressée à quelques-uns, par exemple à Osée, à Isaïe, à
Jérémie; mais le Verbe n'est pas fait en Dieu comme une chose
qui n'existe pas en lui. C’est donc d’un être qui est
éternellement en lui, que l'Evangéliste dit : « Et le Verbe
était avec Dieu, » paroles qui prouvent que, même au
commencement le Fils n'a jamais été séparé du Père. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 3 sur S. Jean).
Il ne dit pas : Il était en Dieu, mais : « Il était avec Dieu,
» nous montrant ainsi son éternité comme personne distincte. —
Théophylactus : L’erreur
de Sabellius se trouve détruite par ces paroles. Cet hérétique
enseignait que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne formaient
qu’une seule personne, qui se manifestait tantôt comme le Père,
tantôt comme le Fils, et tantôt comme le Saint-Esprit; mais quoi
de plus fort pour le confondre que ces paroles : « Et le Verbe
était en Dieu ? » car l’Evangéliste déclare ouvertement que
le Fils est différent du Père, qu il désigne ici par le nom de
Dieu.
Et
le Verbe était Dieu.
S.
Hilaire : (De la Trin., 2). Vous me direz
: Le Verbe, c'est le son de la voix l'énoncé des choses,
l'expression des pensées. Le Verbe était dans le principe avec
Dieu, parce que la parole, expression de la pensée, est
éternelle, lorsque celui qui pense est éternel lui-même. Mais
comment le Verbe était-il au commencement, lui qui n'est ni
avant, ni après le temps; je ne sais même s'il peut exister dans
le temps ? Lorsque les hommes parlent, leur parole n'existe pas
avant qu'ils ouvrent la bouche, et lorsqu'ils ont fini de parler,
elle n'existe plus; au moment même où ils arrivent à la fin de
leurs discours, le commencement a cessé d'exister; Mais si vous
avez admis, tout ignorant que vous êtes, ces premières paroles :
« Au commencement était le Verbe, » pourquoi demander ce que
signifient les suivantes : « Et le Verbe était avec Dieu. »
Est-ce que vous pouviez supposer qu'en Dieu le Verbe était
l'expression d'une pensée cachée, ou bien Jean aurait-il ignoré
la différence qui existe entre ces deux termes : Etre et assister
? Ce qui était au commencement vous est présenté comme étant,
non pas dans un autre, mais avec un autre. Faites donc attention
au nom et à la nature qu'il donne au Verbe : « Et le Verbe était
Dieu. » Il n'est plus question du son de la voix, de l'expression
de la pensée; ce verbe est un être subsistant et non pas un son,
c'est une substance, une nature et non une simple expression, ce
n'est pas une chose vaine, c'est un Dieu. — S.
Hilaire : (De la Trin., 7). L'Evangéliste
lui donne le nom de Dieu sans aucune addition étrangère qui
puisse être matière à difficulté. Il a bien été dit à Moïse
: « Je t'ai établi le dieu de Pharaon. » (Ex 7, 1). Mais on
voit immédiatement la raison de cette dénomination dans le mol
qui l'accompagne : « de Pharaon, » c'est-à-dire, que Moïse a
été établi le dieu de Pharaon, pour s'en faire craindre et
prier, pour le châtier et pour le guérir; mais il y a une grande
différence entre ces deux choses : Etre établi le dieu de
quelqu'un et être véritablement Dieu. Je me rappelle encore un
autre endroit des Ecritures où nous lisons : « J'ai dit : Vous
êtes des dieux. » (Ps 81) Mais il est facile de voir que ce nom
n'est donné ici que par simple concession; et ces paroles : «
J'ai dit, » expriment bien plutôt une manière de parler que la
réalité du nom qui est donné. Au contraire, lorsque j'entends
ces paroles : « Et le Verbe était Dieu; » je comprends que ce
n'est point une simple dénomination, mais une véritable
démonstration de sa divinité.
S.
Basile de Césarée : (homél. précéd).
C'est ainsi que l'Evangéliste réprime les calomnies et les
blasphèmes de ceux qui osent demander : Qu'est-ce que le Verbe ?
Il répond : « Et le Verbe était Dieu. » — Théophylactus
: On peut encore donner une autre liaison
de ces paroles avec ce qui précède. Puisque le Verbe était avec
Dieu, il est évident qu'il y avait deux personnes distinctes,
n'ayant toutes deux qu'une seule et même nature; c'est ce
qu'affirmé l'Evangéliste : « Et le Verbe était Dieu, »
c'est-à-dire, que le Père et le Fils n'ont qu'une même nature,
comme ils n'ont qu'une même divinité. — Origène
: Ajoutons que le Verbe ou la parole que
Dieu adressait aux prophètes, les éclairait, de la lumière de
la sagesse; au contraire, le Verbe qui est avec Dieu, reçoit de
Dieu la nature divine, et voilà pourquoi saint Jean a fait
précéder ces paroles : « Et le Verbe était Dieu; » de ces
autres : « Et le Verbe était avec Dieu ou en Dieu. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean).
Et il n'est pas Dieu dans le sens de Platon, qui l'appelle tantôt
une certaine intelligence, tantôt l'âme du monde, toutes choses
complètement étrangères à sa nature divine. Mais on nous fait
cette objection : Le Père est appelé Dieu avec addition de
l'article, et le Fils sans l'article. Que dit en effet l'apôtre
saint Paul ? « Du grand Dieu et notre Sauveur Jésus-Christ. »
(Tite, 2, 13). Et dans un autre endroit : « Qui est Dieu
au-dessus de toutes choses? » (Rm 9, 5). C'est-à-dire, que le
Fils est appelé Dieu sans article. Nous répondons que la même
observation peut s'appliquer au Père. En effet, saint Paul
écrivant aux Philippiens, dit : « Qui ayant la forme et la
nature de Dieu (έν μορφή Θεού, sans article), n'a point
cru que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à Dieu. »
(Ph 2, 6). Et dans son Epître aux Romains : « Grâce et paix
soient à vous de la part de Dieu (άπό Θεού, sans article),
notre Père, et de Jésus-Christ Notre Seigneur. » (Rm 1, 7).
D'ailleurs, il était parfaitement inutile de mettre ici
l'article, alors qu'on l'avait employé mainte fois dans ce qui
précède. Donc le Fils n'est pas Dieu dans un sens plus
restreint, parce que le nom de Dieu qui lui est donné n'est pas
précédé de l'article.
Verset
2.
Il
était au commencement avec Dieu.
S.
Hilaire : (De la Trin., 2). Ces paroles :
« Et le Verbe était Dieu, » m'étonnent, et cette locution
inusitée me jette dans le trouble, lorsque je me rappelle que les
prophètes ont annoncé un seul Dieu. Mais notre pêcheur calme
bientôt ce trouble en donnant la raison d'un si grand mystère;
il rapporte tout à un seul Dieu, et fait ainsi disparaître toute
idée injurieuse à la divinité, toute pensée d'amoindrissement
ou de succession de temps, en ajoutant : « Il était au
commencement avec Dieu, » avec Dieu qui n'a pas été engendré,
et dont il est proclamé seul le Fils unique, qui est Dieu. —
Théophylactus : Ou
encore, c'est pour prévenir ce soupçon diabolique qui pouvait en
troubler plusieurs, que le Seigneur étant Dieu, s'était déclaré
contre son Père (comme l'ont imaginé les fables des païens), et
séparé de son Père pour se mettre en opposition avec lui, que
l'Evangéliste ajoute : « Il était au commencement avec Dieu, »
c'est-à-dire, le Verbe de Dieu n'a jamais eu d'existence séparée
de celle de Dieu.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean).
Ou bien encore ces paroles : « Au commencement était le Verbe, »
tout en établissant l'éternité du Verbe, pouvaient laisser
croire que la vie du Père avait précédé, ne fût-ce que d'un
moment la vie du Fils; saint Jean va au-devant de cette pensée,
et se hâte de dire : « Il était dans le commencement avec Dieu,
» il n'en a jamais été séparé, mais il était toujours Dieu
avec Dieu. Ou encore, comme ces paroles : « Et le Verbe était
Dieu, » pouvaient donner ù penser que la divinité du Fils était
moindre que celle du Père, il apporte aussitôt un des attributs
particuliers de la divinité, c'est-à-dire, l'éternité, en
disant : « Il était au commencement avec Dieu; et il fait
ensuite connaître quelle a été son œuvre, en ajoutant : «
Toutes choses ont été faites par lui. »
Origène
: Ou bien encore, l'Evangéliste résume
les trois propositions qui précèdent dans cette seule
proposition : « Il était au commencement avec Dieu. » La
première de ces propositions nous a appris quand était le Verbe,
il était au commencement; la seconde, avec qui il était, avec
Dieu; la troisième, ce qu'il était, il était Dieu. Voulant donc
démontrer que le Verbe dont il vient de parler est vraiment Dieu,
et résumer dans une quatrième proposition les trois qui
précèdent : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe
était avec Dieu, et le Verbe était Dieu, » il ajoute : « Il
était au commencement avec Dieu. » Demandera-t-on pourquoi
l'Evangéliste n'a pas dit : « au commencement était le Verbe de
Dieu, et le Verbe de Dieu était avec Dieu, et le Verbe de Dieu
était Dieu ? » Nous répondons que pour tout homme qui reconnaît
que la vérité est une, il est évident que la manifestation de
la vérité, manifestation qui est la sagesse, doit être
également une. Or, s'il n'y a qu'une seule vérité et qu'une
seule sagesse, la parole qui est l'expression de la vérité, et
qui répand la sagesse dans ceux qui sont capables de la recevoir,
doit aussi être une. En donnant cette réponse, nous sommes loin
de dire que le Verbe n'est pas le Verbe de Dieu, mais nous voulons
simplement montrer l'utilité de l'omission du mot Dieu.
D'ailleurs, saint Jean lui-même dit dans l'Apocalypse : « Et son
nom est le Verbe de Dieu. » — Alcuin :
Mais pourquoi s'est-il servi du verbe
substantif, « il était ? » Pour vous faire comprendre que le
Verbe de Dieu, coéternel à Dieu le Père, précède tous les
temps.
Verset
3.
Toutes
choses ont été faites par lui.
Alcuin
: Après avoir exposé la nature du Fils,
l'Evangéliste fait connaître ses œuvres : « Toutes choses ont
été faites par lui, » c'est-à-dire, tout ce qui existe comme
substance ou comme propriété. — S.
Hilaire : (De la Trin., 2). On pouvait
dire encore : Le Verbe était au commencement, mais il a pu ne pas
exister avant le commencement? Saint Jean répond : « Toutes
choses ont été faites par lui. » Celui par qui a été fait
tout ce qui est fait est un être infini, et comme toutes choses
viennent de lui, il est aussi le principe du temps.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean).
Moïse commence l'histoire de l'Ancien Testament, par le récit
détaillé de la création des choses extérieures : « Au
commencement, dit-il, Dieu fit le ciel et la terre; » paroles
qu'il fait suivre de la création de la lumière, du firmament,
des étoiles et des différentes espèces d'animaux.
L'Evangéliste, an contraire, abrège et résume tout ce récit en
un seul mot, comme étant connu de ses auditeurs; il entreprend un
sujet plus sublime, et consacre tout son Evangile, non aux œuvres
de la création, mais à la gloire du Créateur. — S.
Augustin : (de la Gen., à la lett. 2).
Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » nous
prouvent suffisamment que la lumière elle-même a été faite par
lui, lorsque Dieu dit : « Que la lumière soit, » de même que
tous les autres ouvrages de la création. Mais s'il en est ainsi,
puisque le Verbe de Dieu, qui est Dieu lui-même, est coéternel à
Dieu le Père, cette parole que Dieu prononce : « Que la lumière
soit, » est éternelle, bien que la créature n'ait été faite
que dans le temps. Ces expressions que nous employons, quand,
alors, désignent un temps déterminé, mais quand une chose doit
être faite par Dieu, elle est éternelle dans le Verbe de Dieu,
et elle est faite au moment où le Verbe a résolu de la faire,
car dans ce Verbe, il n'y a aucune de ces successions de temps
indiquées par ces expressions quand, alors, parce que le Verbe
tout entier est éternel.
S.
Augustin : (Traité 1 sur S. Jean).
Comment donc pourrait-il se faire que le Verbe de Dieu ait été
fait, alors que c'est par le Verbe que Dieu a fait toutes choses ?
Et si ce Verbe a été fait, par quel autre Verbe a-t-il été
fait ? Si vous dites qu'il est le Verbe du Verbe par lequel il a
été fait, moi je l'appelle le Fils unique de Dieu. Mais si vous
ne l'appelez pas le Verbe du Verbe, reconnaissez qu'il n'a pas été
fait, puisque toutes choses ont été faites par lui. — S.
Augustin : (De la Trin., 6). S'il n'a pas
été fait, il n'est pas créature, il a la même nature que son
Père, car toute substance qui n'est pas Dieu est créature, et la
substance qui n'a pas été créée est nécessairement la nature
divine.
Théophylactus
: Tel est le langage que tiennent les
Ariens; tout a été fait par le Fils, comme nous disons qu'une
porte a été faite avec une scie qui a servi d'instrument à
l'ouvrier, c'est-à-dire, qu'il n'a pas agi comme créateur, mais
comme instrument. Et ils prétendent que le Fils a été fait pour
servir d'instrument à la création des autres êtres. Nous
répondons simplement aux auteurs de ce mensonge : Si, comme vous
le dites, le Père avait créé le Fils, pour s'en servir comme
d'un instrument, la nature du Fils serait beaucoup moins noble que
celle des autres créatures qui ont été faites par lui. De même
qu'une scie est d'un rang inférieur à celui des ouvrages qu'elle
sert à faire, puisqu'elle n'existe que pour eux; c'est par le
même dessein, disent-ils, que Dieu a créé le Fils, comme si
Dieu n’eût jamais produit son Fils, dans l'hypothèse où il
n'aurait pas dû créer l'univers. Peut-on tenir un raisonnement
plus insensé ? Mais, ajoutent-ils, pourquoi l'Evangéliste
n'a-t-il pas dit que le Verbe a fait toutes choses, et s'est-il
servi de la préposition par : « Toutes choses ont été faites
par lui ? » C'est afin que vous ne croyez pas que le Fils n'a pas
été engendré, qu'il est sans principe, et comme le créateur de
Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom.
5 sur S. Jean). Si du reste cette expression : « Par lui » vous
déconcerte, et que vous vouliez trouver dans l'Ecriture un
témoignage que le Verbe a tout fait lui-même, écoutez David : «
Au commencement, Seigneur, vous avez créé la terre, et les cieux
sont les œuvres de vos mains. » (Ps. 101) C’est du Fils que le
Roi-prophète parle ainsi, comme vous l'apprend l'apôtre saint
Paul, qui lui applique ces paroles dans son Epître aux Hébreux
(He 1). Si vous prétendez que c'est du Père que le Roi-prophète
a voulu parler, et que saint Paul applique ces paroles au Fils,
notre raisonnement conserve toute sa force, car saint Paul ne les
aurait jamais appliquées au Fils, s'il n'avait été profondément
convaincu que le Père et le Fils ont la même puissance et la
même divinité. Si la préposition par vous parait indiquer une
infériorité quelconque, pourquoi saint Paul remploie-t-il à
l'occasion du Père ? « Dieu, écrit-il aux Corinthiens, par
lequel vous avez été appelés à la société de son Fils
Jésus-Christ, Nôtre-Seigneur, est fidèle; » (1 Co 1, 9) et
encore : « Paul, Apôtre par la volonté de Dieu ? » — Origène
: Valentin est aussi tombé dans l'erreur,
en disant que le Verbe avait été pour le Créateur la cause de
la création du monde. Car si les choses étaient telles qu'il les
affirme, l'Evangéliste aurait dû dire : que le Verbe a tout fait
par le Créateur, et non que le Créateur a tout fait par le
Verbe.
Et
sans lui rien n'a été fait.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 5 sur S. Jean,)
Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » ne
comprennent pas seulement les êtres dont Moïse nous rapporte la
création; aussi saint Jean ajoute-t-il expressément : « Et sans
lui rien n'a été fait, » soit des choses visibles, soit des
invisibles. Ou encore : c'est afin qu'on ne fût point tenté de
restreindre aux miracles racontés par les autres évangélistes,
ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » qu'il
ajoute : « Et sans lui rien n'a été fait. » — S.
Hilaire : (De la Trin., 2). Ou encore :
Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » ont un
sens indéterminé. Or, il y a un être qui n'a pas été engendré
et qui n'a été fait par personne; il y a un Fils qui a été
engendré par celui qui n'a pas eu de naissance, et l'Evangéliste
fait nécessairement supposer que le Père est l'auteur de toutes
choses, en parlant de celui qui lui est si étroitement associé,
et en disant : « Sans lui rien n'a été fait. » Car puisque
rien n'a été fait sans lui, je conclus nécessairement qu'il
n'est pas seul, mais qu'il y eu a un par qui tout a été fait, et
un autre sans lequel rien n'a été fait. — Origène
: (homélie 2 sur divers sujets). Ou
encore : L'Evangéliste veut aller au-devant de cette pensée
qu'il y a des choses qui sont faites par le Verbe, et d'autres qui
existent par elles-mêmes indépendamment du Verbe, et c'est pour
cela qu'il ajoute : « Et sans lui rien n'a été fait, »
c'est-à-dire, rien n'a été fait en dehors de lui, car il
embrasse, contient et conserve toutes choses. — S.
Augustin : (Quest. sur l'Anc. et le Nouv.
Test., 97). Ou bien encore : Ces paroles : « Sans lui rien n'a
été fait, » éloignent de nous jusqu'à l'idée que le Verbe
soit une simple créature. Comment soutenir, en effet, qu'il est
une créature, lorsque l'Evangéliste affirme que Dieu n'a rien
fait sans lui ?
Origène
: (Traité sur S. Jean). Ou bien encore,
si toutes choses ont été faites par le Verbe, et qu'au nombre de
ces choses se trouve le mal et tout le malheureux courant du
péché, le Verbe serait donc l'auteur du mal et du péché, ce
qu'il est impossible d'admettre. Le néant et le non être sont
deux termes qui ont la même signification. L'Apôtre lui-même
semble appeler le mal le non être, lorsqu'il dit : « Dieu
appelle les choses qui sont comme celles qui ne sont pas; » (Rm
4) ainsi sous le nom de rien, il faut comprendre le mal qui a été
fait sans le Verbe. — S. Augustin :
(Traité 1 sur S. Jean). En effet, le
péché n'a point été fait par le Verbe, et il est évident que
le péché c'est le rien, ou le non être, et que les hommes
tombent dans le rien, lorsqu'ils commettent le péché. L'idole,
non plus, n'a pas été faite par le Verbe; elle a bien une forme
humaine, et c'est par le Verbe que l'homme a été fait. Mais la
forme humaine n'a pas été donnée à l'idole par le Verbe, car
il est écrit : « Nous savons qu'une idole n'est rien. » (1 Co
8) Donc aucune de ces choses n'a été faite par le Verbe, mais il
est l'auteur de tout ce qui existe dans la nature, et de tout
l'ensemble des créatures depuis l'ange jusqu'au vermisseau.
Origène
: (Traité 2 sur S. Jean). Valentin
retranche du nombre des choses qui ont été faites par le Verbe,
celles qui ont été faites dans les siècles, et dont il fait
remonter l'existence avant le Verbe; opinion contraire à toute
évidence; car les choses qu'il regarde comme divines ne sont
point comprises dans toutes ces choses qui ont été faites par le
Verbe, et celles qui, de son avis, sont sujettes à la
destruction, en font évidemment partie. Quelques-uns prétendent,
mais à tort, que le démon n'est pas une créature de Dieu; ce
n'est qu'en tant qu'il est démon, qu'il n'est pas créature de
Dieu, mais celui qui a eu le malheur de devenir un démon, est
vraiment l'œuvre de Dieu; ainsi, disons-nous qu'un homicide n'est
point l'œuvre et la créature de Dieu, bien cependant que comme
homme il soit véritablement son œuvre.
S.
Augustin : (de la nature du bien, 25). Il
ne faut point s'arrêter à l'opinion absurde de ceux qui
prétendent qu'il faut entendre ici le rien d'un certain ordre
d'êtres, parce que ce mot rien se trouve placé à la fin de la
phrase; ils ne comprennent pas qu'il n'y a aucune différence
entre ces deux manières de s'exprimer : « Sans lui, rien n'a été
fait, » ou : « Sans lui n'a été fait rien. »
Origène
: (Traité 2 sur S. Jean). Si l'on prend
le verbe dans le sens qu'il se trouve en chacun de nous, et qu'il
nous a été donné par le Verbe qui était au commencement, ou
peut dire que nous ne faisons rien sans ce verbe, en prenant le
mot rien dans son sens le plus simple. L'Apôtre dit : « Que sans
la loi, le péché était mort, mais que le commandement étant
survenu, le péché est ressuscité; » (Rm 7, 8-9) car le péché
n'est pas imputé, lorsque la loi n'est pas encore. Le péché
n'existait pas non plus, avant que le Verbe descendît sur la
terre, au témoignage de Notre Seigneur lui-même : « Si je
n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils
n'auraient pas de péché. (Jn 15) En effet, il ne reste aucune
excuse à celui qui veut se justifier de ses fautes, alors qu'il a
refusé d'obéir au Verbe qui était présent, et qui lui
indiquait ce qu'il devait faire. Nous ne devons cependant ni
inculper ni accuser le Verbe, pas plus qu'on ne peut accuser un
maître dont les leçons ont ôté à son élève tout moyen de
rejeter ses fautes sur son ignorance. Donc toutes choses ont été
faites par le Verbe, non-seulement les choses de la nature, mais
tous les êtres privés de raison.
Verset
4.
Ce
qui a été fait était vie en lui.
S.
Bède : L'Evangéliste vient de dire que
toute créature a été faite par le Verbe; mais afin qu'on ne pût
supposer dans le Verbe une volonté changeante (comme si par
exemple il avait voulu faire une créature à laquelle il n'aurait
jamais songé de toute éternité), il prend soin de nous
enseigner que la création a eu lieu, il est vrai, dans le temps,
mais que le moment et l'objet de la création ont toujours existé
dans la pensée de l'éternelle sagesse, vérité qu'expriment ces
paroles : « Ce qui a été fait était vie en lui. »
S.
Augustin : (Traité 1 sur S. Jean) On peut
ainsi ponctuer ce texte : « Ce qui a été fait en lui, était
vie, » et si nous adoptons cette ponctuation, il faut dire : Tout
était vie, car qu'y a-t-il qui ne soit fait par lui ? Il est la
sagesse de Dieu, et nous lisons dans le Psaume 103 : «Vous avez
tout fait dans la sagesse. » Toutes choses ont donc été faites
en lui comme elles ont été faites par lui. Mais si tout ce qui a
été fait en lui est vie, donc la terre est vie, donc la pierre
est vie aussi. Gardons-nous de cette interprétation inconvenante
qui nous serait commune avec les manichéens, et nous ferait tenir
avec eux ce langage absurde, qu'une pierre, qu'une muraille ont en
elles la vie. Essaie-t-on de les reprendre et de les réfuter ?
ils cherchent à s'appuyer sur les Ecritures et nous disent :
Pourquoi est-il écrit : « Ce qui a été fait en lui, était vie
? » Il faut donc préférer cette ponctuation : « Ce qui a été
fait, était vie en lui. » Quel est le sens de ces paroles ? La
terre a été faite, mais la terre qui a été faite n'est point
la vie; ce qui est vie, c'est cette raison, cette pensée
éternelle qui existent dans la sagesse de bien, et en vertu de
laquelle la terre a été faite. Ainsi la vie n'est point dans un
meuble quelconque, lorsqu'il est exécuté; ce meuble, ce
bâtiment, si l'on veut, est vie dans son plan, parce qu'il est
vivant dans la pensée, dans le dessein de l'ouvrier ou de
l'architecte; de même comme la sagesse de Dieu, par laquelle
toutes choses ont été faites, contient dans ses plans éternels
tout ce qui se fait d'après ces plans, bien que ces choses ne
soient point en elles-mêmes la vie, elles sont vivantes dans
celui qui les a faites.
Origène
: (hom. sur div. suj). On peut donc sans
craindre d'erreur séparer ainsi les deux membres de cette phrase
: « Ce qui a été fait en lui, était vie, » et voici quel
serait le sens : Toutes les choses qui ont été faites par lui et
en lui sont vivantes et une même chose en lui. Car elles étaient,
c'est-à-dire elles existaient en lui, comme dans leur cause,
avant d'exister effectivement en elles-mêmes. Demandera-t-on
comment toutes les choses qui ont été faites par le Verbe sont
vivantes eu lui, et subsistent en lui d'une manière uniforme
comme dans leur cause ? La nature des êtres créés vous en offre
des exemples. Voyez comment toutes les choses que renferme la
sphère de ce monde visible subsistent comme dans leur cause et
d'une manière uniforme dans le soleil, qui est le plus grand des
astres; comment le nombre infini des végétaux et des fruits est
contenu dans chacune des semences; comment les règles multipliées
viennent se réduire à l'unité dans l'art de l'ouvrier, et sont
comme vivantes dans l'esprit qui les met en ordre; comment enfin
le nombre infini des lignes subsiste comme une seule unité dans
un seul point. De ces différents exemples puisés dans la nature,
vous pourriez vous élever comme sur les ailes de la contemplation
du monde physique jusqu'aux oracles du Verbe, pour les considérer
avec toute la pénétration de l'esprit, et pour voir autant que
cela est donné à des intelligences créées, comment toutes les
choses qui ont été faites par le Verbe sont vivantes et ont été
faites en lui.
S.
Hilaire : (de la Trin., 2). On peut encore
lire et entendre ces paroles d'une autre manière. En entendant
l'Evangéliste dire : « Sans lui rien n'a été fait, » quelque
esprit troublé pourrait dire : II y a donc quelque chose qui a
été fait par un autre, et qui cependant n'a pas été fait sans
lui, et si quelque chose a été fait par un autre, bien que non
sans lui, toutes choses n'ont pas été faites par lui; car il y a
une grande différence entre faire soi-même, et s'associer à
l'opération d'un autre. L'Evangéliste expose donc que rien n'a
été fait sans lui en disant : « Ce qui a été fait en lui, »
donc ce qui a été fait en lui n'a pas été fait sans lui. Car
ce qui a été fait en lui, a été fait aussi par lui, au
témoignage de l'Apôtre : « Toutes choses ont été créées par
lui et en lui. (Col 1, 16). C'est pour lui aussi que toutes choses
ont été créées, parce que le Dieu créateur s'est soumis à
une naissance temporelle; mais ici rien n'a été fait sans lui de
ce qui a été fait en lui, parce que le Dieu qui voulait naître
parmi nous était la vie; et celui qui était la vie, n'a pas
attendu sa naissance pour devenir la vie. Rien donc de ce qui se
faisait en lui, ne se faisait sans lui, parce qu'il est la vie qui
produisait ces choses, et le Dieu qui a consenti à naître parmi
nous, n'a pas attendu sa naissance pour exister, mais il existait
aussi en naissant.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean).
Ou encore dans un autre sens, ne plaçons pas après ces paroles :
« Sans lui rien n'a été fait, » le point qui termine la
phrase, comme font les hérétiques qui prétendent que l'Esprit
saint a été créé, et qui lui appliquent celles qui suivent : «
Ce qui a été fait en lui, était la vie. » En effet, cette
explication est inadmissible. D'abord ce n'était pas le moment de
parler de l'Esprit saint; mais supposons qu'il soit question de
l'Esprit saint, et admettons leur manière de lire le texte, leur
explication n'en sera ni moins absurde ni moins inconvenante. Ils
prétendent donc que ces paroles : « Ce qui a été fait en lui
était la vie, » s'appliquent à l'Esprit saint qui est la vie.
Mais cette vie est en même temps la lumière, car nous lisons à
la suite : « Et la vie était la lumière des hommes. » Donc
d'après ces hérétiques, c'est l'Esprit saint qui est appelé
ici la lumière de tous. Mais ce que l'Evangéliste appelait plus
haut le Verbe, c'est ce qu'il appelle ici Dieu, la vie et la
lumière. Or, comme le Verbe s'est fait chair, ce sera donc
l'Esprit saint qui se sera incarné et non le Fils. Il faut donc
renoncer à cette manière de lire le texte, et adopter une
lecture et une explication plus raisonnables. Or, voici comme on
doit lire : « Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui
rien n'a été fait de ce qui a été fait, » et arrêter là le
sens de la phrase, puis recommencer ensuite : « En lui était la
vie, comme s'il disait : « Sans lui rien n'a été fait de ce qui
a été fait, » c'est-à-dire de tout ce qui devait être fait.
Vous voyez comment en ajoutant deux mots au premier membre de
phrase, on fait disparaître toute difficulté. En effet, en
disant : « Sans lui rien n'a été fait, » et en ajoutant : «
De ce qui a été fait, » l'Evangéliste embrasse toutes les
créatures visibles et invisibles, et exclut évidemment l'Esprit
saint, car l'Esprit saint ne peut être compris parmi les
créatures qui pouvaient être faites et appelées à la vie. Ces
paroles de saint Jean ont donc pour objet la création de
l'univers; il en vient ensuite à l'idée de la Providence dont il
parle en ces termes : « En lui était la vie. » De même que
vous ne pouvez épuiser ni diminuer une de ces sources profondes
qui donnent naissance aux grands fleuves et alimentent les mers,
ainsi vous ne pouvez supposer la moindre altération dans le Fils
unique, quelles que soient les œuvres que vous croyiez qu'il ait
faites. Ces paroles : « En lui était la vie, » ne se rapportent
pas seulement à la création, mais à la Providence qui conserve
l'existence aux choses qui ont été créées. Gardez-vous
toutefois de supposer rien de composé ou de créé dans le Fils,
en entendant l'Evangéliste tous dire : « En lui était la vie, »
car a comme le Père a en soi la vie, ainsi a-t-il donné au Fils
d’avoir la vie en soi. » (Jn 5) Ne supposez donc rien de créé
dans le Fils, pas plus que vous ne le supposez dans le Père.
Origène
: (Traité 3 sur S. Jean). On peut donner
encore cette autre explication : Il faut se rappeler que dans le
Sauveur certains attributs ne sont point pour lui, mais pour les
autres, et certains autres sont tout à la fois pour lui et pour
les autres. Gomment donc doit-on ici entendre ces paroles : « Ce
qui a été fait dans le Verbe, était vie en lui ? »
Signifient-elles qu'il était la vie pour lui et pour les autres,
ou qu'il ne l'était que pour les autres ? et s'il ne l'était que
pour les autres, quels sont ces antres ? Le Verbe est à la fois
vie et lumière. Or, il est la lumière des hommes, il est donc
aussi la vie de ceux dont il est la lumière, et ainsi lorsque
l'Evangéliste dit qu'il est la vie, ce n'est point pour lui, mais
pour ceux dont il est la lumière. Cette vie est inséparable du
Verbe de Dieu, et elle existe par lui, aussitôt qu'elle a été
faite, il faut, en effet, que la raison ou le Verbe soit comme
préexistant dans l'âme pour la purifier, et lui donner une
pureté exempte de tout péché, afin que la vie puisse
s'introduire et se répandre dans celui qui s'est rendu capable de
recevoir le Verbe de Dieu. Aussi l'Evangéliste ne dit pas que le
Verbe a été fait au commencement; car on ne peut supposer de
commencement où le Verbe de Dieu n'existât point, mais la vie
des hommes n'était pas toujours dans le Verbe; cette vie des
hommes a été faite, parce que cette vie était la lumière des
hommes. En effet, avant que l'homme existât, il n'était pas la
lumière des hommes, cette lumière ne pouvant se comprendre que
dans ses rapports avec les hommes. C'est pourquoi saint Jean dit :
« Ce qui a été fait était vie dans le Verbe, » et non pas :
Ce qui était dans le Verbe était vie. D'après une autre
variante qui n'est pas dénuée de fondement, on lit : « Ce qui a
été fait en lui, était vie. » Or, si nous comprenons que la
vie des hommes qui est dans le Verbe, est celle dont il a dit : «
Je suis la vie, » (Jn 11, 14) nous en conclurons qu'aucun de ceux
qui refusent de croire à Jésus-Christ n'a la vie en lui, et que
tous ceux qui ne vivent pas en Dieu sont morts.
Et
la vie était la lumière des hommes.
Théophylactus :
L'Evangéliste vient de dire : « En lui était la vie, » pour
éloigner de vous cette pensée, que le Verbe n'avait point la
vie. Il vous enseigne maintenant qu'il est la vie spirituelle et
la lumière de tous les êtres raisonnables : « Et la vie était
la lumière des hommes; » comme s'il disait : Cette lumière
n'est point sensible, c'est une lumière toute spirituelle qui
éclaire l'âme elle-même. — S. Augustin
: (Traité 1 sur S. Jean). C'est cette vie
qui éclaire tous les hommes; les animaux sont privés de cette
lumière, parce qu'ils n'ont point d'âmes raisonnables, capables
de voir la sagesse. L'homme, au contraire, qui a été fait à
l'image de Dieu, est doué d'une âme raisonnable qui lui permet
de comprendre la-sagesse. Ainsi cette vie qui a donné l'existence
à toutes choses, est en même temps la lumière, qui éclaire non
pas indistinctement tous les animaux, mais les hommes
raisonnables.
Théophylactus
: Il ne dit pas que cette lumière éclaire
seulement les Juifs, c'est la lumière de tous les hommes. Tous
les hommes, en effet, par là même qu'ils reçoivent
l'intelligence et la raison du Verbe qui les a créés, sont
éclairés de cette divine lumière; car la raison qui nous a été
donnée, et qui fait de nous des êtres raisonnables, est la
lumière qui nous éclaire sur ce que nous devons faire et sur ce
que nous devons éviter.
Origène
: N'oublions pas de remarquer que le Verbe
est la vie avant d'être la lumière des hommes; il eût été peu
logique de dire qu'il éclairait ceux qui n'avaient point la vie,
et de faire précéder la vie par la lumière. Mais si ces paroles
: « La vie était la lumière des hommes, » doivent s'entendre
exclusivement des hommes, il en faudra conclure que Jésus-Christ
n'est la lumière et la vie que des hommes seuls, ce qui est
contraire à la foi. Lors donc qu'une chose est affirmée de
quelques-uns, ce n'est pas à l'exclusion des autres. Ainsi, il
est écrit de Dieu, qu'il est le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob; évidemment, il n'est pas exclusivement le Dieu de ces
patriarches. De ce qu'il est la lumière des hommes, il ne
s'ensuit donc point qu'il ne soit pas également la lumière pour
d'autres. Il en est qui s'appuient sur ces paroles : « Faisons
l'homme à notre image et à notre ressemblance, » pour soutenir
qu'il faut ici comprendre sous le nom d'hommes tous les êtres qui
ont été faits à l'image et à la ressemblance de Dieu; et ainsi
la lumière des hommes, c'est la lumière qui éclaire toute
créature raisonnable.
Verset
5.
Et
la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont
pas comprise.
S.
Augustin : (Traité 1 sur S. Jean). Cette
vie était donc la lumière des hommes, mais les cœurs des
insensés ne peuvent comprendre cette lumière, appesantis qu'ils
sont par leurs péchés qui leur dérobent la vue de cette divine
lumière. Toutefois, qu'ils ne croient pas que cette lumière est
loin d'eux, parce qu'ils ne peuvent la voir : « Et la lumière
luit dans les ténèbres, dit l'Evangéliste, et les ténèbres ne
l'ont pas comprise. » Placez un aveugle devant le soleil, le
soleil lui est présent, mais il est comme absent pour le soleil.
Or, tout insensé est un aveugle; la sagesse est devant lui, mais
comme elle est devant un aveugle, elle ne peut éclairer ses yeux,
non parce qu'elle est loin de lui, mais parce qu'il est loin
d'elle.
Origène
: (Traité 3 sur S. Jean). Si la vie est
la même chose que la lumière des hommes, aucun de ceux qui sont
dans les ténèbres ne vit véritablement, comme aucun de ceux qui
sont vivants n'est dans les ténèbres, car tout homme qui a la
vie est dans la lumière, comme réciproquement tout homme qui est
dans la lumière a la vie en lui. Or, d'après ce que nous avons
dit des contraires, nous pouvons comprendre et apprécier ici les
contraires dont l'Evangéliste ne parle pas. Le contraire de la
vie c'est la mort, et le contraire de la lumière des hommes, ce
sont les ténèbres qui couvrent leur intelligence. Donc celui qui
est dans les ténèbres est aussi dans la mort, et celui qui fait
des œuvres de mort ne peut être que dans les ténèbres; celui
au contraire qui fait des œuvres de lumière, ou celui dont les
œuvres brillent devant les hommes, et qui a toujours présent le
souvenir de Dieu, n'est point dans la mort, d'après cette parole
du Psaume sixième : « Celui qui se souvient de vous n'est point
redevable à la mort. » Que les ténèbres des hommes et de la
mort soient telles de leur nature ou pour d'autres causes, c'est
une autre question. Or, nous étions autrefois ténèbres, mais
nous sommes devenus lumière en Notre Seigneur (Ep 5), si nous
sommes tant soit peu initiés à la sainteté et à la vie
spirituelle. Tout homme qui a été autrefois ténèbres, l'a été
comme l'apôtre saint Paul, tout en demeurant capable de devenir
lumière dans le Seigneur. — (Hom. 2 sur div. suj). Ou bien
encore, dans un autre sens, la lumière des hommes, c'est Notre
Seigneur Jésus-Christ, qui s'est manifesté lui-même dans la
nature humaine à toute créature raisonnable et intelligente, et
a révélé aux cœurs des fidèles les mystères de sa divinité
qui le rend égal au Père; ce que saint Paul exprime en ces
termes : « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes
maintenant lumière dans le Seigneur. » Dites donc : « La
lumière luit dans les ténèbres, » parce que le genre humain
tout entier était plonge, non par nature, mais par suite du péché
originel dans les ténèbres de l'ignorance qui lui dérobaient la
connaissance de la vérité; or Jésus-Christ, après être né
d'une Vierge, a brillé comme une vive lumière dans le cœur de
tous ceux qui veulent le connaître. Il en est toutefois qui
persistent à demeurer dans les ténèbres épaisses de l'impiété
et de l'incrédulité, voilà pourquoi l'Evangéliste ajoute : «
Et les ténèbres ne l'ont point comprise, » c'est-à-dire, la
lumière luit dans les ténèbres des urnes fidèles, ténèbres
qu'elle dissipe en faisant naître la foi et en conduisant à
l'espérance. Mais l'ignorance et la perfidie des cœurs privés
de la véritable sagesse n'ont pu comprendre la lumière du Verbe
de Dieu qui brillait dans une chair mortelle. Telle est
l'explication morale de ces paroles; en voici le sens littéral :
La nature humaine, en la supposant même exempte de péché, ne
pourrait pas luire par ses propres forces, car de sa nature elle
n'est pas lumière, mais capable seulement de participer à la
lumière; elle peut recevoir la sagesse, mais elle n'est pas la
sagesse elle-même. L'air qui nous environne ne luit point par
lui-même et ne mérite que le nom de ténèbres. Ainsi notre
nature, considérée en elle-même, est une certaine substance
ténébreuse, capable d'être éclairée par la lumière de la
sagesse. Lorsque l'atmosphère est pénétrée par les rayons du
soleil, on ne peut pas dire qu'elle luit par elle-même, mais
qu'elle est éclairée par la lumière du soleil; ainsi, lorsque
la partie intelligente de notre nature jouit de la présence du
Verbe, ce n'est point par elle-même qu'elle arrive à la
connaissance de son Dieu et des autres choses intelligibles, mais
par la lumière divine, qui l'éclairé de ses rayons. La lumière
luit donc dans les ténèbres, parce que le Verbe de Dieu, qui est
la vie et la lumière des hommes, ne cesse de répandre cette
lumière dans notre nature qui, considérée en elle-même, n'est
qu'une substance ténébreuse et informe, et comme la lumière par
elle-même est incompréhensible à toute créature, c'est avec
raison que l'Evangéliste ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont
point comprise. »
S.
Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean).
On peut encore expliquer ces paroles dans un autre sens :
L'Evangéliste a voulu d'abord nous parler de la création, et il
nous apprend ensuite les biens spirituels dont le Verbe nous a
comblés en venant parmi nous, en disant : « Et la vie était la
lumière des hommes. » Il ne dit pas : Il était la lumière des
Juifs, mais il était la lumière de tous les hommes sans
exception; car ce ne sont pas seulement les Juifs, mais les
Gentils, qui sont parvenus à la connaissance du Verbe. S'il
n'ajoute pas qu'il était la lumière des anges, c'est qu'il parle
seulement ici de la nature humaine à laquelle le Verbe de Dieu
est venu annoncer de si grands biens.
Origène
: (Traité 1 sur S. Jean). On nous demande
pourquoi ce n'est point le Verbe qui est appelé la lumière des
hommes, mais la vie qui est dans le Verbe ? Nous répondons que la
vie dont il est ici question n'est pas la vie qui est commune aux
créatures raisonnables, mais celle qui est unie au Verbe et qui
nous est donnée par la participation à ce Verbe primitif et
essentiel, pour nous faire discerner la vie apparente et sans
réalité et désirer la véritable vie. Nous participons donc
premièrement à la vie qui, pour quelques-uns, n'est point encore
la possession actuelle de la lumière, mais la faculté de la
recevoir, parce qu'ils n'ont point un désir assez vif de ce qui
peut leur donner la science. Pour d'autres, au contraire, cette
vie est la participation actuelle à la lumière, ce sont ceux
qui, suivant le conseil de l'Apôtre, recherchent les dons les
plus parfaits (1 Co 12), c'est le Verbe de la sagesse qui est
suivi de près par les enseignements de la science.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 4 sur S. Jean).
Ou bien encore, la vie dont parle ici l'Evangéliste, n'est pas
seulement celle que nous avons reçue par la création, mais la
vie éternelle et immortelle qui nous est préparée par la
providence de Dieu. Lorsque nous entrons en possession de cette
vie, l'empire de la mort est à jamais détruit, et dès que cette
lumière brille à nos yeux, les ténèbres disparaissent sans
retour; ni la mort ne peut triompher de cette vie qui est
éternelle, ni les ténèbres obscurcir celte lumière qui ne
s'éteindra jamais. « Et la lumière luit dans les ténèbres. »
Ces ténèbres, c'est la mort et l'erreur, car la lumière
sensible ne luit pas dans les ténèbres, mais elles disparaissent
à son approche, tandis que la prédication de Jésus-Christ a
brillé au milieu de l'erreur qui étendait son règne sur toute
la terre et l'a chassée devant elle; et Jésus-Christ, par sa
mort, a changé la mort en vie et a remporté sur elle un triomphe
si complet, qu'il a délivré ceux qu'elle retenait captifs. C'est
donc parce que cette prédication n'a pu être vaincue ni par la
mort, ni par l'erreur, et qu'elle brille de toute part du plus vif
éclat et par sa propre force, que l'Evangéliste ajoute : « Et
les ténèbres ne l'ont point comprise. »
Origène
: (Traité 4 sur S. Jean). Il faut savoir
que le mot ténèbres, comme le nom d'hommes, signifie deux choses
spirituelles. Nous disons d'un homme qui est en possession de la
lumière, qu'il fait les œuvres de la lumière, et qu'il puise la
connaissance au sein même de la lumière de la science. Tout au
contraire, nous appelons ténèbres les actes coupables et la
fausse science qui n'a que l'apparence de la science. Mais de même
que le Père est lumière et qu'il n'y a point en lui de ténèbres
(1 Jn 1, 5), ainsi en est-il du Sauveur. Toutefois, comme il a
revêtu la ressemblance de la chair du péché (Rm 8), on peut
dire sans inconvenance, qu'il y a en lui quelques ténèbres,
puisqu'il a pris sur lui nos ténèbres pour les dissiper. Cette
lumière, qui est devenue la vie des hommes, brille au milieu des
ténèbres de nos âmes, et répand ses clartés là où le prince
de ces ténèbres est en guerre avec le genre humain. (Ep 6) Les
ténèbres ont persécuté cette lumière, comme le prouve ce que
le Sauveur et ses disciples ont eu à souffrir dans ce combat des
ténèbres contre les enfants de lumière. Mais grâce à la
protection divine, ces ténèbres restent sans force, et ne
peuvent s'emparer de la lumière, ou parce que la lenteur
naturelle de leur marche ne leur permet pas de suivre la course
rapide de la lumière, ou parce qu'elles sont mises en fuite à
son approche si elles attendent son arrivée. Remarquons que les
ténèbres ne sont pas toujours prises en mauvaise part, et
qu'elles sont quelquefois le symbole d'une bonne chose, par
exemple, dans ce passage du Psalmiste : « Il a choisi sa retraite
dans les ténèbres, » c'est-à-dire, que tout ce qui a rapport à
Dieu, est comme caché et incompréhensible pour l'intelligence
humaine. Les ténèbres, entendues dans ce sens, conduisent à la
lumière et finissent par la saisir, car ce que l'ignorance
couvrait comme d'un nuage devient une lumière éclatante pour
celui qui a cherché à la connaître. — S.
Augustin : (De la cité de Dieu, 10, 3).
Un platonicien a dit que le commencement de ce saint Evangile
devrait être écrit en lettres d'or et placé dans l'endroit le
plus éminent de toutes les Eglises. — S.
Bède : En effet, les autres Evangélistes
racontent la naissance temporelle du Christ; saint Jean nous
affirme qu'il était au commencement. Les autres le font descendre
aussitôt du haut du ciel parmi les hommes; saint Jean déclare
qu'il a toujours été avec Dieu : « Et le Verbe était avec
Dieu. » Les trois premiers évangélistes décrivent sa vie
mortelle au milieu des hommes; saint Jean nous le présente comme
Dieu étant avec Dieu au commencement : « Il était au
commencement avec Dieu. » Les trois autres racontent les grandes
choses qu'il a faites comme homme; saint Jean nous enseigne que
Dieu le Père a fait toutes choses par lui : « Toutes choses ont
été faites par lui, et rien n'a été fait sans lui. »
Versets
6-8.
S.
Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). Tout
ce qui précède avait pour objet la divinité de Jésus-Christ,
qui, en venant à nous, s'est revêtu d'une forme humaine. Mais
comme dans le Verbe fait chair, l'humanité cachait un Dieu; un
homme extraordinaire fut envoyé devant lui, pour découvrir en
lui, par son témoignage, un caractère supérieur à l'homme. Et
quel a été cet envoyé ? « Il y eut un homme. » —
Théophylactus : Ce
ne fut pas un ange, pour détruire les idées qu'un grand nombre
s'était faites de la nature de Jean-Baptiste. — S.
Augustin : Et comment pourra-t-il nous
dire la vérité en parlant de Dieu ? « Il fut envoyé de Dieu. »
— S. Jean Chrysostome : (hom.
6 sur S. Jean). Gardez-vous de croire que cet envoyé de Dieu
tienne un langage purement humain, ce n'est point de lui-même
qu'il vient parler, toutes ses paroles lui sont dictées par celui
qui l'a envoyé; c'est pour cela qu'un prophète lui donne le nom
d'ange en parlant de lui : « Voici que j'envoie mon ange, » car
un ange (ou envoyé), ne dit rien de lui-même, et ne fait que
transmettre les ordres de celui qui l'envoie. Ces paroles : « Il
fut envoyé, » ne signifie pas un acte qui tend à donner l'être,
mais qui destine à l'accomplissement d'un ministère. De même
qu'Isaïe ne fut pas appelé d'autre part que du monde où il
était, et qu'il fut envoyé au peuple du moment qu'il eut vu le
Seigneur assis sur un trône sublime et élevé; ainsi Jean fut
envoyé du désert pour baptiser, comme il l'atteste lui-même : «
Celui qui m'a envoyé baptiser, m'a dit : Celui sur lequel vous
verrez, » etc.
S.
Augustin : Comment s'appelait-il ? « Son
nom était Jean. » — Alcuin :
c'est-à-dire, grâce de Dieu ou celui en
qui était la grâce de Dieu, c'est-à-dire, celui qui, le
premier, a fait connaître Jésus-Christ au monde par son
témoignage. Ou bien encore, le nom de Jean signifie il a été
donné, parce qu'il lui a été donné par la grâce de Dieu,
non-seulement d'être le précurseur du Roi des rois, mais de le
baptiser.
S.
Augustin : Pourquoi fût-il envoyé ? «
Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière. »
Origène
: (Traité 5 sur S. Jean). Il en est qui
cherchent à jeter le blâme sur les témoignages que les
prophètes ont rendus à Jésus-Christ, et qui prétendent que le
Fils de Dieu n'a pas besoin de témoins, et qu'il présente des
motifs suffisants de crédulité, soit dans ses enseignements
salutaires, soit dans ses miracles tout divins. Moïse lui-même,
disent-ils, ne mérita créance que par ses paroles et ses
miracles, sans avoir besoin d'être précédé par des témoins.
Nous répondons qu'il est un grand nombre de motifs qui peuvent
déterminer la foi, mais que tel motif, malgré sa force
apparente, ne produira sur quelques-uns aucune impression, tandis
que tel autre sera tout-puissant pour les amener à la foi. Or,
Dieu a des moyens à l'infini pour amener les hommes à croire
qu'un Dieu a daigné se faire homme pour sauver les hommes. Aussi
est-ce un fait certain que les oracles des prophètes en ont forcé
un grand nombre à croire à la divinité de Jésus-Christ,
étonnés qu'ils étaient de voir que tant de prophètes l'avaient
annoncé avant son avènement, et prédit d'une manière précise
le lieu de sa naissance, et d'autres circonstances semblables. Il
faut encore remarquer que les miracles opérés par Jésus-Christ,
avaient plus de force pour amener à la foi ceux qui en étaient
témoins ou ses contemporains, mais que plusieurs siècles après
ils pouvaient n'avoir plus la même puissance, et passer même aux
yeux de quelques-uns pour des fables. Donc, lorsqu'un long espace
de temps nous sépare de ces miracles, le motif le plus fort de
crédibilité, ce sont les prophéties jointes aux miracles.
Disons encore, que par ce témoignage rendu à Dieu, plusieurs se
sont couverts de gloire. C'est donc vouloir enlever au chœur des
prophètes la grâce signalée qui lui a été faite, que de
contester l'utilité des témoignages qu'ils ont rendus à
Jésus-christ. Jean est venu se joindre à ces prophètes, en
rendant lui-même témoignage à la lumière. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 5 sur S. Jean).
Ce n'est pas sans doute que la lumière eût besoin de témoignage,
mais l'Evangéliste nous apprend le vrai motif de la mission de
Jean, dans les paroles suivantes : « Afin que tous crussent par
lui. » Le Fils de Dieu a pris une chair mortelle pour sauver tous
les hommes d'une perte inévitable, et c'est par suite du même
dessein qu'il envoie devant lui un homme pour précurseur, afin
que cette voix d'un de leurs semblables les déterminât plus
facilement à venir à lui. — S. Bède :
L'Evangéliste ne dit pas : Afin que tous
crussent en lui, (car maudit est l'homme qui met sa confiance dans
l'homme), (Jr 7, 5) mais : « Afin que tous crussent par lui, »
c'est-à-dire, que tous par son témoignage crussent à cette
lumière. — Théophylactus : Que
quelques-uns aient refusé de croire, Jean n'en est pas
responsable. Si un homme s'enferme dans une maison obscure, et se
prive ainsi de voir les rayons du soleil, la faute n'en est pas au
soleil mais bien à lui-même; ainsi Jean a été envoyé, afin
que tous crussent par lui; si ce but n'a pas été entièrement
atteint, le saint précurseur n'en est pas la cause.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 6 sur S. Jean).
D'après l'opinion commune, celui qui rend témoignage nous paraît
ordinairement supérieur à celui qui est l'objet de son
témoignage, et plus digne de foi; aussi l'Evangéliste se hâte
de détruire ici ce préjugé en ajoutant : « Il n'était pas la
lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à la
lumière. » Si telle n'a pas été son intention en répétant
ces paroles : « Pour rendre témoignage à la lumière, » ce
membre de phrase est complètement superflu. Ce n'est pas un
développement de la doctrine, c'est une répétition de mots
inutiles.
Théophylactus
: Mais la conclusion de ces paroles
n'est-elle pas que ni Jean-Baptiste, ni aucun autre saint n'ont
été ou ne sont la lumière ? Si nous voulons donner à un saint
le nom de lumière, il faut employer le mot lumière sans article;
si l'on vous demande, par exemple : Jean est-il la lumière ?
répondez qu'il est lumière, sans mettre l'article, mais non pas
la lumière avec l'article; car il n'est pas la lumière par
excellence, et il n'est lumière, que parce qu'il est entré en
participation de la vraie lumière.
Verset
9.
S.
Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). Nous
voyons ici quelle est cette lumière à laquelle Jean-Baptiste
rend témoignage : « Celui-là était la vraie lumière. » —
S. Jean Chrysostome : (hom.
6 sur S. Jean). Ou bien encore, l'Evangéliste venait de dire que
Jean-Baptiste avait été envoyé et était venu pour rendre
témoignage à la lumière. Or, ce témoignage d'un homme envoyé
tout récemment pouvait faire croire à l'origine récente aussi
de celui à qui il rendait témoignage; il élève donc aussitôt
nos pensées vers cette existence antérieure à tout
commencement, et qui ne doit jamais avoir de fin : « Celui-là
était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce
monde.» — S. Augustin : (Traité
2 sur S. Jean). Pourquoi saint Jean ajoute-t-il le mot vraie ?
C'est qu'on donne aussi à l'homme qui est éclairé le nom de
lumière, mais la vraie lumière est celle qui éclaire elle-même.
Nos yeux aussi sont appelés des lumières, et cependant c'est en
vain que ces lumières sont ouvertes, si pour les éclairer, on
n'allume une lampe pendant la nuit, où si dans le jour le soleil
ne répand sur eux ses clartés. Aussi l'Evangéliste ajoute : «
Qui éclaire tout homme. » Si elle éclaire tout homme, elle
éclaire donc Jean lui-même. Elle éclairait donc celui qu'elle
avait choisi pour lui rendre témoignage. Il arrive souvent que le
soleil nous fait connaître son lever par la lumière qu'il fait
rayonner sur les corps, et cependant nous ne pouvons le voir de
nos yeux. Ainsi ceux qui ont les yeux trop malades ou trop faibles
pour voir le soleil, peuvent cependant les arrêter sur un mur qui
réfléchit sa lumière, sur une montagne, sur un arbre ou sur
tout autre objet semblable. Il en était de même de ceux au
milieu desquels Jésus-Christ était venu, et qui étaient encore
beaucoup moins capables de le voir. Il a donc éclairé Jean de
ses rayons, et Jean, qui confessait hautement la source d'où lui
venait cette lumière, fit connaître ainsi celui qui l'éclairait.
Il ajoute : « Venant en ce monde, » c'est qu'en effet, si
l'homme ne venait pas en ce monde, il n'aurait pas besoin d'être
éclairé, mais il faut qu'il soit éclairé, parce qu'il a quitté
l'endroit où il aurait joui toujours de cette divine lumière. —
Théophylactus : Que
le manichéen rougisse d'oser dire que nous sommes l'œuvre d'un
Créateur mauvais et ténébreux; car jamais nous ne pourrions
être éclairés si nous n'étions les créatures de la vraie
lumière.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 8 sur S. Jean).
Où sont aussi ceux qui prétendent que Jésus-Christ n'est pas le
vrai Dieu ? alors qu'il est appelé ici la vraie lumière. Mais
s'il éclaire tout homme venant en ce monde, comment se fait-il
qu'un si grand nombre soient demeurés dans les ténèbres ? Car
tous n'ont pas connu le culte qui est dû à Jésus-Christ. Il
éclaire tout homme, autant qu'il dépend de lui. Mais s'il en est
qui ont fermé volontairement les yeux de leur âme pour ne point
recevoir les rayons de cette divine lumière, les ténèbres dans
lesquelles ils demeurent plongés, ne viennent pas de la nature
delà lumière, mais de la malice de ceux qui se privent
volontairement du don de la grâce. Car la grâce a été répandue
sur tous les hommes et ceux qui ont refusé de la recevoir, ne
doivent imputer qu'à eux-mêmes leur aveuglement. — S.
Augustin : (Enchirid,, 109). Ces paroles :
« Qui éclaire tout homme, » veulent dire non pas que tous les
hommes sans exception sont éclairés, mais que personne ne peut
l'être que par cette lumière. — S. Bède
: Il nous éclaire, soit en nous donnant
la raison, soit en répandant en nous sa divine sagesse; car nous
ne pouvons nous donner la sagesse, pas plus que nous n'avons pu
nous donner l'existence.
Origène
: (hom. 2 sur div. suj). Ou bien encore,
nous ne devons pas entendre ces paroles : « Qui éclaire tout
homme venant en ce monde, » de ceux qui entrent dans le monde
avec un corps formé d'après les principes secrets qui président
à la génération, mais de ceux qui entrent dans le monde
invisible par la régénération spirituelle de la grâce conférée
par le baptême. Voilà pourquoi cette lumière éclaire ceux qui
entrent dans le monde des vertus, et non pas ceux qui se
précipitent dans le monde des vices.
Théophylactus
: Ou bien encore, cette lumière qui nous
est donnée de Dieu, c'est l'intelligence dont il nous a doués
pour nous diriger ici-bas, intelligence qui s'appelle aussi la
raison naturelle, mais un grand nombre, par le mauvais usage dé
la raison, se sont jetés eux-mêmes dans les ténèbres.
Verset
10.
S.
Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). La
lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, est venue sur
la terre sous le voile d'une chair mortelle; car tant qu'elle n'y
était que par la divinité, elle était invisible pour les
insensés, pour les aveugles et pour les méchants dont saint Jean
a dit plus haut : « Les ténèbres ne l'ont point comprise, »
c'est pour cela qu'il dit ici : « Il était dans le monde. » —
Origène : (hom. 2
sur div. suj). Lorsque celui qui parle cesse de parler, sa voix
cesse de se faire entendre; de même si le Père céleste ne
faisait plus entendre son Verbe, l'œuvre du Verbe, c'est-à-dire
l'univers qu'il a créé, cesserait d'exister. — S.
Augustin : (Traité 2 sur S. Jean).
N'allez pas croire qu'il était dans le monde comme sont dans le
monde la terre, les animaux, les hommes, ou comme le ciel, le
soleil, les étoiles; il y était comme un ouvrier qui dirige
l'ouvrage sorti de ses mains : « Et le monde a été fait par
lui. » Toutefois il n'a pas créé le monde comme un ouvrier fait
son ouvrage, car l'ouvrier est en dehors de l'ouvrage qu'il
travaille, Dieu, au contraire, est comme répandu dans le monde
qu'il crée, il est présent partout, et il n'est pas un seul être
qui soit en dehors de son immensité. C'est donc par la présence
de sa divinité, qu'il fait tout ce qu'il crée, et qu'il gouverne
tout ce qu'il a créé. Il était donc dans le monde, comme le
Créateur du monde.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 8 sur S. Jean).
Et encore, comme il était dans le monde, mais sans être
contemporain du monde, l'Evangéliste ajoute : « Et le monde a
été fait par lui, et il vous élève ainsi jusqu'à l'existence
éternelle du Fils unique. » En effet, en entendant dire que tout
cet univers est son ouvrage, fût-on d'une intelligence bornée,
on sera forcé de reconnaître qu'il existait avant son ouvrage. —
Théophylactus : Saint
Jean confond en même temps l'erreur insensée de Marcion, qui
prétendait que c'était un mauvais principe qui avait créé
toutes choses, et celle des ariens qui osaient soutenir que le
Fils de Dieu était une simple créature.
S.
Augustin : (comme précéd). Que
signifient ces paroles : « Le monde a été fait par lui ? » On
appelle monde le ciel, la terre, la mer, et tout ce qu'ils
contiennent. Dans un autre sens, on donne encore ce nom à ceux
qui aiment le monde, et c'est de ce monde qu'il est dit : « Le
monde ne l'a point connu. » On ne peut dire, en effet, ni du
ciel, ni des anges, ni des astres, qu'ils n'ont pas connu le
Créateur, dont les démons eux-mêmes confessent la puissance.
Toutes les créatures lui ont donc rendu témoignage. Quels sont
ceux qui ne l'ont point connu ? Ceux qui sont appelés le monde,
parce qu'ils aiment le monde, car en aimant le monde, nous
habitons de cœur dans le monde; ceux, au contraire, qui n'aiment
pas le monde, sont de corps dans le monde, mais ils habitent le
ciel par le cœur, suivant ces paroles de l'Apôtre : « Pour
nous, nous vivons déjà dans le ciel. » (Ph 3) C'est donc parce
qu'ils ont aimé le monde, qu'ils ont mérité eux-mêmes le nom
du monde où ils habitent. Lorsque nous disons d'une maison
qu'elle est bonne ou qu'elle est mauvaise, ce n'est point aux
murailles que s'adressent notre blâme ou nos louanges, mais à
ceux qui l'habitent; c'est ainsi que nous appelons monde ceux qui
habitent le monde par leurs affections. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 8 sur S. Jean).
Quant aux amis de Dieu, ils l'ont connu avant même qu'il eût
rendu sa présence sensible, c'est-à-dire avant son avènement en
ce monde, comme le prouvent ces paroles du Sauveur : « Abraham,
votre père, a tressailli du désir de voir mon jour. » (Jn 8,
56). Lors donc que les Gentils nous adressent ce reproche.
Pourquoi le Sauveur n'est-il venu opérer notre salut que dans les
derniers temps, après tant de siècles écoulés, sans qu'il ait
pensé à nous ? Nous leur répondons, qu'avant même son
avènement, il était dans le monde, sa providence s'étendait à
toutes ses œuvres, et il était connu de tous ceux qui en étaient
dignes; et si le monde ne l'a pas connu, ceux dont le monde
n'était pas digne, ont mérité de le connaître. En disant : «
Le monde ne l'a point connu, » il a indiqué sommairement la
cause de cette ignorance; car le monde ici sont les hommes qui ne
sont attachés qu'au monde, qui n'ont de goût et d'affection que
pour le monde; or rien ne trouble autant l'âme que l'amour
énervant des choses présentes.
Versets
11-13.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 9 sur S. Jean).
Ces paroles : « Le monde ne l'a point connu, » doivent
s'entendre des temps qui ont précédé l'incarnation. Celles qui
suivent : « Il est venu dans son héritage, » se rapportent aux
temps de la prédication de l'Evangile.— S.
Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). « Il
est venu dans son héritage, » parce que toutes choses ont été
faites par lui. — Théophylactus : On
peut donc entendre ici ou le monde, ou la Judée, qu'il avait
choisie pour héritage. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 9 et 10 sur S. Jean).
Il est venu dans son héritage, non pas dans un motif d'intérêt
personnel (car Dieu n'a besoin de personne), mais pour combler les
siens de bienfaits. Mais d'où a pu venir celui qui remplit tout
de son immensité, et qui est présent partout ? C'est par un
effet de sa grande condescendance qu'il est venu jusqu'à nous; il
était au milieu du monde, sans que le monde pensât à sa
présence, parce qu'il n'eu était pas connu; il a donc daigné se
revêtir d'un corps sensible. C'est cette manifestation et cette
condescendance, qu'il appelle sa présence ou son avènement (hom.
11) Or, Dieu, plein de bonté et de miséricorde, ne néglige rien
de ce qui peut nous élever à une vertu éminente. Aussi ne
veut-il s'attacher personne par force ou par nécessité, et ne
veut nous attirer à lui que par la persuasion et par les
bienfaits. De là vient que les uns le reçurent, et que les
autres refusèrent de le recevoir; car il ne veut pas qu'on soit à
son service malgré soi et comme par contrainte; celui qui le sert
forcément et de mauvaise grâce, est à ses yeux comme celui qui
refuse complètement de le servir : « Et les siens ne l'ont pas
reçu. » (hom. 9). L'Evangéliste appelle les Juifs les siens,
comme étant son peuple privilégié, ou bien tous les hommes
comme étant tous ses créatures. Dans l’étonnement où le
jetait la conduite insensée du genre humain, il s'est écrié
plus haut : « Le monde a été fait par lui, et le monde n'a
point connu son Créateur; » ici l'ingratitude des Juifs le
remplit d'indignation, et il lance contre eux cette accusation
bien plus grave : « Et les siens ne l'ont pas reçu. »
S.
Augustin : (Traité 1 sur S, Jean). Mais
si personne absolument ne l'a reçu, personne donc n'est sauvé;
car la condition essentielle du salut, c'est de recevoir
Jésus-Christ, aussi l'Evangéliste ajoute : « Tous ceux qui
l'ont reçu, » etc. — S. Jean
Chrysostome : (hom. 10 sur S. Jean).
Esclaves ou hommes libres, grecs ou barbares, savants ou
illettrés, hommes ou femmes, enfants ou vieillards, tous ont été
rendus dignes du même honneur : « Il leur a donné le pouvoir de
devenir enfants de Dieu. »— S. Augustin
: (comme précéd). Quelle extrême bonté
! il était né Fils unique, et il n'a pas voulu demeurer seul; il
n'a pas craint d'avoir des cohéritiers, parce que son héritage
ne peut être amoindri par le partage qu'il en fait. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 10). Il ne dit
pas qu'il les fit enfants de Dieu, mais qu'il leur à donné le
pouvoir de devenir enfants de Dieu, nous apprenant ainsi que ce
n'est qu'au prix de grands efforts que nous pouvons conserver sans
tache ce caractère de l'adoption qui a été imprimé et gravé
dans notre âme par le baptême. Il nous enseigne encore que
personne ne peut nous ôter ce pouvoir, si nous-mêmes ne
consentons à nous en dépouiller. Ceux à qui les hommes
délèguent une partie de leur puissance ou de leur autorité, la
possèdent presque à l'égal de ceux qui la leur ont donnée; à
plus forte raison en sera-t-il ainsi de nous qui avons reçu cet
honneur de Dieu même. Il veut encore nous apprendre que cette
grâce n'est donnée qu'à ceux qui la veulent et qui la
recherchent; car c'est le concours du libre arbitre et de
l'opération de la grâce, qui nous fait enfants de Dieu. —
Théophylactus : Ou
bien encore, il veut parler ici de cette filiation parfaite, dont
la résurrection doit nous mettre en possession, d'après ces
paroles de l'Apôtre : « Attendant l'effet de l'adoption divine,
la rédemption de notre corps. » (Rm 8) Il nous a donc donné le
pouvoir de devenir enfants de Dieu, c'est-à-dire d'obtenir cette
grâce dans la vie future.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 10). Comme dans
la distribution de ces biens ineffables, il appartient à Dieu de
donner la grâce, de même qu'il appartient à l'homme de faire
acte de foi, saint Jean ajoute : « A ceux qui croient en son nom.
» Pourquoi ne nous dites-vous pas, saint Evangéliste, quel sera
le supplice de ceux qui n'ont pas voulu le recevoir ? Mais quel
supplice plus grand pour ceux qui ont reçu le pouvoir de devenir
enfants de Dieu, que de refuser de le devenir, et de se priver
volontairement d'un si grand honneur ? Toutefois ce ne sera pas
leur seul supplice, ils seront condamnés à un feu qui ne
s'éteindra jamais, comme l'Evangéliste le déclarera plus
ouvertement dans la suite. (Jn 3)
S.
Augustin : (même traité). Ceux qui
croient en son nom deviennent donc enfants de Dieu et frères de
Jésus-Christ, et prennent par là même une nouvelle naissance.
Comment, en effet, sans cette seconde naissance pourraient-ils
devenir enfants de Dieu ? Les enfants dès hommes naissent de la
chair et du sang, delà volonté de l'homme et de l'union des
époux. Mais comment naissent les enfants de Dieu ? Ils ne sont
pas nés des sangs, c'est-à-dire, de l'homme et de la femme. Le
mot sangs (sanguina ou sanguines) n'est pas latin, mais comme
cette expression est au pluriel dans le texte grec, le traducteur
aima mieux la rendre de la sorte, sauf à employer un mot peu
conforme aux règles de la latinité, pour faire mieux comprendre
la vérité aux esprits moins intelligents. En effet, les enfants
naissent du mélange du sang de l'homme et de la femme. — S.
Bède : Il est bon aussi de remarquer que
dans la sainte Ecriture, le mot sang au pluriel signifie
ordinairement le péché, comme dans ce passage du Psaume 50 : «
Délivrez-moi des sangs (de sanguinibus). »
S.
Augustin : (même traité). Dans les
paroles suivantes : « Ni de la volonté de la chair, ni de la
volonté de l'homme; » la chair est synonyme de la femme, en
souvenir de sa création. Lorsque, en effet, elle eut été créée
d'une côte du premier homme, Adam lui dit : « Voici l'os de mes
os et la chair de ma chair. » Le mot chair signifie donc ici la
femme, de même que souvent l'esprit est le symbole du mari, parce
que son rôle est de commander, et celui de la femme de servir.
Quelle maison plus mal ordonnée, en effet, que celle où la femme
commande au mari ? Les enfants de Dieu ne sont donc nés ni de la
volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu.
— S. Bède : La
génération charnelle de tous les hommes tire son origine de
l'union des époux, tandis que la génération spirituelle a pour
principe la grâce de l'Esprit saint.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 10 sur S. Jean).
L'Evangéliste, en parlant ainsi, veut nous faire comprendre d'un
côté la bassesse de la première génération qui vient du sang
et de la volonté de la chair, et l'élévation de la seconde qui
vient de la grâce et ennoblit notre nature, afin que nous ayons
une haute idée de la grâce qui nous a engendrés, et que nous ne
négligions rien pour la conserver.
Verset
13.
S.
Augustin : (même traité). Cette idée
d'une naissance qui vient de Dieu était de nature à inspirer un
sentiment d'étonnement mêlé de frayeur, et il pouvait même
paraître incroyable que les hommes soient nés de Dieu. Aussi
l'Evangéliste s'empresse de nous rassurer, en ajoutant : « Et le
Verbe a été fait chair. » Qu'y a-t-il d'étonnant que des
hommes naissent de Dieu ? Considérez Dieu lui-même qui a voulu
naître des hommes. — S. Jean Chrysostome
: (hom. 11 sur S. Jean). Ou bien encore :
après avoir dit que ceux qui l'ont reçu ont reçu de Dieu une
nouvelle naissance, il fait connaître la cause d'un si grand
honneur, c'est que le Verbe s'est fait chair, car le propre Fils
de Dieu est devenu le Fils de l'homme, afin de rendre les hommes
enfants de Dieu. Lorsque vous entendez dire que le Verbe s'est
fait chair, ne vous laissez pas troubler par ces paroles. Il n'a
point changé en chair la nature divine (interprétation qui
serait une impiété), mais il a pris la forme d'esclave en
demeurant ce qu'il est. C'est pour confondre les blasphèmes de
ceux qui prétendent que tout ce qui a rapport à l'incarnation
était fantastique et imaginaire que l'Evangéliste s'est servi de
cette expression : « A été fait, » expression qui ne signifie
pas un changement de substance, mais l'union du Fils de Dieu à
une chair véritable. S'ils viennent nous dire que Dieu étant
tout-puissant, a bien pu changer en chair sa nature divine, nous
répondrons que Dieu peut tout ce qui n'atteint pas directement
son être divin. Or, toute idée de changement est directement
opposée à cette nature immuable.
S.
Augustin : (De la Trin., 15, 11) De même
que notre Verbe ou notre parole devient en quelque sorte la voix
du corps en s'unissant à elle pour se manifester aux sens des
hommes, ainsi le Verbe de Dieu s'est fait chair, en s'unissant à
elle pour se manifester aussi aux hommes; notre parole devient
voix, mais elle n'est pas changée en voix; ainsi le Verbe de Dieu
s'est fait chair, mais loin de nous la pensée qu'il ait été
changé en chair. Il s'est uni à la chair, mais il ne s'est pas
transformé en chair, il s'est fait chair comme notre parole se
fait voix. — CONS. D’EPH. La parole qui sort de nos lèvres et
dont nous faisons usage dans nos rapports avec les autres hommes,
est une parole incorporelle qui n'est sensible ni à la vue, ni au
toucher; mais lorsqu'elle s'est comme revêtue de lettres et de
formes extérieures, elle devient visible et accessible à la vue
comme au toucher. De même le Verbe de Dieu qui, par sa nature,
est invisible, est devenu visible; il est incorporel aussi par sa
nature, et il a pris un corps accessible au toucher. — Alcuin
: (Liv. 1, chap. 1, sur S. Jean). Ces
paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » ne doivent pas
s'entendre dans un autre sens que celui-ci : Dieu s'est fait homme
en prenant un corps et une âme. De même que chacun de nous est
un composé d'un corps et d'une âme qui ne forment qu'un seul
homme; ainsi Jésus-Christ, depuis son incarnation, ne fait qu'une
seule personne formée de la divinité, d'un corps, et d'une âme.
La divinité du Verbe a daigné s'unir à cette nature humaine
qu'elle avait choisie spécialement pour qu'elle devînt une seule
personne en Jésus-Christ. La nature divine n'a subi dans cette
union aucune altération, aucun changement, elle s'est simplement
unie à la nature humaine qu'elle n'avait pas auparavant. (Liv. 3,
de la foi en la Trin., chap. 9). C'est une vérité incontestable
que le Fils de Dieu a pris, non pas la personne, mais la nature
humaine pour l'unir à sa personne divine et éternelle; l'homme a
comme passé en Dieu, non point par un changement de nature, mais
par son union avec la personne divine. Il n'y a donc point deux
Christs, il n'y a qu'un seul Christ, Dieu et homme tout à la
fois. (Liv. 1, cont. Félix d'Urgel). Cette union du Verbe avec la
chair est tellement ineffable, que pour l'exprimer, nous disons
que le Verbe s'est fait chair, quoique le Verbe n'ait pas été
changé en chair, et cette chair est appelée Dieu, bien qu'elle
ne soit pas elle-même changée en la nature divine. (Liv. 3).
Nous confessons donc qu'il y a dans la seule personne de
Jésus-Christ deux natures unies entre elles par un lien si
ineffable, que chacune d'elles conservant ses propriétés, cette
sainte et admirable union nous présente, non pas un changement ou
une altération de la divinité, mais une élévation sublime pour
l'humanité, c'est-à-dire, que Dieu n'a pas été changé en
l'homme, mais l'homme glorifié en Dieu, etc. (Dans la Glose).
Nous croyons qu'une âme incorporelle peut être unie à un corps,
et que l'union de ces deux substances fait un seul homme; nous
devons croire plus facilement que la nature divine qui est
incorporelle, s'est unie à une âme jointe à un corps pour
former une seule personne, de manière que le Verbe n'a pas été
changé en chair, ni la chair dans le Verbe, pas plus que le corps
ne se change en âme, ni l'âme en corps.
Théophylactus
: Apollinaire de Laodicée a voulu appuyer
son hérésie sur ces paroles; il prétendait que le Christ
n'avait point eu d'âme raisonnable, mais seulement un corps ayant
pour âme la divinité qui gouvernait et dirigeait le corps. —
S. Augustin : (cont.
Les Ar., ch. 9). Vous êtes impressionné de ce qu'il est écrit
que le Verbe s'est fait chair, sans qu'il soit question de l'âme
? Mais rappelez-vous que la chair est souvent mise pour l'homme
tout entier en vertu de cette locution figurée qui emploie la
partie pour le tout, comme dans ces paroles : « Toute chair
viendra à vous. » (Ps 64) Et dans ces autres : « Nulle chair ne
sera justifiée par les œuvres de la loi. » Ce que l'Apôtre
explique plus clairement dans l'Epître aux Galates : « L'homme
ne sera point justifié par les œuvres de la loi. » (Ga 2) Ces
paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » ont donc la même
signification que celles-ci : « Le Verbe s'est fait homme. »
Théophylactus
: Si l'Evangéliste nomme de préférence
la chair, c'est pour nous montrer la condescendance inénarrable
de Dieu, et nous faire admirer sa miséricorde qui l'a porté à
s'unir pour notre salut, à ce qui est séparé de sa nature par
une distance incommensurable, c'est-à-dire la chair. L'âme, en
effet, a quelques points de rapprochement avec Dieu. Mais si le
Verbe, en s'incarnant, n'avait pas pris une âme humaine, il
s'ensuivrait que nos âmes ne seraient ni guéries ni rachetées,
car le Sauveur n'a sanctifié que ce qu'il s'est uni. C'est l'âme
qui, la première s'est rendue coupable, ne serait-il donc pas
ridicule de supposer qu'il se soit uni la chair pour la
sanctifier, tandis qu'il aurait délaissé la partie la plus noble
de l'homme, comme aussi la plus malade ? Ainsi se trouve encore
détruite l'hérésie de Nestorius, qui enseignait que ce n'est
pas le Verbe-Dieu qui s'est fait homme et qui a été conçu du
sang d'une Vierge, mais que la Vierge a enfanté un homme, orné
et enrichi de toutes les vertus, et que le Verbe de Dieu s'était
uni. Il concluait de là qu'il y avait en Jésus-Christ deux fils,
l'un né de la Vierge, qui était homme, l'autre né de Dieu,
c'était son luis, qui était uni à cet homme par les liens de la
grâce et de la charité. L'Evangéliste lui a répondu d'avance,
en affirmant que c'est le Verbe lui-même qui s'est fait homme, et
non pas que le Verbe a fait choix d'un homme vertueux pour s'unir
à lui.
S.
Cyrille d’Alexandrie : (Lett. 8 à
Nestor.; 4 dans l'édit. lat). Le Verbe s'est fait homme en
s'unissant une chair animée d'une âme raisonnable, par une union
ineffable et incompréhensible, qui ne fait en lui qu'une seule
personne, et il a été appelé Fils de l'homme, non par suite
d'une simple union de volonté ou de bon vouloir, ni parce qu'il
avait pris la simple personnalité de l'homme, mais par suite de
l'union véritable de deux natures différentes qui n'ont formé
qu'un seul Christ et qu'un seul Fils, sans que cette union étroite
ait détruit la différence des deux natures.
Théophylactus
: De ces paroles : « Le Verbe s'est fait
chair, » nous concluons que le Verbe s'est fait homme, et que
tout en demeurant Fils de Dieu, il est devenu fils de la femme, à
qui nous donnons le nom distinctif de mère de Dieu, parce qu'elle
a véritablement engendré Dieu selon la chair.
S.
Hilaire : (De la Trin., 10). Il en est qui
veulent que le Fils unique de Dieu, c'est-à-dire, le Dieu Verbe,
qui était en Dieu au commencement, ne soit pas Dieu
substantiellement, mais seulement la parole d'une voix qui s'est
produite, c'est-à-dire, que le Fils serait pour Dieu le Père, ce
que la parole est pour ceux qui la profèrent. Par suite de cette
erreur, ils cherchent à nier, par leurs raisonnements insidieux,
que le Verbe-Dieu soit né comme homme et comme Christ, en
demeurant Dieu. Ils donnent à cette conception et à cette
naissance une cause toute naturelle, et refusent de leur
reconnaître un caractère mystérieux et divin, de sorte que dans
leur sentiment, le Dieu Verbe n'a pas reçu son humanité d'un
enfantement virginal, mais il a été simplement dans la personne
de Jésus, comme l'esprit de prophétie était dans les prophètes.
Ils nous reprochent d'ailleurs de dire que le Christ, dans sa
naissance, n'a pas pris un corps et une âme semblables au nôtre,
alors que nous professons hautement que le Verbe fait chair a pris
en naissant une nature comme à la nôtre, et qu'il est vrai fils
de Dieu, en même temps qu'il est né vrai Fils de l'homme. Mais
de même qu'il avait reçu de la Vierge un corps qu'il avait
lui-même créé, c'est de lui-même aussi que vient l'âme qu'il
s'est unie, et qui d'ailleurs n'est jamais donnée à l'homme par
voie de génération. Or, puisqu'il est certain qu'il est à la
fois Fils de l'homme et Fils de Dieu, n'est-il pas ridicule de
supposer en dehors du Fils de Dieu, du Verbe fait chair, je ne
sais quel prophète, animé par le Verbe de Dieu, alors qu'il est
certain que le Seigneur Jésus-Christ est à la fois Fils de Dieu
et Fils de l'homme ? — S. Jean
Chrysostome : (hom. 10 sur S. Jean).
L'Evangéliste détruit par avance la fausse idée que ces paroles
: « Le Verbe s'est fait chair, » pourraient faire naître dans
certains esprits, d'un changement ou d'une transformation de cette
nature incorruptible, en ajoutant : « Et il a habité parmi nous.
» Car celui qui habite n'est pas une même chose avec le lieu
qu'il habite, il en diffère. Je parle ici de la différence de
nature, car en vertu de l'union étroite qui existe entre les deux
natures, le Dieu Verbe fait chair, ne forme qu'une seule personne
sans aucune confusion, comme sans destruction de ces deux natures.
— Alcuin : Ou
bien encore : « Il a habité parmi nous, » c'est-à-dire, il a
vécu et conversé parmi les hommes.
Verset
14.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 11 sur S. Jean).
Nous avons donc été faits enfants de Dieu et en vertu du mystère
du Verbe fait chair; l'Evangéliste nous fait connaître un
nouveau bienfait de l'incarnation : « Et nous avons vu sa gloire;
» car jamais nous n'aurions pu la voir, si lui-même ne s'était
manifesté à nous sous une forme semblable à la nôtre. En
effet, si les Hébreux n'ont pu soutenir l'éclat du visage
glorifié de Moïse, qu'il fallut couvrir d'un voile, comment,
nous, dont l'origine et les instincts sont tout terrestres,
pourrions-nous soutenir à découvert la vue de la Divinité,
inaccessible même aux vertus supérieures des cieux.
S.
Augustin : (Traité 2 sur S. Jean). Ou
bien encore, ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, et il a
habité parmi nous, » nous apprennent que le Verbe a fait du
mystère de sa naissance comme un collyre pour éclaircir les yeux
de notre cœur, et nous permettre de voir sa Majesté à travers
son humanité : « Et nous avons vu sa gloire. » Personne ne
pourrait voir sa gloire, s'il n'était guéri par l'humilité de
son incarnation. L'œil de l'homme était comme obscurci par la
poussière soulevée de la terre, il avait les yeux malades, et
Dieu lui met comme de la terre sur les yeux pour les guérir. La
chair vous avait aveuglé, c'est la chair qui vous guérit. L'âme
était devenue charnelle en donnant son consentement aux
affections de la chair, et c'est ainsi que l'œil du cœur avait
été aveuglé. Le médecin vous a fait un collyre en venant
revêtu d'une chair mortelle pour réprimer les vices de la chair,
car le Verbe s'est fait chair, afin que vous puissiez dire : «
Nous avons vu sa gloire. »
S.
Jean Chrysostome : (hom. 12 sur S. Jean).
Saint Jean ajoute : « Comme la gloire du Fils unique. » C'est,
qu'en effet, un grand nombre de prophètes ont été glorifiés,
tels que Moïse, Elie, Elisée, et beaucoup d'autres qui ont opéré
de grands miracles. Il en est de même des anges qui, en
apparaissant aux hommes, ont fait briller à leurs yeux la gloire
qui est propre à leur nature; c'est ainsi que les chérubins et
les séraphins ont été vus par le prophète, environnés d'une
gloire éclatante. L'Evangéliste nous élève bien au-dessus de
cette gloire, au-dessus de toute nature et de toute gloire créée,
et nous conduit jusqu'au faite de tous les biens. Or voici le sens
de ses paroles : La gloire que nous avons vue n'est pas la gloire
d'un prophète, d'un homme ordinaire, ni même d'un ange, d'un
archange, ou de quelqu'une des puissances supérieures, mais c'est
comme la gloire du dominateur lui-même, du roi, du Fils unique
par nature. — S. Grégoire : (Moral.,
18, 6). En effet, dans les saintes Ecritures, les particules, de
même, comme (sicut, quasi), n'indiquent pas toujours une simple
ressemblance, mais quelquefois une parfaite identité, comme dans
ces paroles : « Comme du Fils unique du Père. » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 12 sur S. Jean).
Ceux qui ont vu un roi dans toute sa gloire et sa majesté, dans
l'impuissance où ils sont de rendre comme ils le voudraient
l'impression produite sur eux par tant d'éclat et de splendeur,
s'expriment ordinairement de la sorte : Pourquoi vous en dirai-je
davantage ? C'était comme un roi. Saint Jean s'exprime de la même
manière : « Nous avons vu sa gloire comme, celle du Fils unique
du Père. » Lorsque les anges apparaissaient, c'était toujours
comme des serviteurs qui exécutent les ordres de leur maître;
mais le Fils de Dieu, quoique sous une forme humaine, se révèle
comme étant le Seigneur. D'ailleurs, les créatures le
reconnaissent comme leur Maître; l'étoile, en appelant les mages
à son berceau; les anges, en annonçant sa naissance aux bergers;
l'enfant (Jean-Baptiste), en tressaillant dans le sein de sa mère.
Le Père lui-même lui a rendu témoignage du haut des cieux, et
le Paraclet en descendant sur lui lors de son baptême. Que
dis-je, toute la nature a proclamé bien plus haut que la
multitude qu'il était le roi des cieux. Il mettait les démons en
fuite, il guérissait toutes les maladies, faisait sortir les
morts de leurs tombeaux, retirait les âmes de l'abîme du mal
pour les conduire au sommet des plus éminentes vertus. Qui
pourrait dire la sagesse de ses préceptes, la force de ses lois
divines et la belle harmonie de la vie toute angélique qu'il est
venu établir parmi les hommes ?
Origène
: (hom. 2 sur div. suj). Les paroles qui
suivent : « Plein de grâce et de vérité, » peuvent s'entendre
de deux manières différentes, c'est-à-dire de l'humanité et de
la divinité du Verbe incarné. Ainsi la plénitude de la grâce
se rapporterait à l'humanité, par laquelle le Christ est le chef
de l'Eglise et le premier né de toute créature. En effet, c'est
en lui que s'est manifesté le plus grand et le plus merveilleux
effet de la grâce, en vertu de laquelle l'homme est devenu dieu
sans aucun mérite de sa part. La plénitude de la grâce eu
Jésus-Christ peut encore s'entendre de l'Esprit saint, dont les
sept dons remplirent l'humanité du Sauveur. (Is 11) La plénitude
de la vérité se rapporte à la divinité. Si vous aimez mieux
appliquer au Nouveau Testament cette plénitude de grâce et de
vérité, vous pourriez dire avec beaucoup de vraisemblance que la
plénitude de la grâce du Nouveau Testament nous a été donnée
par Jésus-Christ, et que la vérité des symboles figuratifs de
la loi s'est accomplie en lui. — Théophylactus
: Ou encore, il est plein de grâce, à
cause de la grâce de ses paroles, comme le prédit David : « La
grâce est répandue sur vos lèvres » (Ps 44); il est plein de
vérité, en comparaison de Moïse et des prophètes qui parlaient
ou agissaient eu figure, tandis que toutes les paroles comme
toutes les actions de Jésus-Christ étaient vérité.
Verset
15.
Alcuin
: Nous avons vu plus haut qu'un homme
avait été envoyé pour rendre témoignage; l'Evangéliste
rapporte ici le témoignage que le Précurseur rend publiquement à
l'élévation de l'humanité en Jésus-Christ et à l'éternité
de son existence divine : « Jean rend témoignage de lui. » —
S. Jean Chrysostome : (hom.
13 sur S. Jean). Ou bien, tel est le motif qui a déterminé
l'Evangéliste à rapporter ce témoignage : Ne croyez pas,
semble-t-il dire, que c'est pour avoir longtemps vécu avec le
Sauveur et nous être assis à la même table, que nous lui
rendons ainsi un témoignage de reconnaissance; car Jean-Baptiste
qui ne l'avait pas vu auparavant, qui n'avait point vécu avec
lui, lui rend le même témoignage. Il revient à plusieurs
reprises sur ce témoignage, et le reproduit avec le plus grand
soin sous différentes formes, parce que les Juifs avaient
Jean-Baptiste en très-grande estime. Les autres évangélistes
ont invoqué les oracles des anciens prophètes. « Ceci s'est
fait, disent-ils, afin que fût accomplie la parole du prophète.
» Saint Jean, au contraire, produit un témoin plus élevé, et
aussi plus récent, non qu'il prétende donner du crédit au
Maître par le témoignage du serviteur, mais pour s'accommoder à
la faiblesse de ses auditeurs. Si le Fils de Dieu n'eût pris la
forme de serviteur, il n'eût pu être reçu par les hommes; de
même s'il n'eût préparé par la voix de son serviteur l'esprit
de ses semblables, peu de Juifs eussent consenti à recevoir la
parole de Jésus-Christ : « Et il dit à haute voix,»
c'est-à-dire qu'il parle publiquement, avec confiance et en toute
liberté, et sans rien dissimuler. Toutefois, il ne commence point
par dire que Jésus est le Fils unique de Dieu par nature, mais il
dit à haute voix : « Voici celui dont je disais : Celui qui doit
venir après moi, a été fait pins grand que moi, parce qu'il
était avant moi. » Les mères des petits oiseaux n'apprennent
pas tout de suite à voler à leurs petits; ils commencent par les
faire sortir de leur nid, puis les laissent se reposer, puis les
exercent de nouveau, et enfin leur font prendre un essor plus
rapide dans les airs. Jean-Baptiste fait de même, il ne porte pas
tout d'abord les Juifs à de hautes considérations, mais il les
élève insensiblement au-dessus de la terre en leur disant que le
Christ était au-dessus de lui, ce qui était un grand point. Et
voyez avec quelle prudence il lui rend témoignage. Il n'attend
pas que Jésus soit présent pour le faire connaître, il
l'annonce avant qu'il eût paru au milieu des Juifs. C'est ce
qu'indiquent ces paroles : « Voici celui dont je disais, » etc.
Jean-Baptiste agit de la sorte pour préparer les esprits à
recevoir plus facilement Jésus-Christ, sans être arrêté par
ses humiliations volontaires et l'extrême simplicité de son
extérieur. En effet, le Sauveur avait un extérieur si simple et
si ordinaire, que si les Juifs n'avaient entendu parler de lui
qu'après l'avoir vu, ils se seraient moqués du témoignage de
Jean.
Théophylactus
: Il dit : « Celui qui vient après moi,
» dans l'ordre de la naissance temporelle; Jean-Baptiste, en
effet, précédait le Christ de six moissons ce rapport.— S.
Jean Chrysostome : (hom. 13). Ou bien
encore,-il ne parle pas ici de la naissance de Jésus du sein de
Marie; car Jésus était déjà né, quand Jean-Baptiste tenait ce
langage, mais du commencement de sa vie évangélique. Il dit : «
il a été fait avant moi, » c'est-à-dire qu'il est plus
illustre et plus digne d'honneur et de gloire. Ne croyez pas,
semble-t-il dire, que je sois plus grand que lui, parce que je le
précède dans la carrière de la prédication. — Théophylactus
: Les ariens interprètent ce passage,
dans ce sens que le Fils de Dieu n'est pas engendré du Père,
mais qu'il a été fait comme toutes les autres créatures. — S.
Augustin : (Traité 3 sur S. Jean). Ces
paroles ne veulent donc pas dire : Il a été fait avant que je
fusse fait moi-même, mais il a été placé au-dessus de moi.
S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si ces
paroles : « Il a été fait avant moi, » devaient s'entendre du
commencement de l'existence, il serait fort inutile d'ajouter : «
Parce qu'il était avant moi. » Car qui est assez ignorant, pour
ne pas savoir que celui qui a été fait avant lui était avant
lui ? Si telle avait été son intention, voici comme il aurait dû
s'exprimer : Il était avant moi, parce qu'il a été fait avant
moi. Ces paroles : « Il a été fait avant moi, » doivent donc
s'entendre d'une priorité d'honneur, et Jean-Baptiste présente
comme étant déjà accompli ce qui devait se faire, selon la
coutume des prophètes qui parlaient des choses à venir comme si
elles étaient déjà passées.
Versets
16-17.
Origène
: (Traité 5 sur S. Jean). Ces paroles
sont la continuation du témoignage que Jean-Baptiste rend à
Jésus-Christ, et on se trompe en attribuant les réflexions qui
suivent à saint Jean l'Evangéliste, jusqu'à ces paroles : « Le
Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a fait
connaître. » C'est faire violence au texte que de supposer que
le discours du Précurseur est interrompu par les réflexions de
l'Evangéliste, et l'enchaînement des paroles est ici visible
pour qui est capable de le saisir. Jean-Baptiste venait de dire :
« Il a été fait plus grand que moi, parce qu'il était avant
moi. » Or, poursuit-il, je suis porté à croire et à conclure
qu'il est avant moi, parce que nous avons reçu, moi, et les
prophètes avant moi, une seconde grâce après la première; car
l'esprit de Dieu, après les symboles figuratifs, les a conduits
jusqu'à la contemplation de la vérité. En recevant ainsi de sa
plénitude, nous comprenons que la loi a été donnée par Moïse,
et que la grâce et la vérité ont été données ou plutôt ont
été faites par Jésus-Christ; car Dieu le Père a donné la loi
par Moïse, et il a fait la grâce et la vérité par
Jésus-Christ. Mais puisque Jésus a dit : « Je suis la vérité,
» comment la vérité a-t elle pu être faite par lui ? Nous
répondons que la vérité substantielle, la vérité première
qui est le principe et le modèle de toutes les vérités qui
existent dans l'esprit de ceux qui enseignent la vérité, n'a été
faite ni par Jésus-Christ ni par aucun autre; la vérité qui a
été faite par Jésus-Christ est donc celle que nous remarquons
dans saint Paul et dans les autres Apôtres. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 13 sur S. Jean).
On peut dire encore que saint Jean l'Evangéliste joint ici son
témoignage à celui de Jean-Baptiste. Ainsi ces paroles : « Et
nous avons reçu tous de sa plénitude, » etc., ne sont pas les
paroles du Précurseur, mais celles du disciple, et voici quel en
est le sens : Et nous autres aussi, les douze Apôtres, et toute
la multitude des fidèles présents et futurs, nous avons tous
reçu de sa plénitude.
S.
Augustin : (Traité 3 sur S. Jean). Et
qu'avez-vous donc reçu ? « Grâce pour grâce, » c'est-à-dire
que nous avons reçu de sa plénitude je ne sais quoi d'ineffable,
et ensuite grâce pour grâce. Ainsi nous avons reçu de sa
plénitude, d'abord la grâce, et nous avons reçu ensuite grâce
pour grâce. Quelle est la première grâce que nous avons reçue
? La foi, qui est appelée grâce, parce qu'elle est donnée
gratuitement. Le pécheur a donc reçu cette première grâce qui
a été pour lui le principe de la rémission de ses péchés; et
il a de nouveau reçu grâce pour grâce, c'est-à-dire que, pour
cette grâce qui nous fait vivre de la foi, nous en recevrons une
autre, c'est-à-dire la vie éternelle. Car la vie éternelle est
comme la récompensé de la foi, et comme la foi est une grâce,
la vie éternelle est aussi une grâce donnée pour une autre
grâce. Cette grâce n'existait pas dans l'Ancien Testament, parce
que la loi menaçait sans porter secours; elle commandait sans
guérir, elle montrait le mal sans le faire disparaître, et se
contentait de préparer les hommes à recevoir le médecin qui
devait venir avec la grâce et la vérité. Voilà pourquoi
l'Evangéliste ajoute : « La loi a été donnée par Moïse, mais
la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, » car la
mort de votre Seigneur a détruit la mort temporelle et la mort
éternelle; et c'est là cette grâce que la loi promettait et ne
donnait pas.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 14 sur S. Jean).
Ou bien, nous avons reçu grâce pour grâce, c'est-à-dire une
grâce nouvelle pour la grâce ancienne. De même, en effet, qu'il
y a justice et justice, adoption et adoption, circoncision et
circoncision, il y a aussi grâce et grâce, la première comme
figure, la seconde comme vérité. Jean-Baptiste parle de la sorte
pour prouver aux Juifs qu'eux-mêmes n'étaient sauvés que par
grâce, et que nous-mêmes, tous tant que nous sommes, nous ne
pouvons arriver au salut par une autre voie. Ce fut donc une
véritable grâce, et un acte de miséricorde que la loi qui fut
donnée aux Juifs. Aussi l'Evangéliste, voulant faire ressortir
la grandeur des dons qui ont été faits, ajoute : « La loi a été
donnée par Moïse, mais la grâce, » etc. Il avait plus haut
établi une comparaison entre Jésus-Christ et lui, en disant : «
Il a été fait plus grand que moi. » Ici saint Jean fait cette
comparaison entre Jésus-Christ et Moïse qui fut pour les Juifs
l'objet d'une bien plus grande admiration que Jean-Baptiste. Et
voyez quelle est ici sa prudence : Il n'établit pas la
comparaison entre les personnes, mais entre les choses, et il
oppose la grâce et la vérité à la loi, aussi bien que cette
expression : « A été donnée, » à cette autre : « A été
faite. » Il dit de la loi qu'elle a été donnée, c'était
l'œuvre d'un serviteur qui transmet ce qu'il a reçu selon
l'ordre qui lui a été imposé. Ces paroles, au contraire : « La
grâce et la vérité ont été faites, » indiquent un roi qui
remet tous les péchés par sa puissance, c'est ce que faisait
Jésus : « Vos péchés vous sont remis (Mc 2, 9), et encore : «
Afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de
remettre les péchés, » etc. (Mc 2, 10 et 11). Vous voyez comme
la grâce a été faite par Jésus-Christ, considérez comment la
vérité nous est aussi venue de la même manière. Le don du
baptême, le bienfait de l'adoption qui nous est donné par le
Saint-Esprit, et une multitude d'autres dons sont les preuves et
les fruits de la grâce. Quant à la vérité, nous comprendrons
mieux comment elle est venue par Jésus-Christ, si nous avons une
connaissance parfaite des figures de la loi; car tout ce qui
devait s'accomplir dans le Nouveau Testament a été annoncé et
figuré dans l'Ancien, et c'est Jésus-Christ qui est venu
accomplir toutes ces figures. C'est ainsi que la figure a été
donnée par Moïse, et que la vérité a été faite par
Jésus-Christ.
S.
Augustin : (de la Trin., 13, 20). Ou bien
encore, nous pouvons rapporter la grâce à la science, et la
vérité à la sagesse. Parmi les choses qui ont pris naissance
dans le cours des temps, la grâce par excellence qui nous a été
donnée, c'est que l'homme ait été uni à Dieu en unité de
personne; et dans les choses de l'éternité, la vérité suprême
et par excellence doit s'entendre du Verbe de Dieu.
Verset
18.
Origène
: (Traité 6 sur S. Jean). C'est sans
aucune raison qu'Héracléon prétend que ces paroles ne sont
point de Jean-Baptiste, mais de l'Evangéliste. En effet, si les
paroles qui précèdent : « Nous avons tous reçu de sa
plénitude, » ont été dites par le saint Précurseur, comment
ne pas admettre comme conséquence, que celui qui avait reçu de
la plénitude de Jésus-Christ et une seconde grâce pour la
première, celui qui avait déclaré que la loi avait été donnée
par Moïse, et que la grâce et la vérité étaient venues par
Jésus-Christ, ait compris comment personne n'a jamais vu Dieu,
mais que le Fils unique, qui repose dans le sein du Père, a donné
la connaissance de ces mystères, non-seulement à Jean, mais à
tous ceux qui marchent dans les voies de la perfection ? Et ce
n'est pas la première fois que celui qui est dans le sein du Père
les révélait, comme si avant les Apôtres, personne n'avait été
digne de recevoir cette révélation; car lui qui existait avant
qu'Abraham fût fait, nous apprend qu'Abraham a tressailli du
désir de voir son jour, et qu'il en a été rempli de joie.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 15 sur S. Jean).
Ou bien, c'est l'Evangéliste lui-même qui, pour faire ressortir
la prééminence des dons que Jésus-Christ nous a faits sur ceux
dont Moïse a été le dispensateur, nous indique le véritable
motif de cette supériorité. Moïse, simple serviteur, a été le
dispensateur de grâces moins importantes; Jésus, au contraire,
le souverain Seigneur et Fils de roi, a répandu sur nous des
grâces d'un ordre bien supérieur, lui dont l'existence est
éternelle comme celle du Père, et qui jouit éternellement de sa
présence. Voila l'explication de ces paroles : « Personne n'a
jamais vu Dieu. » — S. Augustin :
(Lettre 112 à Pauline). Que signifient
donc ces paroles de Jacob : « J'ai vu le Seigneur face, à face,
» (Gn 32) et ce qui est écnt de Moïse, qu'il parlait à Dieu
face à face (Ex 33), et encore ce que le prophète Isaïe dit de
lui-même : « J'ai vu le Seigneur des armées assis sur un trône
? » (chap. 6)— S. Grégoire : (Moral.,
28, 18) Ces textes nous donnant clairement à comprendre que
pendant cette vie mortelle, on peut bien voir Dieu sous certaines
figures, mais jamais dans la claire manifestation de sa nature,
c'est-à-dire que, l'âme comme inspirée par la grâce de
l'Esprit saint, le voit comme à travers ces figures, mais sans
pouvoir jamais parvenir à la vue intime de son essence. C'est
ainsi que Jacob, qui affirme qu'il a vu Dieu, n a vu cependant
qu'un ange; c'est ainsi encore que Moïse, qui parlait à Dieu
face à face, lui fait cette prière : « Manifestez-vous à moi
ouvertement, afin que je vous voie et que je vous connaisse ».
D'où nous pouvons conclure qu'il avait soif de voir dans toute sa
splendeur cette nature infinie qu'il avait commencé à voir dans
des figures imparfaites.
S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si les
patriarches de l'Ancien Testament avaient véritablement vu la
nature divine, ils ne l'auraient point vue sous des formes
différentes, car cette divine nature est simple et sans figure,
on ne peut la supposer ni assise, ni debout, ni en marche, toutes
choses qui ne conviennent qu'aux corps. Aussi écoutez comment
Dieu parle par son prophète : « J'ai multiplié pour eux les
visions, et ils m'ont représenté à vous sous des images
différentes. » (Os 12) C'est-à-dire, je me suis accommodé à
leur faiblesse; je ne leur ai pas apparu tel que j'étais. Comme
le Fils de Dieu devait se manifester à nous dans une chair
véritable, il les préparait dès lors à voir Dieu, autant que
cela leur était possible.
S.
Augustin : (Lettr. à Pauline). Mais
comment concilier ces paroles : « Bienheureux ceux qui ont le
cœur pur, parce qu'ils verront Dieu, » (Mt 5) et ces autres : «
Lorsqu'il apparaîtra, nous lui serons semblables, parce que nous
le verrons tel qu'il est, » avec celles-ci : « Personne n'a
jamais vu Dieu ? » On peut répondre que les témoignages qu'on
vient de citer ont pour objet la vision future de Dieu, et non la
vision actuelle. Le texte dit en effet : « Ils verront Dieu, »
et non : Ils ont vu Dieu; de même encore : « Nous le verrons tel
qu'il est, » et non pas : Nous l'avons vu. Or, Jean dit ici : «
Personne n'a jamais vu Dieu, » ou dans cette vie tel qu'il est,
ou même dans la vie des anges, où Dieu n'est pas vu comme le
sont les objets extérieurs par les yeux du corps.
S.
Grégoire : (Moral., 18, 28). Que
cependant, même dans cette chair corruptible, des âmes qui ont
fait d'immenses progrès dans la vertu puissent voir la splendeur
divine avec les yeux perçants de la contemplation cela n'est
nullement en contradiction avec ces paroles; car celui qui a le
bonheur de voir la sagesse qui est Dieu, meurt entièrement à la
vie présente, et s'affranchit ainsi de toutes ses affections. S.
Augustin : (De la Gen.; explic. littér.,
27) Si, en effet on ne meurt à cette vie soit en se séparant
réellement du corps, sent en se détachant si parfaitement des
sens extérieurs, qu'on puisse dire avec l’Apôtre, qu’on ne
sait si on est avec son corps ou en dehors de son corps (2 Co 12),
ou ne peut être élevé jusqu'à la hauteur de cette
contemplation.
S.
Grégoire : (Moral., 18, 28). Il en est
qui ont prétendu que, même dans cette région du bonheur, Dieu
pourra être vu dans sa gloire, mais nullement dans sa nature.
Leurs recherches plus subtiles qu approfondies les ont induits en
erreur, car pour cette essence simple et immuable la gloire n'est
pas différente de la nature.
S.
Augustin : (Lettre à Pauline). Dira-t-on
que ces paroles : « Personne n'a jamais vu Dieu, » doivent
s'entendre des hommes seuls, comme l'explique plus ouvertement
l'Apôtre, quand il dit : « Qu’aucun homme ou que nul homme n'a
vu et ne peut voir. » (1 Tm 6) La difficulté se résout
d'elle-même, et ces paroles : « Personne n’a jamais vu Dieu, »
ne sont nullement en opposition avec ces autres du Sauveur : «
Leurs anges voient toujours la face de mon Père, » (Mt 18)
puisqu'il est facile de comprendre que les anges voient Dieu,
qu'aucun homme n'a jamais pu voir. — S.
Grégoire : (Moral., 18, 28). D'autres
cependant soutiennent qu'il est impossible, même aux anges de
voir Dieu. — S. Jean Chrysostome : (hom.
précéd). Certainement, ni les prophètes, ni les anges, ni les
archanges, n'ont jamais vu ce qu'est Dieu en lui-même. Si vous
interrogez les anges, ils ne vous diront rien de la substance
divine, ils se contentent de chanter : « Gloire à Dieu au plus
haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
» (Lc 2) Désirez-vous apprendre quelque chose de plus des
chérubins et des séraphins ? Vous n'entendrez sortir de leur
bouche que cette hymne mystérieuse de la sainteté de Dieu : «
Le ciel et la terre sont pleins de sa gloire. » (Is 6) — S.
Augustin : (Lett. à Pauline). Ces paroles
sont encore vraies en ce sens, que personne n'a jamais pu
comprendre, non-seulement des yeux du corps, mais par les forces
de son esprit, la plénitude de l'essence divine. Il y a, en
effet, une grande différence entre la simple vision et la
compréhension parfaite. Nous voyons ce dont nous apercevons la
présence de quelque manière que ce soit, mais nous comprenons
une chose quand nous la voyons si parfaitement, qu'aucune des
parties qui la composent n'échappe à nos investigations. — S.
Augustin : Il n'y a donc que le Fils et
l'Esprit saint qui puissent voir le Père, car comment une simple
créature pourrait-elle voir une nature incréée ? Personne donc
ne connaît le Père, si ce n'est le Fils : « Le Fils unique, qui
est dans le sein du Père, nous l'a fait connaître. » Et de peur
que le nom de Fils vous donne à penser qu'il s'agit ici d'au de
ceux qui sont devenus fils de Dieu par sa grâce, l'article
précède le mot Fils (ό υίος). Et si cela ne suffit pas
encore, on vous dit que c'est le Fils unique.
S.
Hilaire : (De la Trin., 6) Le nom de Fils
ne paraissait pas encore assez explicite pour exprimer la nature
divine, si Jean-Baptiste n'y ajoutait une propriété qui le rend
exclusif et incommunicable. En effet, par l'emploi de ces seuls
mots : Fils et unique, il exclue toute idée d'adoption, puisque
la nature divine seule peut remplir toute la signification de ce
nom. — S. Jean Chrysostome : (hom.
précéd). Il ajoute encore une autre preuve de la même vérité
: « Qui est dans le sein du Père, » privilège bien supérieur
à celui de voir simplement Dieu. Celui qui ne fait que le voir,
n'a pas une connaissance parfaite de ce qu'il voit. Mais celui qui
demeure dans le sein du Père, ne peut rien ignorer de ce qui est
en Dieu. Lors donc que vous entendez ces paroles : « Personne ne
connaît le Père, si ce n'est le Fils, » ne les prenez pas dans
ce sens que le Fils a du Père une connaissance supérieure à
celle de tous les hommes, mais qui cependant n'embrasse point
l'immensité de son être, car l'Evangéliste vous dit qu'il
demeure dans le sein du Père, pour vous faire comprendre son
union intime avec le Père, et son existence coéternelle avec
lui. — S. Augustin : (Tr.
3 sur S. Jean. ) « Dans le sein du Père, » c'est-à-dire, dans
le secret du Père, car Dieu n'a pas de sein comme celui que nous
formons avec nos vêtements, il ne s'assoie point comme nous, il
ne porte pas de ceinture qui puisse former un sein. Mais on
appelle le secret du Père le sein du Père, parce que le sein
chez nous est comme une partie intime de nous-mêmes. C'est donc
celui qui a connu le Père dans le secret du Père, qui nous a
raconté ce qu'il a vu.
S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd).
Comment nous l'a-t-il raconté ? Eu proclamant qu'il n'y a qu'un
seul Dieu; mais c'est ce que Moïse et les prophètes avaient fait
avant lui. Que nous a donc fait connaître de plus le Fils, qui
demeurait dans le sein du Père ? Il nous a enseigné d'abord que
les prophètes n'ont annoncé l'existence d'un seul Dieu que par
la vertu du Fils unique; secondement, que nous avons reçu par ce
Fils unique des grâces bien plus grandes et plus abondantes;
troisièmement, que Dieu est esprit, et que ceux qui l'adorent
doivent l'adorer en esprit et en vérité (Jn 4), et enfin que
Dieu est le Père du Fils unique. — S.
Bède : Si on rapporte au passé ce mot
(enarravit), il a raconté, nous dirons que le Fils de l'homme
nous a l'ait connaître ce que nous devions penser et croire de
l'unité de la Trinité, comment nous devons nous élever jusqu'à
la contemplation d'un si grand mystère et par quelles œuvres
nous pouvons y parvenir. Si on traduit ce mot au futur, le sens
sera que le Fils racontera ce qu'il a vu dans le sein du Père,
lorsqu'il introduira ses élus dans les célestes clartés de la
vision éternelle. — S. Augustin :
(Traité 3). Il s'est trouvé des hommes
qui, trompés par la vanité de leur cœur, ont dit : Le Père est
invisible, le Fils, au contraire, est visible. Si dans leur
pensée, le Fils est visible, parce qu'il s'est revêtu d'un corps
sensible, nous sommes de leur avis, et c'est aussi ce qu'enseigne
la foi catholique; mais s'ils prétendent qu'il était visible
avant même son incarnation, ils tombent dans une grave absurdité.
Jésus-Christ est la sagesse et la vertu de Dieu, or la sagesse de
Dieu ne peut pas être vue des yeux du corps. La parole, le verbe
de l'homme est invisible pour les yeux de l'homme, comment le
Verbe de Dieu pourrait-il être visible ? — S.
Jean Chrysostome : (hom. préc). Ce n'est
donc pas au Père seul que se rapportent ces paroles : « Personne
n'a jamais vu Dieu, mais elles sont également vraies du Fils,
dont saint Paul a dit : « Il est l'image du Dieu invisible, »
or, celui qui est l'image d'un être invisible, est invisible
lui-même.
Versets
19-23.
Origène
: (Traité 6 sur S. Jean). C'est ici le
second témoignage que nous voyons Jean-Baptiste rendre à
Jésus-Christ, puisque le premier commence à ces paroles : «
Voici celui dont je disais : celui qui doit venir après eux, »
etc., et se termine par ces autres : « C'est lui qui l'a raconté.
» — Théophylactus : On
peut dire encore que l'Evangéliste, après avoir rapporté le
témoignage rendu par Jean-Baptiste à Jésus-Christ : « Il a été
fait plus grand que moi, » etc., nous fait connaître l'époque à
laquelle le saint précurseur a rendu ce témoignage : « Et tel
est le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent, »
etc. — Origène : (Traité
6). Les Juifs qui envoient cette députation étaient parents de
Jean-Baptiste, comme étant eux-mêmes de race sacerdotale, et ils
envoient pour demander à Jean qui il était, des prêtres et des
lévites de Jérusalem, c'est-à-dire, des hommes élevés
au-dessus des autres, et par leur vocation, et par la ville qu'ils
habitaient. Ils s'adressent donc à Jean avec les marques du plus
grand respect, jamais ils n'agirent de cette manière à l'égard
du Sauveur. Mais la démarche qu'ils font aujourd'hui auprès de
Jean-Baptiste, le saint précurseur la fit lui-même à l'égard
de Jésus-Christ, en envoyant ses propres disciples lui demander :
« Etes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un
autre ? »— S. Jean Chrysostome : (hom.
16 sur S. Jean). Jean-Baptiste était à leurs yeux si digne de
foi, qu'ils étaient disposés à croire au témoignage qu'il
rendrait de lui-même : « Ils envoyèrent pour demander : Qui
êtes vous ? » — S. Augustin : (Traité
4 sur S. Jean). Ils ne lui auraient pas envoyé cette députation,
s'ils n'avaient été frappés du caractère de supériorité qui
brillait en sa personne et en vertu duquel il donnait le baptême.
— Origène : (Traité
6 sur S. Jean). Jean-Baptiste démêlait dans la question des
prêtres et des lévites le doute où ils étaient, s'il n'était
pas le Christ qui baptisait, doute qu'ils se gardaient bien de
produire au dehors, de crainte de paraître téméraires. Aussi
s'empresse-t-il tout d'abord de détruire cette opinion erronée,
et de préparer ainsi les voies à la vérité, en déclarant
ouvertement qu'il n'est pas le Christ. Ajoutons que le temps où
le Christ devait venir était pour le peuple juif un temps
d'espérance et de joie dont il jouissait par avance, parce que
les docteurs de la loi recueillaient dans les saintes Ecritures
les témoignages qui attestaient que ce temps était proche; c'est
ce qui explique comment Théodas réunit autour de lui une assez
grande multitude de peuple, et après lui Judas, le Galiléen, au
temps du dénombrement du peuple. (Ac 5) Comme l'avènement du
Christ était alors l'objet des plus ardents désirs et de
l'attente universelle, les Juifs envoient demander à Jean : «
Qui êtes-vous ? » pour savoir s'il avouerait qu'il était le
Christ. Or, en disant : « Je ne suis point le Christ; » il ne
nie pas, mais au contraire, confesse ouvertement la vérité. —
S. Grégoire : (hom.
7 sur les Evang). Il nie clairement ce qu'il n'est pas, mais il ne
nie pas ce qu'il est. Son langage, est celui de la vérité, et il
mérite ainsi de devenir le membre de celui dont il ne voulait pas
usurper injustement le nom.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 16 sur S. Jean).
On peut dire encore que les Juifs avaient à l'égard de
Jean-Baptiste, des sentiments beaucoup trop humains. Ils
regardaient comme indigne de lui d'être inférieur au Christ, à
cause de l'éclat extraordinaire qui entourait toutes les
circonstances de sa vie, sa naissance illustre (il était fils du
prince des prêtres), son éducation austère, et le mépris qu'il
faisait des choses humaines. Jésus-Christ, au contraire,
paraissait venir d'une famille obscure, comme les Juifs le lui
reprochaient : « Est-ce qu'il n'est pas le fils du charpentier ?
» et sa manière de se nourrir et de se vêtir n'avait rien qui
le distinguât des autres hommes. Or, comme Jean envoyait
continuellement à Jésus-Christ, et que les Juifs cependant
préféraient l'avoir pour maître, ils lui envoient une
députation, dans l'espérance de l'amener par leurs flatteries, à
déclarer qu'il était le Christ. Ce ne sont donc point des hommes
du peuple qu'ils lui députent (comme lorsqu'ils envoient au
Christ des serviteurs et des hérodiens), mais des prêtres et des
lévites, et encore n'étaient-ce pas les premiers venus, mais des
prêtres de Jérusalem, c'est-à-dire, les plus honorables et les
plus distingués d'entre eux. Ils lui envoient donc demander : «
Qui êtes-vous ? » non pas qu'ils ignorent ce qu'il est, mais
parce qu'ils veulent l'amener à donner une réponse conforme à
leurs désirs. Aussi Jean-Baptiste répond à leurs pensées
plutôt qu'à leur question : « Il confessa, et il ne le nia
point, il confessa : Je ne suis pas le Christ. » Et voyez la
sagesse de l'Evangéliste, il répète trois fois à peu près la
même expression, pour faire ressortir la vertu de Jean-Baptiste,
et la malice insensée des Juifs; car c'est le devoir d'un
serviteur fidèle, non-seulement de ne pas ravir la gloire qui
appartient à son maître, mais de la rejeter quand elle lui est
offerte, même par un grand nombre. C'était par ignorance que le
peuple conjecturait que Jean-Baptiste pourrait être le Christ,
tandis que c'est avec mauvaise intention que les prêtres et les
lévites lui adressent cette question, espérant l'amener par
leurs flatteries au résultat qu'ils désiraient. Si telle n'avait
pas été leur intention, lorsque Jean leur eut répondu : « Je
ne suis pas le Christ, » ils se fussent empressés de dire : Nous
n'avons jamais eu cette pensée, ce n'est pas ce que nous sommes
venus vous demander. Mais honteux de voir leur pensées ainsi
dévoilées, ils passent aussitôt à une autre question : « Qui
êtes-vous donc, lui dirent-ils ? Etes-vous Elie ?» — S.
Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Ils
savaient qu'Elie devait précéder le Christ, car le nom du Christ
n'était ignoré de personne chez les Juifs. Ils ne croyaient pas
que Jean-Baptiste fût le Christ, ils n'avaient pas cependant
perdu toute espérance de l'avènement prochain du Christ, et avec
cette espérance, la venue du Christ fut pour eux comme une
véritable pierre de scandale.
«
Et il répondit : Je ne le suis pas. » — S.
Grégoire : (hom. 7). Cette réponse donne
lieu à une difficulté assez grande : les disciples de Jésus
l'ayant un jour questionné sur l'avènement d'Elie, il leur
répondit : « Puisque vous voulez le savoir, c'est Jean lui-même
qui est Elie. » (Mt 11) Ici on demanda à Jean-Baptiste lui-même
s'il est Elie, et il répond : « Je ne le suis pas. » Comment
peut-il être le prophète de la vérité, si ces paroles sont en
désaccord avec celles de la vérité ? — Origène
: (Traité précédent). On dira peut-être
que Jean-Baptiste ignorait qu'il fût Elie, et c'est l'opinion que
soutiennent ceux qui professent la doctrine de la transmigration
des âmes dans de nouveaux corps. Les Juifs lui demandent donc par
les prêtres et les lévites s'il était Elie, parce qu'ils
admettent comme véritable le dogme de la transmigration
successive des âmes, dogme conforme à leurs traditions et à
leurs doctrines secrètes; et Jean-Baptiste leur répond : « Je
ne suis pas Elie, » parce qu'il ignore sa première existence
dans un autre corps. Mais comment peut-on supposer raisonnablement
que Jean, qui, comme prophète, a été inondé des lumières de
l'Esprit saint, et nous a révélé de si grandes vérités sur
Dieu et sur son Fils unique, ait pu ignorer que son âme avait
autrefois animé le corps d'Elie ? — S.
Grégoire : (hom. 7). Si l'on veut
examiner à fond cette difficulté, on trouvera le moyen de
concilier cette contradiction apparente. Que dit, en effet, l'ange
à Zacharie ? « Il marchera devant lui dans l'esprit et la vertu
d'Elie, » c'est-à-dire, que Jean-Baptiste devait précéder le
premier avènement, comme Elie devra un jour précéder le second;
de même qu'Elie sera le précurseur du Juge, ainsi Jean-Baptiste
devait être le précurseur du Rédempteur; Jean-Baptiste était
donc Elie en esprit, mais il ne l'était pas en personne. Ce que
le Sauveur affirme de l'esprit d'Elie, Jean le nie de la personne.
Il était juste, en effet, que le Seigneur parlât de Jean à ses
disciples dans un sens spirituel, tandis que Jean devait répondre
au peuple encore grossier, en niant dans le sens littéral, qu'il
fût Elie en personne.
Origène
: Jean répondit donc aux prêtres et aux
lévites; « Je ne le suis pas, » en devinant l'intention qui
avait dicté leur demande. Cette question, en effet, avait pour
but de savoir, non pas s'il avait le même esprit qu'Elie, mais
s'il était en réalité cet Elie, qui avait été enlevé dans
les cieux, et qui, sans passer par une nouvelle naissance,
apparaissait de nouveau conformément à l'attente des Juifs. Ceux
qui croient à la transmigration des âmes dans de nouveaux corps,
diront qu'il est invraisemblable que des prêtres et des lévites
pussent ignorer la naissance d'un fils, que Zacharie, prêtre si
distingué, eut dans sa vieillesse, surtout lorsque saint Luc nous
atteste qu'à sa naissance, tous les habitants du voisinage furent
remplis de crainte, et que le bruit de ces merveilles se répandit
dans tout le pays des montagnes de Judée. Peut-être, comme ils
savaient qu'Elie viendrait avant Jésus-Christ vers la fin du
monde, demandent-ils à Jean-Baptiste, dans le sens figuré : «
Est-ce vous qui annoncez l'arrivée du Christ, qui doit venir à
la fin du monde ? » Et il répond avec sagesse : « Non, ce n'est
pas moi. » Un grand nombre savait que Jésus était né de Marie,
mais quelques-uns ne laissaient pas de tomber dans cette erreur
qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou quelqu'un des
prophètes; il n'y a donc rien d'étonnant que, tandis que les uns
savaient parfaitement que Jean-Baptiste était fils de Zacharie,
d'autres fussent dans le doute s'il n'était pas le prophète Elie
qu'ils attendaient. Mais comme il avait paru plusieurs prophètes
en Israël, l'objet de leur attente était surtout en prophète
que Moïse avait annoncé en ces termes : « Dieu vous suscitera
un prophète du milieu de vos frères, vous lui obéirez comme à
moi. » (Dt 5, 5; Ex 24, 7-8). C'est ce qui explique la troisième
question qu'ils font à Jean-Baptiste, non pas s'il était
simplement prophète, mais s'il était le prophète avec
l'article, comme porte le texte grec : « Etes-vous le prophète ?
» Le peuple d'Israël savait, qu'aucun des prophètes n'avait été
celui que Moïse avait annoncé, et qui devait, à l'exemple de ce
législateur du peuple de Dieu, être le médiateur entre Dieu et
les hommes, et transmettre à ses disciples le testament ou
l'alliance qu'il recevait de Dieu. Or, tandis que les Juifs
refusaient de reconnaître dans Jésus-Christ ce prophète prédit
par Moïse, et voulaient attribuer ce nom à un autre que lui,
Jean savait que Jésus était vraiment ce prophète. Aussi
répond-il : « Je ne le suis pas. » — S.
Augustin : (Traité précéd). Peut-être
répond-il de la sorte, parce qu'il était plus grand qu'un
prophète, les prophètes ayant prédit le Christ longtemps à
l'avance, tandis que Jean le montrait présent au milieu des
hommes.
«
Ils lui dirent donc : Qui êtes-vous, afin que nous donnions une
réponse à ceux qui nous ont envoyés ? » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 16 sur S. Jean).
Voyez comme ils insistent et le pressent de nouvelles questions,
et comme Jean-Baptiste leur répond avec douceur en détruisant
toutes leurs fausses idées et leur faisant connaître ce qu'il
était en vérité : « Il répondit : Je suis la voix de celui
qui crie dans le désert. » — S.
Augustin : (Traité précéd). Cette
prophétie d'Isaïe a reçu son accomplissement dans la personne
de Jean-Baptiste. — S. Grégoire : (hom.
7). Vous savez que le Fils unique de Dieu est appelé le Verbe du
Père; or, notre langage nous aide à nous rendre compte de ce
fait, que la voix doit retentir d'abord, pour que le verbe ou la
parole puisse être entendue. Jean affirme donc qu'il est la voix,
parce qu'il précède le Verbe, et que c'est par son ministère
que le Verbe du Père a été connu des hommes.— Origène
: Héracléon, dans ses réflexions
absurdes sur Jean et les prophètes, reconnaît que le Sauveur est
bien le Verbe, et que Jean est la voix, parce que tout prophète
n'est qu'un son. Nous lui répondrons par ces paroles de l'Apôtre
: « Si la trompette ne rend qu'un son confus, qui est-ce qui se
préparera au combat ? » (1 Co 14) Si donc la voix des prophètes
n'est qu'un son, comment le Sauveur nous ordonne-t-il de recourir
à cette voix ? « Scrutez les Ecritures, nous dit-il. » (Jn 5,
1). Or, Jean déclare qu'il est non pas la voix qui crie dans le
désert, mais « la voix de celui qui crie dans le désert, »
c'est-à-dire, de celui qui se tenait debout et disait à haute
voix : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive.
» (Jn 7) Il parle à haute voix pour se faire entendre de ceux
qui étaient éloignés, et aussi pour faire comprendre à ceux
qui ont l'ouïe dure, l'importance des vérités qu'il leur
enseignait. — Théophylactus : Ou
bien encore, Jean est la voix, parce qu'il annonce ouvertement la
vérité, tandis que sous la loi le langage des prophètes était
couvert d'obscurité. — S. Grégoire :
(hom. 7). Ou encore, Jean criait dans le
désert, parce qu'il venait annoncer la consolation du Rédempteur
à la Judée, semblable à un lieu désert et abandonné. —
Origène : (Traité
précéd). La voix qui crie dans le désert est nécessaire à
l'âme abandonnée de Dieu, pour la ramener dans les voies droites
qui conduisent à lui, sans qu'elle s'égare davantage dans les
voies tortueuses du serpent mauvais, pour l'élever par la
méditation jusqu'à la contemplation de la vérité sans mélange
d'erreur, et faire succéder à cette méditation sérieuse la
pratique des bonnes œuvres. Voilà le sens de ces paroles : «
Rendez droite la voie du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe.
» — S. Grégoire : (hom.
7). La voie du Seigneur va droit au cœur, lorsqu'on écoute avec
humilité la parole de vérité; elle va droit au cœur
lorsqu'elle le prépare à l'accomplissement des divins préceptes.
Versets
24-28.
Origène
: (Traité 7 sur S. Jean). Après que
Jean-Baptiste eut fait cette réponse aux prêtres et aux lévites,
les pharisiens l'interrogèrent de nouveau : « Or, ceux qui
avaient été envoyés, étaient des pharisiens.» Autant qu'il
est permis de le conjecturer d'après le contexte, ce fut là le
troisième témoignage. On peut remarquer que les prêtres et les
lévites avaient fait au saint Précurseur une question pleine de
convenance et conforme ù leur caractère : « Qui êtes-vous ? »
Cette question n'est ni insolente ni déplacée, tout y est digne
de vrais ministres de Dieu. Mais les pharisiens, justifiant la
signification de leurs noms, qui veut dire divisés, importuns et
fâcheux, font à Jean-Baptiste, par esprit de division, une
question blessante : « Ils l'interrogèrent, et lui dirent :
Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni
Elie, ni le Prophète ? » Ce n'est point qu'ils désirent eu
savoir la raison, ils veulent tout simplement l'empêcher de
baptiser. Avec cela, je ne sais quel motif les portait encore à
recevoir le baptême de Jean. Pour expliquer cette conduite, il
faut dire que les pharisiens venaient recevoir ce baptême sans y
croire, par hypocrisie, et par crainte du peuple. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 15 sur S, Jean).
On peut dire encore que les prêtres et les lévites eux-mêmes
étaient du nombre des pharisiens; ils n'ont pu triompher de Jean
par leurs flatteries, ils cherchent donc à l'accuser pour le
forcer de faire un aveu contraire à la vérité : « Et ils
l'interrogèrent et lui dirent : Pourquoi baptisez-vous, si vous
n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ? » Comme si
c'était une témérité impardonnable de baptiser, sans être le
Christ, ou son précurseur, ou son héraut, c'est-à-dire un
prophète.
S.
Grégoire : (hom. 7). Mais l'amour de la
bonté dans les saints est à l'épreuve même des questions
malveillantes qui leur sont adressées. Aussi Jean-Baptiste ne
répond à ces paroles dictées par un sentiment de jalousie, que
par les enseignements de la vie : « Il leur répondit : Moi, je
baptise dans l'eau. » — Origène :
(Traité 8 sur S. Jean). Quelle autre
réponse convenait-il de faire à cette question : « Pourquoi
baptisez-vous ? » que de bien définir la nature de son baptême
qui était un baptême purement corporel.
S.
Grégoire : (hom. 7). En effet,
Jean-Baptiste ne baptisait pas dans l'esprit, mais dans l'eau,
parce que son baptême ne pouvait effacer les péchés; ce baptême
lavait dans l'eau les corps de ceux qui venaient le recevoir, mais
ne purifiait pas les âmes par le pardon. Pourquoi donc
baptise-t-il, puisque son baptême ne peut remettre les péchés ?
C'était pour remplir encore ici son office de précurseur; sa
propre naissance avait précédé la naissance du Seigneur, son
baptême devait aussi précéder le baptême du Sauveur. Il avait
été le précurseur du Christ en l'annonçant aux Juifs, il était
juste qu'il le fût aussi par un baptême qui était la figure du
sacrement do baptême, et qu'en baptisant de la sorte, il annonçât
le mystère de la rédemption, et déclarât que le Rédempteur se
trouvait au milieu d'eux, sans en être connu : « Mais il y en a
un au milieu de vous que vous ne connaissez pas. » C'est qu'en
effet, le Seigneur s'étant manifesté dans un corps sensible, il
était visible dans son corps, et invisible dans sa majesté.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 16).
Jean-Baptiste parlait de la sorte, parce que le Sauveur était
mêlé au peuple, comme un homme ordinaire, pour nous apprendre
qu'il voulait en tout pratiquer l'humilité. Ces paroles : « Que
vous ne connaissez pas, » doivent s'entendre d'une connaissance
parfaite, qui s'étendit par conséquent à la nature du Sauveur
et à son origine divine. — S. Augustin :
(Traité 4 sur S. Jean). Son humilité le
couvrait comme d'un voile qui ne permettait pas de le voir, c'est
pour cola qu'il fallut allumer une lampe. — Théophylactus
: Ou bien le Seigneur était au milieu des
pharisiens sans en être connu, parce qu'ils prétendaient savoir
les Ecritures; comme le Seigneur s'y trouve annoncé, il était au
milieu d'eux, c'est-à-dire au milieu de leurs cœurs, mais ils ne
le connaissaient pas, parce qu'ils ne comprenaient pas les
Ecritures. Ou bien encore, Jésus-Christ était au milieu des
pharisiens, en tant que médiateur de Dieu et des hommes pour les
unir à Dieu, mais les pharisiens ne le connaissaient pas.
Origène
: (Traité 7) Ou bien encore, après avoir
répondu à la première partie de leur question : « Pourquoi
baptisez-vous ? » en leur disant : « Moi, je baptise, dans
l'eau, » il répond à la seconde partie : « Si vous n'êtes pas
le Christ, » en faisant l'éloge de la nature supérieure et
divine du Christ, dont la puissance est si grande qu'il est
invisible dans sa divinité, bien qu'il soit présent partout, et
comme répandu dans tout ce vaste univers, ce qu'il veut exprimer
par ces paroles : « Il y en a un au milieu de vous que vous ne
connaissez pas. » En effet, il est répandu dans tout cet
univers, et en pénètre toutes les parties, tout ce qui est créé
ne l'est que par lui; car toutes choses ont été faites par lui.
Il était donc évidemment au milieu de ceux qui demandaient à
Jean-Baptiste : « Pourquoi baptisez-vous ? » Ou bien encore, ces
paroles : « Il y en a un au milieu de vous, » doivent s'entendre
de nous tous; car il est au milieu de nous, en tant que nous
sommes des êtres raisonnables, puisque la partie la plus
excellente de notre âme, c'est-à-dire notre cœur, se trouve au
milieu de notre corps. Ceux donc qui portent le Verbe au milieu
d'eux, mais qui ne connaissaient ni sa nature, ni son origine, ni
la manière dont il est en eux, ont le Verbe au milieu d'eux, sans
le connaître. Mais pour Jean, ils le connaissent, de là ce
reproche qu'il leur fait : « Il y en a un au milieu de vous que
vous ne connaissez pas. » Les pharisiens qui attendaient la venue
du Christ, n'apercevaient en lui rien d'aussi élevé, et le
regardaient simplement comme un homme vertueux, voilà pourquoi
Jean-Baptiste leur reproche d'ignorer l'excellence et la
supériorité du Sauveur. Il leur dit : « Il est, il se tient au
milieu de vous, » car de même que le Père reste toujours
immuable et au-dessus de tonte vicissitude, ainsi le Verbe se
tient aussi toujours prêt à nous sauver, c'est dans ce but qu'il
s'est incarné, et qu'il se tient au milieu des hommes comme
invisible et sans en être connu. Et pour ne pas laisser à penser
que celui qui est invisible, qui pénètre le cœur de tous les
hommes, et l'univers tout entier, est différent de celui qui
s'est incarné et qui s'est manifesté sur la terre, Jean-Baptiste
ajoute : « C'est lui qui doit venir après moi, » c'est-à-dire
qui doit se manifester aux hommes après moi. L'expression après,
n'a pas ici le même sens que dans ces paroles où Jésus nous
invite à marcher après lui. (Mt 16; Lc 9) D'un côté, le
Sauveur nous ordonne de le suivre, afin de pouvoir parvenir
jusqu'au Père en marchant sur ses traces; de l'autre,
Jean-Baptiste veut nous faire connaître le but et la fin de sa
prédication : il est venu pour préparer les hommes, par la foi,
à recevoir des enseignements plus parfaits que ceux qu'il leur
donnait. — S. Jean Chrysostome : (hom.
préced). Il leur dit donc : « C'est lui qui doit venir après
moi, » c’est-à-dire : Ne croyez pas que mon baptême contienne
et donne toute perfection, s'il en était ainsi, un autre ne
viendrait pas après moi pour donner un baptême différent. Mon
baptême en est la préparation, il passera comme une ombre et une
image pour faire place à la réalité; car il faut que celui qui
doit annoncer la vérité, vienne après moi. Si mon baptême
était parfait, il n'y aurait pas lieu de lui en substituer un
second. Aussi a-t-il soin d'ajouter : « Qui a été fait plus
grand que moi, » c'est-à-dire qui est plus illustre et plus
digne d'honneur et de gloire que moi. — S.
Grégoire : Ces paroles : « Il a été
fait avant moi, » veulent dire, il m'a été préféré. Il vient
après moi; parce que sa naissance a suivi la mienne, mais il a
été fait avant moi, parce qu'il a été placé au-dessus de moi.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 16 sur S. Jean).
Mais Jean-Baptiste ne veut pas laisser supposer qu'on puisse
établir une comparaison entre le Christ et lui, et pour montrer
que sa gloire est incomparable, il ajoute : « Je ne suis pas
digne de dénouer la courroie de sa chaussure, » c'est-à-dire il
est tellement élevé au-dessus de moi, que je ne suis pas digne
d'être compté au nombre de ses derniers serviteurs, car c'est un
des derniers offices, que de dénouer la courroie des
chaussures.—S. Augustin : (Traité
4 sur S. Jean). Se juger digne seulement de dénouer la courroie
de sa chaussure, eût déjà été dans Jean-Baptiste un grand
acte d'humilité. — S. Grégoire : (hom.
préc). On peut encore donner cette explication. C'était un usage
chez les anciens Juifs, que lorsqu'un homme refusait de prendre
pour femme celle que la loi lui faisait un devoir d'épouser,
celui qui devait l'épouser alors par ordre de parenté, était la
chaussure au premier. Or, sous quel titre Jésus-Christ s'est-il
surtout manifesté parmi les hommes ? comme l'Epoux de la sainte
Eglise. C'est donc avec raison que Jean-Baptiste se déclare
indigne de dénouer la courroie de sa chaussure, comme s'il
faisait ouvertement un aveu : Je ne suis pas digne de déchausser
les pieds du Rédempteur, parce que je ne veux pas usurper
injustement le titre d'époux. On peut encore l'entendre dans un
autre sens. Qui ne sait que les chaussures sont faites de la peau
des animaux, que l'on dépouille après leur mort ? Or, le Sauveur
par son incarnation, apparut comme ayant les pieds couverts d'une
chaussure, en unissant sa divinité à notre nature mortelle et
corruptible. La courroie de la chaussure est donc comme le lien de
cette union mystérieuse. Jean-Baptiste ne peut dénouer la
courroie de sa chaussure, parce qu'il ne peut approfondir lui-même
le mystère de l'incarnation, et il semble tenir ce langage : Qu'y
a-t-il d'étonnant qu'il ait été placé au-dessus de moi, lui
qui est né, il est vrai, après moi, mais dont la naissance est
pour moi un mystère incompréhensible ?— Origène
: Un auteur a donné de ce passage cette
interprétation qui a quelque vraisemblance : Je n'ai pas assez
d'importance pour que le Fils de Dieu descende pour moi des
hauteurs des cieux et se revête d'un corps mortel comme d'une
chaussure.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean).
Jean-Baptiste prêchait publiquement les prérogatives du Christ
avec une indépendance pleine de dignité, et l'Evangéliste
désigne le lieu où il faisait entendre sa voix : « Ceci se
passa à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait. »
Ce n'est ni dans l'intérieur d'une maison, ni dans un lieu retiré
qu'il annonçait Jésus-Christ, c'était au-delà du Jourdain, au
milieu d'une nombreuse multitude, et en présence de ceux qu'il
avait baptisés. Quelques exemplaires portent, et peut-être avec
plus de raison : « A Bethabara, » car Béthanie n'est ni au delà
du Jourdain, ni dans le désert, mais près de Jérusalem. — La
Glose : Ou bien, il faut admettre deux
endroits du nom de Béthanie, l'un au delà du Jourdain, et
l'autre près de Jérusalem, et où Lazare fut ressuscité. — S.
Jean Chrysostome : (hom. 17). C'est encore
pour un autre motif que l'Evangéliste fait connaître le nom du
lieu où Jean baptisait. Il racontait des faits dont la date
n'était pas éloignée, et remontaient à quelque temps seulement
auparavant; il appelle donc en témoignage de la véracité de son
récit ceux qui avaient été les témoins oculaires de ces faits,
qu'il confirme par la désignation des lieux où ils se sont
passés.
Alcuin
: Béthanie signifie maison d'obéissance,
ce qui nous apprend que c'est par l'obéissance de la foi, que
tous les hommes doivent parvenir au baptême. —
Origène
: (Traité 7 sur S. Jean. ) Béthanie
signifie encore maison de la préparation, et cette signification
se rapporte parfaitement au baptême de Jean, qui avait pour fin
de préparer au Seigneur un peuple parfait. Le mot Jourdain veut
dire leur descente; or, quel est ce fleuve, si ce n'est notre
Sauveur qui purifie tous ceux qui entrent dans le monde, en
descendant et en s'humiliant non pour lui-même, mais dans la
personne du genre humain. Ce fleuve sépare les terres et les
villes données par Moïse, de celles qui ont été données par
Josué, et les eaux rapides de ce fleuve portent la joie dans la
cité de Dieu. (Ps 45, 5) De même que le serpent se cache dans le
fleuve d'Egypte, ainsi Dieu se cache dans ce fleuve, car le Père
est dans le Fils, et ceux qui viennent pour se purifier dans ses
eaux, se dépouillent Je l'opprobre de l'Egypte, et se rendent
dignes d'avoir part à l'héritage, ils sont purifiés de la
lèpre, et ils méritent de recevoir une double grâce et de voir
descendre en eux l'Esprit de Dieu, car la colombe spirituelle ne
descend point sur un autre fleuve. C'est au delà du Jourdain que
Jean donne son baptême, comme précurseur de celui qui venait
appeler non les justes, mais les pécheurs.
Versets
20-31.
Origène
: (Traité 6 sur S. Jean). Après ce
témoignage de Jean-Baptiste, Jésus vient à lui; le saint
Précurseur, non-seulement persévère dans son témoignage, mais
il expose des effets plus merveilleux encore de la venue du
Rédempteur, et qui sont comme figurés par le second jour dont il
est question : « Le jour suivant, Jean vit Jésus venant à lui.
» Autrefois la mère de Jésus, aussitôt qu'elle l'eut conçu,
était allé visiter la mère de Jean qui était encore enceinte,
et aussitôt que la voix de Marie, qui saluait sa parente, eut
frappé les oreilles d'Elisabeth, Jean tressaillit dans le sein de
sa mère. Ici Jean-Baptiste voit venir à lui et s'approcher de
lui Jésus lui-même, à qui il a rendu témoignage. Il est dans
l'ordre que l'homme soit d'abord instruit par le témoignage des
autres, avant de juger par ses yeux de la vérité de ce qui lui a
été enseigné. La visite de Marie à Elisabeth, qui était son
inférieure, et la démarche du Fils de Dieu, qui vient trouver
Jean-Baptiste, nous apprennent l'humilité et le zèle avec lequel
nous devons nous rendre utiles à ceux qui sont nos inférieurs.
Nous ne voyons pas ici de quel endroit le Sauveur vint trouver
Jean-Baptiste, mais nous pouvons le conclure de ces paroles de
saint Matthieu : « Alors Jésus vint de la Galilée sur les bords
du Jourdain, pour être baptisé par lui. » (Mt 2) — S.
Jean Chrysostome : (hom. 17). Ou bien,
saint Matthieu raconte l'arrivée de Jésus-Christ sur les bords
du Jourdain pour recevoir le baptême, et saint Jean une autre
démarche du Sauveur pour se rendre près de Jean-Baptiste après
son baptême, c'est ce que semble indiquer la suite de son récit
: « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe, » etc.
Les Evangélistes se sont comme partagé, en effet, les diverses
époques de la vie de Jésus. Saint Matthieu passe sous silence
tous les faits qui ont précédé la prison de Jean-Baptiste, et
passe immédiatement aux événements qui l'ont suivie; tandis que
saint Jean s'attache surtout à raconter les faits qui ont eu lieu
avant que le saint Précurseur fût jeté dans les fers. C'est ce
qu'il fait en ces termes : « Le lendemain, Jean vit Jésus, »
etc. Pourquoi Jésus vient-il trouver Jean-Baptiste une seconde
fois après son baptême ? parce que le Sauveur avait été
baptisé avec un grand nombre d'autres, et qu'il ne voulait pas
qu'on put soupçonner qu'il était venu trouver Jean-Baptiste pour
le même motif, c'est-à-dire pour confesser ses péchés, ou
recevoir dans le Jourdain le baptême de pénitence. Il revient
donc trouver Jean-Baptiste, pour lui donner occasion de détruire
cette fausse opinion, ce que Jean fait en ces termes : « Et il
dit : Voici l'Agneau de Dieu, » etc. Il était de toute évidence,
en effet, que celui dont la sainteté infinie devait effacer les
péchés des autres, ne venait pas pour confesser ses péchés,
mais pour donner occasion à Jean-Baptiste de lui rendre
témoignage. Disons encore qu'il vient une seconde fois pour
confirmer la vérité des premiers témoignages dans l'esprit de
ceux qui les avait entendus, et les préparer à en recevoir
d'autres. Jean-Baptiste dit : « Voici l'Agneau de Dieu, » pour
signifier que c'est cet Agneau qui était autrefois attendu, pour
rappeler la prophétie d'Isaïe, les symboles figuratifs de la loi
ancienne, et conduire ainsi plus facilement les hommes à la
vérité par les figures.
S.
Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Si un
agneau est innocent, et que Jean soit un agneau, n'est-il pas
innocent par là même ? Mais tous les hommes descendent de cette
race coupable dont David disait en gémissant : « Voici que j'ai
été conçu dans l'iniquité. » (Ps 50) Il n'y a donc que cet
Agneau qui ne soit point né de cette race. Il n'a point été
conçu dans l'iniquité, et sa mère ne l'a point nourri dans son
sein d'un sang impur. Il a été conçu par une vierge, enfanté
par une vierge, parce qu'elle l'a conçu par la foi, et que c'est
par la foi qu'elle lui a donné le jour.
Origène
: (Traité 6 sur S. Jean). On offrait dans
le temple comme victimes cinq espèces d'animaux, trois choisies
parmi les animaux terrestres, le veau, la brebis et la chèvre,
deux parmi les oiseaux, la tourterelle et la colombe. L'espèce
ovine en fournissait trois : le bélier, la brebis et l'agneau, et
parmi ces trois derniers, Jean-Baptiste choisit l'agneau comme
figure du Sauveur, parce que l'agneau était la victime des
sacrifices qu'on offrait chaque jour, l'un le matin et l'autre le
soir. Or, quel est ce sacrifice que la nature raisonnable doit
offrir à Dieu chaque jour, si ce n'est le Verbe toujours plein de
force, de vie et de beauté, et qui nous est ici représenté sous
la figure d'un agneau ? C'est lui qui sera notre sacrifice du
matin, qui applique notre intelligence à la méditation des
vérités divines, car notre âme ne peut toujours être appliquée
à des choses aussi relevées, à cause de son étroite union avec
ce corps mortel qui l'appesantit. De cette vérité que
Jésus-Christ est un agneau, nous pourrions tirer encore plusieurs
conséquences très-utiles, et nous arriverions ainsi jusqu'au
sacrifice du soir, qui représente les choses corporelles. Or,
celui qui a offert cet agneau en sacrifice, c'est Dieu qui était
comme caché dans l'homme; c'est le grand-prêtre qui a dit : «
Personne ne m'ôte la vie, mais je la donne de moi-même, » (Jn
10) et c'est pour cela qu'il est appelé l'Agneau de Dieu; car il
a pris sur lui toutes nos infirmités (Is 53); il a effacé tous
les péchés du monde (1 P 2); et a reçu la mort comme un
baptême. (Lc 12) Dieu, en effet, ne laisse passer sans les
reprendre et les châtier aucune de nos actions contraires à sa
loi, et ce n'est qu'au prix des plus grands efforts qu'elles
peuvent être ramenées à cette règle divine.
Théophylactus
: Ou bien encore, Jésus-Christ est appelé
l'Agneau de Dieu, en ce sens que sa mort a été acceptée par
Dieu le Père pour notre salut, ou parce qu'il l'a livré lui-même
à la mort pour nous sauver. C'est ainsi que nous avons coutume de
dire : « Cette offrande est de tel homme, » c'est-à-dire que
cet homme l'a offerte; de même Jésus-Christ est appelé l'Agneau
de Dieu, parce que Dieu a offert son Fils à la mort pour notre
salut. L'agneau figuratif n'a effacé le péché d'aucun homme;
l'Agneau véritable a effacé le péché du monde tout entier
qu'il a délivré de la colère de Dieu, aux châtiments de
laquelle il était exposé. C'est pour cela que Jean-Baptiste dit
: « Voici celui qui efface le péché du monde. » Il ne dit pas
: Qui effacera, mais : « Qui efface les péchés du monde, »
c'est-à-dire qu'il continue toujours de le faire. Ce n'est pas
seulement dans sa passion et sur la croix qu'il efface le péché
du monde, il n'a cessé de l'effacer depuis sa mort jusqu'à
présent, il n'est pas toujours crucifié, il est vrai, puisqu'il
n'a offert qu'un seul sacrifice pour nos péchés, mais il ne
cesse de les effacer par la vertu de ce sacrifice.
S.
Grégoire : (Moral., 8, 20). Il ôtera
entièrement le péché du genre humain, lorsque notre corruption
sera remplacée par la glorieuse incorruptibilité; car nous ne
pouvons être affranchis de tout péché tant que nous sommes
retenus captifs dans ce corps de mort. — Théophylactus
: Mais pourquoi dit-il : « Le péché du
monde, » et non pas : Les péchés du monde ? C'est pour
renfermer dans cette dénomination générale l'universalité des
péchés, comme lorsque nous disons : l'homme a été chassé du
paradis, c'est-à-dire le genre humain tout entier.
S.
Bède : Ou bien, le péché du monde
signifie le péché originel, qui est commun au genre humain tout
entier. Or, c'est ce péché originel, et tous ceux que les hommes
y ont ajoutés, que Jésus-Christ efface par sa grâce. — S.
Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Celui
qui, en prenant notre nature, n'a point pris notre péché, est
celui-là même qui efface notre péché. Vous savez qu'il est des
hommes qui tiennent ce langage : Nous remettons les péchés aux
hommes, parce que nous sommes saints; car si celui qui baptise n'a
pas la sainteté, comment peut-il effacer le péché d'un autre,
lui dont l'âme est souillée par toute sorte de péchés ? A ces
prétentions, nous nous contentons d'opposer ces paroles : «
Voici celui qui efface le péché du monde, » paroles qui
détruisent toute confiance présomptueuse dans les hommes. —
Origène : (comme
préced). De même qu'au sacrifice de l'agneau figuratif les
autres sacrifices prescrits par la loi se trouvaient joints par un
lien étroit, ainsi au sacrifice de l'Agneau véritable, viennent
s'unir par un lien non moins intime, d'autres sacrifices
semblables, le sacrifice des martyrs qui répandent leur sang, et
dont la patience, la foi et le zèle ardent détruisent et
anéantissent tous les obstacles que les impies voudraient
apporter au bien.
Théophylactus
: Jean-Baptiste avait dit précédemment à
ceux qu'on lui avait envoyés : « Il y en a un au milieu de vous
que vous ne connaissez pas, » il le fait connaître maintenant à
ceux qui l'ignoraient : « C'est celui dont j'ai dit : Un homme
vient après moi, » etc. Il appelle le Seigneur un homme, parce
qu'il avait atteint la plénitude de l'âge, puisqu'il fut baptisé
à l'âge de trente ans; ou encore, parce qu'il est le mari
spirituel de l'âme et l'époux de l'Eglise, ce qui a fait dire à
saint Paul : « Je vous ai fiancés à un seul homme qui est
Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute
pure, » (2 Co 2) — S. Augustin : (Traité
4 sur S. Jean). Il est venu après moi, parce que sa naissance a
suivi la mienne, mais « il a été fait avant moi, »
c'est-à-dire qu'il a été placé au-dessus de moi. — S.
Grégoire : (hom. 7 sur les Evang). La
raison de cette prééminence de Jésus, c'est, ajoute-t-il : «
Qu'il était avant moi, » c'est-à-dire, quoique ma naissance
précède lu sienne, il ne laisse pas d'être au-dessus de moi,
parce que son existence n'est point limitée par l'époque de sa
naissance, car celui qui a voulu naître d'une mère dans le
temps, a été engendré par son Père on dehors de toute
succession de temps. — Théophylactus :
Ecoutez ces paroles, ô Arius ! Jean ne
dit pas : Il a été créé avant moi, mais : « Il était avant
moi. » Que les sectateurs de Paul de Samosate entendent aussi ces
paroles, et qu'ils apprennent que Jésus ne tire pas sa première
origine de Marie, car s'il avait reçu d'elle le principe de son
existence, comment aurait-il pu exister avant son précurseur,
puisqu'il est évident que la naissance de Jean-Baptiste précédait
de six mois la naissance temporelle de Jésus-Christ ?
S.
Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean).
On pouvait soupçonner Jean-Baptiste d'obéir à la voix de
l'amitié ou aux liens du sang qui l'unissaient à Jésus-Christ
en lui rendant un si glorieux témoignage; aussi se hâte-t-il
d'ajouter : « Et moi, je ne le connaissais pas, » ce qui devait
paraître vraisemblable, puisque Jean avait toujours vécu dans le
désert. Les prodiges qui avaient entouré le berceau de Jésus
enfant, par exemple, lors de l'adoration des mages, ou dans
d'autres circonstances semblables, remontaient à une époque déjà
éloignée, et au temps de la première enfance de Jean-Baptiste.
Depuis, le Sauveur avait passé sa vie dans l'obscurité, et sans
être connu de personne, comme le déclare Jean-Baptiste lui-même
: « Mais c'est afin qu'il fût manifesté en Israël, que je suis
venu baptiser dans l'eau. » Donc tous ces prétendus miracles
avec lesquels Jésus se serait joué dès son enfance, sont autant
de fictions dénuées de fondement. Si Jésus avait fait des
miracles dès sa première enfance, Jean l'aurait connu de quelque
manière, et le peuple n'eût pas en besoin qu'on le lui fit
connaître. Ce baptême n'était donc nullement nécessaire au
Sauveur, et il n'avait d'autre raison que de préparer les hommes
à croire en Jésus-Christ. Aussi Jean-Baptiste ne dit pas : Je
suis venu pour purifier ceux qui reçoivent mon baptême, ou pour
les délivrer de leurs péchés, mais : « Je suis venu, afin
qu'il fût manifesté eu Israël. » Mais ne pouvait-il donc faire
connaître Jésus-Christ, et déterminer le peuple à croire en
lui, sans qu'il fût nécessaire de baptiser ? Oui, sans doute,
mais il atteignait ainsi plus facilement ce but, car la foule ne
se fût pas empressée d'accourir à lui, si la prédication n'eût
pas été suivie du baptême.
S.
Augustin : (Traité 4 sur S. Jean). Mais
dès que le Seigneur fut connu, il était inutile de lui préparer
les voies, puisqu'il devenait lui-même la voie pour ceux qui le
connaissaient. Aussi le baptême de Jean ne dura plus longtemps,
et seulement jusqu'à ce qu'il eût fait connaître suffisamment
le Sauveur, si humble dans tout son extérieur. (Tr. 5). C'est
donc pour nous donner un exemple d'humilité, et nous engager à
recevoir le baptême qui efface les péchés et nous donne le
salut, que le Seigneur a daigné être baptisé des mains de son
serviteur. Mais afin que le baptême du serviteur ne fût pas mis
au-dessus du baptême du Seigneur, d'autres reçurent aussi le
baptême du serviteur. Or ceux qui recevaient le baptême du
serviteur, devaient encore nécessairement recevoir le baptême du
Seigneur, tandis que ceux qui recevaient le baptême du Seigneur,
n'avaient nul besoin du baptême du serviteur.
Versets
32-34.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean).
Le témoignage que Jean-Baptiste avait rendu à Jésus, qu'il
pouvait seul remettre les péchés du monde entier, avait pour
objet un mystère si relevé qu'il pouvait jeter dans l'étonnement
et la stupeur ceux qui l'entendaient, et c'est pour le rendre plus
digne de foi qu'il le fait remonter jusqu'à Dieu et à l'Esprit
saint. En effet, on pouvait dire à Jean : « Comment donc
l'avez-vous connu ? » C'est, répond-il par l'Esprit saint qui
est descendu sur lui : « Et Jean rendit encore ce témoignage :
J'ai vu l'Esprit saint descendre sur lui, » etc. — S.
Augustin : (de la Trin., 15, 20). Ce n'est
pas cependant que Jésus n'ait reçu l'onction de l'Esprit saint,
que lorsqu'il descendit sur lui, après son baptême, sous la
forme d'une colombe. Le Sauveur daignait alors représenter son
corps mystique, c'est-à-dire son Eglise, dans laquelle surtout
ceux qui sont baptisés reçoivent l'Esprit saint. Il serait, en
effet, de la dernière absurdité de croire que Jésus ne reçut
l'Esprit saint qu'à l'âge de trente ans, puisqu'il avait cet âge
lorsqu'il fut baptisé et qu'il vint recevoir le baptême de Jean
sans aucun péché, mais aussi sans avoir reçu l'Esprit saint. Il
est écrit de Jean, son serviteur et son précurseur : « Il sera
rempli de l'Esprit saint dès le sein de sa mère, » et quoiqu'il
eût un homme pour père, il reçut l'Esprit saint dès le sein de
sa mère, que devrons-nous donc penser et croire de Jésus-Christ
fait homme, lui dont la conception dans le sein de sa mère eut
pour principe, non point la chair, mais l'Esprit ?
S.
Augustin : (du comb. chrét., 22) Nous ne
disons pas que Jésus-Christ seul avait un véritable corps,
tandis que l'Esprit saint ne se manifesta aux yeux des hommes que
sous une apparence trompeuse. Il est aussi indigne de l'Esprit
saint que du Fils de Dieu, d'induire les hommes en erreur. Aussi
disons-nous que Dieu, qui a créé tout de rien, a pu fort bien
créer un véritable corps de colombe sans l'intermédiaire
d'aucun oiseau de cette espèce, avec la même facilité qu'il
forma un véritable corps dans le sein de la Vierge, sans le
concours d'aucun homme.
S.
Augustin : (Traité 6, sur S. Jean).
L'Esprit saint s'est manifesté aux hommes sous deux formes
visibles différentes, sous la forme d'une colombe lorsqu'il
descendit sur Notre Seigneur après son baptême, et sous la forme
de langues de feu quand il descendit sur les Apôtres réunis.
D'un côté, c'est le symbole de la simplicité, de l'autre,
l'emblème de la ferveur. La forme de la colombe apprend à ceux
qui ont été sanctifiés par l'Esprit saint, à fuir toute
duplicité; et le feu enseigne à la simplicité, à ne point
faire ses actions avec froideur. Ne vous étonnez pas que les
langues soient divisées. Ne craignez pas la division,
reconnaissez dans la colombe le symbole de l'unité. Il fallait
que l'Esprit saint descendît sur Notre Seigneur sous la forme
d'une colombe, pour apprendre à tous les chrétiens qu'on
reconnaîtra qu'ils ont reçu l'Esprit saint, s'ils ont la
simplicité de la colombe et s'ils vivent avec leurs frères dans
cette paix véritable que figurent les baisers des colombes. Les
corbeaux donnent aussi des baisers, mais en même temps ils
déchirent; la colombe ne sait point déchirer, les corbeaux se
nourrissent de corps qui ont été mis à mort, ce que ne fait pas
la colombe, qui ne se nourrit que des fruits de la terre. Que si
la colombe fait entendre des gémissements d'amour, ne soyons pas
surpris que l'Esprit saint ait voulu apparaître sous la forme
d'une colombe, lui qui prie pour nous par ses gémissements
ineffables. (Rm 9) Ce n'est point en lui même, mais en nous que
l'Esprit saint gémit par les gémissements qu'il nous inspire.
Celui qui gémit d'être accablé sous le poids de ce corps
mortel, et de vivre éloigné du Seigneur, gémit d'une manière
agréable à Dieu. Mais il en est beaucoup qui gémissent d'être
privés de la félicité de ce monde, ou d'être brisés par les
épreuves, accablés sous le poids écrasant des infirmités du
corps, ce ne sont pas là les gémissements de la colombe. Sous
quelle forme devait se manifester l'Esprit saint pour représenter
l'unité, si ce n'est sous la forme de la colombe, afin de pouvoir
dire à l'Eglise, après lui avoir donné la paix; « Ma colombe
est unique ? » (Ct 6) Quel symbole plus convenable de l'humilité,
que cet oiseau simple et gémissant ? La sainte et véritable
Trinité apparut tonte entière dans cette circonstance; le Père,
dans cette voix qui dit : « Vous êtes mon Fils bien-aimé. » Le
Fils dans celui qui est baptisé, et l'Esprit saint dans la
colombe. C'est au nom de cette Trinité, que les Apôtres ont été
envoyés pour baptiser au nom du Père, et du Fils, et du
Saint-Esprit. (Mt 28)
S.
Grégoire : (Moral., 28, 41).
Jean-Baptiste ajoute : « Et demeurer sur lui, » car l'Esprit
descend, il est vrai, dans le cœur de tous les fidèles, mais
c'est dans le médiateur seul qu'il demeure d'une manière
spéciale, parce qu'il ne s'est jamais séparé de l'humanité de
Jésus, de la divinité duquel il procède. Or le Sauveur parlant
à ses disciples de cet Esprit, leur dit aussi : « Il demeurera
en vous. » (Jn 16) A quel titre particulier demeure-t-il donc en
Jésus-Christ ? C'est ce qu'il nous sera facile de reconnaître si
nous faisons une distinction entre les dons de l'Esprit saint.
S'agit-il des dons sans lesquels il est impossible de parvenir à
la vie, comme la douceur, l'humilité, la foi, l'espérance et la
charité, l'Esprit saint demeure dans tous les fidèles. Mais
quant aux dons qui out pour objet la manifestation de l'Esprit
saint, et qui tendent moins à conserver la vie spirituelle en
nous qu'à l'établir dans les autres, l'Esprit saint ne demeure
pas toujours en ceux qui ont reçu ces dons, et il se dérobe
quelquefois à l'éclat des miracles pour rendre plus humbles les
vertus qu'il a inspirées; Jésus-Christ, au contraire, a eu
toujours et en tontes circonstances l'Esprit saint en lui.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean).
Que personne ne pense que Jésus-Christ eut besoin de recevoir
l'Esprit saint, comme nous avons besoin de le recevoir nous-mêmes;
Jean-Baptiste détruit jusqu'à l'ombre de ce soupçon, en
déclarant que l'unique motif de la descente du Saint-Esprit sur
Jésus était de le faire connaître : « Et moi je ne le
connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau,
m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit saint descendre et se
reposer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit saint. » — S.
Augustin : (Traité 5 sur S. Jean). Mais
qui donc a envoyé Jean-Baptiste ? Si nous disons : le Père, nous
disons vrai; si nous disons : le Fils, nous disons vrai encore,
mais beaucoup plus vrai, si nous disons le Père et le Fils. Mais
comment pouvait-il ne pas connaître celui qui l'avait envoyé ?
S'il ne connaissait pas celui des mains duquel il voulait recevoir
le baptême, il parlait donc d'une manière inconsidérée,
lorsqu'il lui disait : « C'est moi qui dois être baptisé par
vous. » Il le connaissait donc, pourquoi donc alors affirme-t-il
qu'il ne le connaissait pas ? — S. Jean
Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean).
Jean-Baptiste, en disant : « Je ne le connaissais pas, » veut
parler d'une époque antérieure et non de celle du baptême, où
il dit à Jésus : « C'est moi qui dois être baptisé par vous.
» S. Augustin : (Traité
5 sur S. Jean). Si nous lisons les autres évangélistes qui se
sont étendus davantage sur le baptême du Sauveur, nous y verrons
de la manière la plus claire que la colombe est descendue sur le
Seigneur, lorsqu'il sortit de l'eau. Or, si la colombe n'est
descendue qu'après le baptême, et que Jean-Baptiste ait dit à
Jésus avant son baptême : « C'est moi qui dois être baptisé
par vous, » il le connaissait donc avant son baptême; et comment
alors a-t-il pu dire : « Je ne le connaissais pas, mais celui qui
m'a envoyé baptiser m'a dit : Celui sur lequel vous verrez
descendre l'Esprit saint ? » etc. Sont-ce ces dernières paroles
qui lui ont fait connaître celui qu'il ne connaissait pas ?
Jean-Baptiste savait que le Sauveur était le Fils de Dieu, il
savait également qu'il baptiserait dans l'Esprit saint. Car avant
que Jésus-Christ se rendît sur les bords du Jourdain, alors que
le peuple venait en foule trouver Jean-Baptiste, il leur dit : «
Celui qui vient après moi est plus grand que moi, c'est lui qui
vous baptisera dans l'eau et dans le feu. » Mais que ne savait
donc pas Jean-Baptiste ? Il ne savait pas que le pouvoir du
baptême devait appartenir exclusivement en propre au Seigneur,
qui devait le conserver, de manière à ce que ni Pierre ni Paul
ne pussent dire : « Mon baptême, » comme nous voyons que Paul a
dit : « Mon Evangile; » et que l'administration de ce sacrement
devait être confié également aux bons et aux mauvais. Que vous
importe un mauvais ministre, alors que le Seigneur est bon ? On a
rebaptisé après le baptême de Jean-Baptiste, ou n'a point
rebaptisé après le baptême d'un homicide, parce que Jean n'a
donné que son baptême, et que l'homicide a donné le baptême de
Jésus-Christ, et que la sainteté de ce sacrement est si grande,
qu'elle ne peut être souillée par un ministre coupable
d'homicide. Le Seigneur aurait pu, s'il avait voulu, donner à
l'un de ses serviteurs le pouvoir d'administrer le baptême en son
propre nom, et attribuer au sacrement de baptême conféré au nom
de son serviteur, une efficacité aussi grande que celle du
baptême donné par le Seigneur lui-même. Il ne l'a pas voulu,
afin que ceux qui reçoivent son baptême missent toute leur
espérance en celui au nom duquel ils reconnaîtraient avoir été
baptisés, et il n'a point voulu qu'un serviteur plaçât son
espérance dans un autre serviteur. S'il avait transmis ce pouvoir
à ses serviteurs, il y aurait autant de baptêmes qu'il y a de
serviteurs; et comme on a dit le baptême de Jean, on aurait dit
aussi le baptême de Pierre ou de Paul. Ce pouvoir que
Jésus-Christ s’est exclusivement réservé, est le fondement de
l'unité de l'Eglise, dont il est dit : « Une seule est ma
colombe. » (Ct 6) Il peut se faire que quelqu'un ait reçu le
baptême d'un autre que de la colombe, mais il est impossible que
ce baptême ait pour lui la moindre efficacité.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean).
Le Père avait fait entendre sa voix pour proclamer son Fils,
l'Esprit saint descend des cieux pour fixer les paroles du Père
sur la tête de Jésus-Christ, afin que personne ne fût tenté
d'attribuer à Jean ce qui ne convenait qu'à Jésus-Christ. Mais
comment, me dira-t-on, les Juifs ne crurent-ils pas s'ils ont vu
l'Esprit saint descendre sur Jésus ? C'est que de telles
apparitions n'exigent pas seulement les yeux du corps, mais encore
ceux de l'âme. Lorsqu'ils furent témoins des miracles que
faisait Jésus, l'envie égara leur raison à ce point qu'ils
affirmaient le contraire de ce qu'ils avaient vu; comment donc
veut-t-on que la seule apparition de l'Esprit saint ait pu
dissiper leur incrédulité ? Suivant quelques-uns, tous ne virent
pas l'Esprit saint, mais seulement Jean-Baptiste, et ceux dont les
dispositions étaient meilleures; car bien qu'il fût possible de
voir des yeux du corps l'Esprit saint descendre sous la forme
d'une colombe, il n'était pas nécessaire que tous fussent
témoins de cette apparition miraculeuse. Le prophète Zacharie
(Za 1-6); Daniel (Dn 7-10); Ezéchiel (Ez 1; 3; 8; 10-11; 37; 40;
etc)., n'eurent-ils pas plusieurs visions sous des formes
sensibles, sans qu'aucun autre en fût témoin ? Moïse lui-même,
n'a-t-il pas vu des choses qui n'ont été révélées à aucun
autre ? c'est pour cela que Jean-Baptiste ajoute : « J'ai vu et
j'ai rendu témoignage que celui-ci est le Fils de Dieu. » Il lui
avait donné le nom d'Agneau de Dieu, il avait annoncé qu'il
baptiserait dans l'Esprit saint, mais jusqu'ici il ne l'avait
point appelé Fils de Dieu. — S. Augustin
: (Traité 7 sur S. Jean). C'était au
Fils unique de Dieu, et non point à un Fils adoptif que devait
être réservé le pouvoir de baptiser. Les fils adoptifs sont les
ministres du Fils unique, le Fils unique a seul le pouvoir du
baptême, les fils adoptifs n'eu ont que l'administration.
Versets
35-36.
S.
Jean Chrysostome : (Hom. 17 sur S. Jean).
Plusieurs peut-être n'avaient pas prêté grande attention aux
premiers discours de Jean-Baptiste, il multiplie donc coup sur
coup les témoignages pour les rendre plus attentifs : « Le
lendemain, dit l'Evangéliste, Jean était encore là avec deux de
ses disciples. » — S. Bède : (hom.
pour la vigil. de S. And). Jean se tenait encore là, parce qu'il
s'était élevé dans la pratique des vertus à une telle hauteur,
qu'il ne pouvait en être renversé par aucune tentation, par
aucune épreuve. Ses disciples étaient avec lui, parce qu'ils
suivaient les enseignements de leur Maître avec un cœur plein de
docilité et de constance.
S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd). Mais
pourquoi Jean-Baptiste, au lieu de parcourir toute la Judée pour
annoncer Jésus en tous lieux, se tient-il sur les bords du
Jourdain, attendant pour le faire connaître, que le Sauveur
vienne le trouver ? Parce qu'il réservait cette mission aux
oeuvres mêmes de Jésus-Christ. Considérez d'ailleurs combien
cette conduite fut plus utile à l'édification des âmes.
Jean-Baptiste ne fit que jeter une petite étincelle, et on vit
aussitôt s'allumer un grand incendie. Si un autre eût parcouru
la Judée pour annoncer Jésus-Christ, on eût pu l'accuser d'agir
par un motif tout humain, et sa prédication eût donné lieu à
mille soupçons. C'est pour cette raison que les prophètes et les
Apôtres ont annoncé Jésus-Christ lorsqu'il n'était pas
présent, les uns avant son avènement et son incarnation, les
autres après son ascension. Mais voyez comme Jean-Baptiste rend
témoignage non-seulement de la voix, mais des yeux : « Et
regardant Jésus qui s'avançait, il dit : Voici l'Agneau de Dieu.
» — Théophylactus : Il
regarde Jésus, comme-pour exprimer par son regard les sentiments
de joie et d'admiration que lui fait éprouver la présence de
Jésus-Christ.
S.
Augustin : (Traité 7 sur S. Jean). Jean
était l'ami de l'Epoux, il ne cherchait point sa propre gloire,
mais rendait témoignage à la vérité, aussi ne voulut-il point
retenir près de lui ses disciples et les empêcher de suivre le
Seigneur, et c'est lui, au contraire, qui leur montre celui qu'ils
devaient suivre en leur disant : « Voici l'Agneau de Dieu. » —
S. Jean Chrysostome : (hom.
17 sur S. Jean). Il ne leur fait pas de longs discours, il n'a
qu'une chose en vue, c'est de les amener et de les unir à
Jésus-Christ, il savait que pour le reste, ils n'auraient pas
besoin de son témoignage. Pourquoi encore Jean-Baptiste ne
s'adresse-t-il pas à ses disciples en particulier, mais leur
dit-il publiquement devant tout le peuple : « Voici l'Agneau de
Dieu. » En se déterminant à suivre Jésus-Christ, par suite
d'un enseignement qui s'adressait à tous, leur résolution fut
beaucoup plus ferme et plus constante, et ce ne fut pas eu
considération de leur Maître, mais dans leur intérêt, qu'ils
s'attachèrent au Sauveur. Remarquons encore que le discours de
Jean-Baptiste ne contient aucune prière, aucune instance, il se
contenta d'exprimer son admiration à la vue de Jésus-Christ,
défaire connaître la grâce qu'il apporte an monde, et de quelle
manière il doit purifier les âmes, deux choses que signifie le
nom d'Agneau. Il l'appelle l'Agneau avec l'article δ άμνός,
c'est-à-dire l'Agneau par excellence. — S.
Augustin : (Traité 7 sur S. Jean). Le
Sauveur est en effet l'Agneau proprement dit, le seul qui soit
sans péché, dont on n'a pas en besoin de laver les souillures,
mais qui a été sans souillure aucune. Il est par excellence
l'Agneau de Dieu, parce que ce n'est que par le sang de cet
Agneau, que les hommes ont pu être rachetés. C'est cet Agneau
que redoutent les loups, et qui a donné la mort au lion après
que lui-même avait été mis à mort. — S.
Bède : Il s'appelle encore Agneau, parce
qu'il devait nous laisser en don gratuit sa toison pour nous en
faire une robe nuptiale, c'est-à-dire qu'il a voulu nous laisser
les exemples de sa vie, pour nous communiquer les saintes ardeurs
de la charité. Alcuin : Dans
le sens figuré, Jean s'arrête, c'est-à-dire que la loi cesse,
et Jésus vient, c'est-à-dire la grâce de l'Evangile, à
laquelle la loi elle-même rend témoignage. Jésus se met en
marche pour réunir ses disciples. — S.
Bède : Cette marche de Jésus représente
la divine économie de l'incarnation, par laquelle il a daigné
venir jusqu'à nous, et nous laisser les exemples d'une vie
sainte.
Versets
37-41.
Alcuin
: Les disciples de Jean ayant entendu le
témoignage qu'il rendait à Jésus, qu'il était l'Agneau de
Dieu, se montrèrent dociles à ses conseils et suivirent Jésus :
« Les deux disciples l'entendirent parler ainsi, et suivirent
Jésus. »
S.
Jean Chrysostome : (hom. 17 sur S. Jean).
Remarquez que lorsque Jean-Baptiste se contentait de dire : «
Celui qui vient après moi, est avant moi, et je ne suis pas digne
de dénouer la courroie de sa chaussure, » il n'a pris ni gagné
personne; mais aussitôt qu'il parle de son incarnation et par là
même de ses humiliations, en disant : « Voici l'Agneau de Dieu,
» ses disciples se mettent aussitôt à la suite de Jésus. Il en
est un très-grand nombre qui se sentent moins attirés à Dieu
par les considérations élevées sur sa nature divine, que par
l'exposé de sa bonté, de sa miséricorde et de ce qu'il a fait
pour le salut des hommes. Remarquez que tandis que Jean-Baptiste
prononce ces paroles : «Voici l'Agneau de Dieu, » Jésus ne dit
rien. En effet, d'après les usages reçus, l'époux reste dans le
silence, d'autres lui amènent l'épouse, et la lui remettent
entre les mains; mais aussitôt qu'il l'a prise pour épouse, il
lui témoigne tant d'affection, qu'elle ne se souvient plus de
ceux qui l'ont conduite à son époux. Ainsi lorsque Jésus-Christ
vient pour épouser l'Eglise, il ne dit rien non plus,
Jean-Baptiste, son ami, s'approche seul, lui présente la main
droite de son épouse, lorsque par ses discours il remet comme
entre ses mains les âmes des hommes. Jésus les accueille et leur
témoigne aussi tant d'amour qu'elles ne retournent plus à
Jean-Baptiste. Remarquons encore que dans la célébration des
noces, ce n'est pas la jeune fille qui va au-devant de sou époux,
c'est lui-même qui vient la trouver (quand ce serait un fils de
roi qui épouserait une humble servante); Notre Seigneur
Jésus-Christ a fait de même; la nature humaine n'est point
montée dans les cieux, c'est le Fils de Dieu qui est venu la
trouver et qui l'a conduite dans la maison paternelle. Il y eut
sans doute d'autres disciples de Jean, qui non-seulement ne
suivirent point Jésus-Christ, mais qui nourrirent contre lui des
sentiments d'envie, et se montrèrent jaloux de sa gloire. Mais
ceux dont les dispositions étaient meilleures s'attachèrent à
Jésus aussitôt qu'ils l'eurent connu, non par mépris de leur
premier maître, mais par la persuasion où ils étaient d'après
les enseignements du Précurseur, que Jésus-Christ les
baptiserait dans l'Esprit saint. Considérez dans ces disciples un
saint empressement mêlé d'une sage réserve. En se mettant à la
suite de Jésus, ils ne se hâtent pas de l'interroger sur les
grandes vérités du salut, et ce n'est pas en public, mais en
particulier, qu'ils cherchent à lui parler : « Alors Jésus
s'étant retourné, et les voyant qui le suivaient, leur dit : Que
cherchez-vous ? » Ces paroles nous apprennent que lorsque nous
commençons sincèrement à vouloir le bien, Dieu nous prodigue
les occasions de salut. Jésus interroge ses disciples, non pour
en apprendre quelque chose, mais pour se les rendre plus
familiers, leur inspirer une plus grande confiance, et leur
montrer qu'ils sont vraiment dignes de ses divins enseignements.
Théophylactus
: Considérez ici que Notre Seigneur se
tourne vers ceux qui le suivent, et abaisse sur eux ses regards;
c'est qu'en effet, si vous ne marchez à sa suite par la pratique
des bonnes œuvres, vous ne parviendrez jamais à voir sa face
adorable, ni à entrer dans sa maison. — Alcuin
: Ces deux disciples suivaient donc Jésus
par derrière, dans l'intention de le voir, mais sans pouvoir y
parvenir. Aussi, que fait Jésus ? il se retourne, et descend,
pour ainsi dire, des hauteurs de sa majesté, afin que ses
disciples puissent contempler sa face adorable. — Origène
: (Traité 7 sur S. Jean). Peut-être
n'est-ce pas sans raison qu'après le sixième témoignage,
Jean-Baptiste cesse de parler de Jésus à ses disciples, et c'est
Jésus lui-même qui se rend pour ainsi dire un septième
témoignage en leur demandant : « Que cherchez-vous ? » — S.
Jean Chrysostome : (hom. 18 sur S. Jean).
Ces deux disciples font paraître leur amour pour Jésus-Christ,
non-seulement par leur empressement à le suivre, mais par la
question qu'ils lui adressent : « Et ils demandèrent : Maître,
où habitez-vous ? » Jésus ne leur a encore rien appris, et ils
lui donnent le nom de Maître pour se ranger d'eux-mêmes au
nombre de ses disciples, et lui faire connaître la raison qui les
a déterminés à s'attacher à lui.
Origène
: Après avoir été convaincus et amenés
à Jésus par le témoignage de Jean, les deux disciples, par
cette question, reconnaissent Jésus pour leur docteur, et
expriment le désir de voir l'habitation du Fils de Dieu. —
Alcuin : Car ce
n'est pas en passant qu'ils veulent profiter de ses divins
enseignements, ils lui demandent où il demeure, afin de pouvoir
se pénétrer de ses paroles dans le secret, visiter plus souvent
le Sauveur, et en recevoir une instruction plus parfaite. Dans le
sens mystique, ils demandent à Jésus-Christ dans quelles âmes
il daigne habiter, afin qu'en imitant leurs exemples, ils puissent
mériter la même faveur. Ou bien encore, ils virent Jésus
marcher, et lui demandent aussitôt où il demeure; et il nous
enseigne par là, lorsque nous méditons intérieurement sur
l'incarnation du Fils de Dieu, à le prier avec instance et
ferveur de nous faire connaître le lieu de son éternelle
demeure. Jésus approuve la légitimité de leur demande, et leur
ouvre volontiers ses secrets : « Et il leur dit : Venez et voyez.
» C'est-à-dire : Ce n'est point par des paroles, mais par des
œuvres, que vous pouvez apprendre quelle est mon habitation.
Venez donc par la foi et par les œuvres, et vous verrez par
l'intelligence qui vous sera donnée. — Origène
: Ou bien encore, par cette parole : «
Venez, » il les invite à la vie active, et par cette autre : «
Voyez, » à la vie contemplative.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 18 sur S. Jean).
Jésus ne leur indique ni la maison ni le lieu qu'il habitait,
mais il les attire à sa suite, et leur montre ainsi qu'il les
accepte pour ses disciples. Il ne leur dit pas : « Il n'est pas
temps encore, demain vous apprendrez ce que vous désirez savoir,
mais il leur parle comme à des amis et à des familiers qui
auraient depuis longtemps déjà vécu avec lui. Mais comment
concilier ce que le Sauveur dit ailleurs : « Le Fils de l'homme
n'a pas où reposer sa tête, » (Mt 8; Lc 9) avec ce qu'il dit
ici : « Venez et voyez quelle est ma demeure ? » Ces paroles : «
Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête, » veulent
simplement dire qu'il n'avait pas de demeure en propre, et non pas
qu'il n'habitait pas dans une maison. Voilà pourquoi
l'Evangéliste ajoute : « Ils vinrent et virent où il demeurait,
et ils restèrent près de lui ce jour-là. Il ne dit pas le motif
qui les retint près de lui, il est évident que c'était pour
entendre ses divines leçons.
S.
Augustin : (Traité 7 sur S. Jean). Quel
heureux jour pour ces disciples, quelle heureuse nuit !
Construisons donc nous-mêmes aussi dans notre cœur, et élevons
une maison où Jésus vienne habiter et où il nous instruise.
Théophylactus
: Ce n'est pas sans raison que
l'Evangéliste nous indique quelle heure il était alors : « Or,
il était environ, la dixième heure; » il voulait apprendre aux
docteurs comme aux disciples, qu'on ne doit point négliger le
soin de la doctrine sous prétexte de l'heure avancée. — S.
Jean Chrysostome : (hom. précéd). Ces
disciples montraient un grand zèle pour s'instruire, puisqu'ils
n'étaient point arrêtés par l'heure avancée qui touchait
presque au coucher du soleil. La plupart des hommes, esclaves des
besoins de la chair, ne peuvent dans le temps qui suit le repas
appliquer leur esprit aux choses nécessaires, parce que leur
corps est appesanti par la nourriture. Mais tel n'était pas
Jean-Baptiste, qui avait formé ces disciples, et il pratiquait le
soir une sobriété beaucoup plus grande que n'est la nôtre le
matin.
S.
Augustin : (Traité précéd). La dixième
heure est encore ici le symbole de la loi qui a été donnée en
dix préceptes. Le temps était venu d'accomplir par l'amour cette
loi que les Juifs ne pouvaient accomplir par la crainte; aussi
est-ce à la dixième heure que Notre Seigneur s'entend donner le
nom de Maître; car il n'y a de véritable maître de la loi, que
celui qui en est l'auteur.
«
André, frère de Simon Pierre, était un de ceux qui avaient
entendu le témoignage de Jean, et qui avaient suivi Jésus. » —
S. Jean Chrysostome : (hom.
17 sur S. Jean). Pourquoi l'Evangéliste ne nous fait-il pas
connaître le nom de l'autre disciple ? Il en est qui donnent pour
raison que saint Jean était lui-même ce disciple; d'antres, que
ce disciple n'était pas autrement important à connaître. Il n'y
avait donc aucune utilité à nous apprendre son nom.
L'Evangéliste ne nous a pas donné non plus le nom des
soixante-douze disciples. — Alcuin : On
peut dire encore que ces deux disciples étaient André et
Philippe.
Versets
41-43.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 19 sur S. Jean).
André ne garda pas pour lui seul ce qu'il venait d'apprendre de
Jésus, il s'empresse de courir vers son frère pour lui faire
part des grâces qu'il vient de recevoir : « Or, il rencontra
d'abord son frère Simon, et lui dit : Nous avons trouvé le
Messie (c'est-à-dire le Christ). » — S.
Bède : (hom. pour la vig. de S. And).
Oui, c'est bien avoir trouvé le Seigneur, que d'être embrasé
pour lui d'un amour véritable, et plein de zèle pour le salut de
ses frères.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 19 sur S. Jean).
L'Evangéliste ne nous a pas rapporté l'entretien de Jésus-Christ
avec ces deux disciples, mais il nous est permis de conjecturer
quel en fut l'objet, par ce qu'André dit à son frère, et ce peu
de paroles nous en donne comme l'abrégé. Nous y trouvons, en
effet, la puissance du Maître qui avait porté le persuasion dans
leurs âmes, et la vivacité des désirs dont leur cœur était
depuis longtemps animé. En effet, cette parole : « Nous avons
trouvé, » exprime le travail de l'enfantement d'une âme qui
soupirait ardemment après la présence du Messie, et qui
tressaille de joie d'avoir enfin trouvé l'objet de ses désirs. —
S. Augustin : Le
mot Messie en hébreu, Christ en grec, veut dire oint en latin;
car le mot chrisma signifie onction. Tous les chrétiens reçoivent
l'onction, d'après ces paroles : « Votre Dieu vous a sacré
d'une onction de joie, qui vous élève au-dessus de tous ceux qui
doivent la partager; » (Ps 44) tous les saints, en effet, entrent
en participation des dons du Christ, mais le Christ lui-même est
le saint par excellence, et a reçu par lui-même une onction plus
parfaite.— S. Jean Chrysostome : (hom.
précéd). Aussi André ne l'appelle-t-il pas simplement Messie,
mais le Messie avec l'article. Remarquez comme tout d'abord Pierre
avait un esprit docile, il accourt aussitôt sans tarder, sans
hésiter : « Et il l'amena à Jésus. » N'accusons pas et ne
condamnons pas cette promptitude qui, sans plus d'informations, le
fait ajouter foi aux paroles de son frère. On peut supposer
raisonnablement qu'André prit soin de lui développer la grande
vérité qu'il lui annonçait; mais c'est la coutume des
Evangélistes d'omettre un grand nombre de choses pour abréger
leur récit. D'ailleurs, il n'est pas dit que Pierre crut
immédiatement, mais que son frère l'amena à Jésus et le lui
confia pour qu'il apprit de lui toutes les vérités nécessaires.
Or, le Seigneur commence à lui révéler lui-même les secrets de
sa divinité, et à confirmer cette révélation par les
prédictions qu'il fait de l'avenir. En effet, les prophéties
sont une preuve non moins forte que les miracles, elles sont même
plus particulièrement l'œuvre de Dieu, que les démons ne
peuvent imiter. Dans les miracles, l'illusion est possible, et on
peut être trompé par l'apparence. Mais il n'appartient qu'à la
nature divine et incorruptible de prédire l'avenir d'une manière
certaine. C'est ce que fait ici Jésus : « Et Jésus, l'ayant
regardé, lui dit : Vous êtes Simon, fils de Jonas, vous serez
appelé Céphas, c'est-à-dire Pierre. »
S.
Bède : Jésus le considère non-seulement
des yeux du corps, mais c'est du regard éternel de sa divinité,
qu'il voit la simplicité de son cœur et l'élévation de son âme
qui devaient lui mériter d'être placé un jour à la tête de
toute l'Eglise. Il ne faut pas chercher une autre signification du
mot Pierre dans l'hébreu ou dans le syriaque; car le mot Pierre a
en grec et en latin la même signification que le mot Céphas en
syriaque, et dans les deux langues, ce nom dérive du mot Pierre.
Or, cet Apôtre est appelé Pierre, à cause de la fermeté de la
foi avec laquelle il s'attacha à cette pierre, dont l'Apôtre a
dit : « Or, la pierre était Jésus-Christ, » qui délivre des
embûches de l'ennemi ceux qui espèrent en lui, et qui répand
sur eux, comme un fleuve, l'abondance de ses grâces spirituelles.
S.
Augustin : (Traité précéd). Il n'y a
rien d'étonnant à ce que le Seigneur ait dit de qui Simon était
fils. Il savait, en effet, le nom de tous les saints qu'il avait
prédestinés avant la création du monde. Mais ce qui est
vraiment extraordinaire, c'est qu'il ait changé son nom et l'ait
appelé Pierre au lieu de Simon. Le nom de Pierre vient du mot
petra, pierre, et la pierre, c'est l'Eglise, donc le nom de Pierre
est la figure de l'Eglise. Le Seigneur veut exciter ici votre
attention. Si Pierre avait porté ce nom auparavant, vous n'auriez
pas aussi bien remarqué le mystère qu'il renferme, et vous
auriez pu croire que ce nom vient du hasard plutôt que d'une
disposition providentielle. C'est pour cela que Dieu a voulu qu'il
portât auparavant un autre nom, pour faire ressortir plus
vivement dans le nom qui lui fut substitué la force du mystère
qu'il renfermait.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 19). Jésus a
changé encore le nom de cet Apôtre, comme preuve qu'il était
l'auteur de l'Ancien Testament, et que c'était lui-même qui
avait changé les noms des patriarches, et appelé Abram, Abraham;
Sarai, Sara (Gn 17), et Jacob, Israël. (Gn 32) Pour plusieurs, il
leur a donné leurs noms, dès leur naissance, par exemple à
Isaac (Gn 17), et à Samson. (Jg 13) Pour d'autres, au contraire,
il a changé les noms que leurs parents leur avaient donnés,
c'est ce qu'il a fait ici pour Pierre, et plus tard pour les fils
de Zébédée. (Mc 3) Ceux dont la vertu devait jeter un vif éclat
dès leurs premières années, ont reçu alors leur nom, tandis
que ceux dont le mérite et la vertu ne devaient se produire que
plus tard, n'ont reçu aussi que plus tard le nom que Dieu leur
destinait.
S.
Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 17).
Saint Jean raconte ici que c'est sur les bords du Jourdain (avant
que Jésus se rendit en Galilée), que, sur le témoignage de
Jean-Baptiste, deux de ses disciples, dont l'un, qui s'appelait
André, amena son frère Simon à Jésus, se mirent à la suite du
Sauveur, et que ce fut alors que Simon reçut le nom de Pierre.
Or, il y a ce semble une assez grave contradiction entre ce récit
et celui des autres évangélistes, d'après lesquels Jésus
rencontra André et Simon qui prêchaient dans la Galilée, et les
appela alors pour en faire ses disciples. Cette contradiction
disparaît, en admettant que ces deux frères ne s'attachèrent
pas au Sauveur inséparablement et d'une manière définitive,
lorsqu'ils le rencontrèrent sur les bords du Jourdain. Ils
connurent seulement alors qui il était, et ils retournèrent à
leurs occupations. Que personne cependant n'aille penser que
Pierre ne reçut son nom que dans la circonstance solennelle où
Jésus lui dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai
mon Eglise. » (Mt 16) Il reçut ce nom, lorsque le Sauveur lui
dit : « Tu t'appelleras Céphas, c'est-à-dire, Pierre. » (Jn 1)
— Alcuin : On
peut dire encore que Jésus ne lui donne pas ici le nom de Pierre,
mais qu'il ne fait que présager qu'il lui sera donné plus tard,
lorsqu'il lui dira : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je
bâtirai mon Eglise. » (Mt 16) Mais au moment même de changer
son nom, Jésus voulut faire ressortir la signification
mystérieuse du nom même qu'il avait reçu de ses parents. En
effet Simon veut dire, qui est obéissant, Joanna, signifie grâce,
et Jona, colombe. Le Sauveur semble donc lui dire : Vous êtes
docile et obéissant, vous êtes le fils de la grâce ou le fils
de la colombe, c'est-à-dire, de l'Esprit saint, car c'est
l'Esprit saint qui vous a inspiré cette humilité, qui vous fait
venir à moi sur la parole d'André votre frère; vous n'avez pas
dédaigné, vous son aîné, de suivre celui qui était plus jeune
que tous, car le mérite de la foi l'emporte sur les prérogatives
de l'âge.
Versets
43-46.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 20 sur S. Jean).
Après ces premiers disciples, Jésus cherche à en convertir
d'autres, c'est-à-dire, Philippe et Nathanaël : « Le lendemain
Jésus voulut aller en Galilée. » — Alcuin
: En partant de la Judée, où Jean
baptisait, Jésus quitte la Judée par honneur pour Jean-Baptiste,
et pour ne point affaiblir l'influence de ses enseignements qui
devaient encore alors se faire entendre. Sur le point d'appeler de
nouveaux disciples à sa suite, il se dirige vers la Galilée, qui
signifie transmigration et changement, et il apprend ainsi à ceux
qui le suivent à sortir d'eux-mêmes, à faire de continuels
progrès dans la vertu, et à parvenir à la joie éternelle par
les souffrances, comme il a lui-même voulu avancer et croître en
sagesse, en âge, en grâce devant Dieu et devant les hommes (Lc
11), et passer par les souffrances avant de ressusciter et
d'entrer dans sa gloire : « Et il trouva Philippe, et Jésus lui
dit : » Suivez-moi. On suit Jésus, quand on imite son humilité
et sa passion, pour avoir part à la gloire de sa résurrection et
de son ascension.
S.
Jean Chrysostome : (Hom 20). Remarquez que
le sauveur n a appelé personne à sa suite, avant qu'on eût
commencé à s'attacher, à lui; en effet, s'il avait cherché à
se faire des disciples, avant que quelques-uns n'eussent pris
cette détermination d'eux-mêmes, ils n'auraient peut-être pas
persévéré longtemps. Mais au contraire, ils lui restent
d'autant plus fidèlement attachés, que c'est volontairement
qu'ils ont choisi de marcher à sa suite. Il appelle d'abord
Philippe, qui lui était plus connu, comme étant de la Galilée.
Mais comment expliquer cet empressement de Philippe à suivre
Jésus ? André l'avait suivi sur le témoignage de Jean-Baptiste;
Pierre, sur la parole d'André; Philippe n'a été instruit par
personne, et cette seule parole de Jésus-Christ : « Suivez-moi,
» suffit pour le déterminer à le suivre. On peut dire que
Philippe avait déjà pris cette résolution lorsqu'il entendit
Jean-Baptiste, ou que la voix de Jésus fut assez puissante pour
produire cet effet. — Théophylactus :
Car la voix du Sauveur n'était pas un
simple son qui frappe les oreilles, mais elle enflammait d'amour
pour lui le cœur de ses disciples. D'ailleurs, Philippe avait la
connaissance du Christ, et lisait assidûment les livres de Moïse,
et y puisait l'espérance de son prochain avènement, il crut donc
en lui aussitôt qu'il le vit. Peut-être encore fut-il instruit
par André et par Pierre, qui étaient du même pays, et
l'Evangéliste semble l'indiquer par ces paroles : « Or, Philippe
était de Bethsaïde, de la même ville qu'André et Pierre, »
etc. — S. Jean Chrysostome : (hom.
20). Notre Seigneur Jésus-Christ fait encore éclater sa
puissance en choisissant les plus illustres de ses disciples dans
une terre qui n'avait porté jusqu'alors aucun fruit (car aucun
prophète n'était sorti de la Galilée). — Alcuin
: Bethsaïde, signifie aussi maison des
chasseurs, et par le nom de cette ville, l'Evangéliste veut nous
montrer ce qu'étaient déjà intérieurement Philippe, Pierre et
André, et comment ils rempliraient un jour la mission qui leur
serait donnée en se livrant tout entiers à la chasse spirituelle
des âmes pour leur donner la vie.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 20).
Non-seulement Philippe fut docile aux paroles du Christ, mais il
veut l'annoncer lui-même aux autres : « Philippe trouva
Nathanaël, et lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse a
écrit dans la loi, » etc. Voyez quelles étaient les saintes
préoccupations ds son esprit, comme il méditait continuellement
les livres de Moïse, et vivait dans l'attente de l'avènement du
Christ. Il savait bien sans doute que le Christ devait venir, mais
il ignorait jusque-là que Jésus fût le Christ. Il dit donc à
Nathanaël : « Celui de qui Moïse a écrit et que les prophètes
ont annoncé; » il donne ainsi un nouveau poids à ses paroles,
en montrant que l'étude de la loi et des prophètes lui était
chère, et qu'il approfondissait tout en vérité, au témoignage
de Jésus-Christ lui-même. Ne soyez pas surpris qu'il appelle
Jésus fils de Joseph, il passait alors pour le fils de Joseph. —
S. Augustin : (Traité
précéd). C'est-à-dire, que sa mère était l'épouse de Joseph,
car tous les chrétiens ont appris de l'Evangile, que Jésus a été
conçu et qu'il est né d'une Vierge. Il ajoute le nom de son pays
: « De Nazareth. » — Théophylactus :
Ce n'était pas le lieu de sa naissance,
mais celui où il avait été élevé. Sa naissance était
inconnue d'un grand nombre, mais on savait qu'il avait été élevé
à Nazareth : « Nathanaël lui dit : Peut-il venir quelque chose
de bon de Nazareth ? » — S. Augustin :
(Traité préced). La réponse de Philippe
se prête également à ces deux significations : ou bien la
proposition de Nathanaël est affirmative : « Il peut venir
quelque chose de bon de Nazareth, » et Philippe ajoute : « Venez
et voyez, » ou bien elle est dubitative et sous forme
d'interrogation : « Peut-il venir quelque chose de bon de
Nazareth ? » et Philippe lui répond : « Venez et voyez. »
Quelle que soit du reste celle des deux significations qu'on
adopte, elle s'harmonise parfaitement avec ce qui suit. Examinons
donc quel est le sens de ces paroles. Nathanaël, qui était
très-instruit dans la loi, ayant entendu dire à Philippe : «
Nous avons trouvé Jésus de Nazareth; » ce dernier mot réveilla
son espérance, et il dit : « Il peut venir quelque chose de bon
de Nazareth. » Car il avait approfondi les Ecritures, et il
savait (ce que les scribes et les pharisiens ignoraient), que
c'était de Nazareth qu'on devait attendre le Sauveur. — Alcuin
: C'est lui qui est le saint par
excellence, l'innocence, celui qui est sans tache et dont le
prophète a dit : « Un rejeton sortira de la tige de Jessé, et
du Nazaréen (une fleur) s'élèvera de sa racine. » (Is 11) On
peut encore entendre ces paroles dans un sens dubitatif et sous
forme d'interrogation. — S. Jean
Chrysostome : (hom. précéd). Nathanaël
savait, d'après les Ecritures, que Jésus devait sortir de
Bethléem. Selon l'oracle du prophète Michée : « Et toi
Bethléem, terre de Juda, c'est de toi que sortira le chef qui
doit conduire mon peuple d'Israël. » (Mi 5) Lors donc qu'il
entend dire à Philippe : « Jésus de Nazareth, » il a un moment
d'hésitation, et trouve que cette indication n'est pas en rapport
avec la prédication du prophète. Or, les prophètes donnent au
Christ le nom de Nazaréen, parce que c'est à Nazareth qu'il fat
élevé et qu'il passa la plus grande partie de sa vie. Remarquez
encore la prudence et la douceur de Nathanaël dans la question
qu'il adresse à Philippe, il ne lui dit pas : Vous m'induisez en
erreur, mais il lui fait cette simple question : « Peut-il venir
quelque chose de bon de Nazareth ? » Philippe, de son côté,
n'est pas moins prudent, il n'est pas déconcerté par la question
de Nathanaël, mais il insiste et veut absolument amener un
nouveau disciple à Jésus-Christ : « Philippe lui dit : Venez et
voyez. » Il l'entraîne jusqu'à Jésus-Christ, bien convaincu
qu'il ne lui résistera point dès qu'il aura goûté la vérité
de ses paroles et de sa doctrine.
Versets
47-51.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 20 sur S. Jean).
Nathanaël, en refusant d'admettre que le Christ devait sortir de
Nazareth, fait voir l'étude approfondie qu'il avait faite des
Ecritures; et en consentant à suivre celui qui lui annonçait sa
présence, il montre le vif désir qu'il avait de voir le Christ,
car il présumait que Philippe pouvait se tromper sur le lieu de
sa naissance : « Jésus voyant venir Nathanaël, dit de lui :
Voici un vrai Israélite, dans lequel il n'y a point de ruse. »
Il ne croit pas devoir lui faire aucun reproche, bien que d'après
ses paroles, il n’eut pas cru à l'instant même, parce qu'il
s'attachait plus que Philippe aux indications des oracles
prophétiques. Jésus porte donc de lui ce jugement : « Voici un
vrai Israélite, dans lequel il n'y a pas de ruse, » parce que
ses paroles ne respirent ni flatterie ni aversion. — S.
Augustin : (Traité précéd). Ou bien
encore, que signifie ces paroles : « Dans lequel il n'y a point
de ruse ? » Veulent-elles dire que Nathanaël était pur de tout
péché, et qu'il n'avait pas besoin de médecin ? Non, sans
doute, car il n'est personne de ceux qui reçoivent le jour, qui
n'ait besoin de recourir à ce médecin. Or, la ruse consiste à
feindre une chose différente de celle qu'on fait. Dans quel sens
donc n'y avait-il point de ruse dans Nathanaël ? C'est-à-dire,
que s'il est pécheur, il ne craint pas de le reconnaître; si au
contraire il se disait juste, tout pécheur qu'il est, la ruse se
fût trouvée sur ses lèvres. Le Sauveur loue donc dans
Nathanaël, de reconnaître sincèrement qu'il est pécheur, mais
il ne veut nullement dire qu'il soit sans péché.
Théophylactus
: Mais Nathanaël, malgré cet éloge, ne
se rend pas aussitôt, il attend une preuve plus évidente, et il
interroge le Sauveur : « Nathanaël lui dit : D'où me
connaissez-vous ? » — S. Jean
Chrysostome : (hom. précéd). La question
de Nathanaël est la question d'un homme, la réponse de Jésus
est celle d'un Dieu : « Avant que Philippe vous appelât, lui dit
Jésus, je vous ai vu. » II l'a vu, non pas des yeux de l'homme,
mais de ce regard divin que Dieu abaisse sur les hommes du haut
des cieux. « Je vous ai vu, » c'est-à-dire, j'ai vu les
habitudes de votre vie. Il ajoute : « Lorsque vous étiez sous le
figuier, » là où il n'y avait personne, si ce n'est Philippe et
Nathanaël qui s'entretenaient ensemble. L'Evangéliste fait
remarquer que c'est en voyant Nathanaël de loin, que Jésus dit
de lui : « Voici un vrai Israélite, » c'est-à-dire, avant que
Philippe se fût approché de Jésus, de manière que vous ne
puissiez élever aucun soupçon sur le témoignage du Sauveur.
Jésus ne voulut pas répondre : Je ne suis pas né à Nazareth,
comme Philippe vous l'a dit, mais à Bethléem, pour ne pas
soulever de discussion sur ce point, c'eût été d'ailleurs une
preuve insuffisante qu'il était le Christ, et il le prouve bien
plus fortement en leur démontrant qu'il était présent à leur
entretien.
S.
Augustin : (Traité 6 sur S. Jean).
Examinons si ce figuier a ici une signification particulière.
Nous trouvons dans l'Evangile, un figuier maudit, parce qu'il
n'avait que des feuilles et point de fruit. (Mt 21; Mc 11) Au
commencement du monde Adam et Eve, après leur péché, se firent
une ceinture de feuilles de figuier. (Gn 3) Les feuilles du
figuier sont donc la figure des péchés. Or, Nathanaël était
assis sous un figuier comme à l'ombre de la mort, et le Seigneur
semble lui dire : O Israël ! vous qui êtes sans ruse ! O peuple
qui vivez de la foi ! avant que je vous aie appelé par mes
Apôtres, lorsque vous étiez encore à l'ombre de la mort, et
avant que vous ayez pu me voir, je vous ai vu. — S.
Grégoire : (Moral., 18, 20). Ou bien, je
vous ai vu pendant que vous étiez sous le figuier, c'est-à-dire,
je vous ai choisi lorsque vous étiez encore sous les ombres de la
loi.
S.
Augustin : (sermon 40 sur les paroles du
Seigneur). Nathanaël se souvint qu'il était sous le figuier où
Jésus n'était présent que par sa science spirituelle et divine,
et comme il savait qu'il était seul sous ce figuier, il reconnut
que celui qui lui parlait ainsi était Dieu.
S.
Jean Chrysostome : (hom. 20 sur S. Jean).
Nathanaël reconnut donc que Jésus était vraiment le Christ, à
la révélation qu'il vient de lui faire, a la connaissance qu'il
avait de ses dispositions intérieures, et aussi parce que loin de
le reprendre, il a fait son éloge, après le langage peu
favorable en apparence que Nathanaël avait tenu à son égard : «
Nathanaël lui répondit : Maître, vous êtes le Fils de Dieu,
vous êtes le roi d'Israël, » c'est-à-dire, vous êtes celui
que nous attendions, celui que nous cherchions. La preuve
indubitable qui vient de lui être donnée, détermine cet aveu;
l'hésitation qu'il a manifestée d'abord montre son zèle à
chercher la vérité, et son empressement à la reconnaître
ensuite est une preuve de sa vertu et de sa religion. (Hom. 21).
Ce passage en embarrasse un grand nombre; Pierre, disent-ils, qui
a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, après avoir été
témoin de ses miracles et de sa doctrine, est proclamé
bienheureux, de ce que le Père lui a révélé cette vérité,
tandis que Nathanaël, qui confesse la divinité de Jésus, sans
avoir ni vu ses miracles, ni entendu ses divins enseignements, ne
reçoit point les mêmes louanges. En voici la raison, c'est que
Pierre et Nathanaël ont tenu le même langage mais sans y
attacher le même sens. Pierre a confessé que Jésus était le
Fils de Dieu, et vrai Dieu lui-même; Nathanaël, au contraire, ne
voit encore en lui qu'un homme. Car en lui disant : « Vous êtes
le Fils de Dieu; » il ajoute : « Vous êtes le roi d'Israël. »
Or, le Fils de Dieu n'est pas seulement le roi d'Israël, il est
le roi de tout l'univers. La suite du texte rend encore plus
sensible cette différence. En effet, Notre Seigneur Jésus-Christ
n'ajouta rien à la confession de Pierre, il considéra sa foi
comme parfaite, et lui prédit que sur cette confession il
bâtirait son Eglise, tandis que pour Nathanaël, dont la
confession était moins complète et laissait beaucoup à désirer,
il l'élève vers des considérations plus hautes : « Et Jésus
lui dit : Parce que je vous ai dit : Je vous ai vu sous le
figuier, vous croyez; vous verrez de plus grandes choses, »
c'est-à-dire, vous regardez comme une chose extraordinaire ce que
je vous ai dit, et c'est pour cela que vous me proclamez roi
d'Israël; que direz-vous donc, lorsque vous verrez de plus
grandes choses ? Et quelles sont ces choses ? « En vérité, en
vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges
de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme. » Voyez comme
il l'élève peu à peu au-dessus de la terre, et l'amène à
reconnaître que le Christ n'est pas seulement un homme. Car
comment celui qui a les anges pour serviteurs, pourrait-il n'être
qu'un homme ? Il se fait donc ainsi connaître pour le maître des
anges qui descendirent sur Jésus et montèrent avec lui comme les
ministres de sa divine royauté; ils descendirent sur lui au
moment de sa mort sur la croix, et montèrent au temps de sa
résurrection et de son ascension. Ils avaient déjà rempli
précédemment ce ministère lorsqu'ils s'approchèrent de lui
pour le .servir dans le désert, et aussi lorsqu'ils annoncèrent
sa naissance. Le Sauveur prouve donc ici l'avenir par le passé.
En reconnaissant les signes de sa puissance dans le passé,
Nathanaël pouvait plus facilement croire à la prédiction que le
Sauveur lui faisait pour l'avenir.
S.
Augustin : (serm. 40 sur les par. du
Seig). Rappelons-nous l'ancienne histoire de Jacob, qui vit dans
son sommeil une échelle posée sur la terre et dont le sommet
touchait au ciel, et les anges de Dieu qui montaient et
descendaient le long de l'échelle. (Gn 28) Jacob, comprenant la
signification mystérieuse de cette vision, prit la pierre qu'il
avait mise sous sa tête et répandit de l'huile dessus. Est-ce
qu'il voulut en cela faire une idole ? Non, l'action de Jacob est
ici figurative, et il ne rend aucun culte d'adoration à cette
pierre. Vous voyez ici l'onction, reconnaissez aussi le Christ. Il
est la pierre qui a été repoussée par ceux qui bâtissent.
Puisque Jacob, qui fut appelé Israël (Gn 32), a vu cette échelle
en songe, et que, d'un autre côté, Nathanaël, au témoignage de
Jésus, est un vrai Israélite, c'est avec raison que le Sauveur
lui rappelle le songe de Jacob, comme s'il lui disait : Le songe
de celui dont vous portez le nom se réalisera pour vous-même,
vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et
descendre sur le Fils de l'homme. S'ils descendent sur lui, ils
montent aussi jusqu'à lui, car il est tout à la fois dans les
hauteurs des cieux et sur la terre, il est en haut dans sa propre
nature, il est en bas dans la personne des siens.
S. Augustin :
(Traité 7 sur S. Jean). Les bons
prédicateurs qui annoncent vraiment Jésus-Christ, sont les anges
de Dieu, ils montent et descendent sur le Fils de l'homme, à
l'exemple de saint Paul, qui monta jusqu'au troisième ciel (2 Co
2), et qui est descendu jusqu'à donner du lait pour nourriture
aux petits enfants. (1 Co 3) Jésus dit à Nathanaël : « Vous
verrez encore de plus grandes choses, » car la justification de
ceux que le Seigneur a appelés à la foi est un plus grand
miracle que de nous avoir vus couchés et étendus à l'ombre de
la mort. Que nous aurait-il servi, en effet, qu'il nous vit, si
nous étions restés à l'ombre de la mort ? Mais pourquoi
Nathanaël, à qui le Fils de Dieu a rendu un si glorieux
témoignage, ne fait-il point partie des douze Apôtres ? Nous
avons dû voir qu'il était instruit et versé dans la science de
la loi, et c'est la raison pour laquelle le Seigneur ne voulut
point l'admettre au nombre de ses Apôtres; il aima mieux choisir
des ignorants pour confondre la vaine science du monde. Dans le
dessein qu'il avait formé d'abaisser la tête altière des
orgueilleux, ce n'est point par l'éloquence d'un orateur qu'il
voulut amener à lui un pêcheur, c'est par ce simple pêcheur
qu'il convertit à lui les empereurs. Cyprien a été un grand
orateur, mais avant lui nous voyons Pierre, qui n'était que
pêcheur, et c'est par lui que devaient croire dans la suite,
non-seulement les orateurs, mais les empereurs eux-mêmes.
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