Source: Cor Unum n° 30 - juin 1988
PRIMAUTE DE LA VIE DE COMMUNAUTE
Conférence de Mgr Lefebvre
Saint-Nicolas-du-Chardonnet
- 10 mai 1988 –
Je voudrais profiter de ce contact, - je ne sais pas encore combien de temps je serai parmi vous, Dieu seul le sait, l'âge est là et les mois comptés - pour vous dire ma pensée sur les principes qui m'ont guidé - dans la grâce du Bon Dieu, je l'espère - dans la fondation de la Fraternité.
La Fraternité est à considérer comme le moyen privilégié, en ces temps de révolution et d'autodestruction dans l'Eglise, pour refaire la chrétienté, le corps mystique, visible de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour revigorer l'Eglise, par la Foi et la grâce communiquées aux âmes, pour leur sanctification, pour la gloire de Dieu et de la Trinité Sainte.
IMPORTANCE DU SACERDOCE
Or, il est évident que le moyen de rendre la Foi et la grâce aux âmes, c'est de faire des Prêtres, un véritable sacerdoce. La source de la foi et de la grâce, ce sont les prêtres. Sacerdos : sacra dans; sacrificium : sacrum faciens; c'est lui qui fait et donne les choses saintes.
Devant la ruine généralisée du sacerdoce dans l'Eglise depuis le Concile Vatican II en particulier, il est évident que nous ne pourrions pas avoir de charge plus grande, plus noble, plus utile à l'Eglise, que de faire des prêtres.
(Rôle de la providence dans l'édification des séminaires par la Fraternité, dans le rôle des premiers prêtres de la Fraternité pour transmettre la Foi. Importance de la formation des prêtres)
PRESERVER LE SACERDOCE
Mais il ne suffit pas de faire des séminaristes, il faut préserver le sacerdoce. Il faut que les Prêtres restent-Prêtres, armés et décidés à continuer ce qu'ils ont reçu. Et il est évident pour vous qui êtes maintenant lancés dans le ministère et en contact continuel avec des âmes désemparées, que le milieu dans lequel vous travaillez est un milieu périlleux; périlleux pour vous et pour la grâce du sacerdoce. S'il est vrai que nous n'avons pas eu beaucoup de défections sur les 350 prêtres que Dieu m'a donné la grâce d'ordonner, hélas nous avons quand même à déplorer certains abandons du sacerdoce, par abandon de la foi ou des mœurs. Et nous sommes guettés par ce monde et ses tentations continuelles qui nous entourent.
Alors, comment protéger la foi de nos Prêtres ? Comment leur permettre de travailler en gardant la ferveur qu'ils avaient au jour de leur ordination et de leur première messe ? Comment continuer au milieu de ce monde qui, plus que jamais, ne pense qu’aux plaisirs, aux jouissances, à l'argent et aux biens de ce monde ? Comment maintenir le sacerdoce dans ce milieu l’église conciliaire, des prêtres qui ne sont plus des prêtres, qui n’en ont plus le costume, les mœurs, la prédication, la liturgie, ni la doctrine ? Tout cela est un scandale pour nous.
LE PRIEURE
La Providence nous a donné la solution : le Prieuré. C'est lui qui préservera la grâce du sacerdoce, la ferveur du Prêtre. Le Prieuré est comme un bastion avancé en plein terrain de combat, où les Prêtres fervents, vivant dans la prière, la contemplation, auprès du Saint-Sacrement, dans l'union fraternelle, sont prêts à partir au combat.
S'il arrivait que les Prieurés disparaissent, nous n'aurions plus de Fraternité, car elle est essentiellement basée sur les Prieurés, sur cette vie commune, protégée, je dirai un peu cloitré- protégée du monde. Etant donné l'atmosphère irrespirable de ce monde en pleine décomposition spirituelle, morale, matérielle, si nous ne vivons pas dans un milieu où on peut respirer un air de Foi, de prière, de Charité fraternelle, nous ne tiendrons pas et notre apostolat ne sera pas fructueux.
D'où l'importance capitale, à mon sens, de la constitution des Prieurés. C'est difficile, il faut le reconnaitre, mais il faut garder cet idéal et comprendre qu'il est absolument indispensable. On ne peut pas se permettre de dilapider cette préservation indispensable à la ferveur du prêtre. On ne peut envoyer nos prêtres isolés dans les circonstances actuelles.
Autrefois de saints prêtres me direz-vous furent seuls et ont réalisé, tels le curé d’Ars un apostolat merveilleux. Mais les circonstances étaient complètement différentes de celles d’aujourd’hui. Le curé d’Ars se confessait à un curé, à deux ou trois kilomètres de chez lui. Il y avait de bons prêtres tout autour de lui, des réunions sacerdotales, des retraites, des récollections organisées par le diocèse, le doyenné. Le prêtre était pris dans un cadre qui le portait par un souffle de zèle et de sainteté... Encore que, peut-être, l'isolement du Prêtre n'était pas l'idéal et bien souvent des prêtres recherchaient la vie de communauté, par exemple dans les presbytères.
(Monseigneur cite ici quelques prêtres isolés, dont un a malheureusement tout abandonné.)
Il faut avoir cette pensée de la vie commune et du Prieuré constamment devant nous, aussi bien pour les supérieurs majeurs, que pour les Prieurs eux-mêmes. Car, qui donne la vie au Prieuré et le réalise ? C'est le Prieur. Il est chargé de veiller sur ses confrères, chargé de la vie commune.
([Monseigneur cite la vie et les livres du P. Aubry, missionnaire des missions étrangères au XIXème siècle, et dont il recommande la lecture.) (Puis, Monseigneur cite l'exemple de l'échec de nombreuses missions dont les prêtres étaient isolés et mouraient souvent en quelques années, faute de soutien. En revanche, les Pères Blancs devaient être trois ensembles, quoi qu'il arrive. )
Le Prieuré idéal
Ce serait un prieuré avec un minimum de trois prêtres, trois religieux, quelques religieuses.
(Le Prieuré et les retraites)
(Des Prieurés isolés des villes)
L'isolement, en dehors de la ville, est un facteur considérable pour le recueillement, le calme, l'équilibre, même physique. Ainsi, rentrant du ministère, le prêtre se retrouve dans la campagne, le calme, le silence, la verdure, les petits oiseaux qui chantent. C'est une détente, un repos physique et moral. On en a besoin dans l'agitation et l'énervement continuels. C'est une des raisons d'en faire des maisons religieuses, de petits couvents.
(Danger des écoles à l'intérieur même des prieurés. Le silence est requis pour les prêtres qui doivent préparer leurs sermons, prédications, retraites, catéchismes)
Le ministère
(Le regroupement des prêtres gênera-t-il les déplacements apostoliques ? Non, si on regroupe les déplacements. Au lieu d'aller dans les centres chaque dimanche, les prêtres auraient de n'y aller qu'une fois par mois, en y restant trois ou quatre jours.)
Il y a une exagération de l'apostolat. Ce fut un élan très généreux au début, mais je pense qu'il est plus que temps que les Prieurs veillent à cela et prennent de sérieuses résolutions et organisent le ministère de façon que les Prêtres ne soient pas constamment sur les routes.
PRIMAUTE DE LA VIE DE COMMUNAUTE
Le problème se pose aux Prieurs : l'apostolat, prime-t-il la vie de communauté et la protection de la vie sacerdotale ? Moi, je dis que c'est la vie de communauté et la vie Sacerdotale, la vie intérieure et spirituelle des prêtres, qui priment.
L’apostolat est inutile s'il n'y a plus de vie intérieure, de ressources spirituelles. Il sera vain et nul. On prêchera, on verra les gens, on donnera les sacrements, il n'y aura plus cette grâce particulière à l'apostolat du prêtre fervent qui prie,
Alors, la vie de communauté et la vie intérieure priment sur l'apostolat. C'est évident.
Les gens vont se plaindre si nous venons moins souvent. Nous pourrons leur répondre que nous avons déjà deux morts. Ils travaillent là-haut, mais ici-bas, ils ne font plus rien. S'il y en a d'autres, il faudra fermer le Prieuré. Et le Prieuré va se vaporiser, il n'aura plus sa raison d'être.
Activités des Prieurés
(Outre l'apostolat extérieur, il faut penser aux retraites, au bulletin du Prieuré, au catéchisme par correspondance, qui pourrait même servir aux adultes, au Tiers-Ordre, aux écoles primaires, aux veillées de prières qui sont excellentes, mais fatigantes. Le Prieur pourrait répartir ces tâches entre les prêtres, mais il y faut du temps. Il faut aussi la vigueur intellectuelle pour préparer tout cela.)
CONCLUSION
Les Prieurés sont des bastions avancés dans le monde corrompu ils doivent être des lumières, lumières de la Foi, de la Sainteté, de discrétion, modestie, union fraternelle, afin que les gens se raccrochent à ce bastion, à quelque chose qui tienne et serve de référence.
Et ensuite, de là, évidemment partira le ministère, mais un ministère compatible avec la vie de prieuré, qui doit être primordiale pour la conservation de la foi et de la ferveur des Prêtres. Sans quoi, on ne tiendra ni physiquement, ni moralement, ni spirituellement.