Où en est la recherche historique sur les origines de l’islam ?
Avec la parution de la thèse d’Édouard-Marie Gallez, Le Messie et son prophète. Aux origines de l’islam
(deux tomes, Éd. de Paris, 2005), nous passons véritablement de la
légende à l’histoire. Par sa critique impitoyable des sources, l’auteur écarte systématiquement toutes les inventions orientales et toutes les forgeries des prétendus historiens. Il se fonde sur les travaux du petit nombre de chercheurs honnêtes
qui, surtout depuis une trentaine d’années, ont osé, dans des études
partielles, s’écarter de la version admise par les islamologues
patentés.
Voyons d’abord, avant de présenter les travaux d’É.-M. Gallez, quels sont ces savants qui ont étudié de façon scientifique la question de l’apparition au Proche-Orient d’une nouvelle religion dans la première moitié du VIIe siècle.
Les chercheurs
Déjà, dans les années 1950, le dominicain Gabriel Théry (1891-1959), écrivant sous le pseudonyme de Hanna Zakarias [1], avait imaginé une hypothèse [2] capable de rendre compte, principalement à partir d’une analyse du texte officiel du Coran [3],
des incohérences et des absurdités qui s’y trouvent. Pour lui, l’islam
est une « entreprise juive » mise en œuvre par le rabbin de la Mecque,
qui aurait converti au judaïsme un jeune arabe nommé Mohammed. Ayant
traduit en langue arabe un résumé du Pentateuque (aujourd’hui perdu,
mais dont on retrouve des fragments dans le Coran actuel), ce rabbin
aurait tenté d’utiliser cet Arabe pour entraîner son peuple dans
l’entreprise messianique de reconquête de la Terre promise… pour le
compte des Juifs. Possédant maintenant un livre sacré capable de faire
pièce à l’ancien et au nouveau Testament, les Arabes auraient repris ce
projet à leur compte. Cette hypothèse, qui ne tenait déjà pas compte de
certaines études partielles publiées antérieurement sur le sujet, est
aujourd’hui abandonnée à la suite des travaux des chercheurs que nous
allons mentionner. Il n’en reste pas moins que nous pouvons saluer le
courage de ce savant, qui a contribué à faire sauter la chape de plomb
qui étouffait alors la recherche en matière d’islam.
Tout va changer avec la publication en 1977 de la thèse du professeur (à Cambridge, puis à Princeton) Patricia Crone [4]
qui, faisant la synthèse des travaux antérieurs et des découvertes
récentes, en particulier en matière d’archéologie, donne enfin une
explication plausible des événements qui se déroulèrent au Proche-Orient
à partir de 614 (prise de Jérusalem par les Perses). Ce grand savant a
définitivement établi :
— que l’islam n’est pas né dans le Hedjaz (nord-ouest de la péninsule arabique), mais en Syrie ;
— que le Coran ne peut pas être considéré comme un document historique authentique du VIIe siècle ;
— que le Mahomet historique n’a rien à voir avec le personnage dépeint par la sira ;
— que le mécanisme de la tradition islamique empêche de considérer les textes qui en sont issus comme des documents exploitables par les historiens.
Ces études du professeur Patricia Crone ont inauguré les pistes les plus intéressantes de la recherche actuelle.
D’autres érudits ont continué sur cette lancée :
— Le P. Antoine Moussali
(1921-2003), par sa connaissance de l’arabe et de la psalmodie, a
rétabli le texte de certains versets du Coran et identifié des ajouts
postérieurs dans certaines sourates importantes, permettant de nouvelles
interprétations. Ce travail, qui semble indispensable avant toute
traduction définitive, n’avait jamais été même commencé par la pléiade
de spécialistes qui, depuis le XIXe siècle, se penchent sur cet écrit,
et qui faisaient confiance au texte officiel du Coran établi par les
docteurs de la foi. Le P. Moussali [5]
a dégagé des indices très clairs qui montrent que le « Coran » dont
parle (65 fois) l’actuel livre sacré des musulmans était un
lectionnaire, traduit de l’araméen en arabe dans les années 610–630. Ce
lectionnaire était en usage dans une secte dont nous parlerons plus
loin, les judéo-nazaréens. A ce « Coran » primitif, les premiers califes
ont ajouté un texte fait d’une compilation d’écrits en arabe, qui,
remaniée peu à peu, devint notre actuel Coran au cours du VIIIe siècle.
D’autres chercheurs se sont attachés à des aspects partiels de la question et à l’établissement de certains points d’histoire. Parmi eux, citons Ray A. Pritz
pour son étude sur la secte des judéo-nazaréens – même si l’affirmation
de leur disparition au IVe siècle est aujourd’hui contestée – [6] et Alfred-Louis de Prémare
pour sa publication de la liste des documents nouveaux découverts et
étudiés depuis une trentaine d’années, avec de très intéressantes
monographies sur les différents auteurs et chroniques [7], ainsi que son étude sur l’élaboration du corpus coranique aux VIIe et VIIIe siècles [8].
Travail indispensable, même si on peut regretter qu’il ait montré trop
de timidité à en tirer les conclusions qui pourraient sembler logiques
et fait dans ses commentaires sur Mahomet quelques erreurs pour
sacrifier à la vérité officielle.
— Cependant la véritable synthèse de toutes ces études est la thèse d’un jeune savant, Édouard-Marie Gallez qui a été soutenue en novembre 2004, sous le titre Du messianisme nazaréen au prophétisme islamique. Cette thèse a été publiée en juillet 2005 sous le titre Le Messie et son prophète. Aux origines de l’islam.
Les quelques notes qui vont suivre ne font qu’exposer cette nouvelle
hypothèse historique qui donne enfin une explication plausible de la
naissance de l’islam.
Les Qurayshites
Les Arabes sont un très
vieux peuple du Proche et Moyen-Orient, qui n’a jamais eu d’histoire
propre. Divisés en de nombreuses tribus nomades ou sédentaires, ils
formaient déjà une des composantes de l’empire perse de Darius Ier à la
fin du Ve siècle avant J.-C. Les textes bibliques en parlent comme de
riches négociants faisant le commerce des aromates, de l’or et des
pierres précieuses, ou des pasteurs nomades vivant de brigandage. La
razzia leur permettait de compléter leur ordinaire par l’appropriation
de biens divers et d’esclaves. Ils peuplaient les confins de la
Mésopotamie, le long de l’Euphrate, et à l’est de la Syrie. Ces nomades étaient devenus partiellement sédentaires, formant à partir de la fin du IIIe siècle, deux royaumes, les Lakhmides autour de Hira (en Mésopotamie, sur l’Euphrate), et les Ghassanides avec trois lieux de résidence aux confins du désert de Syrie et dans le Golan [9].
« En raison de leur mobilité et de leurs capacités guerrières, les
Ghassan étaient pour Byzance des alliés indispensables, qu’il lui
fallait ménager – écrit A.-L. de Prémare –. Aussi jouaient-ils, comme
les Lakhmides leurs ennemis du côté perse, un rôle important sur
l’échiquier politique ». Au IVe siècle, une autre tribu, celle des Saracènes (Saraceni) [10], sous la direction de la « reine » Mauvia (Mawiyya) tentera de secouer la tutelle de Rome:
après avoir battu les troupes de l’empereur arien Valens
(373), elle finit par s’entendre avec les Romains. C’est à partir de
cette date que les Arabes commencèrent à prendre conscience de leur
force militaire : au VIe siècle, ils se mirent, comme mercenaires, au
service des deux grands empires qui se disputaient la suprématie au
Proche-Orient, Byzance et les Perses. Les Ghassanides seront vassaux de
Byzance, les Lakhmides de la Perse.
Mais parmi les différentes tribus arabes, il y en a une qui va prendre une importance considérable dans l’histoire, celle des Qoréchites (en arabe qurays), dont est issu Mahomet.
L’écrivain syrien Narsaï, écrivant vers 485, mentionne déjà la cruauté
des Qurays au cours des razzias qu’ils faisaient dans la région de Beith
Aramayé, à l’ouest de l’Assyrie [11].
Il semble qu’au VIe siècle, ils se soient reconvertis dans le commerce,
peut-être à cause d’une christianisation, au moins superficielle [12]. De plus, de nombreux noms de lieux portent leur nom en Syrie, et non dans le Hedjaz, comme on pourrait s’y attendre. Le géographe René Dussaud [13] a relevé le nom d’une rivière qui porte leur nom (nar al quraysiy)
qui traverse les ruines d’un village d’Arabes semi-nomades (un
caravansérail, centre de commerce et halte pour les caravanes) appelé
Khan el-Qourashiyé, situé à 30 kilomètres au nord-est de Lattaquié. Les
chroniques nous donnent encore d’autres indications sur l’activité de
ces Arabes, qui se situe entre la Syrie et la Palestine : la Chronique de Jacob d’Édesse (fin du VIIe siècle), traduite par A.-L. de Prémare [14] précise que Mahomet « alla pour le commerce en terres de Palestine, des Arabaya [région arabe de Mésopotamie] et de Phénicie des Tyriens ».
D’autres traditions mentionnées par ce même chercheur situent autour de
Gaza le lieu de l’activité commerciale de Mahomet et la tombe de son
arrière-grand-père ; sa famille y possédait des terres [15].
Les judéo-nazaréens
Mais revenons en arrière pour parler d’une autre force, spirituelle celle-là, sans laquelle l’islam n’aurait pas pu naître, la secte des judéo-nazaréens. Leur existence, très mal connue jusqu’à ces dernières années, a été mise en valeur par Ray A. Pritz dans son étude Nazarene Jewish Christianity…
Rappelons que c’est ce chercheur qui les a baptisés « judéo-nazaréens »
pour éviter les ambiguïtés du vocable « nazaréens » sous lequel ils
étaient connus jusqu’ici [16].
Il s’agit d’une déviation des chrétiens d’origine juive appartenant à
la communauté du premier évêque de Jérusalem, Jacques (l’apôtre Jacques
le Mineur ou le « frère de Jésus » Jacques le Juste ? La question est
pendante), mort martyr en 62 après J.-C. Ces judéo-nazaréens (avec É.-M.
Gallez, adoptons cette dénomination qui, à défaut d’être reconnue par
tous les islamisants, a le mérite d’être claire) croient que Jésus n’est
pas mort sur la croix (il y aurait eu une substitution), mais qu’il est
gardé en réserve au ciel dans une perspective politique de conquête du
monde.
Parmi les écrits qui expriment cette idéologie politico-religieuse, il faut détacher le Deuxième livre de Baruch ou Livre syriaque de Baruch, un apocryphe datant des années 80 après J.-C. [17].
Tout en prônant l’observation scrupuleuse de la Loi dans le présent, ce
texte annonce pour l’avenir un monde nouveau et bien concret, qui
viendra sur la terre après les douze époques de cette vallée de larmes.
Alors, le Messie, qui est comparé à une vigne et à une source d’eau
vive, régnera sur le monde entier, tandis que Jérusalem sera rebâtie. Ce
n’est qu’au terme du règne messianique qu’aura lieu la résurrection des
corps : « C’est pour toute la terre que cela arrivera. […] Dès que sera
accompli ce qui doit arriver dans ces parties [du temps], le Messie
commencera de se révéler [18] ». Il y a dans ces textes, « une vision dialectique du monde »,
selon l’expression d’É.-M. Gallez. En effet, les judéo-nazaréens se
distinguent de façon polémique des judéo-chrétiens (les chrétiens de
Palestine) et des juifs orthodoxes. Ne reconnaissant que leur seul
Évangile, copié de celui de Matthieu, à l’exclusion des autres, ils
reprochent aux chrétiens d’avoir contaminé de paganisme la pure
tradition juive, le Messie-Jésus ne devant pas être « mêlé » à Dieu. Aux
juifs, ils ne pardonnent pas la lapidation de Jacques le Juste, la non
reconnaissance du Messie, et surtout l’introduction, dans le corpus des
livres sacrés, de la Mishna et des Talmudin, qui donnent une fausse interprétation de la Tora. Ils se considèrent donc comme les représentants de la vérité entre deux erreurs opposées.
Les judéo-nazaréens étaient
coupés du monde religieux juif et chrétien. La plupart des exégètes
sont incapables de les définir clairement. C’est le cas par exemple de
saint Jérôme qui, en 404, écrit à saint Augustin à leur propos [19] : « Tandis qu’ils veulent tout ensemble être juifs et chrétiens, [ces hérétiques] ne sont ni juifs ni chrétiens. »
En réalité, ils voulaient fortement se distinguer des uns et des
autres ! Aussi bien, le petit nombre de documents que nous possédons sur
cette secte ne signifie aucunement qu’elle ait cessé d’exister et de
prospérer avant le IVe siècle, ni même bien au-delà, contrairement à
l’opinion de Ray A. Pritz. En effet, celui-ci ignore un témoignage
capital qui n’a pas échappé à un autre chercheur, Simon-Claude Mimouni [20],
à savoir celui du pèlerin anonyme de Plaisance qui, vers 570, visita la
Palestine. Il fait état d’une communauté d’Hébreux qui ne s’entendaient
pas avec les chrétiens, mais qui n’étaient pas non plus des juifs
talmudistes. Il ne pouvait s’agir que de judéo-nazaréens, analyse É.-M.
Gallez, qui donne d’autres preuves épigraphiques se trouvant en
particulier dans des villages ruinés du plateau du Golan.
Mais le texte capital qui nous fournit la preuve que, au VIIe siècle, les judéo-nazaréens n’avaient nullement disparu, c’est… le Coran
lui-même, aussi curieux que cela puisse paraître. A condition, bien
sûr, d’étudier ce Coran non avec les lunettes roses de la légende
musulmane, mais avec les outils de l’analyse historique et théologique,
comme É.-M. Gallez. En effet, le Coran que nous connaissons mentionne un « coran » auquel il se réfère, et cela soixante-cinq fois. Comme il ne peut pas se référer à lui-même, il s’agit bien d’un autre texte. Quel est-il ? Pour répondre à la question, il faut faire appel à l’étymologie. Le mot quran vient de qara , verbe hébreu signifiant crier, lire ou réciter en public. C’est également le sens du syriaque qorono
qui désignait un florilège chrétien d’extraits bibliques destiné à la
lecture publique, appelé aussi « lectionnaire ». Cela s’applique
parfaitement à l’usage que les musulmans firent du Coran élaboré par
les califes à partir du VIIIe siècle, qui servait à des lectures
journalières. Mais de quel lectionnaire s’agit-il dans les sourates qui
parlent du « coran » ? La S. 3, 113 fait allusion à « une communauté
debout (umma) [qui] récite les versets de Dieu
durant la nuit et ils se prosternent ». Ce n’est évidemment pas la
communauté naissante des musulmans, mais une autre, qui est désignée
ailleurs (S. 5, 66) : « Parmi eux [les Juifs] il y a une communauté qui
va sans dévier ». Cette communauté qui, selon une tradition biblique
ancienne, se lève la nuit pour réciter des psaumes, est évidemment celle
de l’auteur qui, n’étant pas un Juif orthodoxe (ceux-ci constituent
l’autre communauté, qui « dévie »), ne peut que faire partie du groupe judéo-nazaréen
qui nous occupe. Des citations de nombreuses autres sourates viennent
apporter des arguments supplémentaires à cette analyse d’É.-M. Gallez.
Ainsi, nous avons la preuve que les
judéo-nazaréens n’avaient pas du tout disparu au début du VIIe siècle,
puisque leur lectionnaire, avec le Pentateuque (tora) et l’Évangile (celui de Matthieu, injil)
se retrouve mentionné dans l’actuel Coran. A partir de ce moment, nous
avons une « grille » qui va nous faire avancer dans l’explication des
événements qui se sont produits dans la première moitié du VIIe siècle.
Cette découverte d’Édouard-Marie Gallez va lui permettre de bâtir une hypothèse scientifique qui « colle » à la réalité géographique et historique.
Les apories de l’histoire officielle
Mais voyons d’abord ce qui s’est passé
et comment la pseudo-histoire officielle nous explique la naissance et
le développement de cette religion guerrière qui, comme un raz de marée,
va bientôt submerger non seulement le Moyen-Orient, mais une partie du
bassin méditerranéen. Le début du VIIe siècle est une période de
troubles dans l’Empire romain d’Orient. L’empereur Maurice est détrôné
et assassiné par un centurion, Phocas, qui est élevé au trône par ses
soldats (602). Ce dernier laisse ravager et conquérir ses provinces
d’Asie par le Perse Chosroès II (Khusraw II). Mais en 610, il est à son
tour détrôné et tué par Héraclius, le fils de l’exarque ou gouverneur
général de la province d’Afrique. Attaqué de tous les côtés par diverses
peuplades, l’Empire est sauvé par Sergius, le patriarche de
Constantinople, qui fait jurer à Héraclius de le défendre, alors qu’il
voulait transporter le centre du pouvoir à Carthage.
Mais les Perses continuent leurs conquêtes et en 614 s’emparent de Jérusalem, emportant la sainte Croix à Ctésiphon (aujourd’hui Bagdad), leur capitale.
Ayant enfin pu réunir une armée suffisante,
Héraclius recommence la conquête de l’Asie mineure à partir de 622 et
finit par vaincre les Perses à Ninive (628). Chosroès II est renversé
par une révolution de palais et ses successeurs restituent aux Byzantins
toutes leurs conquêtes, ainsi que la sainte Croix qu’Héraclius replace
solennellement à Jérusalem (631). C’est alors que les Arabes, qui n’avaient pas participé en tant que peuple à ces événements, vont soudain apparaître
et tout balayer sur leur passage, faisant en l’espace d’un siècle la
conquête de la Palestine, de la Syrie, de la Perse, de l’Égypte, puis
dans un second temps, du Maghreb et de l’Espagne (632-750).
Les explications données par les
historiens officiels sur la rapidité de cette conquête sont les
suivantes : le Prophète, inspiré par Dieu, aurait essayé de convertir
les polythéistes de la Mecque. Il aurait été d’abord expulsé et se
serait replié sur Yatrib (future Médine), où il aurait composé le Coran
et créé l’islam, levé une armée, reconquis la Mecque, et de là serait
monté vers le nord, comme un ouragan renversant tout sur son passage.
Or cette version, qui ressemble à un conte des mille et une nuits [21], butte contre les impossibilités ou les absurdités suivantes :
— La Mecque, située dans un lieu particulièrement insalubre, n’existait pas au temps de Mahomet. Cette ville a été créée quelques dizaines d’années plus tard par les califes, pour des raisons religieuses et politiques [22].
— Le Coran est truffé d’histoires juives et de recommandations d’appliquer les prescriptions de la religion judaïque. Or les sources juives, comme le reconnaît Prémare [23],
sont muettes sur la présence de colonies juives dans cette partie du
Hedjaz. Et ce n’est pas l’activité de marchand de Mahomet qui a pu lui
donner une pareille érudition.
— L’idéologie messianique de conquête du monde, qui était celle des conquérants arabes, est dénoncée par l’évêque de Jérusalem Sophrone en 635 [24]. Or cette idéologie n’est pas arabe,
ces peuples s’étant contentés jusqu’au VIIe siècle de guerroyer pour
faire du butin ou d’être mercenaires des Byzantins ou des Perses.
— Contrairement à ce qu’affirme A.-L. de Prémare après les islamologues officiels, Mahomet n’a jamais revendiqué pour lui la qualité de prophète. Dans les documents d’époque cités, il est écrit que les gens disaient qu’il l’était, ce qui n’est pas la même chose [25].
Des essais d’explication
Voilà quelques objections (il y en a
d’autres) qui sont insurmontables pour la vulgate officielle. Le père
Gabriel Théry avait bien vu les trois dernières, et, pour y répondre,
avait avancé l’hypothèse du rabbin de la Mecque, mentor de Mahomet, qui
l’aurait initié au Pentateuque, aux commentaires rabbiniques de la Bible
et aux arcanes de la religion juive. Il expliquait aussi l’importance
de l’Évangile (injil) dans le Coran par la nécessité pour le rabbin de tenir compte de la communauté chrétienne de la Mecque.
Les découvertes de Patricia Crone ont
ruiné l’hypothèse du rabbin et de son adversaire le curé. De toute
façon, comment un juif, pour qui Jésus est un imposteur, aurait-il pu
parler de façon laudative du Messie et de sa mère Marie ? Cette fausse
piste devait donc être abandonnée : les Juifs « orthodoxes » n’étaient
nullement responsables de la création de l’islam, c’est un fait
maintenant établi.
Une autre raison historique militait
encore contre cette thèse : les Juifs venaient de subir, de la part des
Perses, des persécutions qui ne les mettaient pas en position de force.
En 614, par haine des Byzantins chrétiens, ils avaient aidé Chosroès à
faire le siège de Jérusalem. Pour les récompenser, le « Roi des Rois »
leur avait confié l’administration de la ville. Ils en profitèrent pour
se livrer à un grand massacre de chrétiens, si bien que les Perses leur
retirèrent cette charge, les expulsèrent de la ville et les déportèrent
dans plusieurs villes de leur empire.
Il fallait donc trouver autre chose. C’est ce qu’a fait É.-M. Gallez en avançant l’hypothèse de l’alliance des Arabes qurayshites et du groupe des judéo-nazaréens :
hypothèse qui, nous allons le voir, non seulement intègre les
découvertes récentes (ou qui avaient été oubliées) de la science
historique, mais surtout répond à toutes les objections que nous venons
de mentionner, tout en expliquant les obscurités qui entourent
l’apparition et le développement d’une nouvelle religion au VIIe siècle,
l’islam.
Nous nous bornerons, dans le cadre de cette recension, à mentionner les principaux points de cette hypothèse scientifique :
L’islam est né de la conjonction, dans la première moitié du VIIe siècle, de trois éléments : les peuplades arabes puissantes
et riches, lasses de combattre pour des étrangers (Byzantins et Perses)
et récemment humiliées par eux ; ensuite le groupe de chrétiens
hérétiques de sang juif, les judéo-nazaréens, porteurs
d’une idéologie messianique de conquête non seulement de la Terre (la
Palestine), mais du monde entier ; enfin un homme, Mahomet,
appartenant à une tribu arabe de marchands, disposant donc du « nerf de
la guerre » nécessaire au démarrage et à la poursuite d’une opération
de cette envergure.
— Un contingent d’Arabes
ennemis des Byzantins aurait participé activement au siège de Jérusalem
par les Perses en 614. En 622, devant l’avance des armées d’Héraclius
qui a commencé la reconquête de l’Anatolie, les Qurayshites de Mahomet
et les judéo-nazaréens qui les accompagnent – et qui sans doute avaient
participé au massacre des chrétiens – décident d’émigrer (ils se nomment d’ailleurs ainsi, les « émigrés », muhadjirun) à Yatrib, la grande oasis du Hedjaz, où les armées byzantines ne risquent pas d’aller les chercher.
— Là, Mahomet et les docteurs
judéo-nazaréens qui l’entourent (les liens entre eux étaient anciens, et
il est probable qu’il avait épousé une jeune femme de ce groupe, nommée
Khadija ou autrement) ont une idée de génie : déguiser cette fuite en un repli stratégique pour la reconquête de la Terre (la Palestine), rappelant non seulement l’épisode égyptien de l’Exode, mais aussi ce qu’avaient fait les Macchabées. Pour bien affirmer cette volonté agressive, ils vont jusqu’à rebaptiser Yatrib en Médine, allusion à la petite ville de Modin [26]
d’où ces héros juifs, après avoir abandonné Jérusalem (167 avant J.-C.)
étaient repartis pour y revenir victorieux, fondant un éphémère royaume
asmonéen de 163 à 135 av. J.-C. Une autre façon frappante d’exalter ce
repli en l’intégrant dans une stratégie offensive fut de transformer 622
en l’an I du calendrier musulman.
C’est ce repli de Jérusalem sur Yatrib
(et non de La Mecque sur Yatrib, comme le prétend la
vulgate officielle), où vivaient déjà d’autres judéo-nazaréens, qui fut
nommé l’Hégire (= l’exode). De 622 à 634, Mahomet a
sans doute fort à faire pour asseoir sa domination sur les Arabes de la
péninsule. Il tente plusieurs opérations militaires, en particulier en
629 où il se fait battre à Mouta, au sud-est de la mer Morte. Ce n’est
qu’en 634 que les opérations d’invasion commencent du côté de la Syrie,
sous la direction de Mahomet lui-même (qui est censé être mort depuis
deux ans), selon divers documents très anciens.
— Ce sont les califes successeurs de Mahomet qui mettront en œuvre son plan. La prise de Jérusalem a lieu sans combat par les troupes d’Omar en 635, 636 ou 637. Omar, maître de la ville, fait déblayer l’esplanade du Temple, devenue un dépôt d’immondices et, avec ses alliés judéo-nazaréens, offre un sacrifice pour faire revenir le Messie.
— Celui-ci ne se manifestant pas, les Arabes (les Qurayshites et les Ghassanides, naguère au service de Byzance, qui les ont rejoints) se débarrassent de leurs mentors, les docteurs de la foi judéo-nazaréens, et prennent à leur compte leur lectionnaire, le Coran,
qu’ils font réécrire par ceux d’entre eux qui acceptent de
« collaborer », pour en faire un livre sacré qui fasse pièce à celui des
juifs (la Bible) et à celui des chrétiens (les Évangiles).
– Cette lente élaboration (qui durera
près de deux siècles) d’une religion de conquête sera la base de
l’expansion islamique qui s’étendra vers la Perse et le bassin
méditerranéen…
Mahomet
Mais le plus grand mérite de la thèse d’É.-M. Gallez est de donner enfin son vrai relief au personnage de Mahomet. Laissant de côté la sira,
qui en fait un personnage aussi peu crédible que le sont de nos jours
les biographies officielles d’un Staline ou d’un Mao, ce grand érudit,
s’appuyant principalement sur les (trop) rares témoignages des
chroniques du temps, nous peint un de ces grands hommes qui ont marqué
l’histoire de leur forte personnalité.
En effet, il fut à la fois négociant, prédicateur, conquérant et chef d’état, plus exactement « Seigneur des Arabes ».
- Négociant,
grâce à son appartenance à la tribu des Qurayshites et son mariage avec
Khadija, la riche cousine d’un des « prêtres » judéo-nazaréens, Mahomet
se déplaçait pour son commerce à travers la Palestine, la Mésopotamie
et le Liban-Sud, et Yatrib.
- Prédicateur
« très bien instruit et à l’aise avec l’histoire de Moïse », Mahomet
« proclamait la venue du Messie », selon certaines chroniques [27]. Il laissait dire (sans l’affirmer) qu’il était un prophète annonçant en réalité non la venue, mais le retour [28]
du Messie-Jésus qui devait être précédé par la « libération de la Terre
[la Palestine] » et « la restauration de la Maison de Dieu
[reconstruction du Temple] ».
- Conquérant,
Mahomet l’est par son « charisme » de chef de guerre, sa capacité de
fédérer les tribus arabes et de leur imposer une idéologie guerrière,
mais surtout par sa stratégie consistant à profiter de l’épuisement des
deux grands empires pour lancer une grande offensive, et sa tactique
géniale de repli sur Yatrib pour mieux revenir vers la Palestine en
donnant à ces opérations un caractère messianique.
- Chef d’État enfin, Mahomet l’est par l’instauration de la nouvelle théocratie du califat, et sa vision de la communauté des croyants (umma) transcendant les nations et les empires, qui doit s’imposer au monde entier divisé en territoires soumis (dar el islam) et zones de guerre (dar el harb).
Des projets qu’il n’aura pas le temps de mettre en œuvre, mais qui
seront réalisés et développés par les califes qui lui succéderont.
Maxime Lenôtre
Édouard-Marie Gallez, Le messie et son prophète. Aux origines de l’Islam, Éditions de Paris (13, rue Saint-Honoré, B.P. 30107, 78000 Versailles), 2005, 2 vol. de 524 et 582 p., 14 x 20 (35 et 39 €).
Chronologie succincte du IIIe au VIIIe siècle – Proche et Moyen-Orient
233 – Les Perses sont battus par Alexandre-Sévère.
243 – Campagne victorieuse de Gordien III.
260 – Victoire perse à Édesse. Capture de l’empereur Valérien.
284 – Carus envahit la Perse, mais meurt au combat avec son fils.
330 – Constantinople capitale de l’Empire romain.
364 – Partage de l’Empire romain : Occident (Valentinien Ier) – Orient (Valens).
527 – Guerre continuelle entre l’Empire romain d’Orient et les Perses Sassanides. Les Perses attaquent Justinien.
532 – Victoire des Perses et paix temporaire. Les Byzantins paient un tribut.
572 – Justin II refuse de payer le tribut. La guerre reprend.
591 – Maurice obtient l’annulation du tribut.
601 – Les Perses s’emparent de la Syrie, de la Palestine et de l’Égypte.
614 – Les Perses (Chosroès II) s’emparent de Jérusalem. Massacre des
chrétiens. Incendie de l’Église du Saint-Sépulcre. La sainte Croix est
emportée à Ctésiphon, capitale de l’empire perse.
627 – Victoire d’Héraclius à Ninive. Chosroès II est déposé, enfermé
dans une salle de son palais où il meurt de faim. La Syrie est reprise à
ses successeurs. La vraie Croix est rapportée à Jérusalem.
633 – Les Arabes attaquent la Perse. Victoire de Kadiysia (sur
l’Euphrate). Chute de Ctésiphon (actuelle Bagdad). Les Perses se
replient sur l’Iran. Prise de Persépolis par les Arabes. — Expédition
d’Héraclius pour reprendre la vraie Croix à Jérusalem et l’apporter à
Constantinople. — Abandon de la Syrie par les Byzantins.
635 – Chute de Damas.
635, 636 ou 637 – Jérusalem prise sans combat par les troupes du calife Omar.
639 – Les Arabes pénètrent en Égypte.
640 – Victoire arabe d’Héliopolis.
673 – Première attaque contre Constantinople.
718 – Deuxième attaque contre Constantinople. Les Arabes finissent par lever le siège.
Afrique du Nord
647 – Première tentative pour conquérir
la Tunisie dirigée par un chrétien, Grégoire, gouverneur de l’Empereur
d’Orient. Les Arabes se replient sur Égypte, contre le paiement d’un
tribut.
661 – Transfert de la capitale, de Médine à Damas.
670 – Les Arabes reprennent leur progression le long de la côte, laissant de côté les grandes villes.
682 – Les Arabes atteignent l’Atlantique.
683 – Défaite à Biskra contre les Kabyles.
698 – Chute de Carthage, qui est détruite.
Conquête des îles par la flotte arabe
648 – Chypre.
654 – Rhodes.
655 – la Sicile.
720 – la Sardaigne.
Espagne et Gaule
711 – Le Berbère Tarik, lieutenant de
l’émir d’Afrique du Nord, bat le roi wisigoth Roederic (Rodrigo des
chansons de geste sur « la perte de l’Espagne »).
720 – Prise de Narbonne.
721 – Défaite arabe devant Toulouse.
732 – Razzias d’Abd-er-Rahmane : Carcassonne, Nîmes, Autun, Bordeaux. — Défaite à Ballan-Miré et Poitiers (Charles Martel).
759 – Reconquête de la Narbonnaise par Pépin le Bref.
[1] — Hanna Zakarias, De Moïse à Mohammed. L’islam entreprise juive,
tomes I et II, Cahors 1955 (autoédition). Les tomes III et IV furent
publiés en 1964 (Éditions du Scorpion) par son disciple Joseph Bertuel.
[2]
— Rappelons qu’il y a une grande différence entre une « vue » sur une
question, que l’auteur veut imposer en choisissant ses arguments, et une
hypothèse, qui est un instrument scientifique permettant d’analyser la
réalité historique et qui peut ensuite être abandonnée si elle ne rend
pas compte de tous les faits (en particulier des nouvelles découvertes).
[3]
— Le livre sacré de l’islam. Aucun manuscrit conservé jusqu’à nos
jours, et peu de fragments connus, sont antérieurs au IXe siècle : les
plus anciens, s’il s’agit de ceux du musée Topkapi à Istamboul, datent
en réalité du IXe siècle.
[4] — Patricia Crone, Hagarism. The making of the islamic world (en
collaboration avec Michaël Cook), Cambridge University Press, 1977. Ses
études sur l’islam se poursuivront par deux autres ouvrages : — Meccan trade and the rise of islam, Oxford, Blackwell, 1987 ; — God’s Caliph (en collaboration avec Martin Hinds), Cambridge University Press, 1986.
[5] — A Moussali, La croix et le croissant, Éditions de Paris, 1998 ; — Judaïsme, christianisme et islam, Éditions de Paris, 2005.
[6] — Ray A. Pritz , Nazarene Jewish Christianity, from the end of New Testament period until its disappearence in the fourth century, Jerusalem-Leiden, Brill, 1988.
[7] — A-L de Prémare, Les fondations de l’islam, Seuil, mars 2002.
[8] — A-L de Prémare, Aux origines du Coran, Paris Téraèdre, 2004.
[9] — A.-L. de Prémare, les fondations…, p.
44. Le plus important de ces centres était Jabyra dans le Golan,
Jilliq, à une douzaine de kilomètres autour de Damas, sans doute pour le
campement des troupes, et Dumayr à 30 kilomètres au nord-est de Damas,
vers Palmyre.
[10]
— Saint Jérôme précise que ces tribus « vivant sous la tente »
nomadisaient dans le désert de Syrie, et Ammien Marcellin ajoute : le
Sinaï.
[11] — Alphonse Mingana, Leaves from the ancient Qurans possibly pre-othmanic, Cambridge University Press, 1914, p. XIII.
[12]
— Dans l’empire byzantin, à partir de 380 (édit de Théodose), le
christianisme est devenu religion d’État. Ce qui n’empêcha pas les
hérésies nestorienne et monophysite de prospérer avec ou sans la
protection de l’empereur.
[13] — René Dussaud, Topographie historique de la Syrie antique et médiévale, Paris, Geuthner, 1927.
[14] — Les fondations de l’islam, op. cit. p. 38-39.
[15] — Ibid., p. 70, 74-76, 78.
[16] — Le terme « nazaréen » peut désigner :
– une peuplade signalée par Pline l’Ancien (23-79) installée à l’ouest de l’Oronte, qui a laissé son nom à de nombreux lieux (Wadi-n-nasara, monts des Nozairi…) ;
– des hérétiques appelés aussi « ébionites », signalés par saint Irénée (+ vers 208) dans son Contra Haereses, par Eusèbe de Césarée (263-339), saint Jérôme (347-420) et saint Augustin (355-430) : des « pauvres » (de l’hébreu ebionim),
baptistes et végétariens – il ne s’agissait pas de diététique, mais
d’une ascèse respectant les formes supérieures d’âme animale, à cause de
la croyance à la réincarnation –, gnostiques croyant que Jésus n’est
qu’Adam revenu sur terre et qu’il est l’âme source de toutes les
autres ;
– des chrétiens d’origine juive restés attachés aux prescriptions de la Tora,
reconnaissant Jésus comme le Messie attendu, mais niant sa divinité.
(Ce sont ceux qui nous intéressent ici, et qui sont baptisés
« judéo-nazaréens » par Ray A. Pritz.)
– enfin, et plus généralement, les chrétiens dans les Talmudin.
[17] — La Bible. Écrits intertestamentaires, Paris, Gallimard, 1987.
[18] — Ibid., p. 1504.
[19] — Lettre 112, 13.
[20] — Simon-Claude Mimouni, Le judéo-christianisme ancien. Essais historiques. Paris, Cerf 1998, p. 63-67.
[21]
— Maxime Rodinson, un des vulgarisateurs de l’histoire officielle de
Mahomet et de l’islam, avoue lui-même qu’il n’a pu faire autrement que
d’utiliser « des données tirées de sources sur lesquelles nous n’avons
que peu de garanties de véracité » (Mahomet, 1961, p. 12). Ce
qu’A.-L. de Prémare commente : « Autant dire que toute biographie du
prophète de l’islam n’a de valeur que celle d’un roman que l’on espère
historique » (op. cit., p. 30).
[22] — La démonstration irréfutable en a été faite par Patricia Crone dans son étude Meccan trade and the rise of islam, Princeton University Press, 1980. Ces acquis de la recherche sont contestés par A.-L. de Prémare (op. cit. p. 53) sans qu’il donne un seul argument.
[23] — Ibid., p. 98.
[24] — A.-L. de Prémare, ibid., p. 53.
[25] — Ibid. p. 149 et passim.
[26]
— É.-M. Gallez montre que c’est la seule étymologie possible et
crédible, la transformation du o en e ne présentant aucune difficulté
dans la langue arabe, où les consonnes comptent davantage que les
voyelles.
[27] — Citations tirées de l’Histoire d’Héraclius par l’évêque Sebeos (ou Pseudo-Sebeos), chronique arménienne étudiée par Patricia Crone (Hagarism…, 1977) et de la Doctrina Jacobi ou Didascalie de Jacob, texte de 634 étudié par Robert G. Hoyland dans Seeing islam as others saw it…, Princeton, 1997.
[28] — Le mot « venue » de la Doctrina Jacobi est
à interpréter dans ce sens, puisque le Coran, qui reprend l’idéologie
judéo-nazaréenne, admet que le Messie est déjà venu, qu’il n’est pas
mort sur la croix, mais a été enlevé au Ciel pour être gardé en réserve.