Cette seconde partie fait suite à l'explication de la circulaire interne de l'abbé de Jorna sur les "nouveaux" mariages dans la FSSPX. Raphaël nous avait expliqué en quoi ce texte était une imprudence au regard du combat de la Foi. Ici, CMS nous montre que cette circulaire prouve que la Fraternité continue son processus d'intégration canonique dans l'Eglise conciliaire.
Récemment
décryptée par Raphaël, la circulaire du 2 juillet 2019 apparaît pour ce qu’elle est : un tissu d’affirmations abruptes relevant du seul « argument d’autorité », et présentées sous le masque de la prudence surnaturelle. Le milieu ecclésiastique est expert sur ce registre, hélas !
Pauvre Saint Thomas d’Aquin, appelé à la rescousse par l’abbé de Jorna… pour justifier une capitulation doctrinale et un alignement inconditionnel sur les nouvelles orientations de la Maison générale. Acceptées dans leur principe par le Chapitre de 2012, ces orientations se sont clairement traduites deux ans plus tard à l’issue de la rencontre entre Mgr Fellay et le Cardinal Müller : « les parties ont convenu » d’une démarche « par paliers » censée aboutir « dans un délai raisonnable » à « dépasser les difficultés » … « d’ordre doctrinal et canonique » entre Rome et la FSSPX, « dans la perspective désirée d’une pleine réconciliation » (cf. communiqué romain du 23 septembre 2014).
A partir de cet accord, la « juridiction ordinaire de l’Eglise » a été concédée de 2015 à 2017 par le Saint-Siège sur les différents sacrements, comme on sait. Par ce procédé (nb :
que Mgr Huonder, alors évêque de Coire, a reconnu avoir lui-même suggéré au pape François – cf.
son interview par Oliver Maksan pour le Tagespost du 11.04.2019), la Fraternité s’est trouvé placée graduellement sous le contrôle canonique de la Rome conciliaire actuelle, celle du pape François, celle de la Pachamama, celle de Vatican II et de son nouveau Droit canon ; parallèlement, on a pu constater un affaissement de la combativité sur les thèmes doctrinaux majeurs de Mgr Lefebvre, lui qui tenait pour préalable à tout « accord pratique » le retour de Rome à sa tradition bimillénaire.
Ce détournement de la discipline sacramentelle de l’Eglise dans un but manifestement étranger à la « miséricorde » alléguée à l’époque par le pape, l’abbé de Jorna ne peut l’ignorer, encore moins l’approuver, ni même paraître le tolérer depuis qu’il a été promu à la tête du district de France en 2018. C’est pourquoi Raphaël a raison de placer le débat à son vrai niveau, celui des risques spirituels pris pour eux-mêmes par les responsables de la FSSPX, mauvais pasteurs qui conduisent la Fraternité à l’abîme en poursuivant sa prétendue «normalisation» canonique au détriment de la profession de la foi et de l’intérêt des âmes, dans le mépris des consignes historiques du Fondateur.
Sur le terrain particulier des mariages, cette nouvelle attitude a provoqué la confusion au sein des prieurés de France, les prêtres ne sachant plus comment accorder leur pleine fidélité doctrinale avec une remise de leurs sacrements entre les mains des évêques conciliaires ; on les invite en outre à observer désormais des distinguos acrobatiques entre confrères « in nigris », célébrants « non una cum », rattachés « Ecclesia Dei », ou étiquetés « résistants » !
A Suresnes, on vit dans la contradiction, et on ne craint pas le ridicule…
Que le Supérieur du district se soit vu dans l’obligation de diffuser un pareil document normatif à usage interne est la preuve que la position actuelle de la FSSPX est INCOMPRISE, et en pratique INTENABLE.
Evoquant l’obéissance à accorder au « prince » (!) dans l’ordre politique, et s’exprimant sur un ton doctoral, le Supérieur de district croit nécessaire d’expliquer, tel un professeur à ses élèves (pourtant formés au séminaire), la « règle de trois » des nouveaux mariages FSSPX :
1 – Etant présupposé que Rome ne veut pas de mal à la Fraternité…
2 – Il ne faut donc pas « participer à une opposition par jugement péremptoire » (sic) sur la faculté concédée par le pape (au nom de l’Eglise conciliaire, faut-il préciser), acceptée par nos Supérieurs, validée par notre Chapitre, et qui nous est retransmise par la délégation reçue des « gentils » évêques de France,
3 – Si certains évêques restent « méchants » avec nous, alors on se passe de délégation, et on reprend la forme extraordinaire du sacrement (pratiquée pendant 40 ans à la suite de la suspense a divinis du Fondateur).
Pour brouiller les pistes, l’abbé de Jorna n'hésite pas à écrire que ses prêtres pratiqueront dans ce cas « comme d’habitude par nécessité », alors qu’il s’agit justement, comme le relève Raphaël, d’une dérogation au régime canonique concédé par Rome et accepté de façon assez générale par les évêchés de France.
En résumé, appliquant les dispositions du Chapitre de 2018, l’abbé de Jorna propose tout simplement à ses prêtres un sacrement « à deux vitesses » - forme canonique normale ou forme dite « extraordinaire » - en fonction des diocèses et de l’humeur pastorale de l’évêque du lieu ; ce qui revient à admettre que « l’état de nécessité » se trouverait circonscrit à certains territoires, alors qu’en réalité c’est au niveau de la planète entière que l’Eglise souffre aujourd’hui de la peste conciliaire et d’un très grave « état de nécessité » !
Au surplus, on n’ose pas imaginer comment seront traités en pratique les cas de nullité, à supposer qu’il s’en produise (aussi) parmi les mariages conclus dans les prieurés. Le régime des nullités sera-t-il uniforme pour tous les mariages FSSPX, célébrés ou non par délégation de l’Ordinaire ? Sur quelle base, le cas échéant, empêcher les conjoints d’invoquer les nouveautés du Code de 1983, ou leur refuser de soumettre leur cas à l’Officialité du diocèse ? A-t-on le droit de leur prescrire, comme l’ont prévu les actes du Chapitre 2018, que « tout problème qui pourrait surgir dans le mariage … (soit) traité par la Fraternité Saint-Pie X » ? Comment en outre priver les conjoints du bénéfice de la procédure expéditive du Motu proprio Mitis Judex du pape François ?
Ces « casse-têtes » canoniques sont-ils d’ores et déjà résolus dans la « tête » du Supérieur de district, ou compte-t-il sur l’ultime paragraphe de son instruction pour régler au jour le jour – et de quelle autorité, on se demande ! – « tous les autres cas, très divers d’ailleurs » (cf. point 5 de la circulaire) ?
Dans la FSSPX, c’est bien l’arbitraire des Supérieurs qui tient lieu désormais de loi !
Où l’on voit, par conséquent, que la Fraternité nage en pleine contradiction, se rattachant « légalement » d’un côté à la juridiction de l’Eglise (conciliaire) comme source canonique « normale » de ses pouvoirs sacramentels, tout en se réservant par ailleurs d’invoquer la défense de la foi pour soustraire, dans certains cas et de son propre chef, le contentieux canonique de ses mariages au régime juridique "normal" des instances et procédures en vigueur dans cette même Eglise (conciliaire) !
Est-ce dans un tel contexte de double langage que les Supérieurs espèrent aboutir un jour à une "pleine réconciliation" avec Rome ?
Il faut donc admettre au final que c’est bien le processus de rapprochement entre la FSSPX et la Rome conciliaire, imprudemment mené par la Maison générale depuis huit ans, qui se trouve à la racine des difficultés actuelles. Générant de multiples incertitudes, il a semé la division dans les esprits, autant chez les prêtres que chez les fidèles. La Fraternité paye ainsi les lourdes erreurs de gouvernement de Mgr Fellay, hélas assumées et confirmées par ses successeurs.
Mais au-delà du cas spécifique du mariage, il ne faut pas oublier que les « nouvelles facilités » (abbé Celier dixit) acceptées de Rome par la Fraternité embrassent l’ensemble des sacrements : pour bien traiter le problème, il faut donc remonter à l’origine du processus d’intégration canonique par paliers, c’est-à-dire à la reconnaissance romaine des absolutions délivrées aux confessionnaux de la FSSPX depuis 2015.
Sur ce point, en revanche, la discrétion est de règle. Les prêtres dits de la «résistance interne» (on pourrait citer des noms) rassurent en privé leurs pénitents en prétendant qu’ils continuent à user de l’ancienne juridiction de suppléance canonique. Mais il s’agit là d’une erreur, voire d’un « pieux mensonge », puisqu’il est notoire que tous les prêtres de la Fraternité confessent depuis le 8 décembre 2015, qu’ils le veuillent ou non, sous la juridiction conférée par le pape François en septembre 2015 (lettre à Mgr Rino Fisichella), et reconduite à l’issue de l’Année de la miséricorde.
Mgr Fellay a lui-même confirmé en 2016 que les deux juridictions (« ordinaire » et « suppléance ») s’excluaient l’une l’autre. Mais, s’agissant précisément du sacrement de pénitence, le district de France n’a pas estimé utile de réaffirmer officiellement ce principe, ni sous le supériorat de l’abbé Bouchacourt, ni sous celui de l’abbé de Jorna. « Prudence » oblige, évidemment, car il est connu que les français ont « la tête près du bonnet » !
Mariages ou confessions, il est grand temps que ces équivoques soient levées, et les « pendules remises à l’heure ».
De cette situation inadmissible et scandaleuse qui perdure dans son district comme ailleurs dans la Fraternité, l’abbé de Jorna devrait avoir « honte », et à part donner sa démission de Supérieur, on ne voit plus ce qu’il pourrait faire maintenant pour réhabiliter son image auprès des fidèles.
En l’état, pour tenter de préserver le combat catholique de Mgr Lefebvre face à l’apostasie de la Rome conciliaire, la seule issue qui apparaisse encore possible et raisonnable serait que la Fraternité Saint-Pie X renonce officiellement à la juridiction reçue du pape François, et se replace sous le régime de la suppléance canonique pour l’ensemble des sacrements conférés par ses prêtres.
Une voix autorisée s’élèvera-t-elle enfin pour le demander ?
CMS
PS : en mode de remarque respectueuse, on fera observer à M. l'abbé de Jorna que le texte de sa circulaire est d'autant plus obscur que son expression française laisse par endroits à désirer : par exemple, au paragraphe 3, le membre de phrase : "En veillant à ce qu'aucun des trois des actes ne soit évidemment pas posé par ... etc".