mardi 18 juin 2024

La "main tendue" du modernisme au catholicisme traditionnel

 


Mgr Fellay et le Pape Benoît XVI
Source

Un glissement théologique involontaire vers le modernisme


Certains catholiques attachés à la Tradition, pour « sortir du ghetto », dans lequel la Néomodernité les a confinés, pourraient accepter - par inadvertance, lentement et concrètement - sinon les idées, du moins la façon d’agir des modernisateurs.

Nous assistons, en bref, à un glissement théologique involontaire vers le modernisme.

Beaucoup d’entre eux ne manquent pas d’amour pour l’Église, une saine doctrine et une morale droite ; cependant, l’intention de trouver un moyen d’adaptation aux circonstances des tristes temps modernes reflète celle du naïf, qui accepte une insidieuse « main tendue », sans se rendre compte que cette main l’attirera alors pour passer le Rubicon, mais vers le Rhin (c’est-à-dire l’erreur et l’injustice) et non vers le Tibre ou la vérité de Rome (cf. Card. ALFREDO OTTAVIANI, Devoirs de l’État envers l’Église, Rome, 1952 ; Ralph Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre).

L’ancienne politique de la « main tendue »


Hier, la « main tendue » au catholicisme était celle du communisme au « visage humain » (Gramsci, Bloch, Rodano et Berlinguer) et de nombreux catholiques sont devenus apostats en se tournant vers le communisme matérialiste et athée, affirmant : « Comment peut-on refuser une « main tendue » d’une entité qui semblait si redoutable, mais qui s’est avérée si charitable ? ».

Aujourd’hui, c’est celle du néo-modernisme, qui semble (1) avoir abandonné la haine envers la Tradition (palpable au temps de Paul VI) et être disposé à lui accorder des droits ou au moins une tolérance pratique.

Malheureusement, le même refrain qui était dans la bouche des catholiques progressistes ou démocrates-chrétiens d’hier, se retrouve dans la bouche des traditionalistes d’aujourd’hui : « Enfin un moderniste au 'visage humain' : François! Comment peut-on refuser sa « main tendue » à la tradition ? ».

Le naïf est le cheval du diable


Le tort du traditionaliste « naïf », qui serre - ce qui paraît initialement - une main tendue, qui - ensuite - l’écrasera, est précisément celui de ne pas accepter concrètement, bien qu’en les connaissant en pratique, les armes de vérité que les Pontifes Romains de ce dernier siècle ont transmis aux catholiques, avec des allocutions et des enseignements de toutes sortes dans la lutte contre la Modernité et les forces occultes de la Subversion.

Avec la fronde, la pierre et l'aide du Seigneur


"In funda, in lapide et in nomine Domini David praevaluit contra Goliad" (Antienne des premières vêpres du quatrième dimanche après la Pentecôte). Le petit berger David a vaincu le géant Goliath non seulement avec l'aide de Dieu, mais aussi armé d'une fronde et d'une pierre. L'Église d'ici-bas est "militante", ce n'est qu'au ciel qu'elle est "triomphante". Sans lutte, il n'y a pas de victoire, "seuls ceux qui ont combattu légitimement peuvent être couronnés" (St Paul).

La peur de déplaire au monde ou le "timor mundanus"


Par crainte d'être accusés de vouloir revenir au Moyen Age ou de vouloir rester dans le ghetto, certains catholiques attachés à la Tradition n’ont plus le courage de maintenir les positions doctrinales, politiquement et théologiquement incorrectes bien qu'elles aient été constamment affirmées dans les encycliques comme appartenant à la vie et à la loi de l'Eglise de tous les temps : "Christus heri, hodie et in saecula" (St Paul). * 

Adhérons plutôt à l'avertissement de Léon XIII qui, recommandant la concorde et l'unité dans la lutte contre l'erreur, ajoute : "... et ici nous devons être sur nos gardes pour ne pas nous permettre d'être de connivence avec l'erreur, ou de lui opposer une résistance plus faible que ne l'exige la vérité" (2).

L'intégrité de la vérité


Les vrais catholiques intégralement traditionnels, qui se sentent dans la sûre possession de la vérité et de la justice, ne font pas des transactions et ne cherchent pas à édulcorer le christianisme. Ils exigent le plein respect de leurs droits, qui sont les droits de Dieu.

Ceux, en revanche, qui ne se sentent pas certains de la possession de la vérité (puisque fatigués ou naïfs) ne peuvent exiger de garder seuls le camp, sans se joindre à ceux qui exigent le respect de leurs droits sur la base d'autres principes.

Voici le piège du "compromis historique/théologique" ! Voici David serrant la main de Goliath et ne le frappant pas au front avec la fronde, la pierre et l'aide du Seigneur.

L'opinionisme pluraliste


Le concept d'égalité des cultes (Messe de St Pie V et Novus Ordo Missae) et de tolérance par principe (double appartenance à la Tradition et au Modernisme) est un produit du subjectivisme philosophique relativiste (Descartes), du libre examen religieux (Luther) et de la multiplicité des confessions (Locke) et des conceptions socio-politiques (Rousseau).

Enfin, elle est aussi une conséquence logique des opinions des modernistes qui considèrent que, en matière de religion, il n'y a pas de place pour les dogmes et les formules dogmatiques, et que seule la conscience des individus fournit le critère et la norme pour la profession de foi et l'exercice du culte, ou plutôt de l'"expérience religieuse".

C'est l'acceptation du dialogue avec la Modernité, initié par Jean XXIII, qui ne se fait qu'avec miséricorde ou plutôt reddition et sans justice, c'est-à-dire en réfutant ses erreurs.

Contre le christianisme désarmé


Au contraire, "l'Église catholique insiste sur le principe que la vérité doit l'emporter sur l'erreur et que la vraie religion, lorsqu'elle est connue, doit être aidée dans sa mission spirituelle de préférence aux religions dont le message est plus ou moins lacunaire et dans lesquelles l'erreur est mélangée à la vérité" (3).

Le libéral anonyme


Les traditionalistes "fatigués" ou "naïfs", inconsciemment imprégnés de l'esprit libéral en matière de philosophie spéculative, politique et théologie, voudraient déterminer, selon leurs propres théories, le champ d'action et de compétence de l'Église pour la maintenir enfermée, narcissiquement dans la contemplation du culte traditionnel, dans la sacristie et l'empêcher d'avoir une action sociale de défense doctrinale de la vérité et de réfutation de l'erreur. C'est ce que prétendent tous ceux qui voudraient enfermer l'Église entre les quatre murs du temple, en séparant la religion de la vie, l'Église du monde et de la Société civile.

Or, plutôt que de se plier aux prétentions des hommes, l'Église doit se conformer aux mandats de Dieu. "Praedicate Evangelium omni creaturae". La bonne nouvelle se réfère à l'ensemble de la Révélation, avec toutes les conséquences qu'elle entraîne pour la conduite morale de l'homme, face à lui-même, dans la vie domestique, dans le sens du bien de la polis. "Instaurare omnia in Christo" (St Pie X), l'individu, la famille et l'Etat.

Un suicide imminent ?


Un accord pratique avec le néo-modernisme conduirait évidemment, peu à peu, à l'enfermement de la Tradition dans la sacristie avec reconnaissance officielle par le modernisme, comme ce fut le cas pour les Indiens d'Amérique, enfermés dans des réserves et dûment reconnus.

Mais, l'esprit catholique "ne se laissera jamais enfermer entre les quatre murs du temple. La séparation entre la religion et la vie, entre l'Église et le monde, est contraire à l'idée chrétienne et catholique" (Pie XII, Discours aux curés et aux prêtres de Rome, 16-03-1946).

Ipsa conteret: tota ratio spei meae Maria!


"La Société moderne est atteinte d'une effrayante fièvre de renouveau et infestée d'hommes qui profitent de tant de nos souffrances pour construire l'empire de leur abus, la tyrannie de leurs vices, le nid des luxures et des vols. Jamais le mal n'a revêtu des caractéristiques aussi vastes et apocalyptiques, jamais nous n'avons connu un tel danger. D'une heure à l’autre, nous pouvons perdre non seulement nos vies, mais toute notre civilisation et toute espérance. Il semble qu’à nous aussi le Seigneur dise : "Mon heure n'est pas encore venue", mais l'Immaculée, la Mère de Dieu, la Vierge qui est l'image et la tutelle de l'Église, nous a donné, déjà à Cana, la preuve qu'elle connaît et peut obtenir l'anticipation de l'heure de Dieu.

Et nous avons besoin que cette heure soit anticipée, qu'elle soit avancée, qu'elle soit immédiate, car nous pourrions presque dire : "Ô Mère, nous ne pouvons plus supporter cela !'. Pour nos péchés, nous méritons les derniers massacres, les exécutions les plus impitoyables. Nous avons chassé son Fils des écoles et des ateliers, des champs et des villes, des rues et des maisons. Nous l’avons chassé de ses propres églises, lui préférant Barabbas. Il est vraiment l’heure de Barabbas (...) Avec tout cela, confiants en Marie, nous sentons qu’il est l'heure de Jésus, l'heure de la rédemption [...]. Que Marie dise, comme à Cana : "Ils n'ont plus de vin" ; qu’elle le dise avec la même force d'intercession et, s’Il hésite, Il se nie, qu’elle surmonte Ses hésitations comme elle surmonte, par la pitié maternelle, notre indignité.

Qu'elle soit une Mère miséricordieuse pour nous, une Mère impérieuse pour Lui, qu'elle hâte Son heure, afin qu’il soit notre heure. Nous n’en pouvons faire, ô Marie. La génération humaine périt, si tu n’agis pas. Parle pour nous, ô silencieuse, parle pour nous, ô Marie !(4).

Don Nitoglia

NOTES

1 - En fait, ce n’est absolument pas vrai, voir le cas des Franciscains de l’Immaculée par le P. Manelli...
2 - Léon XIII, Encyclique Immortale Dei, du 1-11-1885.
3 - Jacques Maritain, Droits de l’homme et de la loi naturelle, Vita e Pensiero, Milan 1977, p. 24.
4 - A. Ottaviani, Il baluardo, Arès, Rome, 1961, pp. 279-283.