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Correctio Marcelis nous adresse une analyse
sur le sujet sensible de la position de la Fraternité Saint-Pie X dans ses
rapports avec Rome après le Chapitre général de l’été 2018.
Nous la publions volontiers, car elle expose
avec une rigoureuse clarté ce que nous pensons sur ce site des manœuvres de la
Maison générale de Menzingen : celle-ci poursuit en douceur son chemin
vers le ralliement, dissimulant aux prêtres et aux fidèles, par des artifices
variés, ce qui se trame à leur insu.
L’étude révèle en particulier que les
orientations adoptées par le récent Chapitre contreviennent aux statuts de la
Fraternité !
Démonstration…
Cette expression « sans préjudice de… », sibylline
pour beaucoup, figure dans une circulaire interne de la Maison générale de la
FSSPX que Mgr Williamson a commentée dans son Kyrie eleison du 27 octobre intitulé « La Dérive
continue » (publié le 28 octobre sur Reconquista).
Le paragraphe contenant cette
locution est ainsi rédigé :
4a Il revient au Supérieur
Général de décider de l’opportunité d’avoir des contacts avec le Saint-Siège.
C’est à lui, avec la prudence et lorsque l’heure, dictée par la Divine
Providence sera venue, d’examiner une modification du statut canonique, sans préjudice de la convocation
préalable d’un Chapitre.
Le site Initiative Saint-Marcel s’est procuré et a publié ce
texte dans ses versions anglaise, espagnole, italienne, française, et allemande.
Le membre de phrase « sans préjudice de la convocation préalable d’un Chapitre »
est ainsi rendu :
- en anglais par : without prejudice to the prior convocation of a Chapter.
- en espagnol par : sin perjuicio de la convocatoria previa de un Capítulo.
- en italien par : fatta salva la preventiva convocazione di un Capitolo.
- en allemand par : was die vorherige Einberufung eines Kapitels nicht ausschliesst.
A comparer ces
formulations en quatre langues, on voit que les expressions anglaise,
espagnole, et italienne sont très proches du français « sans préjudice
de », et véhiculent le même sens imprécis et ambigu de la tournure, classée
par le commun des mortels dans le jargon ésotérique du droit.
En revanche,
l’allemand « nicht ausschliesst » est plus précis, et bien
rendu en français par : « ce qui n’exclut pas la convocation préalable d’un Chapitre ».
C’est certainement la formulation la plus fidèle à la pensée des rédacteurs.
Le Chapitre dépouillé de son contrôle sur le rapprochement avec Rome
Si donc on « n’exclut pas » de
convoquer un Chapitre, c’est que le Supérieur général de la Fraternité peut aussi bien le convoquer, que ne pas le
convoquer.
Dans la conduite du processus de
normalisation avec Rome, ledit Supérieur est donc désormais totalement libre à
l’égard de cette procédure, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Au surplus, s’il décide de le convoquer,
rien ne spécifie l’étendue du pouvoir du Chapitre en la circonstance : pouvoir
« délibératif », c’est-à-dire décisionnel ? ou simplement « consultatif »,
avis sans autorité contraignante ? La formule employée « convocation
préalable » ne tranche pas la question, aggravant l’incertitude sur le
rôle exact du Chapitre dans le cas où il serait effectivement saisi du dossier
de la normalisation envisagée.
Tout cela conduit à remercier particulièrement
Mgr Williamson d’avoir soulevé le problème de l’interprétation de ce texte interne
de la Fraternité dans son Commentaire eleison n° 589, dévoilant ainsi une nouvelle fois les
procédés obliques des responsables de Menzingen.
En ayant fait valider par le Chapitre de
juillet une nouvelle « ligne » - qui modifie celle adoptée en 2012 -, on a habilement
transféré au Supérieur général le
pouvoir d’engager la Fraternité dans un nouveau statut canonique négocié
avec Rome, et on a permis à ce responsable de se dispenser, s’il l’estime
préférable, de l’accord préalable et même de la simple consultation du Chapitre.
Bien entendu,
on s’est efforcé de garder les apparences de la légalité : en théorie, rien
ne s’opposait en effet à ce que le Chapitre de 2018 modifie la ligne de
conduite adoptée par le Chapitre de 2012, … tout comme le Chapitre de 2012 était lui-même en droit de réformer la règle antérieure
« pas d’accord pratique avec Rome sans accord doctrinal » fixée par
le Chapitre de 2006. On connaît la formule : « ce qu’un Chapitre a
légitimement fait, un autre peut le défaire aussi légitimement ».
Rien à redire donc
sur le plan formel, car le Chapitre est bien l’organe souverain de la
Fraternité. Mais sur le fond en revanche… quel chemin parcouru en douze
ans dans la réduction des mesures de prudence à l’égard des avancées « généreuses »
de la Rome conciliaire !
Un Supérieur général aux pouvoirs élargis, mais désormais « encadré »
A l’issue de ce « glissement » de
Chapitre en Chapitre, on aboutit théoriquement à une forte concentration des
pouvoirs entre les mains du Supérieur général l’abbé Pagliarani, au détriment
du Chapitre.
Mais ce nouveau Supérieur a accepté – deal
de son élection, qui sait ? – de se voir placé sous l’encadrement des
deux anciens Supérieurs généraux, Mgr Fellay et l’abbé Schmidberger, revenus au
gouvernement de la Fraternité en tant que « Conseillers » agrégés au
Conseil général, deux nouveaux postes créés « conformément au droit commun
de l’Eglise » a-t-on précisé (car les statuts de la Fraternité sont muets sur
ce point, … et ils n’ont pas été modifiés par le Chapitre de juillet, au moins à ce qu'on sache !).
Sur le plan juridique, ce n’est pas très
clair… mais passons !
Avec deux anciens Supérieurs à ses côtés
dont un évêque, et un autre évêque comme Premier Assistant, il est peu
vraisemblable que le Supérieur général, simple prêtre, puisse agir de façon absolument
indépendante… le rapport d’autorité (humaine, dira-t-on…) au sein du Conseil n’étant
pas franchement en sa faveur.
Et comme dans
ce Conseil de trois membres, qui en compte en fait cinq, les supposés « non-accordistes »
ne paraissent pas prédominer, on devine assez facilement la suite…
Une violation des statuts de la
Fraternité
En outre, dans sa mise en œuvre, cette
évolution n’est pas exempte de deux graves reproches :
- D’une part, à vouloir recentrer le pouvoir dans les mains du Supérieur général, on a abouti à dépouiller le Chapitre d’une compétence qui lui est reconnue en propre par les statuts, à savoir la mission de vérifier que « la Fraternité applique (…) ses statuts et s’efforce d’en garder l’esprit » (§ V, 2). Si désormais, selon la circulaire citée plus haut, « il revient au Supérieur général »… « d’examiner une modification du statut canonique », sans qu’il soit tenu de convoquer le Chapitre – ou s’il le convoque, sans être lié par sa position –, l’instance suprême de la Fraternité se trouve de fait privée d’une attribution codifiée par le Fondateur dans les statuts d’origine, et par conséquent inaliénable en l’état (il aurait fallu pour cela modifier les statuts, ce que le Chapitre de juillet n’a pas fait, toujours à ce qu'on sache !)
Et comment se pourrait-il qu’un rattachement canonique à la Rome conciliaire ne soit pas un événement susceptible de donner lieu au contrôle du Chapitre au titre de ses prérogatives statutaires ? Comment se pourrait-il encore qu’un tel rattachement soit décidé par le seul Supérieur général (appuyé par le Conseil) sans examen, par le Chapitre, de sa conformité à « l’esprit » des statuts, autrement dit aux exigences de la défense de la foi placées par Mgr Lefebvre au cœur même de son œuvre sacerdotale ?
Ainsi donc,
tant au regard des clauses des statuts, que de la propre volonté du Fondateur, les
orientations adoptées par le Chapitre de 2018 sont pour le moins douteuses, et plus
probablement entachées de nullité.
- D’autre part, la nouvelle répartition des pouvoirs organisée par ce Chapitre de 2018 ne saurait valider rétroactivement la « faute » de Mgr Fellay qui en septembre 2015, en juin 2016, et en mars 2017, a décidé seul d’accepter la juridiction de Rome sur les sacrements, sans solliciter l’autorisation du Chapitre comme il en avait l’obligation à cette époque en application des règles fixées en 2012, puisqu’il s’agissait d’une « normalisation » – partielle certes… mais indiscutable – de la position canonique de la Fraternité par rapport à Rome.
Que les membres du Chapitre eux-mêmes aient coopéré à cette faute par inadvertance, par défaut de motivation, ou par acceptation consciente du « coup de force » de Mgr Fellay, ne fait pas disparaître l’infraction commise, qui doit être au moins reconnue, à défaut d’avoir été sanctionnée en temps opportun.
En conclusion provisoire…
Cette analyse
a été conduite sur la base des seuls documents connus et publiés par
l’intermédiaire du Commentaire Eleison cité en tête, et par référence au
texte des statuts de la Fraternité disponible sur internet (site de La Porte
latine).
Tout
complément ou précision émanant des autorités compétentes, et susceptibles de corriger
ou nuancer les appréciations portées, seraient bien entendu accueillis avec
empressement.
En l’état, il
y a lieu de s’en tenir au constat que les ambiguïtés de la communication de la
Maison générale sur le point fondamental des rapports avec Rome, et les
déficiences avérées dans l’observation des dispositions statutaires, ne peuvent
que confirmer les prêtres et les fidèles dans leurs inquiétudes sur l’avenir de
la Fraternité.
Correctio Marcelis