mardi 13 septembre 2022

Qu'est-ce que la «REALITE» ? - II

KE 790 (3 septembre 2022)

Dieu bénisse les maîtres enseignant comme ils vivent, 
Et ne fabriquant pas d’idées folles et nocives !

La semaine dernière, ces « Commentaires » ont vivement suggéré que pour juger de ce qu’est la réalité, le bon sens est bien supérieur aux soi-disants « savants et intellectuels ». Le problème des « savants » est que leur esprit est généralement confiné à la matière, ou aux choses matérielles ; donc ils n’ont très communément aucune idée des choses spirituelles, ou « invisibles » comme les nomme le Credo de Nicée (325). Cela en fait de mauvais juges de la partie la plus élevée de la réalité. Quant aux « intellectuels », la masse de leurs esprits est subjuguée par Kant (1724–1804), souverain-maître implicite du département de philosophie des « universités » modernes, lesquelles se font un devoir de mépriser le bon sens. En effet, notre bon sens peut être défini comme notre compréhension naturelle et venant de Dieu, des réalités qui nous entourent depuis la naissance jusqu’à la mort. Or, depuis la fin du 18ème siècle surtout, l’homme fait la guerre à Dieu et à la nature. 

C’est pourquoi, aujourd’hui, le bon sens est progressivement éliminé de l’esprit des hommes par leurs prétendus chefs, de sorte que, par exemple, les hommes doivent être féminins, les femmes masculines, et les enfants doivent soi-disant changer de sexe avant 12 ans sous peine d’avoir raté leur vie. 

Mais comment ce qui reste de bon sens à l’homme ordinaire peut-il résister devant les études et la science des « philosophes » ? Une équipe de footballeurs amateurs pourrait-elle battre une équipe de professionnels ? Normalement, les professionnels de n’importe quel sport battent facilement les amateurs, et les hommes ordinaires suivent leurs chefs. Et ainsi, celui qui suit son bon sens dans la société actuelle sera facilement persuadé qu’il a tort. Cependant, Aristote (384–322 av. J.-C.), grand philosophe connu pour son analyse de la réalité encore largement valable aujourd’hui, a dit un jour de ses collègues : « Il n’y a pas de stupidité qu’il n’y ait eu un philosophe pour la professer. » Ainsi, lorsqu’il s’agit des principes philosophiques de la vie, les professionnels n’ont pas toujours raison. 

Distinguons deux sens du mot « philosophie ». Ou bien « philosophie » renvoie à l’activité intellectuelle des hommes qui pensent, étudient, lisent et écrivent des livres, souvent dans des universités : il s’agit des philosophes professionnels. Ou bien « philosophie » définit les principes selon lesquels vit un homme, consciemment ou inconsciemment. Et comme aucun homme ne peut vivre sans avoir de tels principes, alors, dans ce second sens, tout homme vivant possède une certaine philosophie, qu’il soit amateur ou professionnel. 

Ces deux sens ne sont pas identiques. Dans le premier sens, si un philosophe écrit un livre, il peut le faire pour une variété d’autres motifs que d’analyser la réalité. Il peut écrire de la philosophie pour gagner sa vie, pour faire de l’argent, pour se faire un nom, etc. Et dans ce cas, il peut croire ou non à ce qu’il écrit, il peut écrire sciemment une absurdité, très éloignée de ce qu’il sait de la réalité. Dans tous les cas, il veut que les gens le prennent au sérieux, il doit donc au moins leur faire croire qu’il écrit ce qu’il croit être réel. Il se peut donc que je ne sache pas s’il est véridique ou non. 

Si je veux savoir ce que le philosophe professionnel pense vraiment, je dois me tourner vers le second sens du terme et, au lieu d’écouter ce qu’il dit ou de lire ce qu’il écrit, je dois regarder comment il vit, car cela me dira forcément ce qu’il pense vraiment. Voilà pourquoi l’exemple personnel est tellement plus parlant et persuasif que les simples mots. Si Mgr Lefebvre a fait tant de bons prêtres, c’est avant tout par son propre exemple. Si donc je veux savoir ce que tel ou tel philosophe pense vraiment de la réalité, je dois regarder ses actions plutôt que d’écouter ses paroles. 

Enfin, nous arrivons à ces « philosophes » qui enseignent, à la suite de Kant, que l’esprit humain ne peut pas savoir ce qui se cache derrière les apparences des choses. Fort bien. Mais comment agissent-ils ? Vivent-ils comme s’ils ne savaient pas que l’eau sert à laver ou le café à être bu ? Bien sûr que non. Comment Kant aurait-il pu se rendre à pied à l’université de Koenigsberg chaque matin s’il n’avait pas su faire la différence entre une porte et un mur, entre un escalier et une chaise ? Il n’aurait jamais pu vivre s’il avait pris au sérieux ses propres bêtises. L’énorme avantage de saint Thomas d’Aquin est que son système correspond au sens commun. Le « Docteur commun » de Dieu se conforme au bon sens donné par Dieu. 

Kyrie eleison.