lundi 28 avril 2025

Sermon de Mgr Morgan pour les obsèques de Mgr Williamson

 

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Chère famille et chers amis de Monseigneur Williamson, mesdames et messieurs,

Messeigneurs, chers abbés, chers séminaristes, chers frères et chères sœurs, chers fidèles, chers amis, mesdames et messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui à l’occasion des funérailles solennelles de Son Excellence, Monseigneur Richard Nelson Williamson.

I. La vie est un combat

Tout d’abord, vous constaterez que nous ne sommes pas dans une église, ni dans une cathédrale, ni dans une basilique, ni dans une chapelle. Et, en effet, sommes dans une simple salle, conçue à l’origine pour l’entraînement des soldats qui se rendaient au front durant la Première Guerre mondiale. Notre cher évêque aurait sans doute goûté le côté plaisant et ironique de la situation. Comme Son Excellence le rappelait souvent : « Nous sommes en guerre contre le Monde, la chair et le démon. Nous sommes aussi en guerre contre les erreurs des temps modernes, et en guerre pour notre salut. » Et à cette occasion, Monseigneur Williamson répétait les paroles du saint homme Job dans l’Ancien Testament : « La vie est un combat. » Notre bon évêque aurait sans doute haussé les sourcils devant l’organisation de sa messe de funérailles dans cette salle d’entraînement, et il aurait eu ce petit sourire qu’il a eu toute sa vie — ceux qui étaient là hier ont pu constater que, même mort, il l’avait encore — et que nous appelions entre nous son « sourire de la Joconde. »

Nous sommes reconnaissants envers les membres de la famille pour leur présence, en particulier envers Monsieur Harry Williamson, frère aîné de Monseigneur Williamson. Les membres de la famille ici présents représentent les absents, répartis sur toute la surface du globe, notamment en Nouvelle-Zélande. Ils ont eu la bonté de nous confier l’organisation des funérailles. Que la famille qui, sauf erreur de ma part, n’appartient pas encore à la Maison de la Foi, sache que nous apprécions le grand honneur et la confiance qu’elle nous fait en nous laissant organiser la messe des funérailles et l’enterrement.

Nous voyons la main de la Providence dans notre vie de tous les jours, et notre bon évêque nous a rappelé sans cesse que nous ne vivions pas séparés du Bon Dieu, des choses de Dieu et de Sa grâce. De manière totalement contradictoire, certaines personnes ont récemment déclaré que Monseigneur avait une tendance au cloisonnement entre d’un côté le surnaturel, et de l’autre le naturel, allant même jusqu’à l’accuser de naturalisme. Heureusement, ces personnes n’ont pas idée du sens de ce mot. Le naturalisme s’oppose au surnaturel, or notre bon évêque était tout sauf opposé au surnaturel ! Mais il était opposé à tout ce qui allait à l’encontre de l’ordre naturel. Et c’est précisément en montrant cette harmonie, cette imbrication, ce concours entre le surnaturel et le naturel, cette lutte acharnée également entre les deux, entre l’homme déchu et l’homme ressuscité et restauré par la grâce, que la vie prend tout son sens. Monseigneur l’a constamment rappelé dans ses conférences, ses sermons, ses écrits, sa correspondance. Et c’est certainement la raison pour laquelle tant de gens, qui avaient ou non la Foi, ou qui y venaient, ont été touchés par ce bon évêque, parce qu’ils avaient vu en lui l’homme de Dieu, qui prêche la vérité avec charité et bon sens, et avec une grande humanité.

Cher Monseigneur, qui reposez dans cette salle d’entraînement,

La vie est un combat, un combat pour le Bon Dieu et pour les âmes.

Aujourd’hui, et providentiellement, comme Monseigneur nous l’aurait rappelé, « nous voyons la Providence à l’œuvre dans notre vie de tous les jours », notamment dans les détails qui entourent la mort de notre bon évêque. Il est mort non pas sur le bord de la route, ni dans un aéroport, ni dans un pays étranger, même s’il aimait se rendre à l’étranger en véritable apôtre qu’il était, mais dans sa maison, victime d’une attaque cérébrale, dans sa propre maison, avec le cher abbé Abraham qui a appelé l’ambulance. Et avant de poser le téléphone, l’ambulance était là et l’a emmené directement à l’hôpital où il a reçu l’extrême-onction, les visites du clergé, des amis proches, des fidèles et de la famille.

Et après cinq jours de préparation, au sortir d’une agonie très paisible - disent les infirmière - il s’est éteint pour entrer dans l’éternité. Quel jour plus merveilleux, plus beau, plus encourageant pourrait-il y avoir ? Et nous voyons là précisément l’accomplissement des promesses du Sacré-Cœur envers ceux qui L’honorent : « Je les aiderai surtout dans leurs derniers instants. » Voyez, il n’est pas nécessaire de lire la vie des saints quand nous avons cet exemple sous les yeux. Aujourd’hui, providentiellement, c’est la fête de saint Éthelbert. De nos jours, Éthelbert n’est pas un prénom couramment donné au baptême, mais il pourrait l’être, et même, il devrait l’être.

Pourquoi ?


Éthelbert était roi du Kent. Vers la fin du 6e siècle, ce roi non chrétien, païen à l’époque, mais marié à une bonne épouse - rappelez-vous ce que Monseigneur disait de l’importance d’une bonne épouse pour la famille - une princesse franque, une princesse française qui avait la Foi.

Or, le pape Grégoire le Grand avait le profond souci de ces païens qui vivaient en Angleterre, en Grande-Bretagne. L’Angleterre avait été évangélisée au cours des premiers siècles, à l’époque romaine. Mais les Romains étaient partis en 410 après J.-C.

Avaient suivi les invasions des Jutes, des Saxons et des Angles, qui étaient tous païens. Les Chrétiens se sont cachés, ils ont été poussés vers l’Ouest. Ils ont été martyrisés et persécutés. À Rome, le grand Saint Grégoire envoya Saint Augustin, moine bénédictin, avec 40 compagnons, pour réévangéliser ce pays et le ramener à la Foi de nos Pères, et il fut reçu avec plein de gentillesse et de chaleur par le Roi Éthelbert. Le royaume du Kent était le plus important des royaumes au sud du Humber à l’époque, or très peu de temps après, le roi s’est converti et a reçu le baptême, et son royaume avec lui.

La capitale du royaume d’Éthelbert se trouvait ici, à Cantorbéry. Récapitulons : les missionnaires, Rome, le pape. Les moines envoyés par Saint Grégoire ont ensuite été nommés évêques ou archevêques par le pape, précisément dans le but de sauver les âmes, de les instruire, de les sanctifier, de les mettre sur la voie du ciel, mais aussi de combattre les maux de l’époque, notamment le paganisme. C’est ainsi que, providentiellement, nous nous trouvons à Cantorbéry. Ce n’était pas ce que nous avions initialement prévu. Nous espérions trouver un lieu proche de la résidence de Monseigneur à Broadstairs, mais nous avons dû modifier tous nos plans. Nous voici donc dans cette salle transformée en cathédrale, et nous remercions tout particulièrement les personnes généreuses qui n’ont pas mesuré leur peine pour transformer cet endroit, en seulement quelques heures, pour le rendre digne de cette sainte messe.

II. Lecture de la lettre de Monseigneur Viganò

Nous sommes ainsi réunis autour de l’autel et du saint sacrifice de la messe. Et nous avons l’honneur de pouvoir lire aujourd’hui une lettre écrite spécialement pour l’occasion. C’est le deuxième point, si vous voulez, de cette brève oraison funèbre. Je mentionne tout de suite que M. Harry Williamson prononcera un éloge plus personnel, à la toute fin de cette cérémonie religieuse, en hommage et en reconnaissance à son frère, le grand évêque qui a toujours été en butte à la contradiction, dans sa vie comme dans sa mort. Nous avons pour l’occasion un cinéaste professionnel qui filme l’événement. Nous le remercions pour ses bons services, comme nous remercions les fidèles et le clergé. Nous autres membres du clergé, nous aimons tous avoir un scoop à placer en tête de nos feuilles d’information, c’est pourquoi nous vous remercions particulièrement ! Je reprends. Voici un admirable hommage, une lettre d’un autre grand et courageux évêque, un archevêque même, Monseigneur Viganò, envoyée depuis son disons « exil intérieur » en Italie du Nord. Il nous a envoyé cette lettre pour qu’elle soit lue lors des funérailles du cher défunt.

« La terre de Cantorbéry a été consacrée au Christ par le sang de saint Thomas Becket, martyrisé le 29 décembre 1170 dans la cathédrale devenue anglicane aujourd’hui. À cette époque, Thomas Becket s’opposait aux Constitutions de Clarendon, par lesquelles le roi Henri II attaquait les libertés et l’indépendance de l’Église catholique. Il a payé de sa vie cette courageuse défense de l’Église catholique, et aujourd’hui, ce saint évêque, saint Thomas, nous regarde du ciel alors que nous exprimons les suffrages de l’Église pour un autre évêque, Richard Nelson Williamson, que nous considérons comme un témoin de la Foi et de la Tradition catholique en des temps non moins troublés et hostiles.

Monseigneur Williamson n’a pas été tué par les quatre assassins du roi Henri II. Il n’a pas versé son sang, frappé à mort alors qu’il célébrait le Saint Sacrifice sur l’autel de sa cathédrale, la cathédrale de Cantorbéry. La cathédrale dans laquelle Monseigneur Williamson aurait dû célébrer la messe lui a été refusée par une Hiérarchie qui est maintenant l’alliée et la complice des mêmes ennemis du passé, qui excommunie non pas les ennemis de la papauté, mais ceux qui dénoncent la trahison d’un usurpateur. Monseigneur Williamson a lui aussi été trahi, non par quatre assassins, mais par ceux qui l’ont blessé au cœur en trahissant l’héritage de Monseigneur Lefebvre.


J’espère que l’exemple héroïque de saint Thomas Becket et le témoignage du martyre blanc de Monseigneur Richard Williamson pourront réveiller en nous les sentiments qu’ils ont tous deux partagés : avant tout, l’amour de Dieu ; l’amour de l’Homme-Dieu, Notre Seigneur Jésus-Christ ; l’amour de la Sainte Église catholique, apostolique et romaine ; et l’amour de l’homme pour l’amour de Dieu, d’où découle le zèle apostolique des vrais pasteurs envers leurs brebis, qui reconnaissent en eux la voix du divin Pasteur.

Cette vie terrestre est en effet un champ de bataille, où l’on se bat sans quartier contre un ennemi mortel. Cet ennemi a déjà été vaincu par Notre Seigneur, sur la Croix, la Voie Royale, la Via Regia qui mène à la gloire éternelle du Ciel. C’est ce qu’a voulu dire le prophète Osée lorsqu’en parlant du Christ, il a dit ces mots : O mors, ero mors tua ; morsus tuus ero, inferne. Ô mort, je serai ta mort ; Enfer, je serai ta morsure. Donner sa vie, donner toute sa vie et toute son énergie pour Notre Seigneur Jésus-Christ et pour la Sainte Église, et le faire dans une crucifixion quotidienne, nous permet d’être des coopérateurs de la Rédemption. Notre faiblesse humaine, mise au service de l’Évangile, permet à la Grâce d’accomplir de grandes choses ; elle nous permet d’affronter chaque journée, et même le dernier jour, sans renoncer à combattre le bonum certamen, le bon combat, en répétant avec le Prophète : Ô mort, je serai ta mort ; Enfer, je serai ta morsure

Tempora bona veniant. Que viennent des temps meilleurs. Pax Christi veniat. Que vienne la paix du Christ. Regnum Christi veniat. Que vienne le règne du Christ. »

+ Carlo Maria VIGANÒ, archevêque

En effet.

Bon pasteur, grand pasteur, bon berger, vous l’avez été jusqu’au bout pour l’Église, cher Monseigneur Williamson, dans la vie et dans la mort, dans votre vie de prêtre dans l’ordre épiscopal. Quel privilège, chers fidèles, chers amis, d’avoir connu, admiré, accompagné, de vous être réjoui et d’avoir souffert avec lui, ce véritable successeur des Apôtres.

III. Le Rite des Cinq absoutes

Troisième point. Je regarde ma montre. Normalement, ce sont les fidèles qui regardent leur montre pendant les sermons, m’a-t-on dit, mais il se trouve que nous avons un horaire à respecter pour l’inhumation. L’enterrement aura lieu en privé, selon les souhaits de la chère famille, dans un cimetière semi-privé, à environ moins d’une heure de route d’ici. Ne sortez pas vos cartes pour chercher le lieu précis. Sachez seulement que Monseigneur a souhaité être enterré à cet endroit, mais de nombreuses raisons font que l’enterrement se fera en privé, en présence de quelques membres du clergé seulement. La famille restera ici pour le buffet qui suivra la cérémonie et auquel tout le monde est convié.

Auparavant se déroulera la dernière partie de la cérémonie, objet du troisième point de ce bref sermon de funérailles. Cette bénédiction est spécialement réservée aux évêques, prélats et cardinaux décédés, ainsi qu’au pape, et appelée « Rite des Cinq absoutes ».

Nous sommes bien évidemment tous réunis ici pour prier avant tout pour l’âme de Monseigneur dans l’éternité. Les Français disent — je ne vais pas faire de court résumé de ce sermon en français - ils disent que les obsèques sont un temps de trêve. Les fidèles viennent prier pour le défunt, car dans l’éternité, un défunt ne peut plus prier pour lui-même. Les âmes souffrantes des saints ont besoin de nos prières, de nos saintes messes, de nos suffrages, de nos sacrifices, de nos bonnes œuvres, de nos indulgences. Et comme ce bon évêque a tant fait pour nous de son vivant, nous pouvons du moins faire notre part, chers fidèles, pour le payer en retour dans son éternité. Les cinq absoutes sont normalement faites par cinq évêques et des sièges sont effectivement préparés aujourd’hui pour cinq évêques. Si l’un des évêques est empêché, il est possible, selon les rubriques, de demander au prêtre le plus digne de procéder à la même bénédiction, sans la mitre, qui est le chapeau de l’évêque, sur la dépouille de l’évêque qui a été exposée hier soir dans ses vêtements pontificaux complets avec la mitre et la croix pectorale.

Le respect du corps du défunt est également une profession de Foi en la résurrection de notre corps au dernier jour, comme nous le disons dans le Credo. Les prières faites sur le corps, les bénédictions et les encensements profitent avant tout à l’âme dans l’éternité, mais nous n’oublions pas le corps lui-même, qui a été sanctifié par les sacrements, notamment par la sainte communion, par l’ordination sacerdotale et la consécration épiscopale. À cet égard, les prières sont aussi une marque de respect envers la dépouille mortelle de notre cher évêque. Ces absoutes se composent de prières et de chants, qui sont chantés intégralement ou non selon le temps disponible, de la bénédiction de la dépouille mortelle avec de l’eau bénite et avec de l’encens, très discrètement en raison du système d’alarme… Les prières qui seront lues résument l’esprit du rite des Cinq absoutes.

Ô Dieu ! En Lui tout vit, et par Lui nos corps ne périssent pas par la mort, mais sont transformés en un état plus admirable si nous Le supplions :

« Nous Vous en prions, ordonnez que l’âme de Votre serviteur, l’évêque Richard, soit recueillie par les mains de Vos anges bénis, déposée dans le sein de Votre ami Abraham le patriarche, et ramenée à la vie au dernier jour du grand jugement par l’indulgence de Votre tendre miséricorde, ainsi lavée par Vous de toute tache qu’elle a pu contracter sous l’influence du diable, par le Christ notre Seigneur. »

Quelle belle prière ! Et les cinq prières reprennent les mêmes sentiments, les mêmes demandes.

Nous devrons également penser au Notre Père, quand nous demanderons au Bon Dieu de pardonner à ceux qui sont maintenant dans l’éternité : « pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Ces funérailles ne devraient pas se limiter à une trêve d’une journée. Si nous pensons aux blessures, aux insultes, réelles ou imaginaires, que nous avons pu recevoir ou subir, pensons alors que c’est aussi le moment de pardonner, d’être indulgent envers les autres, car cela sera le gage du Pardon divin accordé dans l’éternité aux âmes pour lesquelles nous prions.

Enfin, je terminerai par une prière composée par notre cher évêque lui-même, et qui résume à bien des égards toute sa vie, son ministère, la grandeur de son apostolat, son héritage, son rayonnement et son exemple :

« Notre Dame des Apparitions, de Lourdes, de La Salette, de Pontmain, ou de toutes les apparitions récentes, merci d’être apparue et d’avoir pris soin de tous les hommes, vos enfants rebelles et modernes. Gardez-moi fidèle tant à votre Divin Fils qu’aux âmes égarées pour lesquelles Il est mort. Je n’ai qu’un seul désir, celui de faire du mieux que je peux pour Lui et pour Vous. Ainsi soit-il. »

Monseigneur a été fidèle à sa devise épiscopale. Fidèle jusqu’au bout par la grâce de Dieu, lui qui a demandé ces mêmes grâces de sainte persévérance et de fidélité. Il a aussi demandé cette charité que ce cher Monseigneur a témoignée envers ses amis et ses ennemis, et Dieu sait combien d’ennemis il avait, mais aussi beaucoup d’amis très chers ! Comme chez les premiers chrétiens, l’exemple de la charité attire les âmes vers la vérité de la Foi, vers le Bon Dieu.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.