jeudi 15 septembre 2022

Qu'est-ce que la «REALITE» ? - III

KE 791 (10 septembre 2022) 

Saint Thomas est le grand guérisseur des esprits,
Lisez-le en latin, l’exercice est sans prix  !

En un seul article de sa Summa Theologiæ pleine de bon sens (Ia, q. 85, a.2), saint Thomas d’Aquin réfute, avec quelque 500 ans d’avance, les imbécillités de Kant et de ses nombreux disciples dans les temps modernes, à savoir que notre esprit humain ne peut connaître que les apparences des choses qui nous entourent. Car selon Kant, nous, les êtres humains, ne pouvons pas connaître la réalité des choses telles qu’elles sont réellement au-delà de leurs apparences. La chose, telle qu’elle est en elle-même (en allemand « das Ding an sich ») est absolument inconnaissable par nous. Si tel est le cas, nous pouvons nous demander comment nous pouvons même savoir qu’il existe un « Ding an sich » derrière les apparences des choses. En conséquence, les disciples de Kant n’ont plus porté aucune attention à une soi-disant réalité en soi, ou réalité extra-mentale. Résultat : la « philosophie » moderne a fait ses valises pour « Alice au Pays des Merveilles », rejoint l’ensorcelant sourire du chat du Cheshire encore dans l’arbre après la disparition du chat. Au revoir, la réalité. Bienvenue à toutes les fantaisies imaginables !

Saint Thomas a deux arguments de bon sens pour faire tomber ce misérable Kant de son piédestal.  Je vois par exemple un cheval dans un pré. Physiquement, le cheval n’est évidemment pas dans ma tête, mais seulement une certaine représentation du cheval. Maintenant, problème :

1) cette représentation du cheval par laquelle je connais le cheval est-elle comme une fenêtre ouverte sur le cheval de sorte que je connaisse le cheval lui-même ; ou

2) cette représentation est-elle elle-même ce que je connais, comme une peinture du cheval qui dépeint le cheval mais ne me donne aucune vue sur le cheval lui-même ?

Pour Saint Thomas, les représentations dans notre esprit sont comme des fenêtres sur la réalité extérieure à notre esprit. Pour Kant, elles sont comme des peintures derrière ou au-delà desquelles nous ne pouvons rien voir. Pour l’Aquinate, elles sont ce par quoi nous connaissons ; pour Kant, elles sont ce que nous connaissons.

Premier argument de Saint Thomas : si nous ne connaissons, pour ainsi dire, que le sourire du chat et pas le chat lui-même, alors comment pouvons-nous avoir une quelconque connaissance des chats ou de toute réalité extra-mentale ? Il n’existe plus de science ni de connaissance de la réalité extérieure à notre esprit. Et si nous ne connaissons rien en dehors de notre esprit, mais seulement nos propres représentations à l’intérieur de notre esprit, alors c’est la fin de toute connaissance de la réalité, et la fin de toute science. Évidence ! Plus d’un « savant » contemporain finit par perdre prise sur la réalité de sa propre « science », parce qu’à l’instar de la quasi-totalité du monde actuel, il a laissé le kantisme lui faire perdre la tête.

Second argument : si nous ne connaissions que les représentations de notre esprit, alors toutes ces représentations seraient vraies, car la vérité consiste en la conformité de notre esprit à la réalité qui lui est extérieure. Or si nous ne pouvions rien savoir au-delà de nos propres représentations, nous n’aurions aucun accès à une quelconque réalité extérieure pour pouvoir dire si nos représentations lui sont conformes ou non. Ainsi, tous les jugements de notre esprit basés sur nos propres représentations deviendraient vrais, car ils seraient conformes à eux-mêmes. Ainsi, Paul pourrait juger que le miel est amer tandis que Pierre pourrait juger qu’il est doux, et tous deux auraient raison ! Ni l’un ni l’autre n’aurait accès à une réalité objective autre que les représentations que chacun s’en fait, pour trancher le conflit de leurs opinions contradictoires. Exit la loi de non-contradiction. Exit la possibilité d’une discussion. Exit toute pensée objective. Entre en scène la « philosophie » moderne.

Saint Thomas est objectif par-dessus tout. Dans le même Article, il poursuit en expliquant que dans la vie réelle, la forme même de l’objet extérieur à notre esprit

1) donne à cet objet son existence, et

2) in-forme également notre esprit, c’est-à-dire procure l’existence même de nos pensées à notre esprit.

En d’autres termes, non seulement nos esprits sont capables de saisir la réalité extra-mentale ; mais encore, ils sont totalement incapables de fonctionner sans elle (du moins à l’origine de leur pensée). Par conséquent, la base même de la pensée humaine doit être objective, et cette base (pour autant qu’elle soit connaissable) peut être invoquée pour régler tout conflit d’opinions subjectives. Et, inscrite dans la réalité objective, la loi de non-contradiction – rien ne peut être et ne pas être en même temps et sous le même rapport – est également la base de notre pensée. Nos représentations de la réalité sont donc bien des fenêtres qui ouvrent fidèlement sur la réalité extérieure à notre esprit, et non des peintures qui bouchent la vue sur toute réalité située au-delà ou derrière elles, comme le prétend l’abominable Kant, qui s’est entêté jusqu’à la ruine de toute prise sur la réalité, et de toute pensée objective.

Kyrie eleison