Extrait du « Donjon » N°80 – avril 2003
Pour faire suite à la publication de la Lettre Pastorale sur les problèmes de l’apostolat moderne de Mgr de Castro Mayer dans le Donjon de Janvier 2003 – un texte qui a surpris plus d’un, c’est dire que l’air ambiant est nauséabond -, nous publions cette fois sa réponse au questionnaire du Cardinal Tardini pour a préparation de Vatican II.
Ce texte nous permet une nouvelle fois d’apprécier la lucidité et la profondeur de jugement de l’évêque de Campos.
Réponse de Mgr. A. de Castro Mayer au questionnaire du cardinal Tardini pour la préparation de Vatican II
Tiré de JESUS CHRISTUS N° 85 Janvier / Février 2003
p. 10-15. Revue de la FSSPX du District d’Amérique du Sud.
p. 10-15. Revue de la FSSPX du District d’Amérique du Sud.
Eminence,
Il m’a été très agréable de recevoir la lettre que vous m’avez envoyée le 18 juin de l’année en cours par laquelle vous m’informiez que le Souverain Pontife Jean XXIII, heureusement régnant, avait institué en la fête de la Pentecôte, le 17 mai passé de cette même année 1959, une Commission Ante-préparatoire, avec pour but autant le futur concile œcuménique que votre nomination comme président de cette même Commission. Vous demandiez en même temps des observations, ainsi que des conseils et des vœux quant aux sujets et matières dont il pourrait être traité dans ce synode universel par les futurs Pères conciliaires.
Avec cette lettre, vous trouverez les thèmes qui me semblent en effet les plus propres à être discutés et tranchés pendant le concile œcuménique pour la plus grande gloire de Dieu et de toute l’Eglise. Je soumets humblement et respectueusement toutes ces choses à votre sagesse…
Antonio de Castro Mayer
Evêque de Campos
Les erreurs, c’est-à-dire le naturalisme, le matérialisme, etc., desquelles procède la crise qui trouble aujourd’hui la cité chrétienne, ont été souvent dénoncées et condamnées par l’Eglise. Cependant, une nouvelle condamnation de la part du Concile Œcuménique réuni pour notre temps semble opportune.
Cette nouvelle condamnation gagnerait une grande efficacité si le Concile dénonçait en même temps l’existence d’un complot contre la cité de Dieu.
En effet, la conjuration antichrétienne n’est pas le résultat de la rencontre fortuite de plusieurs erreurs ou de leurs auteurs ; au contraire, elle possède véritablement une unité d’intention.
Par conséquent, le lien d’intention entre ces diverses erreurs ne doit pas être négligé, car ce sont les moyens qu’utilise l’ennemi du genre humain pour imposer son empire sur les esprits et les coutumes des hommes.
Ainsi considérée, la conjuration antichrétienne apparaît sous son véritable éclairage, non concrètement comme un système doctrinal pur et simple, mais comme une véritable volonté d’instaurer une nouvelle conception de la vie, en faisant adroitement pénétrer dans l’esprit une façon de penser et de se comporter contraire aux principes chrétiens.
Cependant, l’efficacité de l’action antichrétienne réside dans la propagation, non tant de ces erreurs sur lesquelles elle s’appuie, que des énoncés qui sont à première vue inoffensifs mais qui contiennent en réalité en eux même le venin maléfique de la conjuration antichrétienne qu’ils insinuent dans les âmes, tandis qu’ils créent les artifices de l’empire de l’ennemi.
Quoique dissimulé, le venin de la conjuration antichrétienne donne naissance à de nouvelles conceptions de l’art, à plusieurs pratiques dans la vie sociale et à d’autres comportements des hommes. C’est seulement par ces moyens que l’ennemi peut conserver son empire sur les hommes. C’est pourquoi il est très opportun que le Concile dénonce et condamne ces formules, conceptions et habitudes. Pie IX n’avait pas d’autre but lorsqu’il publia le Syllabus. A mon humble avis, il serait très utile pour les fidèles de formuler de la manière la plus solennelle une nouvelle condamnation des propositions du Syllabus, en faisant les adaptations et les divers rajouts que réclame notre temps.
Parmi les thèmes que le concile élucidera opportunément, à mon avis, afin de restaurer la cité chrétienne, voici ce qui, entre autre choses, peut être proposé :
L’immense effort pour réduire le genre humain à l’unité.
On observe en tous lieux un immense effort pour réaliser un genre humain unique.
Plusieurs institutions nationales y tendent, et l’UNESCO en premier lieu ont pour finalité de faire disparaitre toutes les causes qui font que les hommes sont en désaccord entre eux.
Selon les défenseurs de cette sorte d’unité, rien ne concourrait davantage à la béatitude du genre humain que l’abolition de toutes les différences qui distinguent les hommes et les nations, et par conséquent les séparent. La vie sur cette terre serait un paradis pour les hommes s’il n’y avait qu’un seul et même peuple, une seule race, une seule et même culture, s’il existait seulement un seul état.
En soi, l’intention de chercher toujours une union chaque fois plus grande du genre humain n’aurait rien de répréhensible, si elle avait la sagesse de ne pas mépriser le droit naturel et celui de la Vérité Révélée, ce qui malheureusement ne me semble pas pouvoir se produire.
En effet, même si elle n’est pas formulée ouvertement, l’idée au moins sous-jacente dans l’activité entreprise pour l’unité du genre humain, c’est que les religions dogmatiques divisent plus souvent les hommes qu’elles ne les réunissent. De là, un mouvement vers le syncrétisme religieux ou vers le concept de religion des modernistes.
Jour après jour, cette conception va se renforçant, grâce au concours d’associations qui visent à une élévation morale de la société, tandis qu’elles se préoccupent en rien de la vraie religion, ni même seulement de religion, comme le « Lions club », le « Rotary Club », le « Réarmement moral », et toutes les autres du même genre.
Elle se renforce encore par une publicité continuellement croissante en faveurs d’autres associations, c’est-à-dire, de celles qui désirent secourir les pauvres et les malheureux et qui prétendent que telle est la seule véritable et bonne religion, car elle est fondée sur la charité.
Il me semble que le Concile ne peut ignorer ces faits, qui constituent autant de moyens astucieux et très efficaces pour corrompre la véritable notion de cité chrétienne.
Le moindre mal : La thèse et l’hypothèse.
La fausse conception et l’usage du principe de tolérer la moindre mal, de crainte qu’il n’en arrive un plus grand, provoque les défections des fidèles dans le combat contre la plupart des axiomes du siècle, et est utile à l’édification de la cité antichrétienne.
En effet, le moindre mal est généralement considéré comme un mal d’une espèce affaiblie, que l’on peut donc permettre pour n’importe qu’elle raison, comme par exemple, pour éviter l’échauffement des esprits.
D’où la conviction que tout combat serait un mal en soi, et il faut alors toujours l’éviter, au nom de la charité ou de l’esprit apostolique.
Finalement, en notre temps, le moindre mal est considéré comme l’état normal, du moins implicitement. Par conséquent, on cesse d’être attentif ou de veiller à ce que le moindre mal – qui est toujours le mal - ne multiplie pas ses effets néfastes ; et l’amour autant que le désir de l’état normal, qui exclut tout mal, disparaissent. Dit d’une autre façon, la thèse, simplement, reste fort abandonnée.
Il est possible d’apporter un exemple à l’appui, dans la question de l’union de l’Eglise et de l’état. Dans le Syllabus, Pie IX condamne la proposition qui affirme que la séparation de l’Eglise et de l’état est licite et nécessaire, et cependant, un certain nombre de catholique atténuent en termes étranges l’union des deux pouvoirs, de telle sorte qu’il apparait clairement qu’ils jugent que l’état normal de la cité chrétienne postulerait de droit la séparation de l’Etat par rapport à l’Eglise.
Adaptation et coopération.
Il y a chez certains comme un plaisir à adapter l’Eglise aux coutumes du siècle, afin que les non-catholiques soient plus facilement amenés au chemin du salut.
Pourtant, cette adaptation est habituellement conçue au détriment du bien, de sorte que c’est plutôt une fuite de la discussion qu’un zèle pour ces âmes. D’où il conviendrait de définir les conditions dans lesquelles pourrait être réalisée une adaptation, sans danger pour les coutumes d’aujourd’hui. De crainte que, par exemple, le principe à conserver ne disparaisse sans plus à cause d’une adaptation, ou qu’une adaptation générale en arrive à être conseillée seulement en quelques circonstances de personnes, de région, de temps, etc… Et de sorte, l’ordre de la vie sociale subirait un préjudice, alors qu’il doit être renforcé par tous les moyens en tant qu’il procède de l’Evangile. Par exemple, saint Jean Bosco exerçait de temps à autre son apostolat dans les tavernes : ce qui était édifiant pour ce Saint, pratiqué par d’autres, les aurait fait tomber dans de grave scandale. On peut dire généralement la même chose de tout ce qu’on appelle « captatio benevolentiae », et qui demeure seulement comme une infime partie du travail apostolique, plutôt qu’un constituant.
On peut dire presque la même chose de la coopération, très commune aujourd’hui, avec les non catholiques ou les infidèles. Dans la pratique, la conception admise semble être qu’il n’y a aucun danger dans la vie en commun avec les infidèles, les hérétiques ou les pêcheurs publics. S’il n’y a aucun danger, alors n’importe quelle coopération serait permise lorsqu’elle est utile ou du moins indifférente.
La raison, c’est que lorsque les hommes pèchent, ils le feraient par ignorance ou par fragilité, mais jamais par malice ; ainsi on amènerait facilement les non catholiques à suivre la doctrine et les principes de l’Eglise. Vivre avec eux, alors est montré comme la condition nécessaire pour promouvoir leur conversion.
Pour la même raison, on dit qu’il faudrait écarter de l’action apostolique tout ce qui pourrait irriter, comme les arguments polémiques ou les parties moins aimables de la doctrine catholique, comme par exemple l’enfer, la pénitence, l’obéissance et les choses de ce genre. Plus encore : on devrait tout proposer sous un éclairage doux et joyeux.
L’enseignement, et en particulier l’éducation et initiation sexuelle.
Presque toutes les institutions de l’enfance sont aujourd’hui viciées par le naturalisme. On déclare en tout lieu que la nature humaine est bonne ; on rejette le péché originel comme un mythe ; on qualifie la discipline externe, de même que la religion révélée, de nocives.
Il semble opportun de déclarer le contraire de ces folies. En effet, l’enfance n’est pas libérée des séquelles du péché originel qui désordonna les facultés de l’homme. Cet état contient encore en soi le germe de tous les vices, si bien que si on ne les réprime pas avec autorité et prudence, il rendra les enfants non avertis captifs de leurs passions. La correction doit se faire en temps opportun, elle doit être raisonnable et naître d’une véritable charité pour ne pas provoquer de troubles malsains.
Parfois à cause des complaisances, des séductions et des coutumes de la société, d’autres fois à cause de la diffusion d’une doctrine psychanalytique, l’éducation et l’initiation sexuelle sont imprégnées d’une conception matérialiste et naturaliste de la vie, à laquelle les parents et les maîtres catholiques ne résistent pas suffisamment. En revanche, on ignore presque ce que la Sacrée Congrégation du Saint Office ordonna d’observer en cette matière le 21 mars 1931.
Malgré cela, personne ne doute que ce mode d’éducation et d’initiation ne contribue en grande partie à la dépravation des mœurs et à éloigner les âmes de la vérité chrétienne.
Formation du clergé.
La formation du clergé, en premier lieu, devrait tendre à produire des prêtres luttant contre la conjuration antichrétienne qui règne dans le monde et bouleverse les âmes de haut en bas. S’il n’en est pas ainsi, il faut craindre que les prêtres eux-mêmes ne soient infestés par les maximes du monde, et finissent par être inutiles pour l’édification de la cité chrétienne. Malheureusement, presque toutes les différentes modifications que l’on suggère de la vie et de la formation des clercs se ressentent de l’esprit du monde, et si par aventure on les mettait en pratique, tous les signes distinctifs qui, de droit divin, séparent les clercs des laïcs, disparaitraient, et peu à peu s’introduiraient dans l’Eglise toutes ces formes d’égalité qui sont dans la société civile les aspirations des libéraux et des communistes. Telle serait l’abrogation des lois relatives à l’usage de la soutane, à la continuation des études des humanités dans le séminaire et à la prudence dans les relations avec les femmes. Ce dernier point de surcroît se trouve vicié par le naturalisme, manque à une juste éducation de la chasteté et néglige le péché originel.
La cité chrétienne.
Afin que l’ordonnance de la société civile puisse aider grandement au salut des âmes, ou d’un autre point de vue, dans le but qu’elle puisse obéir à ce dessein, l’action des fidèles serait plus efficace, autant pour combattre ceux qui conspirent contre l’Eglise que pour construire la société du Christ, si dans l’éducation chrétienne on proposait aux esprits une certaine description de la cité catholique comme elle devrait être dans tel et tel pays, et de nos jours.
Une fois ainsi connue la fin de l’action sociale catholique, les fidèles ne travailleraient plus dans l’incertitude, comme si l’ordre de la vie sociale, quel qu’il soit, était indifférents à l’Eglise. Il semble très opportun de leur indiquer la méthode grâce à laquelle il serait possible d’atteindre cette fin, de même que, bien sûr, les moyens par lesquels l’unité chrétienne pourrait s’établir aujourd’hui.
Qu’on prenne par exemple la manière d’agir des communistes. Si leur action se déduisait à l’exposition théorique de la cité socialiste, peu de gens ou personnes ne les suivraient. La force et l’efficacité de l’action par laquelle ils se sont emparés du pouvoir sur une grande partie des hommes d’une certaine classe, viennent de ce qu’ils ont proposé à leurs adhérents quelque chose de concret qui se caractérise ainsi : non seulement cela exagère les injustices dont ils souffrent, mais surtout ils séduisent leur concupiscence par les biens futurs qu’ils pourraient obtenir par la victoire du socialisme, en ordonnant méthodiquement leur action vers la fin poursuivie.
Il me semble que la restauration de la cité chrétienne ne peut être réalisée si on se contente de montrer du doigt les maux de la société certes nombreux, et si on les jauge un par un ; peut-être faudrait-il enseigner aux hommes une certaine connaissance idéale de la cité chrétienne, c’est-à-dire quel est l’ordre des choses voulu par Dieu en l’état présent et quels sont les moyens qu’il faut employer pour instaurer cet ordre dans le monde. Tout doit être expliqué complètement aux fidèles, afin que leur action soit ordonnée, devienne plus efficace, et qu’eux-mêmes se dévouent avec grandeur d’âme à cette action.
Une nouvelle chrétienté.
La nécessité de définir ce que comporte l’authentique cité catholique deviendra évidente lorsque par le simple fait de combattre à contrecourant ceux qui s’opposent ouvertement à la tradition catholique, on aura réfléchi aux notions bâtardes de la nouvelle chrétienté, coupée de son fondement sur cette tradition.
Face au communisme
Je voudrais que l’on explique que l’attitude des fidèles face au communisme est totalement différente de ce qui est possible face au libéralisme. En effet, dans un régime libéral, on peut soutenir le principe de tolérer le moindre mal, ou il est possible d’admettre l’hypothèse sans nier la thèse. C’est que, sous un gouvernement libéral, en s’appuyant sur le droit commun, les fidèles peuvent faire beaucoup de bien sans être obligés de faire le mal ou de professer l’erreur.
Mais le régime communiste n’autorise pas une confession opposée aux maximes communistes ; pour être officiellement admis, il impose les principes et les dogmes du communisme. Une coopération ou une simple coexistence pacifique des fidèles, par conséquent, est impossible sous son régime, car si l’on tolère une certaine liberté pour l’Eglise, il faut comprendre que c’est exclusivement par tactique, et certainement comme une étape pour imposer tyranniquement et à coup sûr à tous dans l’avenir un ordre communiste de la société.
Face au socialisme.
En soi, cette cité communiste ne séduit qu’un petit nombre de personnes. Mais la constitution idéale de la cité, interdites aux socialistes, conduit nombre d’hommes au communisme ; comme ils disent, ce serait une société fondée sur l’amour, dans laquelle on ne trouve ni misère, ni pauvreté, aucune rivalité entre les hommes, car toutes celles qui, même de manière fortuite, naissent entre les hommes, sont résolues scientifiquement.
Cet ordre de la cité dans l’amour du prochain, appuyé uniquement sur la multitude, est présenté comme le véritable ordre chrétien des premiers siècles. C’est pourquoi il suffirait de lui mettre le nom et le signe ecclésiastiques pour qu’il puisse instantanément être défendu par les catholiques. Il semble opportun de dissiper toute confusion, par exemple, en déclarant que l’ordre de la cité rêvée par les socialistes, qui repose uniquement sur l’amour et le progrès scientifique, va contre l’actuel dessein de la Divine Providence ; que l’inégalité des hommes ne constitue même pas n petit mal, mais manifeste parfaitement les perfections de Dieu dans l’ordre présent de la hiérarchie de êtres et des hommes ; et que quelques vertus souverainement nécessaires pour le salut, comme l’humilité, l’obéissance, la miséricorde, etc… finiraient par être presque impossibles avec une égalité absolue de tous les hommes. La peine dont souffrent les hommes à cause de leur inégalité doit être considérée comme la peine du péché originel et moyen d’exercer les vertus.
L’intervention de l’Etat
Dans l’actuelle confusion des esprits, l’action de l’Etat ou du gouvernement dans l’activité de la société, est plus grande que ne le nécessite l’ordre des choses, et commence déjà à être considérée comme une attribution normale de tout gouvernement.
Il semble à nouveau opportun d’établir en principe que l’intervention de l’Etat ne peut être admise que pour suppléer à l’action des citoyens.
Alors, dans l’ordre présent et l’état légitime des affaires, les interventions extraordinaires doivent être ordonnées à la restauration de l’activité normale des membres de la société civile, comme toutes les autres de tous les temps, trouvent leur unique solution dans l’instauration d’une vie chrétienne.
Par conséquent, il faut prendre garde à ne pas avoir trop confiance dans les lois et les institutions de l’Etat, comme si un ordre social parfait ne dépendait que d’elles, et comme si la solution de toutes les difficultés devait être cherchée en elles.
Selon la disposition naturelle des choses, la vie sociale humaine - surtout si elle est chrétienne – a en elle-même la faculté de se rétablir dans la plupart des cas.
De là, qu’une intervention trop importante et trop assidue de l’Etat détruit plus l’ordre naturel qu’elle ne lui est profitable. Alors, que l’action du gouvernement soit prudente et qu’elle s’exerce seulement si aucune autre solution ne peut être apportée par les membres de la société civile pour résoudre les problèmes.
Le progrès matériel.
L’ennemi préfère toujours rester dans le sein de l’Eglise plutôt que d’en sortir, avec l’intention de corrompre plus facilement les esprits, en répandant le mal sous apparence de bien.
Le jansénisme procéda ainsi, été plus récemment, et d’une manière plus profonde, comme l’avait remarqué Saint Pie X, le modernisme fit de même.
Aujourd’hui, souvent, des catholiques proposent d’adapter l’Eglise au progrès matériel de la cité comme si cela était pour ainsi dire nécessaire au salut des âmes.
Mais ce « progrès » est généralement animé par un esprit matérialiste. C’est pourquoi une déclaration formelle semble utile : même si l’Eglise approuve toutes les inventions de l’esprit humain, elle ne peut absolument pas adhérer à l’esprit qui anime fréquemment les promoteurs du progrès.
La philosophie et la théologie scolastique.
Il semble nécessaire de donner un nouvel élan à la philosophie scolastique, dont le système serait utilement déclaré à nouveau comme le rempart le plus solide de l’esprit humain, pour empêcher que les catholiques adhèrent aux délires de l’actuelle philosophie comme l’existentialisme, l’évolutionnisme, etc… Autant dans la théologie sacrée que dans la philosophie, on remarque crainte et mépris envers les questions controversées. En effet, une idée fausse et condamnable apparait, selon laquelle quelques-uns prétendent que l’Eglise rejette avec horreur les polémiques et les controverses, comme si elles s’opposaient nécessairement à la charité.
C’est pourquoi tout ce qui a l’allure d’une polémique est rejeté. Il faut affirmer, au contraire, la nécessité et l’utilité des controverses, par exemple pour le progrès des connaissances ecclésiastiques. De plus, on peut être sûr qu’aucune tradition de l’Église n’affirme que les discussions, si elles se font avec mesure, puissent rompre le lien de l’unité et de la charité.
Par crainte des controverses, on enseigne généralement au peuple dans la catéchèse uniquement les vérités de la Foi, presque sans aucune explication. Par conséquent, les fidèles restent étrangers à une grande partie de la vie même de l’Église, qui, en fait, est théologique, et ils vivent dans une piété superficielle qui ne contribue absolument pas au progrès de la théologie.
D’où le divorce entre vie chrétienne des fidèles et la science de l’Église, qui fait que la vie des chrétiens devient de moins en moins sainte. Il faut proposer des moyens pour que les âmes des fidèles se nourrissent activement de théologie sacrée.
La médiation universelle de la très sainte Vierge Marie.
La définition dogmatique de la Médiation universelle de la très sainte Mère du Rédempteur, Notre-Seigneur Jésus-Christ, ne manquerait pas de se rattacher à la restauration de la cité chrétienne.
Il est certain que le trouble profond de beaucoup de fidèles prend son origine dans une fausse notion de la mission du Christ Rédempteur, qui les détourne d’une filiale, tendre et confiante dévotion à la très Sainte Vierge. C’est pourquoi le rétablissement solide de la vie chrétienne doit fonder sa source dans cette dévotion. Une définition dogmatique de la médiation universelle de la très Saint Vierge Marie, Mère du Rédempteur, serait une contribution très puissante à cette dévotion.
Le magistère du Pontife Romain.
Ce que le Concile Vatican I trancha à ce sujet serait avantageusement complété, d’abord, en déterminant mieux l’objet de l’infaillibilité du Pontife Romain ; ensuite, en exposant clairement quelle force possèdent les documents du Magistère ordinaire du Souverain Pontife et quelle obligation ils entrainent, de crainte que l’on néglige purement et simplement certaines doctrines, comme celles des encycliques, parce qu’elles seraient privées de l’infaillibilité.
Le pouvoir des Évêques.
Que l’on me pardonne d’ouvrir mon âme pour exposer ma craint que la force de l’autorité des Évêques et la salutaire influence dont ils bénéficient grâce à leur sujétion immédiate au Pontife Romain ne soit amoindrie par la constitution d’une assemblée permanente des Évêques de chaque nation ou région. Les conclusions de ces assemblées, seules sources du vote de leur majorité, imposent une certaine contrainte morale aux autres.
Si, de droit, la force de l’autorité du Pape sur chaque Evêque ne disparait pas avec ces assemblées, elle en reste du moins amoindrie par sa juxtaposition, à mon humble avis.
L’action des Évêques.
Sans aucun doute, la restauration de la cité chrétienne dépend principalement de l’action des Évêques. De là que, lorsque les candidats à l’épiscopat sont présentés devant l’enquête habituelle, il me semble qu’il faut se préoccuper d’abord de leur esprit face au socialisme, laïcisme, néo-modernisme, etc… et généralement face aux erreurs et formules dont se nourrit la conjuration anti-chrétienne. C’est à-dire, s’ils peuvent lutter et avoir le courage d’aller fermement au front, activement et efficacement, contre ces erreurs, sous toutes leurs diverses sortes et les formules hypocrites.
+ Mgr Antonio de Castro Mayer
Campos, 20 Aout 1959
(Traduction française établie par Sœur Marie du Précieux Sang à partir d’une version espagnole)