Abbé Mérel |
Le problème que soulevait très justement l'abbé Mérel en 2008 n'a pas pris une ride. L'objet de l'article était de montrer, à la suite de Mgr Lefebvre, la raison pour laquelle l'assistance aux messes ralliées de rite St Pie V posait un problème réel. La question s'étend aujourd'hui à la FSSPX, surtout depuis que les confessions de cette même société se déroulent désormais dans le cadre de la juridiction conciliaire de François et non plus en vertu de la juridiction de suppléance. Est ce un mal ? Un cas de conscience pour les fidèles de la Tradition ? L'abbé Mérel répond sagement à vos doutes.
A la sortie de la chapelle, M. l’abbé discute avec un fidèle, Philippe, 17 ans. Au cours de la conversation, Philippe raconte son dernier week-end avec des amis en région parisienne. Et Philippe de dire que le groupe d'amis a choisi d'aller à une messe de ralliés..
Philippe : Pourquoi vous faites cette tête-là, Monsieur l’abbé ? C'est quand même la bonne messe !
M. l'Abbé : Que la messe soit bonne, sans doute ; mais ce n'est pas le principal.
Philippe : Pas le principal ? Qu'est-ce qu'il vous faut de plus, Monsieur l’abbé ?
M. l'Abbé : Eh bien, je prends une comparaison. Le rhum est une bonne chose, d'accord ? (Philippe acquiesce en souriant d'un air entendu). Bon. Mais chaque fois que l'on boit du rhum, on ne fait pas forcément une bonne action. (Philippe comprend). Alors, c'est pareil pour la sainte messe. Que la messe en elle-même soit bonne, c'est une chose; mais il faut aussi qu'assister à cette messe soit bon; il faut que l'assistance à cette messe soit une bonne action.
Philippe : Oui, enfin quand même le rhum et la messe ce n'est pas pareil ! Vous avez l'air de dire qu'on peut faire mal en assistant à la messe traditionnelle !
M. l’Abbé : Tout a fait, c'est bien ce que j'ai voulu dire! De même qu'on peut faire mauvais usage du rhum, de même il n'est pas forcement bien d'assister une vraie messe. Cela peut même être mal.
Philippe : Alors çà, c'est la meilleure !
M. l'Abbé : Cher Philippe, c'est un peu compréhensible, ton étonnement. Normalement, un catholique n'a pas à se poser de questions en assistant à une messe catholique ; mais en ce moment, dans l'Eglise, il y a bien des choses anormales. Nous, par exemple, on dit la messe dans des salles aménagées comme on peut, avec l'hostilité du clergé de la région, avec une étiquette de pestiféré, d'excommunié, de schismatique... Beaucoup de gens ne viennent pas ici parce qu'ils croient que c'est mal. Pourtant c'est bien la bonne messe! Ce qu'il y a, c'est qu'ils se trompent en pensant que c'est mal de venir ici.
Philippe : Oui, justement, ils se trompent, vu que c'est la bonne messe !
M. l'Abbé : Non, Philippe, fais attention. Leur problème ce n'est pas la messe; leur problème, c'est qu'on leur a dit que c'est mal d'y aller. C'est tout différent. Eh bien, le problème avec les ralliés, il est du même genre: leur messe est bonne, d'accord, mais y aller, est-ce bon ? C'est une autre affaire ! Tu vois la distinction ?
Philippe : D'accord je vois la distinction. Mais je vois vraiment pas pourquoi c'est mal d'aller chez Saint-Pierre ou au Christ-Roi (ndlr : ou à la nouvelle FSSPX) !
M. l'Abbé : Tu vois, quand on commence à se demander si assister à telle messe est bien ou mal, tout de suite on parle de celui qui dit cette messe. Intéressant, non?
Philippe : Là, je ne vois pas bien...
M. l'Abbé : Eh bien, si ! On va dire, comme tu viens de le faire : je vais à la bonne messe chez Saint-Pierre, au Christ-Roi, chez Saint-Pie-X, à Saint-Georges, place Foch, ou rue Buisson, et La messe dite dans ces différents cas est la même. Pourtant, assister ici ou là, ce n'est pas pareil. Cela dépend de celui qui la dit.
Philippe : Mais pourquoi ?
M. l'Abbé : Parce que la messe et le rhum ce n'est pas pareil ! Tout a l'heure tu aurais pu me dire: mais moi, je fais attention quand je bois du rhum; il n'y à jamais aucun problème ; c'est toujours avec modération ! Mais la messe n'est pas quelque chose qui se consomme tout seul dans son coin, de façon privée.
Philippe : C'est quoi alors ? Moi, je vais à la messe pour me recueillir, pour prier, pour communier. Tant pis si le prêtre est à Saint-Pierre ou à Saint-Pie X (ndlr : ou de la Fidélité) . Vous n'avez qu'à vous arranger entre vous, après tout !
M. l'Abbé : La sainte messe est l'acte le plus élevé de culte public de l'Eglise. C'est-a-dire que c'est un acte avant tout social, dans lequel on honore notre Dieu et on en reçoit ses bienfaits sous l'autorité de l'Eglise, société que Dieu a instituée pour pouvoir être honoré comme Lui le veut.
Philippe : Là, monsieur l’abbé, c'est un peu dur...
M. l'Abbé : Je recommence. En privé, tu peux prier le bon Dieu assez librement, quand tu veux, comme tu veux ; c'est ta prière, en quelque sorte. Mais le bon Dieu a voulu être honore aussi et surtout, en réunissant les hommes autour de la croix, par la messe; et cela, c'est la prière publique et officielle de l'Eglise. Elle rend ainsi à Dieu, au nom de tous les hommes, tout l'honneur et la gloire qui lui sont dus. La messe n'est donc pas une dévotion privée ni des assistants in des prêtres qui la disent. C'est un acte commun de culte, qui suppose que celui qui fait le culte (le prêtre) ait reçu de l'Eglise l’autorité pour le faire. Il doit dépendre d'un évêque, lequel dépend du pape. C'est pourquoi je parlais de l'autorité de l’Eglise.
Philippe : Mais vous, monsieur l’abbé, vous êtes indépendant de cette autorité (ndlr : c’est fini pour la FSSPX).
M. l'Abbé : Philippe, on arrive là au cœur du problème. Ce que tu dis, c'est ce que disent les conciliaires et ceux qui les croient, quand ils disent qu'assister à la messe de chez nous n'est pas permis. Encore une fois, ce n'est pas parce que la messe qu'on dit est mauvaise qu'ils disent cela ; c'est parce qu'on résiste à la hiérarchie, à Rome. Et nous on dit : il ne faut pas assister à la messe chez les ralliés (ndlr : ou la nouvelle fraternité) parce qu'ils se soumettent à la hiérarchie conciliaire.
Philippe: Si je comprends bien, en fait, le fond du problème c'est la soumission à la hiérarchie actuelle ?
M. l'Abbé : Exactement ! Normalement, dans l'Eglise, un prêtre est soumis à son évêque, qui est soumis au pape; du coup il reçoit une mission de célébrer la messe et les autres sacrements pour une portion des fidèles de l'Eglise. Or, depuis une trentaine d'années, il se trouve que, pour garder la foi, les fidèles ont demande à des prêtres qui, eux aussi, voulaient la garder, de s’occuper d'eux, au point de résister aux évêques et au pape. Leur but n'était pas de résister pour résister, en bons Gaulois qu'ils étaient, mais de défendre leur foi face a des décisions de Rome qui contribuaient à faire perdre la foi aux fidèles.
Philippe : Quelles décisions?
M. l'Abbé : Eh bien par exemple, la promulgation de la nouvelle messe de Paul VI, en 1969. Mais avant, il y a eu le Concile, avec plusieurs mauvais textes, notamment sur l’œcuménisme, la liberté religieuse. Plus tard, il y a eu les changements sur les autres sacrements, puis le nouveau Droit canon, en 1983. II y a eu tous les scandales de l’œcuménisme, comme Assise, en 1986. Et puis il y a eu la lutte farouche contre Mgr Lefebvre qui, pourtant, ne faisait, comme il le disait souvent, que ce qu'il avait fait pendant toute sa vie, avec approbation de Rome. En 1988, Monseigneur a sacré des évêques parce qu'il avait compris que Rome voulait détruire la Tradition. La foi des fidèles continuait à être menacée. C'est là l'essentiel qu'il faut bien comprendre : la hiérarchie, les évêques, le pape, sont là pour conduire les prêtres et les fidèles dans la foi. S'ils ne le font pas, les fidèles et les prêtres doivent résister et chercher à garder la foi; ce qui est une forme de soumission plus haute finalement.
Philippe : Bon... bon... Mais la messe chez les ralliés dans tout ça ? Je vais y perdre la foi?
M. l'Abbé : Il faut prendre le problème par l'autre bout...
Philippe (interrompant) : L'autre bout?
M. l'Abbé : Oui, l'autre bout. La question de savoir si je vais perdre la foi est capitale. Mais ce qu'il faut se demander, c'est quelle est, face à la messe des ralliés, l'attitude de foi qui convient ? Dans ta question, n'y a-t-il pas un sous-entendu, du style : si je fais attention, vu que c'est quand même la bonne messe, il n'y aura pas de problème, comme pour le rhum. Je me trompe ?
Philippe : Non, monsieur l’abbé, on est d'accord !
M. l'Abbé : Il faut donc voir l'autre bout, celui que j'ai expliqué tout à l'heure. La messe est avant tout un acte public et hiérarchique. La messe d'un prêtre rallié est la messe d'un prêtre qui, officiellement au moins, obéit à l'évêque du lieu et au pape, un prêtre qui va donc recevoir, de temps en temps, son évêque pour des cérémonies, un prêtre qui ne prêche pas que la nouvelle messe est mauvaise, dangereuse pour la foi, (Un évêque qui dit qu’elle est légitiment promulgué, que le concile est bon à 95 %) un prêtre qui va donc rassembler autour de lui des fidèles plus faibles dans leur foi, moins au courant des dangers sérieux qui menacent la vie chrétienne dans l'église conciliaire, un prêtre, qui, s'il est logique avec lui-même, estime que la situation de l'Eglise aujourd'hui est, grosso modo, normale, en tous cas assez normale pour rendre la résistance publique de la fraternité saint-pie x (aujourd’hui ce sont les prêtres de la résistance catholique) illégitime, un prêtre qui en obéissant à des autorités libérales et modernistes va inévitablement dévier, un prêtre qui, finalement, trahit tout ce qu'a fait Mgr Lefebvre, qui trahit les âmes, les trompe, en leur faisant croire, par sa soumission publique à la hiérarchie, que le pape conduit vraiment ses brebis et ses agneaux dans les sentiers de la vraie foi...
Philippe : Vous y allez un peu fort, monsieur l'abbé !
M. l'Abbé : Monseigneur parlait comme cela en son temps! Un prêtre rallié, actuellement, n'a pas une position juste dans l'Eglise. Il n'est pas en ordre avec le bon Dieu. Il n'est pas dans la vérité. Il est entre deux chaises, tiraillé entre son désir de bien faire, et sa soumission aux autorités conciliaires. Ses sermons s'en ressentent obligatoirement. La table de presse, les revues aussi; il y aura des documents de l'évêché au fond de l'église. Il y a encore le risque sérieux, avec le temps, de se laisser attiédir par le contact de fidèles bien moins formés dans la foi, risque aussi de se laisser attirer, soit par une doctrine plus accommodante, soit, éventuellement, par la sympathie des gens ou des prêtres.
Philippe : Donc, on ne peut jamais assister à la messe chez les ralliés (ndlr et celle de la nouvelle fraternité ?)
M. l'Abbé : On ne peut jamais déplaire à Dieu! Ces messes ne sont pas pour nous ! Si, pour des raisons exceptionnelles, on est amené à être présent à une cérémonie des ralliés, il convient de garder une attitude discrète, évitant de donner l'impression qu'on adhère à leur soumission aux évêques et au pape. Par exemple en s'abstenant de communier. C'est qu'il faut penser aussi à l'exemple que l'on donne autour de soi.
Philippe : Et le dimanche, si c'est la seule messe accessible ?
M. l'Abbé : Si tu as bien compris notre conversation, tu peux conclure toi-même que le dimanche, dans ce cas, on n'est pas obligé d'assister à cette messe-là. On ne peut pas être obligé d'assister à la messe d'un prêtre qui ne confesse pas publiquement que l'Eglise conciliaire met la foi des fidèles en danger. Ce n'est pas possible d'être obligé dans ces conditions. Le bon Dieu te donnera des grâces autrement, ne serait-ce qu'en récompensant ta courageuse fidélité, ton attachement la vérité.
Philippe : A la vérité ?
M. l'Abbé : Oui, à la vérité. Résumons un peu. Je disais au début : la messe des ralliés est bonne, mais là n'est pas la question. La question, c'est : est-ce vraiment bon d'y assister ? Est-ce que je me rattache vraiment, en toute vérité, à l'Eglise, à Notre-Seigneur par cette messe ? La réponse est non, parce que le prêtre rallié n'est pas dans une position vraie, il ne résiste pas aux mauvais pasteurs alors qu'il le devrait. Il se trompe, et trompe les gens. Comment veux-tu ensuite trouver à ses cotés, sous son influence, sous son autorité de prêtre, un véritable amour de la vérité, de Notre-Seigneur, de l'Eglise, du pape même ? Il est dans le faux sur une question essentielle !
Philippe : Décidément, cela va plus loin que ce que je croyais !
M. l'Abbé : Oui, II faut reconnaître que ce n'est pas évident. Aujourd'hui il faut se former plus que jamais, savoir ce qu'on fait. Le danger est partout. Mais c'est aussi une période extraordinaire, comme le disait Mgr Lefebvre, car cela nous pousse aimer plus véritablement l’Eglise, Notre-Seigneur, à demeurer forts dans la foi ! Et c'est aussi le meilleur service de charité que l'on peut rendre à ceux qui ont encore du mal à saisir toutes les difficultés de la situation actuelle. Soyons les témoins de la vérité, de la volonté de Dieu!
Cet article est tiré du bulletin Le Pélican du Prieuré Saint-François-Régis, Unieux. Il est paru en juillet-août 2008.