mercredi 4 janvier 2017

Un changement théologique imperceptible

Par Don Curzio Nitoglia

  

Après l'analyse plus théorique des rapports avec le modernisme, Don Nitoglia nous livre ici des applications plus concrètes...

Traduction par les soins de Reconquista


La gravité de la situation actuelle : du dialogue à l’accord

Nous sommes aujourd’hui témoins du dernier assaut ultra-moderniste contre les traditionalistes, et ceci par le piège du « dialogue »[i], en arrivant à une co-existence, après avoir accepté, imprudemment et comme par inadvertance, un changement théologique qui est erroné et téméraire.

En particulier, le Pape Bergoglio mène, d’une manière plus ou moins occulte, une guerre psychologique contre les traditionalistes, dont le but n’est pas de détruire mais d’affaiblir, graduellement, leur résistance face aux erreurs du modernisme (1900-1950), du néo-modernisme (1950-2013) et de l’ultra-modernisme (2013-2016).

Apathie et soumission du bien

Parmi de nombreux traditionalistes, vous remarquerez l’état d’un esprit affaibli, enclin au « laisser-faire », à la soumission, qui conduit à la procrastination, le retrait, les concessions tacites et malheureusement au fléchissement final passif et implicite, si bien que nous pouvons dire, paraphrasant Benedetto Croce, « Nous ne pouvons pas dire que nous ne nous modernisons pas », ou « Nous nous sommes tous modernisés, implicitement et tranquillement » (Rahner, Schilleebkx)

Une manipulation théologique bergoglienne

La tactique bergoglienne contre les traditionalistes est d’abord celle du pur « parler », discuter, marcher ensemble, se connaître l’un l’autre, se rencontrer, même sans arriver à un accord explicite, théorique, écrit et signé.  Le marxisme, spécialement la version euro-communiste (Gramsci, Bloch, Togliatti et Berlinguer), a employé avec un considérable succès cette tactique face aux catholiques « adultes naïfs », qui n’ont pas remarqué qu’ils subissaient une manipulation psychologique de la part des marxistes ; ainsi Bergoglio ne veut pas que les traditionalistes prennent conscience d’être manipulés théologiquement et amenés vers le modernisme.

Certainement, les traditionalistes sur le terrain remarquent, quoique vaguement, qu’une évolution se produit, un passage théologique.  Mais ils s’illusionnent eux-mêmes en pensant que c’est vraiment un passage volontaire et bénin, un réel approfondissement, une maturation opportune, même si c’est avec l’aide d’une « belle et généreuse entité » : « le modernisme à visage humain de Bergoglio », auquel vous ne pouvez dire « non », mais qui bien vite jettera son masque et fera d’eux des esclaves de la « synthèse de toutes les hérésies », comme le fait le démon quand il nous tente sous apparence de bien, tout habillé comme un ange de lumière.  Cette manière d’agir et d’être manipulé, je l’appelle « un changement théologique imperceptible », par lequel nous passons de la Tradition au modernisme.

Réaction naturelle à l’irréalisme moderniste et à la persuasion implicite

Comme le bon sens naturel, la saine raison du sens commun de notre nature humaine objective offrent quelques résistances à la doctrine subjective et irréaliste du kantisme moderniste (selon lequel c’est moi qui crée la réalité), ce dernier, avec François Ier, évite une persuasion explicite des traditionalistes (un protocole écrit et signé de reddition et d’acceptation de Vatican II et du Novus Ordo Missae) et il  a commencé la persuasion implicite, qui n’est rien de nouveau, mais qui a déjà été utilisé par le diable au paradis lorsque, sous la forme d’un serpent, il a dit à Eve que si elle mangeait le fruit défendu, elle ne mourrait pas mais deviendrait comme un « dieu » connaissant le bien et le mal. (Gen., III, 5).
Mais ces catholiques, qui sont fermement anti-modernistes et ne voulant pas de dialogue ni de compromis, ils tenteront de les marginaliser, désorganiser, décourager et les réduire au silence par la « police psycho-cléricale » orwélienne.

La « cinquième colonne hostile »

Une « cinquième colonne hostile », bien qu’ayant les apparences d’être sympathique, a infiltré l’intérieur du monde traditionaliste, qui, en définitive, a montré un certain esprit de superficialité et d’optimisme insouciant au sujet de la crise qui affecte la sphère ecclésiastique et le monde entier, et exerce sur lui une influence implicite « modernisante », de telle sorte qu’il accepte, en échange d’un plat de lentilles (« l’arrangement canonique », « la pleine communion »), la bonté de Vatican II, la Messe de Paul VI et la néo-religion de l’holocauste, à lire - selon l’herméneutique de la Tradition – à la lumière de la Tradition.  Cette « cinquième colonne » est d’autant plus efficace lorsqu’elle se présente elle-même comme étant apparemment anti-moderniste.

De la résignation à la chute

Tout ceci a rendu  la plus grande partie du monde traditionaliste « anesthésié », avec les bras croisés et docilement enclins à rester à l’écart des modernistes, qui pour le moment progressent doucement dans le but d’éviter les chocs et réactions.  De la résignation, on passe à une expectative légèrement favorable, et puis à la pleine sympathie pour le « modernisme à visage humain », jusqu’à ce qu’on atteigne une collaboration pratique et finalement l’acceptation de principes, au moins implicites, qui étaient auparavant jugés inacceptables. « Nemo repente fit pessimus » (Personne ne devient mauvais d’un seul coup.)


A partir de cet état d’inertie et de résignation, on passe insensiblement à un « changement théologique imperceptible ».  C’est la triste réalité de notre temps de « Grande apostasie », dans lequel seule la toute-puissance de Dieu peut sauver la situation en abrégeant les épreuves. (Matt, XXIV, 15-35)

On peut perdre une bataille et être vaincu par un ennemi méchant, mais personne ne devrait jamais plier le genou devant un adversaire temporairement gagnant dans la but d’obtenir de lui un « pardon frauduleux » (Mgr de Castro Mayer) qui nous permet une certaine manière de vivre, qui implique cependant un renoncement au moins pratique à nos principes, dans le but d’éviter exclusion et excommunication, qui sont une séparation du monde moderne, ce qui n’est pas une peine mais une grâce, comme cette « persécution » est la plus élevée des « béatitudes » que Notre-Seigneur a enseignées sur la montagne. (Matt, V, 3-12)

Nécessité de disputes théologiques

Lorsque, sous l’apparence de prudence, qui est en réalité une « prudence de la chair », vous abandonnez le débat ou la dispute théologique pour réfuter les erreurs et prouver la vérité, vous commettez un vol doctrinal ; en d’autres mots, vous volez la vérité que Dieu nous a révélée surnaturellement et que l’humaine raison est capable de saisir naturellement.  Elle est cachée et ne peut être donnée à ceux qui ont faim de vérité et de justice.  C’est l’équivalent d’enterrer le « talent » que Notre-Seigneur nous a donné.  L’Eglise, à l’exemple de Jésus qui menaça les Pharisiens, a toujours combattu contre les systèmes philosophiques et théologiques faux qui sont apparus à toutes les époques de l’histoire humaine.  Face à une erreur exprimée en public, le silence  signifie un consentement.

L’utopie du « Paradis sur terre »



Les naturalistes croyaient que l’homme était bon par nature, sans péché originel.  L’actuel anthropocentrisme néo-moderniste retourne au « culte de l’homme ».  Malheureusement, certains traditionalistes sont séduits pas cette utopie humaine.  Ils croient que maintenant avec François à sa tête, le Vatican est dirigé par un « homme de bonne volonté », et donc on peut mener avec lui une sorte de coexistence, un vivre-ensemble paisible, dans lequel les désaccords sont surmontés sans combat, au travers d’une « répression inconsciente », à travers un dialogue, les rencontres et le « marcher ensemble ».  C’est l’esprit d’un utopisme anarchiste et sentimental, préparé pour la République et le Temple Universels, et demandé par les Maçons depuis à peu près les années 68 et Vatican II.

Le slogan de la Franc-maçonnerie et des modernistes dialoguant (Jean XXIII) est le suivant : « Nous devons regarder ce qui nous unit et pas ce qui nous divise. »  Au lieu de cela, Pie XII, condamnant le néo-modernisme, a enseigné : « …  il y en a beaucoup qui …, par un zèle pour les âmes imprudent, … se font l’avocat d’un « irénisme » selon lequel, en mettant de côté les questions qui divisent, ils ont pour seul but d’unir les forces pour repousser les attaques de l’athéisme, mais aussi de concilier des choses qui s’opposent dans le domaine du dogme. » (Encyclique Humani generis, 12 août 1950)  Ce rêve, ou plutôt ce délire, d’aller ensemble avec l’œcuménisme, le dialogue, l’expérimentation, le « marcher ensemble » et l’entente universelle, ouvre la voie à l’irénisme, le relativisme subjectif et le Nouvel Ordre Mondial.

En réalité, une telle passion pour atteindre l’harmonie universelle et globale conduit à diminuer l’importance de la valeur des points de désaccord entre les peuples et les religions (par exemple, l’Islam et le Judaïsme, avec lesquels on dialogue comme religions monothéistes, ignorant leur refus de la Trinité des personnes divines et la divinité du Christ, qui sont les deux principales vérités de la Foi chrétienne.)  Et ainsi ils relativiseront la valeur de toutes les opinions, certitudes et dogmes, se terminant en optimisme et par conséquent, en niant la vérité et ignorant l’erreur objective.  C’est un état émotionnel et sentimental, une sorte de somnolence de la droite raison, typique de l’ère post-moderne, dont le modernisme se sert pour nous conduire au relativisme et à un irénisme absolu, rêvant d’un « paradis sur terre », dans lequel tous agissent et pensent bien et dans l’unité.

L’utopie moderniste ou semi-conservatrice commence à considérer le mal, l’erreur, le combat et la souffrance comme choses absurdes qui doivent être éliminées de ce monde.  De cette façon, nous perdons de vue la vie surnaturelle, et le fait que la vie sur terre n’est qu’une épreuve qui nous permet de mériter le Paradis au travers du combat et de la persécution pour la Vérité ; ainsi le traditionaliste, naïf et vaguement ou implicitement utopiste, commence à parler, rencontrer et entrer en contact avec le « modernisme à visage humain », qui finalement, après la nature impitoyable de Paul VI, a ouvert les portes de la maison, comme le fit le loup du « Petit Chaperon Rouge ».

Malheureusement, l’irénisme traditionaliste, hâtif et irritable comme toute utopie, n’écoute pas la raison ou le conseil, et s’irrite contre toute personne qui essaie de la prévenir de ne pas tomber dans le piège du « changement théologique imperceptible », et ainsi, comme Pinocchio qui écrasa Jiminy Criquet, il tombe, victime de lui-même et du « modernisme à visage humain ».

Ici nous percevons la dialectique hégélienne (thèse, antithèse, synthèse) entre des thèses opposées et contradictoires, qui n’écarte pas la thèse fausse, mais, au contraire, arrive à une nouvelle thèse qui, à son tour, est contredite par une autre, uniquement pour qu’en émerge une nouvelle synthèse, au travers de laquelle vous vivez constamment, stablement et indéfiniment dans l’évolution de la vérité naturelle et le dogme révélé.  En bref, c’est un mouvement perpétuel de frénésie mentale. 

Religieusement, le réel danger actuel est le relativisme, qui est maintenant endémique et omniprésent, qui a été une menace depuis Jean XXIII jusqu’à François Ier, avec un « motus in fine velocior » (Avec une accélération au fil du temps), spécialement dans le Catholicisme.  Le vrai catholique fidèle et anti-moderniste doit spécialement combattre contre cet irénisme pacifiste qui engourdit la conscience et diminue la pureté de la Foi, qui doit être conservée intacte, puisque le refus d’un seul article ou d’un dogme de Foi implique la perte totale de la Foi.

Elever des bastions

Nous devons conserver intact et pur le sens de notre Foi, de telle sorte que personne ne puisse avoir aucun doute au sujet de ce qui nous divise dogmatiquement, moralement, au niveau de la discipline et de la liturgie.  Seule la clarté dans la pensée et dans l’exposition de la vérité entière, et non de demi-vérités, ce qui est plus dangereux qu’une erreur franche, conduit à la vraie unité (compatible avec la réalité, avec ce qui est bon et beau) au lieu de mener à de nombreuses confusions.

Le dialogue est nécessaire

En 2000, selon les modernistes, « ne pas être pour le dialogue » est synonyme d’arriéré, démodé, préhistorique, alors que « le dialogue » doit être mis à jour, modernisé, jusqu’à présent. D’où la haine et l’antipathie nourries par les néo-modernistes envers le Catholique qui débat de théologie avec des arguments qui défendent la vérité et réfutent l’erreur.  Le moderniste, plein de « zèle gras », aime tous les ennemis de Dieu mais, avec véhémence (comme Caïn), il déteste celui qui devrait être son frère dans la Foi, l’estime dépourvu de charité, animé « d’un zèle amer », et le considère alors comme le seul qui ne peut ni ne doit être pardonné, excepté s’il montre des signes de repentance et d’ouverture au dialogue, à savoir tendre vers le « changement théologique imperceptible ».  Autrement, vous devez user de toutes les tactiques de la police psychologique contre « l’obstiné qui refuse le dialogue » : conspiration du silence, calomnie, diffamation, ostracisme, insultes.  En bref, tout est permis contre lui, même ce qui est illégal et sérieusement immoral.  Tout contact avec lui est strictement prohibé, comme un fléau théologique qui doit être évité à tout prix.

Nous devons garder un œil sur ce qui nous sépare et pas seulement sur ce qui nous unit

Et ainsi, depuis Jean XXIII jusqu’à François Ier, les fidèles les plus capables, les plus fervents, les plus honnêtes et désintéressés sont exclus des principaux postes de l’Eglise militante, alors que sont promus les traîtres, les hérétiques, les apostats, les paresseux et les dégénérés.

Pour éradiquer cette maladie mortelle du dialogue jusqu’à une fin amère, qui mène inévitablement à un « imperceptible changement théologique », nous devons garder à l’esprit le principe vrai et valide, qui nous oppose diamétralement à l’irénisme : «  Nous avons besoin d’avoir un regard sur ce qui nous sépare et pas seulement sur ce qui nous unit ».  Au contraire, l’irénique, le moderniste et même le traditionaliste « ouvert », voit seulement, en plissant les yeux, ce qui unit selon les personnes extérieures et hétérodoxes et, comme l’autruche qui se cache la tête dans le sable, il ne veut pas remarquer ce qui nous sépare d’eux, même en matière de Foi et de morale.

Ne vous conformez pas au monde

Le monde, cherchant à réconcilier l’Evangile avec les trois concupiscences, aime tout ce qui favorise l’optimisme absolu, aime la paix comme but ultime, même si le prix à payer est d’émousser l’esprit de Foi.  François Ier a (ou semble avoir) toutes les caractéristiques qui séduisent le mondain : bienveillance, bonté, sourires, joie, gaieté, zèle gras, plaisanterie, oh tellement agréable mais triviale.  Il est un « prophète mercenaire » qui annonce un futur rose, plein de succès, si tout va bien. Cette « sympathie » apparente, qui est en réalité désagréable et nauséabonde, ouvre la voie à la gloire, il est toujours « en première page » et il ne peut commettre aucun « crime », quoi qu’il dise, même si c’est le plus absurde[ii].  Tous les hommes du « beau monde » aiment bien parler de lui, aucun (ou presque) n’est critique, ils répètent ses plaisanteries, ses gestes, ses sourires, pensant qu’ils pourront résoudre les plus inextricables problèmes par le dialogue, les sourires, la sympathie, en mettant un nez de clown et en rêvant de faire disparaître la pauvreté du monde, les guerres, conflits, discordes, les Patries, frontières, murs et barrières, la force, la coercition (même s’ils l’exercent impitoyablement envers les non-alignés), même les prisons.

En réalité, pour l’irénisme utopique, tous les hommes sont immaculés et sans le péché originel ; c’est pourquoi ils sont toujours bien intentionnés et les différences qui surgissent ne sont que des accidents, le résultat d’idées fausses et de malentendus, qui peuvent être supprimés par les rencontres, le dialogue et le « marcher ensemble ».

Conclusion

Soyons prudents !  Nous ne sommes que des chrétiens à moitié, même d’implicites ou d’anonymes modernistes, lorsque nos choix sont indécis, quand nous sommes soumis et réticents à prendre parti, quand nous craignons les difficultés, l’isolement et la défaite temporaire, quand nous sommes prêts au compromis et au dialogue avec l’erreur et avec le mal, quand nous n’osons pas dire toute la vérité, mais seulement des demi-vérités, qui sont plus néfastes que les erreurs explicites.

Don Curzio Notoglia







[i] Des termes similaires seraient : œcuménisme, irénisme, la paix à tout prix, coexistence
[ii] Dernièrement, il n’a pas seulement appelé à un pardon général pour les prisonniers, mais il a aussi dit que les prisons devraient être fermées (bien qu’il ait enfermé le Père Manelli) … même Merlin n’alla pas si loin, et s’arrêta aux maisons closes