dimanche 1 mars 2020

Dans se prédication, le Christ aurait-Il dû éviter de heurter ?

Note de Reconquista : Il est souvent reproché aux traditionalistes de heurter leurs interlocuteurs par leurs paroles, leurs écrits ou leurs actions. Il leur est demandé de préférer le silence, la tolérance voire quelques gestes de compromis pour faciliter les échanges et produire des fruits. Saint Thomas d'Aquin répond à cette subtile objection et nous encourage au contraire, à l'image de Notre-Seigneur, à affirmer les vérités qui sauvent, à réfuter les erreurs  qui égarent les âmes et si nécessaire à  désigner les fauteurs de ces erreurs. 

Source : Site de M l'abbé Pivert

Le texte que nous donnons ici est l’article 2 de la question 42 de la troisième partie de la Somme Théologique.

DANS SA PRÉDICATION, LE CHRIST AURAIT-IL DÛ ÉVITER DE HEURTER LES LES SCRIBES, LES PHARISIENS ET LES CHEFS DES JUIFS ?

Il était prophétisé en Isaïe (8, 14) que le Messie serait “un caillou qui fait tomber, et une pierre de scandale pour les deux dynasties d’Israël”.

Le salut de la multitude doit passer avant la paix de quelques individus. C’est pourquoi, quand certains empêchent par leur perversité le salut du grand nombre, il ne faut pas craindre qu’un prédicateur ou un docteur les heurte afin de pourvoir au salut de la multitude. Or les scribes, les pharisiens et les chefs des Juifs empêchaient gravement le salut du peuple par leur malice, parce qu’ils s’opposaient à l’enseignement du Christ qui seul pouvait procurer le salut, et parce qu’ils corrompaient la vie du peuple par leur conduite mauvaise. Et c’est pourquoi le Seigneur, sans se laisser arrêter par leur scandale, enseignait publiquement la vérité et leur reprochait leurs vices. Et c’est pourquoi il est rapporté (Mt 15, 12. 14) que, les disciples de Jésus lui disant : “Sais-tu que les Juifs, en entendant cette parole, en sont scandalisés ?” Jésus répondit : “Laissez-les. Ce sont des aveugles conducteurs d’aveugles. Si un aveugle se fait le guide d’un aveugle, tous deux tombent dans un trou.”

1ère objection : Nous devons éviter de scandaliser, non seulement les fidèles mais aussi les infidèles, selon cette recommandation de S. Paul (1 Co 10, 32) : “Ne scandalisez ni les Juifs, ni les païens, ni l’Église de Dieu.” Il semble donc que le Christ aussi, dans son enseignement aurait dû éviter de heurter les Juifs.

Réponse. On doit éviter de scandaliser quiconque pour ne donner à personne, par une action ou une parole déplacée, une occasion de chute. “Mais quand le scandale naît de la vérité, il vaut mieux endurer le scandale qu’abandonner la vérité”, dit S. Grégoire.

2e objection. Aucun sage ne doit empêcher son œuvre de réussir. Mais, du fait que Jésus troublait les Juifs par son enseignement, il empêchait celui-ci de porter ses fruits. S. Luc (11, 53) rapporte en effet que les pharisiens et les scribes, après avoir été repris par lui, “se mirent à lui en vouloir terriblement et à le faire parler sur une foule de choses, lui tendant des pièges pour surprendre ses paroles et pouvoir l’accuser”.

Réponse. En blâmant publiquement les scribes et les pharisiens, le Christ n’a pas empêché mais plutôt favorisé l’effet de son enseignement. Parce que, leurs vices étant connus du peuple, celui-ci n’était guère détourné du Christ à cause des paroles des scribes et des pharisiens, qui s’opposaient toujours à l’enseignement du Christ.

3e objection. L’Apôtre saint Paul conseille (1 Tm 5, 1) : “Ne rudoie pas le vieillard, honore-le comme un père.” Or les prêtres et les chefs des Juifs étaient les anciens de ce peuple. Ils n’auraient donc pas dû recevoir de durs reproches.

Réponse. Cette parole de l’Apôtre doit s’entendre des “anciens” qui ne le sont pas seulement par l’âge et l’autorité, mais qui sont aussi des vieillards par leur dignité morale, selon les Nombres (11, 16) : “Rassemble-moi soixante-dix des anciens d’Israël, que tu connais comme de vrais anciens du peuple.” Mais ceux qui font servir à la malice le prestige de la vieillesse en péchant publiquement, il faut les condamner ouvertement et sévèrement comme l’a fait Daniel (13, 52) : “Toi qui as vieilli dans le crime…”