Abbé Nicolas Pinaud
Monsieur le Supérieur Général,
Le 24 juin 2014 saint Jean-Baptiste, martyr de la Vérité
Monsieur le Supérieur Général,
Le 3 avril 2014, M. l’abbé d’André m’a remis, sans enveloppe, un pli A3, intitulé : Première Monition à M. l’abbé Nicolas Pinaud. Suite aux usurpations d’identité dont j’ai été victime, il ne m’a pas semblé convenable de signer l’accusé de réception qu’il me présentait.
Si, dans les quinze jours, je n’obtempérais pas aux ordres de cette monition, une deuxième m’était promise.
En effet, le 14 juin 2014, par l’intermédiaire de mes parents, j’ai reçu cette deuxième monition, qui avait été adressée chez eux. S’il devait y avoir d’autres courriers de ce genre, je vous serais reconnaissant de ne pas les expédier chez mes parents. Il n’est pas difficile de me localiser, puisque votre secrétaire personnel possède mon numéro de téléphone portable depuis le 10 décembre 2013.
Cette deuxième monition, tout aussi chargée de références canoniques que la précédente (avec mention systématique des canons du code de l’église conciliaire), m’annonce que vous seriez contraint d’instruire un procès pénal administratif pour décréter mon renvoi de la Fraternité si je n’obtempérais pas dans les quinze jours ouvrables à compter de la réception de cette dernière monition.
Je m’interroge sur l’utilité de l’instruction d’un procès pénal administratif pour décréter un renvoi que la Circulaire du Secrétaire Général n° 2014-01 du 26 février 2014 annonçait déjà ainsi : « Qu’il me suffise de vous indiquer que ne peuvent plus être considérés de facto comme membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, MM. Les abbés Faure, Pinaud et Salenave, qui ont tous pris publiquement position contre les autorités de notre société », et que l’absence de mon nom sur la dernière liste des membres de la Fraternité, jointe au Cor Unum de mars 2014, soulignait encore.
Ce genre de procédés – comme la réponse faite tout récemment à un fidèle canadien : « Si l’abbé Pinaud me poursuit en Cour, il sera excommunié » – illustre parfaitement l’atmosphère dans laquelle vous avez installé la Fraternité depuis plusieurs années.
Ces deux monitions me rappellent :
- l'obligation spéciale à laquelle les clercs sont tenus de témoigner respect et obéissance à leurs Supérieurs.
J’en suis bien conscient mais je sais également que l’obéissance n’est pas une vertu absolue et que se soumettre à l’arbitraire peut ne pas être vertueux. Les vertus morales doivent être pratiquées à la lumière des vertus théologales ; en particulier l’obéissance doit être pratiquée à la lumière de la foi.
- l'obligation des membres d'habiter dans une maison de la Fraternité en gardant la vie commune.
Si M. l’abbé Wailliez n’avait pas « hacké » la boîte courriel de M. l’abbé Rioult, je serais encore dans une maison de la Fraternité et probablement à Couloutre, sans y garder la vie commune puisque j’y étais seul.
- le caractère notoire et la nature grave de votre rébellion...
Cette accusation a été abordée lors de mon procès. Je l’ai réfutée très précisément lors de ma comparution le 19 octobre 2013. À ce jour, aucune vraie réponse n’a été donnée à cet argument essentiel de ma défense qui déclarait qu’être séditieux, c’est porter atteinte à l’unité en ne respectant pas le droit et le bien commun.
Qui a porté atteinte à l’unité de la Fraternité ? Quelles sont les actions qui ont dressé une partie de la Fraternité contre l’autre ?
- Le non-respect des prescriptions du Chapitre de 2006.
- L’abandon du bien commun de la Fraternité sous la pression romaine, tel qu’il est exprimé par la lettre du 14 avril 2012 du Conseil Général de la Fraternité aux trois évêques.
- La Déclaration du 15 avril 2012, tenue cachée pendant un an aux membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.
- Enfin, les nombreux exemples d’ambiguïtés et de double langage, qui discréditent l’autorité.
Voilà ce qui a détruit l’unité de la Fraternité en portant atteinte à son bien commun et à son droit exprimé par le Chapitre de 2006. C’est là, et nulle part ailleurs, qu’il faut chercher l’entreprise séditieuse.
« Quant à ceux qui défendent le bien commun en leur résistant, ils ne doivent pas être appelés séditieux » II II q. 42 a. 2 c.
- l'apostolat exercé d'une manière indépendante et personnelle, sans provision canonique et au mépris des lois de l'Eglise.
Il m’avait été enseigné au séminaire que notre provision canonique, la vôtre et la mienne, était fondée sur la demande des fidèles en raison de l’état de nécessité.
Les fidèles qui ont sollicité mon ministère sacerdotal l’ont fait parce qu’ils ont perdu confiance en vous en raison de votre refus obstiné de reconnaître que votre déclaration du 15 avril 2012 est contraire au combat de la foi. En d’autres termes, ces fidèles ont constaté un état de nécessité au sein même de la Tradition.
Dois-je les abandonner ?
- le mépris affiché publiquement de la peine médicinale de suspense dont vous faites pourtant l'objet depuis le 8 décembre 2013.
Mgr Lefebvre a méprisé une suspense venant des modernistes, ne puis-je pas mépriser une suspense infligée par des libéraux qui ont trahi le combat de la foi ?
De plus, cette « sentence est nulle parce que la coopération formelle qui [m’]est reprochée est inexistante », ainsi que l’a dit et écrit Mgr Tissier de Mallerais, à plusieurs reprises.
Comme la première, cette deuxième monition s’achève par cette phrase rassurante : « Conformément aux canons précités, vous avez le droit de vous défendre. »
Est-ce bien vrai ?
A-t-on seulement lu ma longue défense ? Le témoignage de M. l’abbé Rioult était, à lui seul, suffisant pour que ce procès aboutisse à un non-lieu.
Ce procès a jugé ma pensée, puisque je ne m’étais jamais exprimé publiquement. Je suis donc condamné pour avoir pensé et ma peine prendra fin lorsque je ne penserai plus !
A l’occasion des 25 ans de l’école de Domezain, vous avez répondu à l’une de mes anciennes fidèles : « Que l’abbé Pinaud demande pardon et il sera réintégré. »
Il me semble improbable qu’il s’agisse de demander pardon pour les quelques noms d’oiseaux qui vous qualifiaient dans des messages strictement privés et dont vous avez pris connaissance suite à un piratage.
S’agirait-il donc de demander pardon pour avoir pensé ?
- Pour avoir pensé qu’il était « stupide » d’affirmer que le « concile Vatican II est bon à 95% » ?
- Pour avoir pensé que c’est « une illusion grave de vouloir rallier l’église conciliaire pour la convertir » ?
- Pour avoir pensé que c’est « un faux prétexte de dire : si nous continuons comme ça séparés des autorités de l’Église, nous deviendrons une secte schismatique » ?
Oui, j’ai pensé tout cela. Je le pense toujours et n’ai nullement l’intention de vous en présenter la moindre excuse. D’ailleurs, tout cela, Mgr Tissier de Mallerais le prêchait à Angers à la chapelle Saint-Pie X, le 4 mai dernier, et il n’a pas été inquiété, que je sache.
Quelques jours après la publication de l’Adresse aux fidèles, M. l’abbé de Cacqueray, qui s’était entretenu avec vous pendant deux heures au téléphone, confiait aux fidèles de Mantes-la-Jolie dans sa conférence du 26 janvier 2014 votre intention de poser des actes qui favorisent une réconciliation : « Mgr Fellay, il me l’a dit, va faire tout son possible pour que les choses n’en restent pas là. Je crois que c’est dans ses intentions. » (01:22:50)
Quels sont ces actes ?
Mon exclusion et celles de mes confrères ?
Monsieur le Supérieur Général, ne cachez pas votre volonté de m’exclure sous des dehors de légalité, car je ne regrette rien, à l’exception de quelques outrances de vocabulaire.
Vous prétendez m’exclure de la Fraternité. Mais de quelle Fraternité ?
- D’une Fraternité dont le premier assistant a prêché cette retraite scandaleuse aux Frères du district de France à Noël 2013, sans être sanctionné.
- D’une Fraternité dont un supérieur a pu faire participer tout son district à la prière œcuménique de François sans que ce scandale soit réparé.
Etc.
- « D’une Fraternité sans charité fraternelle ni unité doctrinale », comme vous l’écrivait l’un de nos confrères, car peut-on encore appeler Fraternité une société dont les supérieurs violent vos courriers, usurpent votre identité, et qui, en guise de sollicitude à l’égard de leurs subordonnés, usent de procès de type stalinien ?
Monsieur le Supérieur Général, c’est vous qui êtes à l’origine de cette crise grave ; mais si vous aviez vraiment souhaité la réconciliation, elle était aisée. Pour quelle raison ne l’avez-vous pas voulue ?
Tout en refusant de m’incliner devant votre tyrannie, Monsieur le Supérieur Général, je ne manque pas de prier quotidiennement pour vous, « sans aucune amertume ni aucun ressentiment ».
Abbé Nicolas Pinaud