jeudi 7 février 2019

Mgr LEFEBVRE ET LA JURIDICTION

C'est l'hiver ... à Menzingen ! 

Quand la néo-FSSPX se condamne elle-même…

La Maison générale de Menzingen sait conserver longtemps le silence sur les questions qui la gênent : exemple ancien l’affaire Vigano, exemple récent le cas de l’évêque suisse Huonder…
Mais quand elle communique, elle diffuse sur son site FSSPX-News des nouvelles variées sur l’actualité religieuse et politique de la planète, célèbre les grandes dates du calendrier liturgique ou évoque des thèmes spirituels. Au titre du divertissement culturel, elle s’intéresse aux événements de l’histoire, aux découvertes archéologiques, aux chefs d’œuvre de l’art,  et   autres sujets   assez   éloignés  des questions  centrales   du   combat  catholique,   « branding » oblige !
Parfois aussi, elle publie des textes plus sérieux justifiant sa « fidélité » – pense-t-elle ! – aux positions historiques héritées de Mgr Lefebvre, dans l’objectif évident de neutraliser auprès de son public les reproches de la « Résistance ».
Mais à ce petit jeu malin, il arrive qu’elle se prenne les pieds dans ses propres contradictions !

Sur le forum de la Fidélité, CMS nous en fournit un exemple récent lié au problème de la juridiction, suivi de son commentaire :

Dans sa livraison du 30 janvier 2019, le site de la Maison générale FSSPX-News publie un article « Obéissance vraie et fausse obéissance », d’où l’on peut extraire ce qui suit :

Citation :

« On relira avec fruit le chapitre XVIII de la Lettre ouverte aux catholiques perplexes de Mgr Lefebvre, intitulé L’obéissance vraie (réédition Clovis, 2016). En voici quelques extraits dont on verra toute l’actualité, 33 ans après leur première parution :
(…)
Dans l’Eglise, il n’y a aucun droit, aucune juridiction qui puisse imposer à un chrétien une diminution de sa foi. Tout fidèle peut et doit résister à quiconque touche à sa foi, appuyé sur le catéchisme de son enfance. S’il se trouve en présence d’un ordre la mettant en danger de corruption, la désobéissance est un devoir impérieux. »
(…) 
(nb : caractères mis en gras par nos soins).

Commentaire :

Mgr Lefebvre énonçait cette règle de bon sens dans l’un des ouvrages majeurs de son combat pour la foi (1ère édition 1985), en un temps où le « droit » était déjà le nouveau Code de 1983, qui contient on le sait plusieurs dispositions en rupture avec le magistère traditionnel, certaines tombant carrément sous le coup de l’hérésie. Quant à la « juridiction », elle était celle dont jouissaient à l’époque tous les évêques de l’Eglise catholique (mais dont il se trouvait personnellement privé, étant suspens a divinis depuis une dizaine d’années).

Si les nombreuses déviations répandues dans l’Eglise au milieu des années 80 appelaient déjà, selon le Prélat, un discernement en vue de protéger la foi, et exigeaient le cas échéant une « désobéissance catholique », qu’aurait-il dit de la Rome d’aujourd’hui et de son auto-destruction accélérée, conduite avec ténacité du haut en bas de sa hiérarchie ?

Qu’aurait-il dit surtout, s’il avait vu ses successeurs se laisser placer sans résistance dans l’orbite de cette nouvelle Rome, plus « conciliaire » que jamais, en acceptant du pape François – et l’en remerciant même ! - les « facilités » d’une juridiction officielle sur les sacrements… lui qui, de 1976 à sa mort, sous le coup des sanctions romaines, fut réduit à user du régime de la suppléance canonique pour exercer son sacerdoce et son épiscopat.

Certains objecteurs prétendront que la concession par le pape de la juridiction  de  l’Eglise  aux membres  d’une  société   sacerdotale  n’a   rien,  par   elle-même,   d’un  « ordre mettant (la foi) en danger de corruption » (pour reprendre les termes de Mgr Lefebvre). Selon le sens habituel des mots, peut-être…

Mais raisonner de la sorte, c’est faire preuve d’une désarmante naïveté, d’une totale déconnection du réel ; c’est tout ignorer des procédés obliques du pape et de son habileté redoutable dans la conduite de la révolution ecclésiale : épisode récent, François a déclaré qu’il n’abrogerait pas la loi du célibat pour le clergé de rite latin, … mais il admet étudier sérieusement l’ordination d’hommes mariés viri probati pour les zones pastorales en manque cruel de prêtres, îles du Pacifique ou Amazonie par exemple ! Qu'en sera-t-il demain en Europe et sur d'autres continents, à voir le taux de remplissage moyen des séminaires ? Vous suivez ?...

L’an   dernier,  un  ancien  professeur  à   Ecône  faisait  finement   observer    qu’une   « décision officielle » (de l’Eglise actuelle) pouvait être « matériellement bonne » tout en étant « subtilement  subversive »  voire  « profondément  radioactive »,  car « irradiée par les erreurs libérales du Concile », ce "Tchernobyl de l'Eglise". Pourquoi donc la concession d’une juridiction par le pape échapperait-elle à une si sage mise en garde ? N'est-ce pas une "décision officielle" ? N'est-elle pas "matériellement bonne" ?

Pour sa part, la FSSPX jure, la main sur le cœur, qu’elle n’acceptera pas d’exécuter un « ordre mettant en danger la foi », et en cela elle s’estime parfaitement fidèle au Fondateur. Dont acte !

Mais est-elle consciente du risque bien plus lourd qu’elle accepte parallèlement en se soumettant de façon stable à la discipline sacramentelle d’une autorité gravement défaillante dans la foi ? Ne voit-elle pas que le « cadeau » de ce pape (qui se dit lui-même « rusé » - un po’furbo  en italien - faut-il le rappeler) n’est qu’un traquenard destiné à contenir, pour la paralyser, la force combative de la Tradition dans son affrontement avec Rome ? Lorsque la Fraternité remercie son bienfaiteur, pourquoi s’élèverait-elle ensuite avec détermination contre son magistère hétérodoxe ? Peut-on adresser une correctio  doctrinale  solennelle  et  publique  à  celui  qui  vous « tient » comme ministre de « ses » sacrements ?

Il ne faut pas oublier que cette juridiction vient de l’Eglise certes, mais agissant sous son état d’Eglise « conciliaire », saccagée dans sa doctrine et sa liturgie, défigurée par des scandales inouïs dans le domaine de la foi et des mœurs, sans parler de ses complicités avec le nouvel Ordre mondial. Dans un jugement objectif sur la question, on n’a pas le droit de faire l’impasse sur ce contexte, ni bien entendu sur le contenu théologique et moral de l’enseignement habituel venant de Rome, « néo-moderniste et néo-protestant » selon les termes de Mgr Lefebvre.

Dès lors, serait-il imaginable que le « pape de la miséricorde » envers les homosexuels et les divorcés remariés ait décidé d’accorder une juridiction à la Fraternité pour que celle-ci s’autorise à refuser les sacrements aux contrevenants impénitents ? De même, croit-on sérieusement que le même pape ait voulu permettre aux époux de s’unir dans un prieuré de la FSSPX sous la juridiction déléguée par l’évêque du lieu, pour qu’ils se voient par la suite interdire d’invoquer au confessionnal la pastorale « conciliaire » du mariage, et devant les officialités diocésaines, les dispositions du nouveau Droit canon sur les cas de nullité ?

En somme, la Fraternité prétend continuer à « résister à Rome », mais elle s’est placée dans la situation de ne pas pouvoir exercer efficacement cette résistance.

Sur le plan général du combat doctrinal, ce ne sont pas des « discussions » savantes dans les bureaux des Congrégations romaines qui feront revenir les modernistes à la foi de la « Rome éternelle », et Menzingen le sait parfaitement depuis l’échec de 2009-2011. Par conséquent, la relance prochaine de ces colloques doctrinaux ressemble à une opération de diversion, dans l’attente d’un assoupissement de l’opinion interne de la Fraternité. A moins qu’elle serve aussi - l’un n’empêche pas l’autre ! - à négocier discrètement les derniers « paliers » du processus de régularisation canonique toujours en cours.

Sur le plan sacramentel, de sévères déconvenues sont à prévoir : les confesseurs se verront placés – ils le sont déjà, sans doute - dans des dilemmes de conscience intenables, tiraillés entre leurs positions doctrinales traditionnelles et le laxisme des pratiques couramment admises par une Eglise… de laquelle ils tiennent le pouvoir d’absoudre ! Plus grave encore dans le cas du mariage, la Fraternité sera amenée à collaborer malgré elle à la ruine de certains couples parmi ses fidèles, puisqu’elle ne pourra pas les soustraire à l’application néfaste du nouveau Droit canon, après avoir scellé leur union par délégation de l’Ordinaire diocésain.

En l’occurrence donc, la seule et bonne question posée par Mgr Lefebvre aux autorités de la Fraternité aurait été celle-ci : « Rome a-t-elle renoué avec son magistère constant et sa tradition bimillénaire ? ».

La réponse étant négative, la règle de prudence énoncée dans son ouvrage de 1985 cité en tête aurait amené ce Bon Pasteur à conclure qu’il n’est pas, et ne sera jamais possible d’accepter une quelconque juridiction provenant d’une autorité qui « impose » à toute la chrétienté une « diminution de sa foi », pire encore une véritable apostasie collective !

S’il avait été compris et respecté, le solennel avertissement de cette “Lettre aux catholiques perplexes ” aurait dû conduire les membres de la Fraternité à refuser les actes posés par Mgr Fellay de sa seule autorité en 2015, 2016, et 2017 en ce qui concerne la juridiction reçue de Rome. Et la même priorité du Fondateur pour la sauvegarde de la foi devrait aujourd’hui empêcher son successeur l’abbé Pagliarani de persister dans son silence sur cette grave question des sacrements.

Morale de l’histoire : les chargés de communication de Menzingen seraient bien inspirés désormais de se relire avec soin… avant de citer imprudemment des textes de Mgr Lefebvre susceptibles de discréditer coram populo les positions de leurs Supérieurs !