mercredi 28 novembre 2018

Analyse des nouvelles discussions avec Rome


Par M. l'abbé Girouard,  le 22 novembre 2018 


Chers paroissiens d’Aldergrove et Post Falls, 

Le nouveau supérieur de la néo-FSSPX, l’abbé Pagliarani, a été reçu aujourd’hui à Rome par le président de la Commission Ecclesia Dei (Mgr Pozzo). Il avait demandé une telle rencontre après son élection en juillet. Vous pourrez trouver plus de détails dans le lien suivant :  Source

Permettez-moi juste de dire ceci : 
  1. Comment un véritable amoureux et soldat du Christ-Roi peut-il souhaiter rencontrer les membres d’une telle organisation (l’Eglise Conciliaire) qui, comme l’a écrit Mgr Lefebvre, L’a découronné ? Comment une personne, ayant une claire vision de la Foi catholique et du culte pur dû au Dieu Tout-Puissant, peut-elle engager des discussions et négociations avec des ennemis de Dieu non repentis ? Comment peut-on prétendre travailler au salut des âmes alors que l’on « discute » avec ces responsables non repentis de la perte de millions d’âmes (beaucoup d’entre eux étant nos proches) ? 
  2.  La Fraternité a déjà discuté durant deux ans (2009-2011). Les résultats officiels furent qu’elles ont mis en évidence des différences doctrinales inconciliables entre l’Eglise Conciliaire et la Fraternité. Mais nous savons que Rome n’a pas changé depuis 2011, si ce n’est en pire. Nous savons aussi qu’ils ne sont pas sur le point de s’améliorer et de rejeter Vatican II et ses « réformes ». C’est pourquoi, de telles nouvelles discussions doctrinales, si elles doivent avoir un seul objectif, doivent tenter d’obtenir une autre conclusion que celle de 2009-2011, et ceci ne peut uniquement se réaliser que si la Fraternité est prête à changer ses propres vues doctrinales. (En pratique, l’abandon en 2012 de la Déclaration de 2006 était déjà un changement de doctrine, un virage vers le libéralisme). 
  3. Malgré cette conclusion « décevante » des discussions de 2009-2011, Rome proposa, le 14 septembre 2011, un « Préambule » en vue d’un accord. Il fut étudié et rejeté lors de la réunion spéciale des supérieurs majeurs à Albano en octobre 2011. Le fait que ce « Préambule » soit même étudié et discuté par les autorités de la FSSPX, malgré l’échec des discussions doctrinales de 2009-2011, et le fait qu’il soit refusé à Mgr Williamson d’y assister (à cause de son refus de fermer son blogue « Commentaires Eleison » qui dénonçait ces tractations avec Rome), nous montre que le désir d’une « normalisation » était déjà fort dans de nombreux cœurs… 
  4. Malgré ce refus du « Préambule » romain en octobre 2011, le Supérieur Général de la Fraternité à cette époque (Mgr Fellay) maintint des contacts avec Rome, et lui proposa sa propre version du Préambule le 15 avril 2012. Cette « Déclaration » destinée à Rome n’était que légèrement différente du Préambule romain de 2011. Mgr Fellay reçut alors l’assurance de ses « amis » romains que cette Déclaration était acceptée par le Pape, et qu’il serait convoqué à Rome en juin pour signer l’accord final. Alors Mgr Fellay et ses collaborateurs entreprirent une tournée mondiale de conférences, sermons et interviews télévisées pour promouvoir cette idée d’une « reconnaissance » romaine. 
  5. La seule chose qui empêcha cet accord formel entre Rome et la Fraternité à ce moment, ce fut la fuite, le 10 mai 2012, des lettres échangées les 7 et 14 avril de cette année-là entre Mgr Fellay et les trois autres évêques de la FSSPX qui étaient opposés à cette Déclaration (qu’il leur avait soumise avant de l’envoyer à Rome le 15 avril). Cette fuite et le voyage « promotionnel » de Mgr Fellay et ses amis ayant créé une forte réaction publique de nombreux prêtres de la FSSPX, Rome déclara, le 16 mai 2012, que le cas de Mgr Fellay et celui des trois évêques dissidents devraient être négociés séparément avec Rome. C’était une manière de dire que, en raison des dissensions internes au plus niveau dans la Fraternité, un accord général entre la Rome conciliaire et la Fraternité n’était pas possible à ce moment. En d’autres mots : avant que Rome puisse « normaliser » la Fraternité, celle-ci devait remettre de l’ordre dans ses rangs et revenir avec un front uni. 
  6. Alors, Rome, comme promis, convoqua Mgr Fellay à Rome. Il s’y conforma rapidement et le 13 juin, il était là-bas. Mais il lui fut donné à signer une nouvelle version de sa Déclaration du 15 avril, dans laquelle il y avait un paragraphe supplémentaire demandant l’entière acceptation de Vatican II. Ainsi Rome permettait-elle à Mgr Fellay de sauver la face à l’intérieur de la Fraternité, en lui donnant une raison officielle de refuser la dernière proposition romaine, et donc de paraître à nouveau « traditionnel ». Mgr Fellay déclara alors que tous les contacts avec Rome étaient suspendus et que la Fraternité était « revenue au point de départ ». (13 juin 2012)
  7.  Malgré ce « vaillant » refus de la proposition romaine de juin par Mgr Fellay, le Chapitre Général subséquent (Juillet 2012) fit un changement à 180° de la politique de la Fraternité, et déclara officiellement que la Déclaration du Chapitre Général de 2006 (« Pas d’accord pratique sans accord doctrinal », c’est –à-dire pas d’accord avec la Rome non-convertie) était désormais nulle et non nécessaire, et qu’une reconnaissance par la Rome non-convertie pouvait maintenant être acceptée, pour autant que Rome remplisse trois « conditions nécessaires » pour protéger l’ « identité » et la « mission » de la Fraternité. (Je reviendrai sur ce point plus loin) 
  8. En outre, le Chapitre Général de 2012, grâce à l’intervention de l’abbé Pagliarani (Et oui ! le nouveau Supérieur Général !), ne condamna pas Mgr Fellay pour sa proposition du 15 avril à Rome. De plus, il en sortit une Déclaration finale d’unité, disant explicitement que la Fraternité, après quelques temps de difficultés, avait retrouvé son unité. Plus tard, le Supérieur Général et ses assistants procédèrent à l’expulsion officielle, ou au déplacement « dans la brousse », de tous ceux qui avaient exprimé publiquement leur opposition à l’abandon de la politique de 2006, c’est-à-dire Mgr Williamson et quelques prêtres (votre humble serviteur étant l’un d’eux). Ainsi, seulement quelques mois après que Rome ait envoyé le message que les Supérieurs de la FSSPX avaient besoin de « remettre de l’ordre dans ses rangs » et de se présenter « avec un front uni », il fut visible que ces souhaits avaient été accomplis. 
  9. Cela conduisit à davantage de rencontres avec les officiels romains, et même avec le Pape François, et à l’adoption par Mgr Pozzo et Mgr Fellay, en septembre 2014, de la résolution de « régulariser » la situation de la FSSPX, et d’arriver à la « pleine communion », en travaillant « par palier ». Ils déclarèrent aussi qu’une « régularisation » pourrait s’opérer avant que tous les points de divergence soient éclaircis, et que ces « questions difficiles » pourraient être traitées, dans une atmosphère de « charité fraternelle », après la « normalisation ». 
  10. Ceci fut suivi de « concessions » de la part de Rome qui « régularisèrent » l’administration de sacrements par la Fraternité : la Pénitence (d’abord provisoirement en 2015, et ensuite à titre définitif en 2016) ; les Saints Ordres (2016) ; et le Mariage (2017). Ces « concessions » amenèrent la Fraternité, au moins pour l’administration de ces trois sacrements, sous l’autorité du Code de Droit Canon de 1983 (qui, comme l’a écrit J-P II dans sa Préface, met sous forme de lois les enseignements de Vatican II). Ces « concessions » furent toutes acceptées, avec gratitude et officiellement, par le Conseil Général de la Fraternité (Mgr Fellay et ses deux assistants). 
Tout ce qui précède nous montre que les discussions doctrinales de 2009-2011 ont mené à un tel point que, sans la fuite, en mai 2012, des lettres échangées par les quatre évêques, la Fraternité aurait été « reconnue », au printemps 2012, par la Rome non-convertie, et il lui aurait été donné un statut de Prélature Personnelle. 

Et même si ce plan ne fut pas réalisé en juin 2012, il a néanmoins conduit à des changements radicaux dans les orientations de la Fraternité et parmi ses membres, seulement quelques mois plus tard ! 
(Une rapide remarque au sujet des « conditions nécessaires » à un accord avec l’Eglise Conciliaire décrétées lors du Chapitre Général de 2012 : Ces « conditions » posées par la néo-FSSPX sont une réminiscence du langage utilisé dans tous les accords signés par les autres Sociétés traditionnelles et l’Eglise Conciliaire ! En effet, tous ces accords affirment que Rome promet de protéger « la grâce et le charisme propres » de l’Institut ! Maintenant, réfléchissez un tout petit peu, et vous verrez à quel point un tel langage est très révélateur ! Effectivement, si Rome déclare qu’être Catholique est «une grâce et un charisme propres » de l’institut religieux qui nécessite une approbation spéciale et une protection de la part de Rome, cela implique que Rome ne considère pas le fait d’être Catholique comme le « courant dominant » et « normal » dans l’Eglise Conciliaire ! Et la raison en est que l’Eglise Conciliaire est officiellement œcuménique depuis la fin du Concile (1965). En d’autres mots, lorsque l’Eglise Conciliaire « reconnaît » un institut traditionnel,
  • Elle déclare implicitement que l’Eglise Conciliaire est différente de l’Eglise Catholique 
  • Elle accepte la Tradition dans un esprit d’œcuménisme, c’est-à-dire celui de « L’unité dans la diversité ». ) 
Revenons au 22 novembre 2018 : à présent, que pouvons-nous raisonnablement espérer de la requête de l’abbé Pagliarani de ré-ouvrir les « discussions doctrinales » avec Rome ? 

Evidemment, rien de bon ! 

En effet, durant les discussions doctrinales de 2009-2011, la Fraternité était toujours officiellement guidée par la Déclaration du Chapitre Général de 2006 (mentionnée au point 7). De plus, durant ces discussions, la Fraternité avait trois de ses quatre évêques opposés à un accord « pratique » avec la Rome non-convertie. La Fraternité pouvait aussi compter en son sein sur un bon nombre de prêtres farouchement anti-libéraux, qui n’avaient pas peur d’ « aboyer face aux loups déguisés en agneaux » publiquement. 

Mais, en 2018, la Fraternité commencera une nouvelle série de discussions doctrinales avec la Rome Conciliaire sur une base beaucoup plus faible ! Parce que depuis 2012, la Fraternité a changé en profondeur ! 

En effet, depuis 2012 : 
  1. La Fraternité a accepté le principe d’un accord avec une Eglise Conciliaire qui resterait Conciliaire. 
  2. Elle a expulsé tous ses membres qui étaient publiquement anti-libéraux, et Mgr De Galarreta et Mgr Tissier ont changé d’avis et rejoint Mgr Fellay. 
  3. En acceptant les trois « concessions » romaines de 2015, 2016 et 2017, elle s’est déjà placée sous la juridiction du Code de Droit Canon moderniste de 1983 et sous les autorités modernistes. 
  4. Le Chapitre Général de 2018 a de nouveau négligé de condamner la Déclaration de Mgr Fellay du 15 avril 2012, qui avait été initialement approuvée par le Pape Benoît XVI. 
  5. Ce même Chapitre Général de 2018 a élu à sa tête cinq Supérieurs Majeurs qui ont été actifs dans la recherche d’une « régularisation » par l’Eglise Conciliaire. 
  6. Il adopta également une tournure de phrase ambiguë qui peut être interprétée comme donnant au nouveau Supérieur Général pleine et absolue autorité pour signer unilatéralement un accord avec l’Eglise Conciliaire, c’est-à-dire sans avoir besoin de l’approbation d’un nouveau Chapitre Général. (Evidemment, une telle ambiguïté dans les propres documents officiels de la Fraternité n’est pas de bon augure pour la clarté des discussions à venir avec Rome !) 
C’est pourquoi, si les discussions de 2009-2011 amenèrent la Fraternité solide au bord d’un accord formel avec l’Eglise Conciliaire, nous avons des raisons de craindre que les discussions de 2018 conduiront une Fraternité faible à accepter formellement de rendre « entière » ce qui n’a été jusqu’ici qu’un régularisation « partielle », en d’autres termes, à aller d’un « Communion » partielle à une « Communion » entière. Ceci peut uniquement apporter un désastre en ce monde et dans l’autre. 

Les Supérieurs, membres et fidèles de la néo-FSSPX devraient se souvenir de l’avertissement donné par Notre-Seigneur dans le Livre de l’Apocalypse : « Sortez de Babylone (c’est-à-dire la Grande Babylone sise sur les sept collines = la Rome Prostituée), mon peuple, de peur que vous n’ayez part à ses péchés et que vous ne receviez de ses plaies. » (Apocalypse 18:4 ) 

Que Dieu ait pitié de Son Eglise ! 

Abbé P. Girouard

Traduction par nos soins, revue et approuvée par l'abbé Girouard