Mgr Huonder est un évêque suisse
de langue allemande, qui a pris sa retraite, il y a quatre ans, dans une école de la Fraternité. Le
communiqué qui l'annonçait précisait dans quel
but : « se consacrer à la prière et au silence» ; ce qui semblait
exclure le ministère. En réalité, dès le début, Mgr Huonder s'est vu confier du catéchisme,
des confessions, des prédications pour
les élèves. Par la suite, il a visité
différentes chapelles, et à la Pentecôte 2021 il a même célébré une messe pontificale au séminaire de
Zaitzkofen, en Allemagne. C'est dans
ce même séminaire que, le jeudi saint
dernier (6 avril), il a de nouveau célébré une messe pontificale, cette fois
pour la consécration des saintes huiles. Il s'agit d'une cérémonie très importante,
puisque les saintes huiles sont la matière des sacrements de confirmation
et d'extrême-onction, et sont utilisées
également pour le baptême et l'ordre.
Pour qu'un évêque consacre
validement les saintes huiles, il faut qu'il soit vraiment évêque, c'est-à-dire
qu'il ait été sacré validement, et d'abord qu'il ait été ordonné validement en
tant que prêtre. Or Mgr Huonder a été ordonné prêtre en 1971 et sacré évêque en
2007, donc dans les deux cas selon le nouveau rite d'ordination ou de sacre,
qui remonte à 1968. Il semble que ce nouveau rite soit valide en soi, mais en pratique il est douteux. C'est ce qu'affirmait Mgr Lefebvre dans une
circonstance très solennelle, le 30 juin 1988 : les sacrements des évêques conciliaires « sont tous douteux »,
Quand il s'agit d'une chose aussi
vitale que les sacrements (qui sont les moyens par lesquels Notre-Seigneur nous
communique sa vie surnaturelle), on ne peut rester dans le doute. Il faut être «tutioriste », comme disent les
théologiens, c'est-à-dire aller au plus sûr, avoir la certitude qu'un donne ou
qu'on reçoit des sacrements valides. Si Mgr Lefebvre a fondé sa Fraternité,
c'est pour préserver le sacerdoce catholique, et du même coup la messe catholique
et les sacrements catholiques. Il a sacré quatre évêques dans le même but.
Je reviens à Mgr Huonder: il y a
un doute sur la validité de son ordination sacerdotale et de son sacre
épiscopal, ce qui entraîne un doute sur la validité de toutes les confirmations
et de toutes les extrêmes-onctions qui seront administrées avec les saintes
huiles consacrées le jeudi saint dernier à Zaitzkofen. Il s'agit donc d'un
événement gravissime, qui malheureusement n'a pas fait beaucoup de vagues;
malheureusement, parce que les prêtres qui ne sont pas d'accord auraient dû
protester publiquement. Leur silence est un silence complice. On sait cependant que quelques prêtres
allemands refusent d'utiliser les saintes huiles consacrées par Mgr Huonder (ce
qui est le signe qu'il y a vraiment un doute).
Dans les semaines qui ont suivi
cette cérémonie, le site de la Fraternité a publié trois vidéos présentées comme un « témoignage de Mgr
Huonder », sans doute pour rassurer les prêtres et les fidèles sur ses bonnes
dispositions. Nous allons voir que cela ne rassure guère, mais de toute façon
nous n'avons pas à juger ses intentions; le problème est objectif : ce Mgr Huonder
est-il vraiment évêque? les huiles qu'il
a consacrées il y a deux mois en Allemagne sont-elles vraiment des saintes
huiles? les enfants qui sont confirmés,
les malades qui sont extrémisés avec ces huiles reçoivent-ils vraiment les
sacrements de confirmation ou d'extrême-onction ? - Ceci dit, même si on
pouvait avoir une certitude quant à la validité du sacre de Mgr Huonder (auquel
cas les supérieurs auraient dû l'expliquer, au lieu de réclamer une confiance
qu'ils ne méritent plus, au moins depuis le 15 avril 2012), même en ce cas on pourrait
se demander s'il était convenable de faire célébrer une telle cérémonie par cet
évêque. C'est là qu'il est intéressant d'analyser brièvement les trois vidéos.
On y trouve quelques paroles
assez fortes au sujet de la crise, par exemple lorsqu'il dit que l'abolition du
rite traditionnel est « une injustice, un abus de pouvoir ». Mais il y a bien des éléments qui montrent
qu'il est loin d'adhérer au combat de la foi que nous voulons mener dans le
sillage de Mgr Lefebvre. Quelques exemples:
- Il est très bienveillant envers
Benoît XVI. Il se trompe d'ailleurs quand il prétend que ce pape a «levé
l'excommunication injuste de Mgr Lefebvre et des évêques de la Fraternité» : l'excommunication
n'était pas seulement injuste, mais invalide; et Benoît XVI n'a pas parlé de
Mgr Lefebvre (ni de Mgr de Castro Mayer).
- Au sujet d'Assise, il emploie
les expressions de « choc» et de « perte de confiance », mais il ne semble pas
voir qu'il s'agit d'abord et surtout d'un blasphème contre Notre-Seigneur.
- Il reconnaît qu'il porte un «
regard nouveau» sur ce qui s'est passé dans l'Église depuis quelques dizaines
d'années, mais il ne fait aucune allusion à son propre passé d'évêque très conciliaire,
très œcuméniste. Il est par exemple à l'origine du dies judaïcus, le «jour du judaïsme », institué en Suisse en 2011
et adopté ensuite par d'autres pays. Ses vidéos ne constituent pas une
profession de foi comme celle de Mgr Lazo en 1998 ou comme la célèbre
déclaration de Mgr Lefebvre en 1974. Monseigneur y affirmait clairement
son « refus catégorique d'acceptation de
la réforme ».
- Pour Mgr Huonder, la position
de Mgr Lefebvre sur le Concile est beaucoup plus nuancée: elle se résume dans
une lettre de Monseigneur où il acceptait le Concile «interprété dans le sens
de la Tradition ». C'est vrai que Monseigneur avait employé cette formule, mais
il faut se souvenir du contexte: c'était fin 1978, juste après l'élection de
Jean-Paul II, qui avait fait naître un certain espoir après les quinze années
désastreuses du pontificat de Paul VI. Mais Monseigneur en était vite revenu, et
il avait émis des jugements beaucoup plus sévères sur Vatican II.
- J'ai remarqué dans les vidéos
plusieurs habitudes caractéristiques des ralliés: Mgr Huonder cite le texte du
Concile sur la liturgie pour critiquer la messe de Paul VI, alors que Paul VI
est inséparablement le pape du Concile et le pape de la nouvelle messe, et que
la nouvelle messe est la messe du
Concile. Il se réfère au nouveau code de droit canon. Il évoque « les prêtres qui,
pour des raisons de conscience, voulaient rester fidèles à la liturgie
traditionnelle », ce qui n'est pas faux mais très incomplet, puisqu'il faudrait
dire « pour des raisons de foi ». Il insiste sur le droit à la messe
traditionnelle, qui est bien réel mais qui n'est pas l'essentiel : nous refusons
la nouvelle messe parce qu'elle est mauvaise, dangereuse, empoisonnée. D'une manière
générale, Mgr Huonder insiste davantage sur la loi que sur la foi.
- Un dernier point très important
: il explique qu'en janvier 2015 Rome lui a demandé de faire le lien avec la
Fraternité, en vue ... d'une reconnaissance canonique. On sait par ailleurs qu'il
a été impliqué dans le « cadeau» du pape François à la Fraternité fin 2015 : la
juridiction pour les confessions. Il affirme également s'être installé dans une
maison de la Fraternité avec la bénédiction de Rome. Et à la fin de la
troisième vidéo, il avoue franchement: « J'ai rempli ce mandat [du
Saint-Siège], et je suis toujours en train de le remplir.» Voilà qui est clair: Mgr Huonder travaille,
aujourd'hui encore, à l'intégration de la Fraternité dans l'Église conciliaire,
intégration qui ne peut aboutir qu'à une désintégration. On peut craindre
que «l'affaire Huonder » ne soit pas
terminée, et que d'autres «paliers» se préparent.
Prions pour la Fraternité, qui
est de plus en plus en grand danger, et demandons au Saint- Esprit - même si
l'octave de Pentecôte est terminée - de nous donner la lucidité et la force: la
lucidité pour y voir clair, la force pour marcher droit.