En ce début de Carême voici un sermon de St Bernard sur la Pénitence.
1. L'âme a trois états;
elle est unie au corps, séparée du corps, ou réunie au corps. Dans le
premier état elle doit faire pénitence, et dans les deux autres elle a
en partage le repos ou le châtiment, suivant qu'elle a fait le bien ou
le mal dans son corps (II Cor. V, 10). En effet, pour faire pénitence
il faut trois choses, le temps, un corps, et le lieu. La nécessité du
temps ressort de ces mots de l'Apôtre : « Voici maintenant le temps
favorable, voici le jour du salut (II Cor.
VI, 2). » Quant au corps, voici ce que le même Apôtre en dit : « Nous
devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que
chacun de nous reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises
actions qu'il aura faites pendant qu'il était revêtu de son corps (II
Cor. V, 10). Et voici ce que l'Écriture nous dit au sujet du lieu : «
Si l'esprit de celui qui a la puissance s'élève sur vous, ne quittez
point votre place (Eccl. X, 4). » Or, le
temps se divise en trois parties, le passé, le présent et le futur.
Quiconque fait pénitence comme il faut ne perd aucune de ces parties. En
effet, il répare le passé qu'il avait perdu, quand il repasse ses
années écoulées dans l'amertume de son âme; pour le présent, il s'en
assure la possession par les bonnes oeuvres, et quant à l'avenir il le
tient par la constance de son bon propos. Voici comment l'Apôtre parle
du passé : « Rachetant le temps parce que les jours sont mauvais (Ephes.
V, 16). » Quant aux oeuvres du présent il nous y engage en ces termes :
«Pendant que nous en, avons le temps faisons du bien à tous, mais
surtout aux domestiques de la foi (Galat.
VI, 10). » C'est le Seigneur lui-même qui nous parle de l'avenir; voici
comment il le fait « Quiconque persévérera jusqu'à la fin sera sauvé
(Matt. X, 22). »
2.
Le corps aussi nous est nécessaire pour faire pénitence. C'est, en
effet, dans le corps que nous pouvons souffrir des maux et faire du
bien: souffrir les uns pour les fautes que nous avons commises, et faire
du bien pour acquérir les récompenses éternelles. Aussi comment une
âme sortie de son corps sera-t-elle en état de faire de dignes fruits
de pénitence ? Mais il faut noter que la pénitence que nous faisons
dans le corps est courte et légère: elle est courte, attendu que la
mort du corps y met fin, et légère parce que, unie au corps, l'âme la
supporte plus facilement. Au contraire elle serait lourde si l'âme était
seule pour la supporter; plus elle en laisse au corps, plus le poids
qu'elle en garde pour elle est allégé. Enfin le lieu semble également
utile et nécessaire pour faire pénitence, or, ce lieu c'est l'Église du
temps présent. Quiconque néglige d'y faire pénitence comme il faut,
pendant qu'il vit dans son corps, ne peut obtenir aucun remède de salut
dans l'autre monde.