mercredi 27 septembre 2017

Comprendre la signature de Mgr Fellay à la "Correctio filialis"

(traduit par les soins de Reconquista)

Introduction:

Le 23 septembre, le blog  Rorate Coeli a publié un document intitulé « Correctio Filialis de Haeresibus Propagatis », qui accuse le pape François de promulguer sept hérésies distinctes contenues dans l'exhortation apostolique  Amoris Laetitia.  Le document a été remis au Pape le 11 août, et parmi les  62 premiers signataires (numéro symbolique?), on retrouve  celui de Mgr Bernard Fellay.


La présence de la signature de Mgr Fellay a suscité au moins autant de discussions que les mérites de la lettre elle-même, ou son but implicite (ce qui semble être soit l'incitation à une rétractation papale des hérésies indiquées dans le document, soit, à défaut, l'incitation des cardinaux à commencer le processus de dépôt pontifical), ce qui est à première vue aussi surprenant qu'incongru:

Comment se fait-il que Mgr Fellay qui empêche ses prêtres de s'exprimer sur les relations FSSPX-Rome (sauf si ces mêmes prêtres plaident en faveur d'un accord pratique avec la Rome non convertie); qui lui-même est trop timide pour condamner même le troisième congrès œcuménique à Assise, jusqu'à ce qu'il soit dépassé par un ex-supérieur de district indigné à cet égard; qui a supervisé une campagne de « branding » très réussie qui brouille toute critique substantielle des modernistes romains; qui a sanctionné ses propres  prêtres qui ont osé s'opposer à son processus de ralliement; qui est en  collusion avec la Rome moderniste (Archevêque di Noia) en demandant (c'est-à-dire en ordonnant) à ses prêtres de ne pas prêcher contre les erreurs de Vatican II en chaire; comment un tel homme ose-t-il mettre sa signature au bas d’un document qui déclare essentiellement le pape comme hérétique?

Le but de cet article sera d'offrir une explication possible.

II. Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes:

Nous avons expliqué dans des articles précédents ( voir ici  et ici ) que Mgr  Fellay est une créature d'habitude, et si vous êtes attentif à son modus operandi dans le passé, vous pouvez prévoir de  manière assez précise la direction qu’il prendra à l'avenir.  Dans cette optique, nous avons rappelé qu’à la fin de 2011, Mgr Fellay a convoqué une réunion des supérieurs majeurs de la FSSPX à Albano, en Italie, pour évaluer les avis concernant l'acceptation d'un préambule doctrinal secret avant le Chapitre général 2012 plusieurs mois plus tard, ce qui aurait amené la Fraternité à un accord pratique  avec la Rome non convertie. Et nous avons observé que le mois dernier, Mgr Fellay semblait répéter ce processus en convoquant une autre réunion des supérieurs majeurs plusieurs mois avant le Chapitre général de 2018 lors du récent pèlerinage de Fatima.

Une observation similaire a été faite en ce qui concerne le sermon de jour des ordinations, donné par  Mgr Fellay en 2012 et 2017 et l'affirmation selon laquelle les relations FSSPX-Rome étaient «de
retour à la case départ» (en dépit du déluge de compromis et  contradictions qui ont suivi la déclaration de 2012 ; nous attendons toujours que l’autre chaussure tombe, celle de 2017).

Nous aborderons ce thème en explorant les raisons possibles de la signature de Mgr Fellay à la Correction Filiale, mais avec cette observation supplémentaire : Mgr Fellay est intelligent et il tire les leçons  de ses erreurs:

En 2011, il ne considérait que les sentiments de son clergé, mais ignorait nettement  ceux des fidèles.  L'attitude officielle de la FSSPX envers les fidèles a été soigneusement résumée dans un article  un an plus tard:

"En fin de compte, avec  cet esprit moderne d'un désir déséquilibré d'informations et cette insistance sur un « droit de savoir », les âmes seront éloignées de la paix du Christ ... les non-membres de la FSSPX [par exemple, les laïcs] n'ont pas le droit strict d'être  informés des affaires internes de la FSSPX, qui est une congrégation religieuse ".

C'était une erreur stratégique, puisque les fidèles étaient bien conscients que Mgr Lefebvre disait presque exactement le contraire dans sa lettre ouverte de 1988 au cardinal Gantin :

"Ils ont en effet un droit strict de savoir que les prêtres qui les desservent ne sont pas en communion avec une église contrefaite, favorisant l'évolution, le pentecôtisme et le syncrétisme".

Par conséquent, cette fois-ci, Mgr Fellay a peut-être décidé de considérer les laïcs dans ses préparatifs pour le Chapitre général de juin 2018.

Comment ces préparatifs pourraient-ils se manifester?

D'une part, prétendre que toutes les négociations avec la Rome moderniste sont arrêtées (comme cela a été fait en 2012 et 2017), par la stratégie «retour à la case départ» (tout en conservant les concessions romaines et les étapes progressives vers une régularisation canonique qui ont été «gagnées»  par le compromis et la nouvelle conception de l’apostolat par la Fraternité (N de T : Branding)).

Et plus précisément, signer une étude rédigée par des conciliaires déclarant le pape comme hérétique.
La réaction naturelle parmi la majorité des fidèles de base sera : "Mgr Fellay a déclaré que les négociations sont terminées, et plus encore, il a même déclaré que le pape est un hérétique. Comment les résistants peuvent-ils affirmer qu'il essaie toujours d’établir un accord avec Rome ou que Mgr Fellay lui-même est compromis?"

Réponse : Nous constatons que Mgr Fellay ne fait que s'arrêter avant de poursuivre sa marche en avant. Il ne se retire pas ou ne renvoie les petits gâteaux  conciliaires qu'il a reçus (par exemple, la juridiction ordinaire pour entendre les confessions, l'autorisation romaine pour les ordinations sacerdotales, être déclarés  «catholiques» en Argentine, la juridiction pour être témoin aux mariages, la juridiction pour juger ses propres prêtres ... selon le Code de droit canonique de 1983, etc.).

III. Collusion avec Rome:

"Mais si vous avez raison que la signature de Mgr Fellay n'est qu'une tactique pour gagner le soutien du clergé et des fidèles avant le Chapitre général de 2018, il est clair qu'il doit être en collusion avec Rome (c.-à-d. sinon Rome ne comprendrait pas que sa signature n'était qu'une tactique, et le ralliement auquel Mgr Fellay a travaillé depuis 20 ans serait en danger) ".

Réponse : Est-ce vraiment si difficile à croire? N'avons-nous pas une preuve suffisante de collusion entre Mgr Fellay et Rome dans d'autres aspects du processus de ralliement?

  • La lettre de 2012 de Mgr  di Noia à tous les prêtres de la FSSPX dans le Cor Unum, les exhortant à cesser de prêcher sur les erreurs de Vatican II, comme on l'a déjà mentionné
  • Les réunions du GREC "discrètes mais non secrètes", qui ont travaillé en privé à la réalisation d'un accord pratique avec la Rome non convertie (par l'intermédiaire de "l'herméneutique de la continuité" de JPII en 1978), tout en disant publiquement à ses fidèles pourquoi nous ne devrions pas faire un accord avec la Rome non convertie
  • L'expulsion de Mgr Williamson, au sujet de laquelle l’abbé Andreas Steiner (porte-parole du district autrichien) a déclaré qu’elle rendrait  les négociations avec Rome beaucoup plus faciles
  • La signature de la Déclaration doctrinale du 15 avril 2012
  • La campagne de branding en général
  • L'accord entre Rome et Menzingen pour procéder à un accord par paliers, comme l'a bien établi l’abbé Olivier Rioult dans son livre "L’impossible réconciliation".
De nombreux autres exemples de collusion avec les modernistes romains pourraient être cités, mais ces quelques éléments suffisent à faire le point : Mgr Fellay n'est pas au-dessus d’une collusion ou d’une dissimulation dans la poursuite d'un accord avec les modernistes.

En fait, l’entièreté du  processus de ralliement depuis au moins 1997 n'a-t-il pas été un long processus de collusion?

IV. Mgr Fellay n'est pas la seule créature de l'habitude:

Si nous avons remarqué certains modèles dans le comportement de Mgr Fellay, nous les avons également remarqués à Rome.

Par exemple, lorsque, en 2012, Rome a rejeté la signature de Mgr Fellay à la Déclaration doctrinale du 15 avril, Rome lui a présenté une contre-offre de la 11ième heure qu'ils savaient qu'il devait rejeter.  Pourquoi ? Pour sauver l'autorité et l'honneur de l'évêque dans la FSSPX, et ainsi lui permettre de survivre au Chapitre général imminent, en créant l'apparence illusoire que Mgr Fellay tenait la ligne.

Rome pourrait-elle à nouveau aider Mgr Fellay ?

Considérez que si Rome pouvait permettre à Mgr Fellay de signer la correction filiale, elle lui offrirait encore une très grande assistance, servant à couvrir une grande partie de l'eau qui s'est écoulée sous le pont ces cinq dernières années, et en le dépeignant comme un  « néo –Athanase » : le seul évêque ayant le courage et la conviction de signer l'étude! [Apparemment, un émérite a depuis aussi signé].

Notez en passant que Mgr Fellay n'a fait aucun commentaire avec sa signature; aucune déclaration de motivation. Juste une signature nue.

Mais Cui bono ? (Qui en bénéficie ?)

Dans ce scénario, ce que Rome a à gagner, c’est une plus grande partie de la « tarte traditionnelle »: Rome n’ignore pas la grande méfiance et le malaise autour de la direction de Mgr Fellay.  Par conséquent, beaucoup pourraient hésiter au moment crucial, et refuser de le suivre dans le piège romain.  C’est pourquoi  Rome travaillerait à construire la confiance en Mgr Fellay.  Permettez-lui (et même ordonnez-lui) de signer la Correction filiale, par là vous le présentez ostensiblement comme le grand défenseur de la Tradition, qui ne travaille certainement pas pour un accord pratique à tout prix (sinon, comment pourrait-il appeler le Pape un hérétique, ce qui -apparemment – met à la poubelle le ralliement de la FSSPX?).

Beaucoup de gens crédules font cette observation et ont besoin de quelques conciliaires Romains.  
Ils ne peuvent tout simplement pas admettre que la Rome maçonnique pourrait suivre un tel plan d'action, comme si les qualités honorables de la Rome éternelle étaient encore présentes dans la Rome conciliaire.  Comme l'a reconnu l'auteur des Protocoles de Sion , cette astuce semble être « de trop» pour un esprit gentil, et c'est ainsi que nous sommes dépassés.

Rome non plus ne sera pas inconsciente du fait qu'en signant cette Correction filiale , Mgr Fellay a de nouveau collaboré et participe à des initiatives conciliaires, avec des prêtres conciliaires et des laïcs. Sûrement cela apporte un sourire au visage de Rome : «Oui, oui, Excellence, vous devez m'appeler un hérétique. Vous continuez à collaborer avec vos frères conciliaires, et bientôt  vous ne le regretterez pas vraiment. »

V. Conclusion:

Nous avons offert une explication possible pour la signature de Mgr Fellay à la Correction filiale du pape François. Nous ne déclarons pas que notre hypothèse est un fait. Nous ne sommes tout simplement pas en mesure de concilier le silence de Mgr Fellay face aux erreurs romaines, et les 20 ans de ralliement de la Fraternité, avec la valeur nominale de sa signature appelant ostensiblement François un hérétique.

En acceptant sa signature à sa valeur nominale, nous serions forcés de reconnaître que Mgr Fellay s'est converti à la Tradition, mais il n'y a pas d'autre preuve à l'appui d'une telle conversion.

Comme l’abbé Francois Pivert rapporte l’avoir observé  ici :

" Avec ses remontrances au pape, Mgr Fellay est-il converti?"

À toute révolution il faut ses conservateurs. Après être allé loin, il faut rassurer. Ce texte ne remet pas en cause la révolution moderniste, mais seulement une de ses conséquences les plus visibles. Et puis les signataires continueront à confesser sous l’autorité de ce pape qu’ils accusent de favoriser l’hérésie, à marier sous l’autorité des évêques ses complices. Comment peut-on honnêtement dénoncer la destruction de la famille par les modernistes et en même temps soumettre tous les mariages de la Tradition aux autorités modernistes et, donc, aux règles qui sont les leurs ? Mgr Fellay dénonce les évêques de Buenos-Aires ; a-t-il donné l’ordre de ne pas leur soumettre les mariages de la Tradition ? 

Et aussi, Mgr Fellay continuera à inscrire à Rome tous les nouveaux prêtres (et peut-être même tous les nouveaux diacres). 
Il continuera à condamner les « résistants » qui avaient osé lui adresser une correction fraternelle, et à condamner M. l’abbé Pivert qui avait osé publier en livre les enseignements de Mgr Lefebvre sur le sujet des rapports avec Rome. »

Pendant ce temps, Mgr Fellay a donné ses raisons de signer à  FSSPX.News .

Tout en étudiant  le contenu de la réponse de Son Excellence, un intervenant sur le  forum de la Résistance française offre cette analyse préliminaire:

« Mgr Fellay a pris un train en marche, celui de la réaction saine de quelques conservateurs internes à l'Eglise conciliaire.  En même temps, il ne veut pas perdre ce qu'il a déjà acquis sur le chemin de la prélature.

D'où : il participe à une réaction (qui ne s'en prend pas au Concile VII) pour rassurer son aile droite et en même temps, il relativise cette participation pour rassurer l'aile gauche...  Et le tour est joué ! » 

Le temps le dira, mais ce qui reste clair, c'est ceci:

Que François accorde une approbation canonique à un ennemi sans compromis, viril et vigoureux (c.-à-d. l’ancienne FSSPX ) est manifestement irrationnel et illogique. Par conséquent, si la FSSPX a gagné des privilèges, des concessions, une régularisation progressive et une juridiction partielle, c'est le signe le plus clair que la FSSPX n'est pas le même "animal" qu'elle fut.

A l'inverse, si Mgr Fellay est allé jusqu’aux mesures aussi extrêmes que celles mentionnées ci-dessus pour s'assurer qu'il (ou ses prêtres et évêques) n’offense pas la Rome moderniste, son explication reste une énigme:

Pourquoi Mgr Fellay perçoit-il un devoir de proclamer la vérité dans cette affaire d' Amoris Laetitia , alors qu’il a dit dans l'interview à CNS que la liberté religieuse était très limitée (et donc implicitement acceptable); que Vatican II appartient à la tradition de l'Église; que 95% de Vatican II est acceptable; ou limiter la condamnation de l’offense contre le premier commandement à Assise?

Nous retournons à la question rhétorique pince-sans-rire de l’abbé Pivert : Mgr Fellay est-il converti?

Il n'y a aucune preuve pour le suggérer, et beaucoup pour s'opposer à une telle conclusion.