(traduit par les soins de Reconquista)
Introduction:
Le 23 septembre, le blog Rorate Coeli a publié
un document intitulé « Correctio
Filialis de Haeresibus Propagatis », qui accuse le pape François de
promulguer sept hérésies distinctes contenues dans l'exhortation
apostolique Amoris Laetitia. Le document a été remis au Pape le 11 août, et parmi les 62 premiers signataires (numéro symbolique?),
on retrouve celui de Mgr Bernard Fellay.
La présence de la signature de Mgr Fellay a suscité au moins autant de discussions que les mérites de la lettre elle-même, ou son but implicite (ce qui semble être soit l'incitation à une rétractation papale des hérésies indiquées dans le document, soit, à défaut, l'incitation des cardinaux à commencer le processus de dépôt pontifical), ce qui est à première vue aussi surprenant qu'incongru:
Comment se fait-il que Mgr Fellay qui empêche ses prêtres
de s'exprimer sur les relations FSSPX-Rome (sauf si ces mêmes prêtres
plaident en faveur d'un accord pratique avec la Rome non
convertie); qui lui-même est trop timide pour condamner même le troisième
congrès œcuménique à Assise, jusqu'à ce qu'il soit dépassé par un ex-supérieur
de district indigné à cet égard; qui a supervisé une campagne de « branding »
très réussie qui brouille toute critique substantielle des modernistes
romains; qui a sanctionné ses propres prêtres qui ont osé s'opposer à son processus
de ralliement; qui est en collusion
avec la Rome moderniste (Archevêque di Noia) en demandant (c'est-à-dire en
ordonnant) à ses prêtres de ne pas prêcher contre les erreurs de Vatican II en chaire; comment
un tel homme ose-t-il mettre sa signature au bas d’un document qui déclare
essentiellement le pape comme hérétique?
Le but de cet article sera d'offrir une explication
possible.
II. Plus les choses changent, plus elles restent les
mêmes:
Nous avons expliqué dans des articles précédents ( voir
ici et ici ) que Mgr Fellay est une créature d'habitude, et si vous
êtes attentif à son modus operandi dans le passé, vous pouvez prévoir
de manière assez précise la direction qu’il
prendra à l'avenir. Dans cette optique, nous avons rappelé qu’à la fin de
2011, Mgr Fellay a convoqué une réunion des supérieurs majeurs de la FSSPX à
Albano, en Italie, pour évaluer les avis concernant l'acceptation d'un
préambule doctrinal secret avant le Chapitre général 2012 plusieurs mois plus
tard, ce qui aurait amené la Fraternité à un accord pratique avec la Rome non convertie. Et nous
avons observé que le mois dernier, Mgr Fellay semblait répéter ce processus en
convoquant une autre réunion des supérieurs majeurs plusieurs mois avant le
Chapitre général de 2018 lors du récent pèlerinage de Fatima.
Une observation similaire a été faite en ce qui concerne le
sermon de jour des ordinations, donné par
Mgr Fellay en 2012 et 2017 et l'affirmation selon laquelle les relations
FSSPX-Rome étaient «de
retour à la case départ» (en dépit du déluge de compromis et contradictions qui ont suivi la déclaration de 2012 ; nous attendons toujours que l’autre chaussure tombe, celle de 2017).
retour à la case départ» (en dépit du déluge de compromis et contradictions qui ont suivi la déclaration de 2012 ; nous attendons toujours que l’autre chaussure tombe, celle de 2017).
Nous aborderons ce thème en explorant les raisons possibles
de la signature de Mgr Fellay à la Correction Filiale, mais avec
cette observation supplémentaire : Mgr Fellay est intelligent et il tire les
leçons de ses erreurs:
En 2011, il ne considérait que les sentiments de son clergé,
mais ignorait nettement ceux des
fidèles. L'attitude officielle de la FSSPX
envers les fidèles a été soigneusement résumée dans un article un
an plus tard:
"En fin de compte, avec cet esprit moderne d'un désir déséquilibré
d'informations et cette insistance sur un « droit de savoir », les âmes
seront éloignées de la paix du Christ ... les non-membres de la FSSPX [par
exemple, les laïcs] n'ont pas le droit strict d'être informés des affaires internes de la FSSPX,
qui est une congrégation religieuse ".
C'était une erreur stratégique, puisque les fidèles étaient bien
conscients que Mgr Lefebvre disait presque exactement le contraire dans
sa lettre
ouverte de 1988 au cardinal Gantin :
"Ils ont en effet un droit strict de savoir que les
prêtres qui les desservent ne sont pas en communion avec une église
contrefaite, favorisant l'évolution, le pentecôtisme et le syncrétisme".
Par conséquent, cette fois-ci, Mgr Fellay a peut-être décidé
de considérer les laïcs dans ses préparatifs pour le Chapitre général de juin
2018.
Comment ces préparatifs pourraient-ils se manifester?
D'une part, prétendre que toutes les négociations avec la
Rome moderniste sont arrêtées (comme cela a été fait en 2012 et 2017), par la
stratégie «retour à la case départ» (tout en conservant les concessions
romaines et les étapes progressives vers une régularisation canonique qui ont
été «gagnées» par le compromis et la
nouvelle conception de l’apostolat par la Fraternité (N de T : Branding)).
Et plus précisément, signer une étude rédigée par des conciliaires
déclarant le pape comme hérétique.
La réaction naturelle parmi la majorité des fidèles de base sera : "Mgr Fellay a déclaré que les négociations sont terminées, et
plus encore, il a même déclaré que le pape est un hérétique. Comment les
résistants peuvent-ils affirmer qu'il essaie toujours d’établir un accord avec
Rome ou que Mgr Fellay lui-même est compromis?"
Réponse : Nous constatons que Mgr Fellay ne fait que
s'arrêter avant de poursuivre sa marche en avant. Il ne se retire pas ou
ne renvoie les petits gâteaux conciliaires qu'il a reçus (par exemple, la
juridiction ordinaire pour entendre les confessions, l'autorisation romaine
pour les ordinations sacerdotales, être déclarés «catholiques» en Argentine, la juridiction pour
être témoin aux mariages, la juridiction pour juger ses propres prêtres ...
selon le Code de droit canonique de 1983, etc.).
III. Collusion avec Rome:
"Mais si vous avez raison que la signature de Mgr
Fellay n'est qu'une tactique pour gagner le soutien du clergé et des fidèles
avant le Chapitre général de 2018, il est clair qu'il doit être en collusion
avec Rome (c.-à-d. sinon Rome ne comprendrait pas que sa signature n'était qu'une
tactique, et le ralliement auquel Mgr Fellay a travaillé depuis 20 ans serait
en danger) ".
Réponse : Est-ce vraiment si difficile à croire? N'avons-nous
pas une preuve suffisante de collusion entre Mgr Fellay et Rome dans d'autres aspects
du processus de ralliement?
- La
lettre de 2012 de Mgr di Noia à
tous les prêtres de la FSSPX dans le Cor Unum, les
exhortant à cesser de prêcher sur les erreurs de Vatican II, comme on l'a
déjà mentionné
- Les
réunions du GREC "discrètes mais non secrètes", qui ont
travaillé en privé à la réalisation d'un accord pratique avec la Rome non
convertie (par l'intermédiaire de "l'herméneutique de la
continuité" de JPII en 1978), tout en disant publiquement à ses
fidèles pourquoi nous ne devrions pas faire un accord avec la Rome non
convertie
- L'expulsion
de Mgr Williamson, au sujet de laquelle l’abbé Andreas Steiner
(porte-parole du district autrichien) a déclaré qu’elle rendrait les négociations avec Rome beaucoup plus
faciles
- La
signature de la Déclaration doctrinale du 15 avril 2012
- La
campagne de branding en général
- L'accord
entre Rome et Menzingen pour procéder à un accord par paliers, comme l'a
bien établi l’abbé Olivier Rioult dans son livre "L’impossible
réconciliation".
De nombreux autres exemples de collusion avec les
modernistes romains pourraient être cités, mais ces quelques éléments suffisent
à faire le point : Mgr Fellay n'est pas au-dessus d’une collusion ou d’une
dissimulation dans la poursuite d'un accord avec les modernistes.
En fait, l’entièreté du processus de ralliement depuis au moins 1997 n'a-t-il pas été un long processus de collusion?
IV. Mgr Fellay n'est pas la seule créature de
l'habitude:
Si nous avons remarqué certains modèles dans le comportement
de Mgr Fellay, nous les avons également remarqués à Rome.
Par exemple, lorsque, en 2012, Rome a rejeté la signature de
Mgr Fellay à la Déclaration doctrinale du 15 avril, Rome lui a présenté une
contre-offre de la 11ième heure qu'ils savaient qu'il devait
rejeter. Pourquoi ? Pour sauver l'autorité et l'honneur de l'évêque
dans la FSSPX, et ainsi lui permettre de survivre au Chapitre général imminent,
en créant l'apparence illusoire que Mgr Fellay tenait la ligne.
Rome pourrait-elle à nouveau aider Mgr Fellay ?
Considérez que si Rome pouvait permettre à Mgr Fellay de
signer la correction filiale, elle lui offrirait encore une très grande
assistance, servant à couvrir une grande partie de l'eau qui s'est écoulée sous
le pont ces cinq dernières années, et en le dépeignant comme un « néo –Athanase » : le seul évêque
ayant le courage et la conviction de signer l'étude! [Apparemment, un
émérite a depuis aussi signé].
Notez en passant que Mgr Fellay n'a fait aucun commentaire
avec sa signature; aucune déclaration de motivation. Juste une
signature nue.
Mais Cui bono ? (Qui en bénéficie ?)
Dans ce scénario, ce que Rome a à gagner, c’est une plus
grande partie de la « tarte traditionnelle »: Rome n’ignore pas la grande
méfiance et le malaise autour de la direction de Mgr Fellay. Par
conséquent, beaucoup pourraient hésiter au moment crucial, et refuser de le suivre
dans le piège romain. C’est pourquoi Rome travaillerait à construire la confiance
en Mgr Fellay. Permettez-lui (et même ordonnez-lui) de signer la Correction
filiale, par là vous le présentez ostensiblement comme le grand défenseur
de la Tradition, qui ne travaille certainement pas pour un accord pratique à
tout prix (sinon, comment pourrait-il appeler le Pape un hérétique, ce qui -apparemment
– met à la poubelle le ralliement de la FSSPX?).
Beaucoup de gens crédules font cette observation et ont
besoin de quelques conciliaires Romains.
Ils ne peuvent tout simplement pas admettre que la Rome
maçonnique pourrait suivre un tel plan d'action, comme si les qualités
honorables de la Rome éternelle étaient encore présentes dans la Rome
conciliaire. Comme l'a reconnu l'auteur
des Protocoles de Sion , cette astuce semble être « de trop»
pour un esprit gentil, et c'est ainsi que nous sommes dépassés.
Rome non plus ne sera pas inconsciente du fait qu'en signant
cette Correction filiale , Mgr Fellay a de nouveau collaboré et
participe à des initiatives conciliaires, avec des prêtres conciliaires et des
laïcs. Sûrement cela apporte un sourire au visage de Rome : «Oui, oui,
Excellence, vous devez m'appeler un hérétique. Vous continuez à collaborer
avec vos frères conciliaires, et bientôt vous ne le regretterez pas vraiment. »
V. Conclusion:
Nous avons offert une explication possible pour la signature
de Mgr Fellay à la Correction filiale du pape François. Nous
ne déclarons pas que notre hypothèse est un fait. Nous ne sommes tout
simplement pas en mesure de concilier le silence de Mgr Fellay face aux erreurs
romaines, et les 20 ans de ralliement de la Fraternité, avec la valeur nominale
de sa signature appelant ostensiblement François un hérétique.
En acceptant sa signature à sa valeur nominale, nous serions
forcés de reconnaître que Mgr Fellay s'est converti à la Tradition, mais il n'y
a pas d'autre preuve à l'appui d'une telle conversion.
" Avec ses remontrances au pape, Mgr Fellay est-il converti?"À toute révolution il faut ses conservateurs. Après être allé loin, il faut rassurer. Ce texte ne remet pas en cause la révolution moderniste, mais seulement une de ses conséquences les plus visibles. Et puis les signataires continueront à confesser sous l’autorité de ce pape qu’ils accusent de favoriser l’hérésie, à marier sous l’autorité des évêques ses complices. Comment peut-on honnêtement dénoncer la destruction de la famille par les modernistes et en même temps soumettre tous les mariages de la Tradition aux autorités modernistes et, donc, aux règles qui sont les leurs ? Mgr Fellay dénonce les évêques de Buenos-Aires ; a-t-il donné l’ordre de ne pas leur soumettre les mariages de la Tradition ?Et aussi, Mgr Fellay continuera à inscrire à Rome tous les nouveaux prêtres (et peut-être même tous les nouveaux diacres).
Il continuera à condamner les « résistants » qui avaient osé lui adresser une correction fraternelle, et à condamner M. l’abbé Pivert qui avait osé publier en livre les enseignements de Mgr Lefebvre sur le sujet des rapports avec Rome. »
Tout en étudiant le
contenu de la réponse de Son Excellence, un intervenant sur le forum de la
Résistance française offre cette analyse préliminaire:
« Mgr Fellay a pris un train en marche, celui de la
réaction saine de quelques conservateurs internes à l'Eglise conciliaire.
En même temps, il ne veut pas perdre ce qu'il a déjà acquis sur le chemin de la
prélature.
D'où : il participe à une réaction (qui ne s'en prend pas au Concile VII) pour
rassurer son aile droite et en même temps, il relativise cette participation
pour rassurer l'aile gauche... Et le tour est joué ! »
Le temps le dira, mais ce qui reste clair, c'est ceci:
Que François accorde une approbation canonique à un ennemi
sans compromis, viril et vigoureux (c.-à-d. l’ancienne FSSPX ) est
manifestement irrationnel et illogique. Par conséquent, si la FSSPX a
gagné des privilèges, des concessions, une régularisation progressive et une
juridiction partielle, c'est le signe le plus clair que la FSSPX n'est pas le
même "animal" qu'elle fut.
A l'inverse, si Mgr Fellay est allé jusqu’aux mesures aussi
extrêmes que celles mentionnées ci-dessus pour s'assurer qu'il (ou ses prêtres
et évêques) n’offense pas la Rome moderniste, son explication reste une énigme:
Pourquoi Mgr Fellay perçoit-il un devoir de proclamer la
vérité dans cette affaire d' Amoris Laetitia , alors qu’il a
dit dans l'interview à CNS que la liberté religieuse était très limitée (et
donc implicitement acceptable); que Vatican II appartient à la tradition
de l'Église; que 95% de Vatican II est acceptable; ou limiter la
condamnation de l’offense contre le premier commandement à Assise?
Nous retournons à la question rhétorique pince-sans-rire de
l’abbé Pivert : Mgr Fellay est-il converti?
Il n'y a aucune preuve pour le suggérer, et beaucoup pour
s'opposer à une telle conclusion.