samedi 13 janvier 2018

Le bien commun (Partie IV)

L'abbé Chazal donne ici une notion exacte du sacrifice qui, de soi, ne se rapporte qu'à Dieu puisque le sacrifice consiste dans le fait de faire du sacré ("sacrum facere"). On voit combien peut être fausse la notion de sacrifice faite dans une société qui détourne de Dieu (voire dans l'église conciliaire). Les prêtres, qui se sacrifient pour supporter une société dont les principes directeurs éloignent de Dieu et de la Vérité ( du bon sens),  font-ils réellement un sacrifice ?

IV - LA LOYAUTÉ AU BIEN COMMUN EST-ELLE POSSIBLE SANS SACRIFICE?

-Objection I : Réinvitons joyeusement Staline, Hitler, Mao, Fidel, Pol Pot et les autres moins célèbres gaspilleurs de l'humanité! 

-Objection II : Dire que l'individu est pour l'État est une notion dangereuse qui finit par reléguer la famille, voire même l'Église au rang d'instrument de l'État. Exalter l'idée de sacrifice au service de cette notion ne fait qu'empirer les choses. 

-Objection III : Faire rentrer cette notion de sacrifice en politique est bien ridicule; veut-on confondre le temporel et le surnaturel. 


*  La contemplation du souverain bien est une joie de ( l'âme qui nous attire hors de nous-mêmes diversement : elle nous penche sur les besoins des faibles et nous prépare au sacrifice pour le tout.
Par le mot sacrifice, nous n'entendons pas la notion d'effort et de destruction pénible, parce que la pénibilité n'est qu'une circonstance possible (et de fait fréquente) du sacrifice, tandis que le sacrifice lui-même est un acte par lequel l'esprit de l'homme est amené en Dieu. En soi un sacrifice n'est dû qu'à Dieu, mais on peut tout de même observer une certaine ressemblance entre les actes qui lient les hommes à Dieu et ceux qui les unissent à la société, pour la raison que l'amitié politique est une amitié envers un être supérieur, quoique non divin, et que rien n'est plus divin que le bien commun. (St Denis). Si la Cité réalise la nature humaine, est-il est surprenant que l'homme se voue aussi à elle?
C'est ici que les notions de loyauté et de sacrifice se rejoignent. Être loyal, c'est être lié en esprit et en action, de même que l'on se lie en esprit à celui auquel on sacrifie. La vigueur d'une société vient du degré de sa présence aimée dans l'esprit de ses membres. Tout ce qui suit n'est que conséquence: l'oubli de soi, les efforts et la générosité, la soumission aux chefs imparfaits, la volonté de s'accommoder avec les autres membres, coûte que coûte, pour la paix intérieure, etc. 


*  En d'autres termes, il s'agit pour les membres de réaliser qu'il ne sont qu'un seul corps, identifiant comme leur bien et fonctionne ment propre, le bien et le fonctionnement de l'ensemble du corps et de chacune de ses parties et l'union de toutes les parties entre elles par leur chef. Le bien commun est le meilleur bien du bien particulier et non la petite bulle ( électronique, entre autres bulles) dans laquelle beaucoup s'enferment aujourd'hui. 

Ainsi, l'agent de toute entreprise coordonnée peut légitimement mériter pour toutes les actions du corps dans lequel il a servi. Le tout peut être attribué à l'ensemble des parties (I, 77, 1, 1) : La petite ménagère du CHU de Gennevilliers a sa part de responsabilité dans les opérations à cœur ouvert qui se déroulent dans cet hôpital; le percussionniste de l'orchestre, même s'il n'est pas un Karajan, a bien joué la Cinquième etc. On dira ce que l'on voudra de la société japonaise des temps anciens, mais quelque chose force l'admiration: l'idée que chacun de ses membres s'adonne à accomplir avec perfection la moindre de ses tâches, du lever au coucher du soleil, en ayant toujours en présence la grandeur du Japon et le service de l'Empereur. Le libéralisme amené au Japon aura bien plus détruit le pays que n'importe quelles bombes nucléaires.

*  Tout cela suppose une habitude d'esprit, qui est en fait l'essence même du progrès social de l'humanité. Comparées au progrès spirituel, les prouesses techniques ne sont qu'un critère accessoire pour reconnaître une civilisation avancée, tandis que le degré de l'amitié politique est le critère essentiel. Les philosophes grecs ne s'y sont pas trompés, même s'ils n'ont pas toujours connu le chemin à prendre. Le sens du mot Samouraï va droit au but : Servir. 

- Réponse I : Les hommes restent encore sous le charme du même sophisme. Ce n'est pas parce que ces messieurs auraient quelque peu abusé de la générosité de leurs peuples que l'on doit placarder sur l'idée de sacrifice la kyrielle libérale d'adjectifs médiatiques mal connotés. 

- Réponse II : L'État n'est pas le bien commun, mais simplement un instrument de ce dernier. La sagesse antique, reprise par la sagesse chrétienne démontra que l'harmonie des parties entre elles réalise un bien tellement supérieur qu'il est le meilleur bien de la partie et justifie que l'on s'y dévoue intensément. 

- Réponse III : Toute réalité temporelle qui ne comporte pas d'assise spirituelle ne peut pas être stable, ou porter vie et répondre aux soifs humaines. Même les sociétés qui se targuent de laïcisme prétendent avoir un idéal; dévoyé certes, mais âme quand même. Malgré le paradoxe que cela représente, elles ont toujours loué l'héroïsme de ceux qui se sont sacrifiés pour l'individualisme!