jeudi 23 février 2023

Plus de Dostoïevski

KE 813 (11 février 2023)

Il faudrait consacrer la Russie sans retard.

Notre Seigneur a dit, hélas, qu’« il sera tard. »

Dans son dernier roman, Les Frères Karamazov (1879), le célèbre romancier russe Dostoïevski (1821–1881) exprime de nouvelles pensées profondes par la bouche d’un moine russe, le Père Zosime : le starets annonce l’échec de l’Occident libéral, et figure ce que l’Orient chrétien, et le monachisme russe en particulier, pourraient un jour apporter au monde. Nous verrons bien. Mais alors que l’Amérique et la Russie se préparent toutes deux au déclenchement d’une Troisième Guerre mondiale totale, la Consécration de la Russie demandée par Notre-Dame à Fatima gagne de plus en plus en importance, et la robuste pensée du Père Zosime en intérêt. L’extrait qui suit a été librement adapté et abrégé (Les Frères Karamazov, L. 6, ch. 3, e., trad. H. Mongault, NRF, 1935) –

Ces moines humbles et doux, qui aspirent à la solitude pour se livrer à la prière . . . ce sont eux qui sauveront peut-être encore une fois la Russie ! . . . Ils gardent dans leur solitude l’image du Christ, splendide et intacte, dans la pureté de la vérité divine, léguée par les Pères de l’Église, les Apôtres et les martyrs. Et quand l’heure sera venue, ils la révéleront au monde ébranlé dans ses croyances. C’est une grande idée. Cette étoile brillera à l’Orient.

 . . . . Regardez ces « élites » du Monde qui se dressent au-dessus du peuple chrétien. N’ont-elles pas altéré l’image de Dieu et sa vérité ? Ils ont la science, mais une science assujettie aux sens. Quant au monde spirituel, la moitié supérieure de l’être humain, on le repousse, on le bannit allégrement, même avec haine.  Le monde a proclamé le règne de la liberté, ces dernières années surtout ; mais que représente cette liberté ? Rien que l’esclavage et le suicide !

Car le monde dit : « Tu as des besoins, assouvis-les, tu possèdes les mêmes droits que les grands et les riches. Ne crains donc pas de les assouvir, accrois-les même ». Telle est leur conception de la « liberté ». Et que résulte-t-il de ce droit à multiplier ses besoins ? Chez les riches, la solitude et le suicide spirituel ; chez les pauvres, l’envie et le meurtre, car on a conféré des droits, mais on n’a pas encore indiqué les moyens d’assouvir les besoins. On assure que le monde, en abrégeant les distances, en transmettant la pensée dans les airs, s’unira toujours davantage, que la fraternité régnera. Ne croyez en rien à cette union des hommes, car elle altère leur nature reçue de Dieu, car elle fait naître de la haute société aux classes moyennes une foule de désirs insensés, d’habitudes et d’imaginations absurdes. Ils ne vivent que pour s’envier mutuellement, pour la sensualité et l’ostentation. Se montrer passe pour une nécessité à laquelle on sacrifie jusqu’à sa vie ; on se tuera même, faute de pouvoir la satisfaire. Quant aux pauvres, l’inassouvissement des besoins et l’envie sont pour le moment noyés dans l’ivresse. Mais bientôt, au lieu de vin, ils s’enivreront de sang. C’est le but vers lequel on les mène : les grandes guerres générales. Dites-moi si un tel homme est libre ?

On objecte qu’ils lutteront pour l’humanité ! Je réponds qu’ils seront incapables d’un effort soutenu. Rien d’étonnant à ce que les hommes aient rencontré la servitude au lieu de la liberté, et qu’au lieu de servir la fraternité et l’union, ils soient tombés dans la désunion et la solitude . . . . Aussi, l’idée du dévouement à l’humanité, de la fraternité, de la solidarité disparaît-elle graduellement dans le monde ; car comment se défaire de l’habitude de satisfaire les besoins innombrables que l’on s’est soi-même inventés ? Réduit à la solitude par sa « liberté », comment se soucier du reste de l’humanité ? En fin de compte, les biens matériels se sont accrus mais la joie a disparu.

Bien différente est la vie du religieux. On se moque de l’obéissance, du jeûne, de la prière ; cependant c’est la seule voie qui conduise à la vraie liberté ; je retranche les besoins superflus, je dompte et je flagelle par l’obéissance ma volonté égoïste et hautaine, je parviens ainsi, avec l’aide de Dieu, à la liberté de l’esprit et avec elle à la joie spirituelle ! . . . C’est le peuple qui sauvera la Russie et le moine russe a toujours été avec le peuple . . . . Le peuple terrassera l’athée et la Russie sera unifiée dans l’orthodoxie. Préservez le peuple et veillez sur son cœur. Instruisez-le dans la paix. Voilà votre mission de religieux, car ce peuple porte Dieu en lui. 

Kyrie eleison.