lundi 6 octobre 2014

Abbé David Hewko: On ne joue pas avec la Foi


“ON NE JOUE PAS AVEC LA FOI”





Par Monsieur l’abbé David Hewko

Le 8 novembre 2013, en la fête des Martyrs Couronnés


1  OBJECTION COURANTE: mais Mgr Lefebvre n’a jamais rejeté le protocole du 5 mai 1988 ! En fait, il était heureux avec la majeure partie de son contenu, excepté le fait que Rome ne lui donnait pas d’évêque à consacrer. La Déclaration Doctrinale du 15 avril 2013 était semblable au Protocole. »

REPONSE : laissons la parole au saint évêque lui-même :
Quand la question lui fut posée sur l’acceptation par Dom Gérard de la proposition du Pape, il a dit : « A notre dernière entrevue, il m’a demandé si je pouvais accepter le Protocole [du 5 mai 1988], celui que j’ai moi-même refusé ! … nous ne devons plus discuter avec les autorités romaines. Ils veulent seulement nous faire accepter le Concile, nous devons couper toute relation avec eux¨ » (Controverse, No. 0, septembre 1988, Le Rocher No. 84).

A propos du Protocole du 5 mai 1988 … « Si seulement vous pouviez connaître la nuit que j’ai passée après avoir signé cet accord infamant » Oui, combien j’attendais le matin avec empressement pour pouvoir donner à l’abbé du Chalard ma lettre de rétractation que j’avais écrite pendant la nuit. » (Marcel Lefebvre, Mgr Tissier de Mallerais page 555).

Nos vrais fidèles – ceux qui comprennent le problème – avaient peur des démarches que j’avais prises avec Rome. Ils me disaient que c’était dangereux et que je perdais mon temps. Oui, bien sûr, j’espérais jusqu’à la dernière minute que Rome allait faire preuve d’un peu de loyauté. Personne ne peut me blâmer de n’avoir pas fait le maximum. Donc, maintenant, à ceux qui me disent que je dois trouver un accord avec Rome, je suis certain de pouvoir dire que j’ai été plus loin que je n’aurais dû ! (Mgr Lefebvre, 1990, Fideliter, No. 79, page 11).

Je lui ai dit [au Cardinal Ratzinger, devenu Pape Benoît XVI] ‘même si vous nous donnez un évêque, même si vous nous donnez une certaine autonomie par rapport aux évêques, même si vous nous octroyez la liturgie de 1962, même si vous nous permettez de continuer à gérer nos séminaires de la manière actuelle – nous ne pouvons collaborer avec vous ! C’est impossible ! Impossible ! Parce que nous travaillons dans des directions diamétralement opposés. Vous travaillez à déchristianiser la société, la personne humaine et l’Eglise, et nous travaillons à les christianiser. On ne peut s’entendre ! » (Marcel Lefebvre, Mgr Tissier de Mallerais, page 548).

Une fois, quelqu’un m’a conseillé ‘signez, signez [le protocole du 5 mai 1988] que vous acceptez tout ; et ensuite vous continuez comme avant ! Non ! ON NE JOUE PAS AVEC LA FOI ! … Nous demander cela, c’est nous demander de contribuer à la disparition de la Foi. Impossible ! (Ils L’ont découronné, Mgr Lefebvre, ch. 31, p. 230.)

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2  OBJECTION COURANTE : « Mais Mgr Fellay s’est contenté d’imiter Mgr Lefebvre ! Il a cherché un accord possible, a signé quelques documents, s’est rendu compte que Rome ne voulait pas coopérer, et il n’aurait pas accepté le concile Vatican II ni la nouvelle messe. Donc, c’est le retour à la case de départ ! »

REPONSE : En premier lieu, Mgr Lefebvre pouvait espérer qu’avec des cardinaux à Rome à l’esprit traditionnel, il puisse influencer le Pape (par exemple les cardinaux Oddi, Bacchi, Ottaviani, Gagnon, etc.). Ils sont tous décédés maintenant.



Deuxièmement, Mgr Lefebvre n’a pas signé une déclaration DOCTRINALE (un Protocole était une étape préliminaire) excusant Vatican II, déclarant que Vatican II «approfondit » et « éclaire » certains aspects de la doctrine de l’Eglise et les doctrines « non encore formulées de façon conceptuelle. » Mgr Lefebvre n’a pas signé un document déclarant que la liberté de religion et « d’autres affirmations de Vatican II doivent être comprises à la lumière de la Tradition intégrale et ininterrompue. » Que la nouvelle messe et les nouveaux sacrements ont été promulgués légitimement, que le nouveau code et la nouvelle profession de foi sont acceptables. Ces affirmations, il ne les aurait jamais signées !

* * *

3  OBJECTION COURANTE : « Depuis la conférence donnée par Mgr Fellay le 13 octobre 2013, les choses ont repris leur cours normal, on voit qu’il déclare que la nouvelle messe est « mauvaise », et il dit « que nous n’acceptons pas le concile, …»  etc.



REPONSE : Les optimistes oublient-ils le principe de non-contradiction ? Une chose ne peut pas être et ne pas être en même temps et dans le même lieu. « Si Mgr Fellay ne voulait vraiment pas d’un accord, alors pourquoi la Déclaration du Chapitre Général et les 6 conditions, engageant la FFSP à chercher un accord, sont toujours officiellement en place par écrit ? (Ceci, au mépris du principe très prudent de Mgr Lefebvre, celui de « pas d’accord tant que Rome n’est pas revenue à la Tradition). En d’autres termes, l’insigne « A vendre » se trouve toujours sur la pelouse avant de la FSSPX, peu importe « tout le brouillard verbal » ! Un décret de cette importance, ne peut s’annuler que par un décret d’une importance égale. Ici on joue avec la Foi, et ce sont les âmes éternelles qui sont en jeu ! Un Chapitre Général pour rectifier les erreurs et rejeter publiquement tous les compromis, est absolument nécessaire. A cela doit s’ajouter, une Déclaration publique annonçant la même chose, avec le rejet public des 6 conditions et du Document du 15 avril 2012 pour prouver la «conversion » à l’ancienne position de la FSSPX.

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4  OBJECTION COURANTE : « Mais la Déclaration Doctrinale du 15 avril 2012 a été retirée! C’est tombé en désuétude ! »



REPONSE : « Retirer » (temporairement) n’est pas la même chose que de rejeter publiquement, de rétracter et de corriger. Si la chose est réellement retirée, dans le sens de « retirée pour toujours », alors pourquoi est-ce que le Cor Unum de Mars 2013 publie à tous les prêtres que c’est en fait la position officielle ? Pourquoi est-ce que la conférence du Père Daniel Themann’s à Sainte Marys au Kansas, en date du 16 avril 2013, qui justifie la Déclaration Doctrinale du 15 avril, est-elle promue mondialement ? Si c’est vrai que « les choses sont maintenant de retour à la normale» alors ou sont les excuses (ou mieux la gratitude) pour les évêques et les prêtres qui ont été expulsés et réduits au silence ? Au moins, une maison et une assurance santé peut être donnée à certains prêtres de la Résistance qui sont âgés de 70 ans et plus qui ont avertis les supérieurs de la FSSPX que tout ceci représente un danger pour la Foi. Ou sont les rétractations publiques des déclarations libérales dans les entretiens qui continuent à être communiqués dans des articles de la FSSPX, tel que «95% du Concile est acceptable » (le 3 septembre 2013) ; ou encore « la liberté religieuse du Concile est limitée » (en fait, ceci est une hérésie condamnée à maintes reprises par les Papes préconciliaires) ; ou encore « les erreurs du Concile ne proviennent pas vraiment du Concile mais de l’interprétation générale de celui-ci?».

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5  OBJECTION COURANTE : « vous FSSPX, prêtres de la Résistance de la Compagnie de Marie, vous exagérez simplement les choses et vous vous faites une montagne d’un rien. »
REPONSE : la Foi de l’Eglise Catholique Romaine vient d’en haut.  La Royauté du Christ n’est pas une option ! La Révélation publique, nous devons y croire si nous voulons sauver nos âmes. Si quelqu’un, fut-il le Pape, évêque ou prêtre, fait des compromis ou met la Foi en danger, alors comme Saint Paul à l’égard de saint Pierre, il vaudrait mieux qu’il y ait une forte résistance et opposition !



Saint Thomas d’Aquin avertit les subalternes qu’ils ont le devoir de publiquement reprendre leurs supérieurs qui jouent avec la Foi. Mgr Lefebvre et Mgr de Castro-Meyer furent les deux seuls évêques parmi les 2300 dans le monde, qui résistèrent ouvertement aux Papes de Vatican II, pour défendre la Tradition Catholique.


Si jouer avec la Foi met en péril son éternité et met l’unique vraie Foi (en dehors de laquelle point de salut) en danger grave (par des compromis libéraux qui se trouvent dans les documents et les 6 conditions signées officiellement et envoyés de Menzingen à la Rome moderniste), alors vraiment, chaque baptisé est obligé de résister et d’exiger plus que la simple réponse orale qui fut donnée : « ce n’était pas mon intention. »

Il est contradictoire de dire qu’on rejette Vatican II, quand les documents qui émanent de Menzingen déclarent que le second Concile de Vatican est seulement «teinté d’erreurs », et acceptent le Concile comme « approfondissant » et «éclairant» la Tradition Catholique  (cf. Déclaration du Chapitre Général et Déclaration Doctrinale de 2012).

Il est contradictoire de dire que la nouvelle messe est « mauvaise » quand les documents officiels signés par le Supérieur Général et les assistants déclarent que (la messe) « est promulguée légitimement » ! (Ce qui revient au même que de dire qu’elle est légitime … et delà, il n’y a plus qu’un pas à faire pour la célébrer) !

Il est contradictoire de mentionner de façon anecdotique que « les choses sont à nouveau comme au temps de Mgr Lefebvre » quand les documents de 2012 expriment avec clarté un désir d’ouverture à l’Eglise Conciliaire, du moment qu’elle nous octroie des Autels Traditionnels dans le Panthéon Œcuménique (cf première condition Sine Qua Non). Ou bien, comme la célèbre Déclaration du Chapitre Général du 14 juillet 2012 le dit : « nous avons ARRETE et APPROUVE les conditions nécessaires pour une possible NORMALISATION CANONIQUE, pour ce qui concerne le retour de Rome à la Tradition. »

Il y a contradiction quand d’un côté le Supérieur Général déclare, lors de la Conférence à Sydney en Australie en août 2012, qu’il a SIGNE la Déclaration Doctrinale du 15 avril 2012 ; et il dit aussi : « Ce texte … on me l’a rapporté. Le Pape en était satisfait. » Et de dire lors de sa conférence qu’il donna en octobre 2012 qu’il ne l’a pas signée. De deux choses l’une, soit c’est un vrai trou de mémoire ou alors un mensonge effronté. Que devons-nous penser ?

Il y a contradiction d’essayer d’utiliser Mgr Lefebvre pour défendre les nouvelles idées libérales présentées dans le document envoyé à Rome, quand Mgr Lefebvre clairement s’est opposé à cela, en particulier pendant les trois dernières années de sa vie.

En fait il a institué des instructions claires à suivre par tout futur supérieur Général : «Supposons que Rome appelle à renouer le dialogue, alors, c’est moi qui poserai les conditions [ ]. Je placerais les conditions AU NIVEAU DOCTRINAL : « Etes-vous d’accord avec les grandes encycliques de tous les Papes qui vous ont précédés ? Êtes-vous d’accord avec Quantas Cura de Pie IX, Immortale Dei et Libertas de Léon XIII, Pascendi Gregis de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani Generis de Pie XII ? Êtes-vous en pleine communion avec ces Papes et leurs enseignements ? Acceptez-vous encore le serment anti-moderniste, dans son entièreté ? Êtes-vous en faveur du règne social de Notre Seigneur Jésus Christ ? SI VOUS N’ACCEPTEZ PAS LA DOCTRINE DE VOS PREDECESSEURS, IL EST INUTILE DE PARLER ! » (Mgr Lefebvre, Fideliter, Nov.Déc. 1988)

Ce sont les conditions claires et nettes instituées par Mgr Lefebvre, mais celles-ci furent abandonnées et remplacées par les 6 conditions plus soumises à l’autorité de Rome … tout cela au nom de la prudence !

Mgr Lefebvre lui-même faisait très régulièrement la recommandation suivante : « on ne dialogue pas avec l’erreur, avec les francs-maçons, avec ceux qui détruisent le règne social du Christ et avec leur père, le démon. » (Mgr Lefebvre, sermon à Martigny, le 8 décembre 1984).

Si on jouait avec le compte en banque des gens de la façon dont on joue avec la Foi maintenant, il y aurait un tollé universel. Combien plus devons-nous aimer le Christ, le vrai Dieu, plus que le gain grossier. Nous fils de martyrs, devrions combattre toute personne qui ose jouer avec la Foi en s’en servant comme objet de négociation en vue de trouver un accord, combattre toute autorité qui anéantit la Foi. (Notez bien que le Pape Benoît XVI était beaucoup plus adroit dans ses tromperies que même le Pape actuel François !

Assez de tout cela. Laissons la parole à notre vénéré père.


***
[DEBUT de la citation de CONTROVERSES]



Pourquoi j'ai refusé de me mettre entre leurs mains, par Mgr Lefebvre


REVUE CONTROVERSES : Monseigneur, les sacres que vous avez faits le 30 juin
dernier ont suscité beaucoup de remous. Curieusement, ce ne sont pas les
fidèles « silencieux », mais les principaux porte-parole des diverses
associations traditionalistes qui ont manifesté leur réprobation à votre
décision d'assurer l'avenir de la Tradition. Comment expliquez- vous leurs
déclarations d'attachement indéfectible au siège de Pierre ?

Mgr Lefebvre : A vrai dire, je ne vois pas très bien quelles sont ces associations traditionalistes qui ont manifesté leur réprobation pour les sacres. En général, les personnes qui ont manifesté leur réprobation n'étaient pas entièrement avec nous et ne fréquentaient pas nos œuvres, mais avaient une certaine sympathie pour la Tradition, en même temps qu'elles professent une soumission inconditionnelle à Rome. Il faut absolument savoir qu'aujourd'hui Rome est au service de la révolution et donc terriblement anti-traditionaliste.

C'est pourquoi j'ai refusé de me mettre entre leurs mains. Ils ne voulaient ni plus, ni moins, qu'en reconnaissant mes erreurs, je les aide à continuer leur révolution dans l'Eglise. Tous ceux qui nous ont quittés ne se rendent pas compte de cette situation et croient à la bonne volonté et à la rectitude de pensée des évêques ou cardinaux romains. Rien n'est plus faux ! Ce n'est pas possible qu'ils nous entraînent dans la révolution, disent ceux qui rejoignent le pape et ses évêques. Eh bien, c'est exactement cela qui se passera !

CONTROVERSES : Dans des journaux comme « 30 Jours dans l'Eglise » et
dans « Le Monde », « Vie actuelle » et d'autres encore, les cardinaux Ratzinger
et Oddi ont accordé des interviews où ils admettent, pour ne citer que le
cardinal Oddi, que « vous n'aviez pas eu tort sur toute la ligne ». Ce qui fait
dire à certains qu'il y a un certain changement au sein de la curie romaine.
Quel est votre avis ?

Mgr Lefebvre : Si on lit bien l'interview du cardinal Ratzinger, il faudra dorénavant prendre garde de bien appliquer le concile, de ne pas se tromper dans son application et de faire attention de ne pas répéter les erreurs qu'on a pu commettre. Il ne parle pas d'en changer les principes.(1)

Même s'il en vient à admettre que les fruits du dernier concile ne sont pas ceux qu'il attendait, il opte pour en reprendre les principes de base et faire en sorte qu'ainsi il n'y ait plus de difficulté à l'avenir. Ils n'ont donc pas compris ce que signifie le retour à la Tradition que nous réclamons et ne veulent par conséquent pas revenir à la Tradition des prédécesseurs de Jean XXIII.

CONTROVERSES : On entend souvent ces derniers temps parler de «Tradition vivante ». Quel est selon vous le sens de cette expression ?

Mgr Lefebvre : Eh bien, prenons la condamnation que nous fait le pape dans le Motu proprio (2). Cette condamnation repose sur un mauvais concept de la Tradition. En effet, le pape, dans le Motu proprio, nous condamne parce que nous n'admettons pas la «Tradition vivante ». Mais la manière dont est comprise cette « Tradition
vivante » a été condamnée par saint Pie X dans son encyclique « Pascendi » contre le modernisme, parce qu'elle comporte une évolution liée à l'histoire, qui ruine la notion du dogme, défini pour toujours.

La Tradition, selon eux, est quelque chose de vivant et qui évolue. Cette « Tradition vivante », c'est maintenant l'Eglise Vatican II. C'est très grave et cela dénote un esprit moderniste. Cette nouvelle doctrine, car c'est bien de cela qu'il s'agit, est formellement condamnée par le pape saint Pie X. L'Eglise porte avec elle sa Tradition. On ne peut pas dire quelque chose de contraire à ce que les papes ont affirmé autrefois. On ne peut pas admettre une pareille chose. C'est impossible.

CONTROVERSES : Est-ce que selon vous c'est la raison pour laquelle depuis une vingtaine d'années il n'y a plus eu d'actes d'infaillibilité ?

Mgr Lefebvre : Pour le Concile Vatican II, le pape Paul VI n'a pas utilisé le principe de l'infaillibilité dogmatique. Il s'est contenté de le déclarer pastoral.

Les papes conciliaires sont incapables d'employer leur infaillibilité doctrinale parce que le fondement même de l'infaillibilité, c'est de croire qu'une vérité doit être fixée à jamais et ne peut plus changer : elle doit rester ce qu'elle est.

Jean-Paul II, plus encore que Paul VI, ne croit pas à l'immuabilité de la vérité.

L'Assomption de la Très Sainte Vierge Marie a été définie par le pape Pie XII en 1950. C'est désormais un dogme immuable. Pour eux, non ! Avec le temps, il y a des explications scientifiques nouvelles, le développement de l'esprit humain, le progrès qui modifient la vérité. Par conséquent, on pourrait éventuellement affirmer autre chose que ce que les papes ont dit. Lors d'une entrevue avec le pape Jean-Paul II, je lui ai demandé s'il admettait l'encyclique Quas primas de Pie XI, sur le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il m'a répondu : « Je pense que le pape ne l'écrirait plus de la même façon ». Voilà nos dirigeants actuels. On ne peut décidément pas se mettre entre leurs mains.

CONTROVERSES : Parmi ceux qui ont accepté les propositions du pape, il y
a Dom Gérard. Que pensez-vous personnellement de sa décision ?

Mgr Lefebvre : Lors de notre dernière rencontre, il m'a demandé s'il pouvait accepter le protocole que j'ai moi-même refusé. Je lui ai répondu que sa situation n'était pas la même que la mienne, que la Fraternité est répandue dans le monde entier, alors que lui n'est responsable que de son monastère. « Vous pourrez peut-être vous défendre plus facilement. Mais je ne suis pas pour un accord, j'estime qu'actuellement un accord est mauvais. » Et je le lui ai même écrit. Il ne faut plus dialoguer avec les autorités romaines. Elles ne veulent que nous ramener au Concile, il ne faut pas avoir de relations avec elles. Dom Gérard m'a répondu que son cas était différent et qu'il allait quand même essayer. Je ne l'approuve pas. La dernière fois que nous nous sommes vus, je lui ai dit :

« Dom Gérard, vous ferez ce que vous voudrez et moi je dirai ce que je veux. Pour les gens, votre passage sous l'autorité de Rome, c'est votre séparation d'Ecône et de Mgr Lefebvre. Dorénavant, vous chercherez votre soutien auprès d'autres évêques. Jusqu'à présent, vous vous êtes adressé à moi, eh bien, à présent, c'est fini. Je vous considère comme les prêtres qui nous ont quittés. Nous n'aurons plus de relations puisque vous avez des relations avec ceux qui nous persécutent. Vous vous êtes mis en d'autres mains.»

Il y a cinq ans déjà, Dom Gérard a fait une déclaration dans son bulletin pour les bienfaiteurs, dans lequel il disait vouloir s'ouvrir davantage à tous ceux qui ne sont pas comme nous, ne plus demeurer dans la critique stérile, recevoir tout le monde dans l'espoir de les faire participer à la Tradition. C'est ce qu'il a fait, et maintenant il est prisonnier de tout ce monde, de ces écrivains, de la presse, des professeurs, comme Bruckberger, Raspail ; il les a préférés à nous. Il est désormais dans les mains des modernistes.

CONTROVERSES : Comment jugez-vous les propositions faites au père prieur du monastère du Barroux ?

Mgr Lefebvre : Pour eux, leur objectif c'est de diviser la Tradition. Ils ont déjà eu Dom Augustin(3), ils ont eu de Blignières(4), et maintenant ils ont eu Dom Gérard. Cela affaiblit d'autant notre position. C'est leur but : diviser pour nous faire disparaître.

Le cardinal Ratzinger a déclaré dans une interview donnée à un journal de Francfort qu'il trouve inadmissible qu'il y ait des groupes de catholiques qui s'attachent à la Tradition, de telle manière qu'ils ne sont plus en concordance parfaite avec ce que pensent tous les évêques du monde. Ils ne veulent pas admettre notre existence. Ils ne peuvent pas nous tolérer dans l'Eglise. Dom Gérard ne veut pas croire tout cela.

CONTROVERSES : Marc Dem vient de publier un très beau livre consacré à Dom Gérard et à son œuvre. Cette sortie semble mal tomber pour le père prieur qui y est décrit comme l'un des piliers de la reconstruction de la chrétienté, fidèle à la Tradition et à Votre Excellence.

Mgr Lefebvre : J'ai félicité Dom Gérard pour ce livre et il m'a répondu : « Ne me parlez pas de cela, je ne veux pas en entendre parler, ce n'est pas moi qui l'ai fait, c'est Marc Dem. » Tout cela parce que Marc Dem a présenté Dom Gérard dans sa première forme de combattant et de lutteur de la foi.

CONTROVERSES : Les contacts avec Rome ne sont pas rompus. Il paraîtrait même que des discussions pourraient reprendre cet automne. Pouvez-vous nous en parler?

Mgr Lefebvre : Ce sont des inventions. Si jamais il y a de la part de Rome une volonté de reprendre les conversations, c'est moi cette fois qui poserai les conditions. Comme l'a dit le cardinal Oddi : « Mgr Lefebvre est en position de force. » C'est pourquoi j'exigerai que la discussion porte sur des points doctrinaux. Qu'ils en finissent avec leur œcuménisme, qu'ils redonnent son vrai sens à la messe, qu'ils redonnent la vraie définition de la foi, qu'ils redonnent la vraie définition de l'Eglise, qu'ils rendent à la collégialité son sens catholique et ainsi de suite.

J'attends d'eux une définition catholique et non libérale de la liberté religieuse. Il faut qu'ils acceptent l'Encyclique Quas primas sur le Christ-Roi, et le Syllabus (Pie IX). Il faut qu'ils acceptent tout cela, car c'est dorénavant la condition de toute discussion nouvelle entre eux et nous.

CONTROVERSES : En conclusion, après tous les événements de cet été, quels conseils donnez-vous à vos fidèles ?

Mgr Lefebvre : Le seul objectif que doit avoir devant les yeux le fidèle, c'est le règne universel de Notre Seigneur Jésus-Christ sur les individus, sur les familles, sur les cités ; il n'y a pas d'autre religion qui subsiste devant ce règne.

Si je venais à enseigner autre chose que cela, il ne faudrait plus me suivre. Comme le dit saint Paul : « Si un ange du ciel ou si moi-même vous enseignons une autre doctrine que celle que je vous ai enseignée autrefois, ne me suivez pas, faites-moi anathème. » Le bon sens catholique de nos fidèles a fait que 90% – et même plus encore selon moi – continuent à nous suivre.

Propos recueillis par Eric Bertinat (Entretien paru dans "Controverses" N° 0 – septembre 1988)

Source : Le Rocher n° 84 de d'août-septembre 2013

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NOTES du Rocher n° 84 d'août-septembre 2013



(1) C'est ce qu'a confirmé le pontificat de Benoît XVI, qui n'a eu de cesse de défendre cette même ligne.


(2) « A la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu'elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition qui, comme l'a enseigné clairement le Concile Vatican II, "tire son origine des apôtres, se poursuit dans l'Eglise sous l'assistance de l'Esprit-Saint : en effet, la perception des choses aussi bien que des paroles transmises s'accroît, soit par la contemplation et l'étude des croyants qui les méditent en leur cœur, soit par l'intelligence intérieure qu'ils éprouvent des choses spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, reçurent un charisme certain de vérité". Mais c'est surtout une notion de la Tradition, qui s'oppose au Magistère universel de l'Eglise lequel appartient à l'évêque de Rome et au corps des évêques, qui est contradictoire. Personne ne peut rester fidèle à la Tradition en rompant le lien ecclésial avec celui à qui le Christ, en la personne de l'apôtre Pierre, a confié le ministère de l'unité dans son Eglise. » (Lettre apostolique « Ecclesia Dei » du pape Jean-Paul II, sous forme de Motu proprio, du 2 juillet 1988, no 4)

(3) Dom Augustin-Marie Joly (1917– 2006), fondateur de l'abbaye Saint-Joseph de
Clairval, à Flavigny, reconnue comme monastère de droit diocésain le 2 février
1988.

(4) Le P. Louis-Marie de Blignières a fondé la Fraternité Saint-Vincent Ferrier en 1979. En 1987, cette communauté de la mouvance traditionaliste, « se rendant compte que leur position doctrinale sur la question de la liberté religieuse au concile Vatican II n'était pas juste », fait des démarches à Rome pour essayer d'obtenir la reconnaissance canonique. A la suite des sacres de 1988, leur petit groupe a été reconnu comme Institut religieux de droit pontifical. (cf. P. Dominique-Marie de Saint Laumer, nouveau prieur de la Fraternité Saint- Vincent Ferrier depuis septembre 2011, source : La Nef no 239 juillet-août 2012).


[FIN de la citation de CONTROVERSES]

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« Ne mettons pas le pied dans le camp adverse, parce que alors nous donnerions à notre ennemi une preuve de notre faiblesse, que l’ennemi tenterait d’interpréter comme signe de faiblesse et une marque de complicité. » Saint Pie X.



Notes de bas de page:

1. Apprenons aussi de nos ennemis ! Un moderniste, le Cardinal Decourtray, connu pour ses sympathies avec des dirigeants francs-maçons, a fait ce commentaire éclairant le 4 décembre 1988, lors d'une réunion à Lourdes en France: "Si Mgr Lefebvre avait confirmé la signature donnée le 5 mai 1988, cela aurait montré qu'il était prêt à accepter tout Vatican II, en même temps que l'autorité du Pape actuel et des évêques unis autour du Pape.




Mais en fait, Si Mgr Lefebvre n'a pas accepté le Protocole qui lui fut proposé, c'est justement parce qu'il a tout d'un coup compris la signification exacte. "Ils ont voulu nous tromper", a-t ’il dit. Cela veut dire: "ils voulaient que nous acceptions le Concile!" (Cardinal Decourtray, Progrès dans la fidélité au Concile, Evêques" Réunion à Lourdes, le 4 décembre 1988).



Aussi, pour parler de la déclaration de compromission que les prêtres de l'ex FSSPX ont signées en joignant la Fraternité St Pierre en 1988, le même Cardinal a dit: "Les divers points de cette déclaration sont quasiment ceux du Protocole, refusé le 6 mai par Mgr Lefebvre."

[A propos des commentaires ci-dessus de Mgr Decourtray,] laissons tous ceux qui affirment que Mgr Lefebvre n'a jamais rétracté le Protocole du 5 mai 1988, y réfléchir!
"Contra factum, not fit argumentum!"

2. On est obligé de choisir. Bien sûr, dans ces temps de libéralisme, beaucoup de gens ne peuvent pas comprendre qu'on puisse défendre des opinions qui peuvent sembler "démodées", "désuètes", "médiévales", etc. Mais la doctrine de l'Eglise est la doctrine de l'Eglise. Quand le Pape condamne la liberté de pensée, liberté de conscience, liberté de religions, les Papes expliquent pourquoi ils les condamnent. Léon XIII a écrit de longues encycliques sur le sujet. Il faut les lire [pour comprendre les raisons de ces condamnations].

Il en va de même avec le Pape Pie IX et Grégoire XVI. Je répète, tout cela est basé sur les principes fondamentaux de l'Eglise, sur le fait que l'Eglise est la vérité, la seule vérité. C'est ainsi que les choses sont.  Soit vous y croyez, soit vous n'y croyez pas, mais si vous y croyez, alors il faut tirer les conséquences. C'est la raison pour laquelle, moi-même, je ne crois pas que les déclarations du Concile sur la liberté de conscience, liberté de pensée et liberté de religion soit compatible avec ce que les Papes ont enseigné dans le passé. Et donc, il nous faut choisir. Soit nous choisissons ce que les Papes ont enseigné dans les siècles passés et nous choisissons l'Eglise ou alors nous choisissons ce qu'a dit le Concile. Mais nous ne pouvons pas choisir les deux en même temps car les deux sont contradictoires." (Mgr Lefebvre, conférence de presse, le 15 septembre 1976; revue Itinéraire, titrée "La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre", avril 1977, page 299).