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Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-il.
Mes biens chers frères,
Entre les deux dernières guerres mondiales, le pape Pie XI proclamait la royauté du Christ. C’est-à-dire qu’entre le laïcisme dévastateur et le communisme rugissant, le Christ-Roi était reconnu comme souverain du ciel et de la terre. Et depuis, dans l’Eglise, nous fêtons solennellement cette proclamation officielle. Face à toutes les négations, face à toutes les persécutions, l’Eglise affirmait, revendiquait haut et fort, les droits de Dieu contre les droits de l’homme. Les droits du Christ, vrai Dieu et vrai homme. Parce que qui n’a pas compris que les droits de l’homme étaient une contre façon des droits de Dieu.
Dans une société qui ne reconnait aucun pouvoir à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui prétend que tout pouvoir vient de la majorité, du peuple et non de Dieu, qui n’admet aucune autorité qui ne vienne du nombre, l’Eglise, elle, reconnait et acclame avec fierté le Christ, Roi des rois et couronne de tous les saints. Aujourd’hui donc dans l’Eglise resplendit, tout au moins chez nous, puisque la fête du Christ-Roi a été reléguée aux calendes grecques dans l’église conciliaire, aujourd’hui donc, tout au moins chez nous, la journée qui commence est consacrée à la royauté du Fils :
- Roi parce qu’il est fils du Père, égal au Père,
- le Christ est roi par conquête également puisqu’il a racheté, c’est-à-dire reconquis les hommes,
- et Notre Seigneur Jésus-Christ mérite d’être roi comme étant aussi est le fils aîné, le premier des nobles.
Mais l’Eglise ne veut pas, ce jour-là, ce dimanche si proche de la Toussaint, montrer et glorifier les mérites infinis de Jésus-Christ.
Non, elle veut montrer et glorifier ses droits : droits imprescriptibles, droits inaliénables, sans limite, que le Christ peut toujours et partout exercer, droits qu’il revendique puisqu’il est venu accomplir la rédemption, qui est la plus grande victoire jamais remportée, la plus grande conquête jamais réussie. Conquête qui est à la base de toute notre espérance, conquête qui affirme et qui prouve tout possible du maître de l’impossible. La fête du Christ-Roi apparaît donc comme un message de foi, d’espérance, de charité, message incompréhensible aux hommes qui veulent n’être qu’humains, et qui ne sont plus attachés qu’à la terre, message incompréhensible aux hommes qui ne lèvent plus jamais les yeux vers le ciel.
Et cette fête fut instituée au moment justement où le monde plongeait dans un matérialisme profond, où le monde se réfugiait dans la recherche du gain matériel par-dessus tout, au moment même où s’écroulait le vieil empire catholique autrichien, dernier fils survivant du Saint-Empire, lorsque la monarchie du roi catholique allait être renversée en Espagne, lorsque le laïcisme triomphait déjà dans presque tous les états, lorsque le communisme et le socialisme établissaient leurs dictatures, sur la […] d’Europe et d’Asie. L’Eglise, l’Eglise étendait encore, même matériellement, en ce monde, le royaume du Christ.
Les missionnaires allaient enseigner l’Evangile à des peuples qui l’ignoraient encore. A cette époque, en effet, l’œcuménisme n’avait pas encore fait les ravages que nous constatons aujourd’hui. Et en même temps que s’étendait l’empire du catholicisme, de nouvelles chrétientés se fondaient et s’affirmaient. C’est dans ce contexte, en 1925, que le pape Pie XI institue la fête du Christ-Roi, pour rappeler à tous, aux individus comme aux nations, pour rappeler les droits, les droits imprescriptibles qui reviennent à Jésus-Christ et qui doivent être reconnus aussi bien par les individus dans leur vie privée, familiale, ou professionnelle, qu’admis et proclamés publiquement par les nations.
Si ce rappel était d’actualité en 1925, il l’est cent fois plus aujourd’hui. Il y a toutefois une différence : en 1925 les assises de la société comportaient encore une certaine stabilité, au moins apparemment, et la nécessité de reconnaître la royauté du Christ comme fondement de l’ordre social n’apparaissait pas avec évidence à tout le monde. Il pouvait en effet sembler à certains que l’ordre civil pouvait se suffire à lui-même, sans faire appel à des principes métaphysiques et religieux. Aujourd’hui il n’en est plus du tout de même : les valeurs humaines les plus élémentaires qui étaient reconnues par tout le monde et qui […] sont maintenant contestées, ou terriblement malmenées, combattues, combattues à mort.
Alors un peu de bon sens et de droiture suffisent, de nos jours, pour admettre que finalement, après avoir tout essayé, les hommes ne peuvent pas se passer de Dieu, et qu’il serait illusoire d’imaginer qu’un ordre stable et durable s’établisse sur la terre en dehors du salut et de la paix offerts par Jésus-Christ. La fête du christ-Roi vient donc nous rappeler que c’est la seule proclamation, je le répète, la seule proclamation officielle des droits de Jésus-Christ sur la société qui peut nous amener la paix, et une paix durable. C’est parce que les hommes se sont éloignés de Jésus-Christ qu’ils connaissent tous les maux dont nous souffrons aujourd’hui. Et pour retrouver la paix, il faut suivre les enseignements, tous les enseignements et tous les préceptes de Jésus-Christ dans les affaires intérieures et les affaires étrangères. Garder la doctrine, les préceptes et les exemples du Christ dans la vie privée comme dans la vie publique. Pas de paix du Christ sans le règne du Christ, s’écriait déjà le pape Pie XI : Pas de paix du Christ sans le règne du Christ.
Et c’est pourquoi aussi, Benoît XV en la Noël 1917 affirmait : C’est l’athéisme légal érigé en système de civilisation qui a précipité le monde dans un déluge de sang. Ce n’est donc pas en gommant Jésus-Christ, comme il se fit tant de fois à Assise ces dernières années, et donc en niant clairement la royauté du Christ, que l’on retrouvera la paix. Le monde est donc arrivé, disait Louis Veuillot, le monde est donc arrivé à un point où il doit périr ou renaître. Tous les entre-deux seront broyés, tous les entre-deux seront broyés par la destruction ou rejetés avec dédain par la reconstruction.
Et c’est cette reconstruction à laquelle appelle le Christ-Roi. Reconstruction par la doctrine sociale chrétienne, par une politique chrétienne, reconstruction par une lutte sans merci contre le laïcisme, le libéralisme, pour défendre les droits imprescriptibles de Dieu et de l’Eglise dans l’organisation de la société. C’est en définitive une lutte, comme vous le voyez, entre l’Eglise et la Révolution, […], et personne ne pourra poser un autre fondement en dehors de celui qui a été posé par la main de Dieu, et qui est le Christ Jésus. C’était le cri de saint Paul : il faut qu’il règne ! Il faut donc bien comprendre cette doctrine de la royauté du Christ. Elle nous a été révélée, ne l’oublions pas, au cours de la Passion. Et la page de l’Evangile que vous venez d’entendre, nous en a donné le sens exact. C’est à un moment comme le nôtre que notre Seigneur l’a affirmée et l’a vécue avec une force d’âme qui donne à la rédemption son caractère spécifiquement divin.
Voici trois ans que Jésus avait commencé à parler, à entraîner les foules derrière lui, les mauvaises consciences avaient donc tout leur temps, avaient tout leur temps pour recueillir de sa bouche et collectionner ses blasphèmes contre Dieu.
N’avait-il pas dit : Je suis la vérité, celui qui croit en moi sera sauvé ?
Les juifs savaient, eux, que Dieu seul est vérité […].
N’avait-il pas dit : Je suis la résurrection, le pain de vie, le bon pasteur, le Père et moi ne faisons qu’un, avant que le monde fut, moi, je suis. Moïse vous a dit au nom de Dieu, eh bien moi, je vous dis ?
Eux, savaient que Dieu seul pouvait dire : je vous ressusciterai, je vous conduirai comme un bon pasteur […]. Il fallait donc en finir avec Jésus.
Et le Grand Prêtre le fait arrêter pour l’interroger et le faire mourir s’il persiste à se prétendre l’égal de Dieu, le maître du royaume et du peuple saint.
Et il lui pose clairement la question : Je t’adjure de me dire si tu es vraiment le fils de Dieu.
Tu l’as dit : je le suis.
Caïphe a compris : Jésus vient de prononcer sa condamnation. Mais il faut passer par le pouvoir romain qui occupe le pays, pour faire condamner quelqu’un à mort.
Et c’est Pilate qui l’interroge : Es-tu roi ?
Je le suis.
Ainsi donc, dans sa passion, trois fois, Jésus comparaît devant les tribunaux humains :
- Devant Caïphe, chef des prêtres de l’époque. Il déchire ses vêtements : Jésus doit mourir. Au risque de sa vie, il affirmé qu’il est le fils de Dieu.
- Devant Hérode, le roi païen qui veut jouer au malin, pense pouvoir se moquer de Jésus : Jésus ne dit rien. Il le regarde, et Hérode ne peut pas supporter ce regard silencieux qui dit tout. Passez-lui la robe blanche, la robe de l’innocent du village, elle est bonne pour lui.
- Et devant Pilate, l’homme politique, pris entre sa conscience et le souci de plaire au peuple, à ses supérieurs, de ne pas mécontenter la foule. Les meneurs excitent donc la foule. Et cette foule qui admirait les paroles du Seigneur disant : personne n’a jamais parlé comme celui-là, cette foule, le lendemain pactise avec Hérode, qui traite Jésus d’innocent, de demeuré, d’attardé. Cette foule qui, à la multiplication des pains, voulait le faire roi, et la voilà tout d’un coup scandalisée qui crie : Nous n’avons pas d’autre roi que César.
Aujourd’hui, Notre Seigneur Jésus-Christ continue à comparaître devant les tribunaux humains. Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous. Aujourd’hui, c’est le monde qui juge, qui juge Jésus, le condamne. Il crie à tue-tête : enlève-le, sors-le ! Cela s’appelle le laïcisme. Dieu, Jésus-Christ, on leur accorde à peine de rester dans les consciences, mais surtout qu’ils ne paraissent pas en public ! Excluez-le de la société ! Alors l’Eglise instaure la fête du Christ-Roi : belle réponse. Heureusement que Pie XI l’avait instituée…Imaginez, aujourd’hui : nous n’aurions pas de fête du Christ-Roi !
Pourquoi le monde chasse-t-il le Christ, son roi, son Dieu ?
Parce que le monde est comme Hérode : Ce monde veut jouer au suffisant, au savant ; ce monde a l’esprit […] ; ce monde condamne Jésus comme un innocent, un attardé. Sa religion, son catéchisme, la messe, sa vigueur morale, c’était pour le Moyen Age, les âges d’obscurantisme. Jésus n’est plus celui qui veut coller avec le monde plein de science, ce monde plein de science et de lumière.
Ce monde est comme Hérode : il veut vivre dans la turpitude, dans la lubricité. Jésus gène, gène terriblement. Et on lui préfère ceux qui prônent le bonheur par le confort, par l’argent, par la mode, par toutes les perversions morales.
Jésus est donc toujours en train de comparaître devant nos tribunaux humains. Mais nous, en cette fête du Christ-Roi, nous avons choisi notre roi, nous avons choisi notre camp. Qui voulons nous suivre : Jésus ou le monde ? Face au monde nous aurons donc le courage de déployer notre drapeau et d’annoncer la couleur. Certains auront peut-être l’audace de nous conseiller : Ne dites rien, le drapeau en poche ! Laissez-donc condamner Jésus, fils de Dieu ! Laissez-le se faire chasser, moquer, bafouer, lui et sa religion. Cela ne nous empêchera pas de croire en lui, dans notre cœur, sans le déclarer trop publiquement, sans être provoquant…
Mais je vous le demande, où est dans tout cela, l’honneur dû à Dieu, ou même simplement notre honneur ?
Celui qui rougira de moi devant les hommes, je rougirai de lui devant la face de mon Père. Alors c’est à nous de crier à ce monde corrompu et paillard comme Hérode : Vive le Christ-Roi ! Alors nous avons à proclamer devant le monde dont l’idéal semble être de se vautrer dans la fange, nous avons à crier que notre idéal c’est le Christ qui a sauvé le monde et qui nous conduit où il nous veut, c’est-à-dire à la vie éternelle.
Notre Seigneur, après avoir répondu à Pilate qu’il était roi, ajoute, c’est la fin de l’Evangile : Si je suis né, et si je suis venu dans le monde, c’est afin de rendre témoignage à la vérité. Quiconque est pour la vérité écoute ma voix. Cela aussi fait partie de ce triomphe du Christ-Roi. A vrai dire, ce témoignage à la vérité, c’est depuis la crèche que Notre Seigneur l’a porté.
Mais il n’a commencé à provoquer le monde et son mensonge qu’à partir de sa vie publique. A ce moment-là, a-t-il pris des ménagements, a-t-il usé d’artifices pour que le message de vérité qu’il recevait de son Père, et qu’il devait communiquer, devienne acceptable, et soit accepté de fait par tous les hommes ? En aucune manière ! En aucune manière ! Il a seulement cru à la toute-puissance de la vérité ; à la toute-puissance de l’amour. Car c’est à l’amour qu’il a aussi rendu témoignage. Il a cru à cette toute-puissance sur les forces coalisées du mensonge, de la haine, sur les forces de l’enfer. Et la passion du Christ n’a pas été autre chose qu’un gigantesque combat entre la vérité et l’amour d’une part, sans aucune compromission avec la moindre erreur, ou la moindre faiblesse, et le mensonge et la haine d’autre part. Ceux-ci portés à leur paroxysme.
Si donc notre époque ressemble étrangement à celle où le Christ fut mis en croix, c’est pour nous une raison supplémentaire d’être convaincus que, si nous employons ces deux armes de la vérité et de l’amour, nous serons, comme le Christ dit la vérité, vainqueurs du mensonge et de la haine qui règnent présentement dans le monde. Mais prenons bien garde à nous : il ne suffit pas d’avoir prononcé ces deux mots de vérité et d’amour et de combattre sous leurs bannières, pour penser qu’effectivement la vérité et l’amour [libèrent] les moindres fibres de notre être et que toute notre vie s’en trouve marquée. Pauvres pécheurs que nous sommes ! Que de duplicité et de réticence dans nos vies ! Aussi bien à l’égard de Dieu qu’entre nous…
Ce qu’il nous faut constater seulement, c’est la possibilité qui nous est offerte de rendre nos vies toujours plus vraies et toujours plus aimantes, selon ce que saint Paul nous dit dans le début de l’Epître. Ce n’est que dire pleinement que nous sommes attachés à la puissance des ténèbres. Et un examen de conscience sérieux et prolongé, au cours d’une retraite par exemple, loin du monde et de notre vie habituelle, nous montrerait sans aucun doute, que sur plus d’un point nous partageons encore, tous, la mentalité et les manières d’un monde pécheur dans lequel nous sommes plongés. Comme lui, nous croyons beaucoup plus efficace de recourir à des habiletés, malheureusement, qui bien souvent ne sont que la preuve d’un aveuglement et d’un manque de foi.
Hors, ce sont ce que nous appelons nos habiletés ou ce que nous croyons telles, qui ont offert à la Révolution les avenues les plus larges, et qui ont stoppé l’avance du règne du Christ dans le monde, car Dieu ne peut que s’en est détourner avec dégout, par ce qu’elles sont un affront à sa Vérité, à sa Sainteté. Et les hommes ne les regardent qu’avec indifférence ou mépris. Les ennemis de Dieu savent très bien qu’elles ne sont pas dangereuses ces habiletés. Et ils s’en moquent car, s’ils sont lucides vraiment, ils ne connaissent qu’un seul ennemi invincible : la vérité, c’est-à-dire Dieu, la vérité et ceux qui la professent intégralement. Quant aux autres qui voudraient sortir du marasme, ils ont le pressentiment que c’est à cause des habiletés des chrétiens qui ont pris le relai de la foi authentique, ils seront trompés une fois de plus.
Si on devait faire le compte, de tout ce qui chez les chrétiens représente une entorse à la vérité et à l’amour, on en serait effrayé au point d’en tomber dans un grand abattement. Et c’est en cela que la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, témoignage suprême à la vérité et à l’amour, rencontre si peu d’écho, si peu d’écho dans la vie des chrétiens, c’est-à-dire dans la vie de ceux qui devraient être des membres vivants de Jésus-Christ. Et c’est ce silence à peu près généralisé qui a toujours retardé l’établissement, l’affermissement dans ce monde de la royauté du Christ. N’en soyons pas les complices. Il faut donc que cette petite minorité que nous sommes, et à laquelle nous sommes fiers d’appartenir, même si c’est une minorité, soit décidée à comprendre et à étendre les bienfaits de la royauté du Christ sur le monde.
En croyant que Jésus-Christ lui-même a la toute-puissance de la vérité et de l’amour sur le mensonge et sur la haine, et en ne craignant pas de les affirmer dans notre vie, par notre application constante à nous conformer à notre modèle divin, voilà le souhait formulé en cette fête du Christ-Roi, et la prière que nous adressons tous, les uns pour les autres, dans ce but, ainsi soit-il.
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-il.