Messe Pontificale à la Villeneuve le 15 juillet 2018 |
Durant
les 53 ans qui se sont écoulés depuis la fin du concile Vatican II en 1965, le
plus grand acte accompli pour défendre la foi catholique a été sans aucun doute
le sacre de quatre évêques par Mgr Lefebvre à Écône en Suisse, le 30 juin 1988.
Cet acte a été le couronnement glorieux de sa longue et distinguée carrière au
sein de l’Église Catholique. Le récent 30e anniversaire de ce grand évènement,
se doit d’être commémoré par une présentation de ce qui y a conduit et de ce
qui en a découlé.
C’est
la dramatique rupture au concile Vatican II entre l’Autorité catholique et la
Vérité catholique qui est à la racine de cet acte. L’Autorité catholique existe
principalement pour défendre la Vérité catholique : « Pierre, quand
tu auras retrouvé la Vérité, alors exerce ton autorité pour confirmer
tes frères dans la Foi. », dit Notre Seigneur au chef de son Eglise, juste
avant sa passion. Mais lors de Vatican II, la masse des évêques et dirigeants
de l’Eglise a voté pour que la liberté, l’égalité et la fraternité de la
Révolution Française soient introduites à l’intérieur de l’Eglise sous la forme
de liberté religieuse, collégialité et œcuménisme. Pour entrer en harmonie avec
le monde révolutionnaire moderne, les hommes d’Eglise ont imposé à l’Eglise
entière de quitter l’harmonie avec Dieu. Il en a résulté une crise dans
l’Eglise, sans aucun précédent dans toute son histoire, et qui fait toujours
rage.
Pour
commencer, nous présenterons l’action menée par Mgr Lefebvre pour contrer cette
crise. Et comme l’archevêque lui-même est le meilleur commentateur de son
action, nous résumerons en seconde partie toutes les réponses importantes qu’il
donna aux questions qui lui furent posées lors d’une interview en 1989, un an
après les sacres, et chaque réponse sera suivie d’une brève mise-à-jour dans le
contexte actuel, 30 ans plus tard. Tout d’abord, ce qui a conduit à son action.
Procédant
de la rupture, survenue au Concile, entre l’Autorité catholique et cette Vérité
catholique qui aurait dû y être fidèlement défendue, tous les catholiques
devinrent forcément plus ou moins schizophréniques. Dans le but de correspondre
à l’homme moderne, l’Autorité catholique (le pape et les évêques) avait rompu
avec la Vérité catholique (la doctrine immuable de l’Eglise). C’est pourquoi,
soit les catholiques obéissaient à l’Autorité catholique et abandonnaient plus
ou moins la Vérité catholique, soit ils s’accrochaient à la Vérité catholique
et étaient forcés de « désobéir » (au moins en apparence) aux
autorités catholiques. De trop nombreux catholiques – aussi bien le clergé que
les laïcs – manquaient d’une vraie fermeté en matière de
doctrine, et c’est pourquoi le faux Concile – déloyal vis-à-vis de la Vérité
catholique – fut quasi universellement accepté dans les années suivant le
Concile. Lors de ce Concile, les bergers s’égarèrent et paisiblement la plupart
des brebis catholiques suivirent, si bien que l’Eglise catholique se transforma
petit à petit en ce que l’on peut appeler l’Eglise conciliaire, juste comme un
nid de rossignols, lorsqu’il est occupé par les coucous, peut être appelé un
nid de coucous.
Mais
par une grâce spéciale de Dieu, Mgr Lefebvre ne cessa jamais de s’agripper à la
Vérité catholique, à la différence de la masse de ses confrères évêques et
prêtres dans les années 60. C’est pourquoi il ne confondit jamais le chant des
coucous avec le chant des rossignols, et voilà pourquoi en 1970 il fonda une
école de rossignols, autrement dit un séminaire véritablement catholique avec une
Congrégation ou Société véritablement catholique, la Fraternité St Pie X, pour
former des prêtres vraiment catholiques, afin que tous les catholiques
souhaitant encore sauver leurs âmes eussent à leur disposition pour se sauver
éternellement la doctrine et les sacrements de toujours, non-contaminés par les
coucous conciliaires, pour parler ainsi.
Mais
les hommes d’Eglise conciliaires à Rome ne souhaitaient pas que l’ancienne
religion continue ; de par sa Vérité, elle les discréditait comme
autorités catholiques. C’est pourquoi en 1974, ils envoyèrent une délégation
pour inspecter le séminaire de Monseigneur à Écône. En 1975, ils le
convoquèrent à Rome pour justifier sa constance dans la pratique de l’ancienne
religion, et ils le punirent en le relevant de ses fonctions épiscopales. Mgr
Lefebvre ne tint jamais compte de cette suspension parce qu’elle avait beau
être venue d’une autorité de l’Eglise, elle n’était pas en accord avec la
justice parce qu’elle n’était pas en accord avec la Vérité catholique, pour le
service de laquelle l’Autorité de l’Eglise existe seulement. Aussi Monseigneur
considéra-t-il toujours cette suspension comme étant invalide, et parce qu’il
plaçait la Vérité devant l’autorité déloyale, il n’y accorda pas
d’importance, ce qui permit à Écône de continuer.
En
conséquence, quand il ordonna en 1976 la première fournée importante de prêtres
pour la Fraternité, une douzaine, Rome condamna la Fraternité. Mais une fois de
plus l’archevêque plaça la Vérité avant l’Autorité, parce que la condamnation
était basée sur la suspension invalide, et ainsi de nouveau Écône sut
continuer. Et pourquoi l’archevêque mit-il la Vérité en premier ? Parce
que les fruits du Concile montraient de plus en plus clairement que Vatican II
avait introduit dans l'Église une nouvelle religion. Monseigneur avait de plus
en plus raison quand il disait que la foi catholique elle-même était l’enjeu de
la continuité ou de la fermeture d’Écône.
Et
de plus en plus de catholiques se trouvaient d’accord avec lui, aussi bien le
clergé que les laïcs, ce qui fit que Rome dut faire plus attention en
l’attaquant. Car à la suite de leur condamnation de la Fraternité, lors de la
fameuse Messe de Lille en août 1976, une foule spontanée de quelque 10 000
catholiques lancèrent ce qui devait être connu comme le mouvement traditionnel.
Ces catholiques avaient vu que la Foi était l’enjeu et que Mgr Lefebvre était
son défenseur, et leur réaction montra que la Tradition n’allait pas si
facilement disparaître.
A
partir de ce moment-là et pour les douze années suivantes, de 1976 à 1988, Rome
utilisa toute son autorité pour obtenir que l’archevêque abandonnât sa vieille
vérité catholique et entrât en harmonie avec le département religieux du
meilleur des mondes, du Nouvel Ordre Mondial, à savoir l’Eglise catholique en
tant que dominée et occupée par les hommes conciliaires, ce que Monseigneur
n’hésita jamais à appeler « L’Eglise conciliaire ». Non pas qu’il y
ait jamais eu deux Eglises, à strictement parler, mais qu'il y avait un seul
nid occupé par deux différentes sortes d’oiseau – l’Eglise catholique avec
toutes ses institutions, occupée par les conciliaires, ou partisans de Vatican
II.
Et
ainsi pendant 12 ans, Rome tenta d’obtenir que l’archevêque et sa Fraternité
adoptassent leur concile, alors que l’archevêque pour sa part était toujours
prêt à aller à Rome et à parler avec les Romains. Non pas qu’il y ait jamais
été question pour l’archevêque d’abandonner la Vérité, mais il espérait
vaguement en faire bénéficier l’Eglise Universelle en obtenant que Rome
retournât à la Vérité et abandonnât son Concile meurtrier. Cependant, pour qu’il y eût une quelconque
convergence de vue ou accord, le Concile était toujours dans ses documents
eux-mêmes si loin de le Tradition et de la Vérité catholiques qu’il y avait
seulement trois possibilités : soit Rome renonçait au Concile, soit Mgr
Lefebvre abandonnait la Vérité, soit ils se rencontraient en un impossible
mi-chemin. Car l’huile et l’eau ne se
mélangeront pas, la piété et l’athéisme ne se mélangeront pas, pour doucement
qu’on parle ou pour violemment qu’on les secoue.
Pour
cette raison, entre 1976 et 1988 la Fraternité devenait de plus en plus forte
dans la Vérité partout dans le monde, alors que Rome, en insistant sur le
Concile, réduisait une partie toujours plus grande de l’Église à des
ruines. C’était vraiment une guerre de
religion, une guerre entre deux religions, ce qui fait toujours la plus
acharnée de toutes les guerres.
Cependant Rome avait une carte maîtresse en sa possession, et c’était
l’âge de Monseigneur. Né en 1905, en
1987 il était âgé de 82 ans, et sa fatigue augmentait (de manière
compréhensible) suite à ses incessants voyages missionnaires depuis 17 ans,
voyages entrepris pour lancer et guider la Fraternité partout dans le monde.
Ces
voyages lui réussirent bien. La
Fraternité suivait ses pas et combattait pour la vraie Foi, en Europe, aux
Etats-Unis et au Canada, en Amérique latine, en Afrique, en Nouvelle-Zélande et
en Australie. Et étant donnée la manière
dont les autorités de l’Eglise désapprouvaient constamment la Fraternité et la
manière dont le Nouvel Ordre Mondial voulait absolument, par tous les moyens à
sa disposition, arrêter l’influence de la Fraternité allant dans le sens de
l’Ancien Monde, cette expansion mondiale de la Fraternité fut une réalisation
étonnante. Mais Rome pouvait se
permettre d’attendre : Mgr Lefebvre devait mourir un jour.
Evidemment,
lui-même le savait, et il savait aussi que la Fraternité aurait absolument
besoin d’évêques pour poursuivre l’ordination de prêtres et la confirmation de
confirmands, comme il l’avait réalisé tout seul jusqu’alors. A l’âge de 82 ans, il sentait sa fin
approcher. Aussi, durant l’été 1987, il
annonça dans un sermon dont il était sûr qu’il serait entendu des oreilles
romaines, qu’il allait sacrer quelques
évêques pour lui succéder, assurant ainsi l’avenir de la Fraternité. Rome avait peut-être espéré qu’il mourrait
sans laisser de successeurs, mais à ce moment-là ils appuyèrent sur le bouton
de panique.
Ils
organisèrent une visite officielle de la Fraternité, partout dans le monde,
pour l’observer à
l’action. Les visiteurs ne purent
qu'admirer la Catholicité de ce qu’ils virent, et voilà ce qu'ils dirent tant
qu’ils furent sous les toits de la Fraternité.
Cependant, dès qu’ils rentrèrent à Rome, ils reculèrent aussi dans leur
témoignage – comment pouvaient-ils être sûrs que la réalité correspondait à ce
qui leur avait été présenté ? – et ainsi de suite. Ensuite au printemps 1988, Rome ouvrit à nouveau
des négociations directes avec l’Archevêque, accompagné de deux de ses prêtres,
pour voir si Rome ne pouvait pas lui permettre de consacrer un évêque dans des
termes convenant aux deux parties. A ce
propos, Mgr Lefebvre reconnut plus tard qu’en diminuant ses réclamations pour
plaire aux autorités, il était allé plus loin qu’il n’aurait dû le faire, mais
au moins personne ne put l’accuser de ne pas avoir fait tout son possible pour
apaiser les autorités et les ramener à la Vérité.
En
réalité, par le Protocole d’accord qu’il signa le 5 mai, le dernier jour des
négociations, il était allé trop loin, et après une nuit sans sommeil, il s'en
rendit si bien compte que le 6, il retira sa signature, et les Romains
déclarèrent que le Protocole et l'accord projeté étaient annulés. Evidemment ils ne donneraient plus aucune
permission pour le sacre d’un évêque.
Mais au cours des négociations, ils avaient admis le principe d’un
sacre, si bien qu’il avait semblé que seule la date restait à fixer, mais
quand ils en vinrent à fixer une date, le Cardinal Ratzinger tergiversa et usa
de prétextes. L’Archevêque était ainsi
confirmé dans son jugement, depuis longtemps établi, que les Romains n’étaient
pas des hommes honnêtes, et donc il alla de l’avant avec le sacre de quatre
évêques, et pas seulement un, à la fin du mois de juin 1988, événement dont le
trentième anniversaire vient juste d’être fêté.
Ce
fut un grand événement, le plus grand triomphe – si on peut dire – de la longue
et remarquable carrière de Mgr Lefebvre au service de l’Eglise. Avant Vatican II, il n’aurait guère paru
différent de bien d’autres évêques missionnaires remarquables, mais après
Vatican II, l’Archevêque eut à la fois une remarquable Foi pour discerner à quel
point le Concile était faux, et un courage remarquable pour prendre les actions
efficaces selon ce qu’il avait discerné. Donc il se leva seul face à l’Eglise
et au monde pour défendre la Foi véritable, sans aucun collègue épiscopal à ses
côtés, excepté Mgr de Castro Mayer à partir de 1981. Celui-ci serait présent et
participerait aux Sacres eux-mêmes, ce pourquoi
l’Archevêque fut très reconnaissant envers son évêque co-consécrateur,
parce que c’était la preuve que les Sacres étaient catholiques, et pas
seulement une folie ou révolte de Mgr Lefebvre personnellement.
Ainsi,
quelles que seraient les épreuves ultérieures que la Vérité Catholique aurait à
subir par la suite dans un monde et une Eglise conciliaire se séparant de plus
en plus de Dieu et descendant dans le chaos, en 1988 la survie de la Tradition
était garantie, pour un certain temps au moins, par l’exploit héroïque de
Monseigneur. Et comment les Catholiques
croyants réagirent-ils ? Quelques prêtres de la Fraternité la quittèrent pour
fonder la Fraternité Saint-Pierre, emportant avec eux une part de la Vérité
Catholique pour la remettre sous le contrôle de ses ennemis, le Nouvel Ordre
Mondial. Mais le grand nombre des prêtres de la Fraternité suivirent
l’Archevêque, même si certains d’entre eux – parmi lesquels certains chefs actuels
– n’étaient pas entièrement convaincus que l’Autorité avait dû être bravée à ce
point-là pour garantir la Vérité.
Cependant, malgré les terribles prédictions comme quoi les Sacres
marqueraient la fin de la Fraternité, une si importante proportion de ceux
qu’on appelait les Traditionalistes s'en réjouirent que l’Archevêque lui-même
en était surpris. Soulevée par les
Sacres, la Fraternité entra dans une période de floraison glorieuse.
Et
un an après les Sacres, l’Archevêque fit le point en été 1989 dans une
interview qu’il accorda à « Fideliter », la revue mensuelle du
district de France de la Fraternité.
Tout catholique du 21ième siècle qui souhaite garder la Foi
ne pourra pas ne pas être éclairé en découvrant ces huit pages d’interview et
en les étudiant dans le but d’entrer dans l’esprit du plus grand défenseur de
la Foi des temps modernes. Sa pensée a
été déformée, et c’est ainsi que la Fraternité qu’il a léguée à l’Église et au
monde, au moment précis où elle était le plus nécessaire, est en train d’être
dévastée par ses successeurs qui souhaitent remettre la Vérité fidèle sous une
autorité infidèle. « Seigneur,
pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Comment en est-on arrivé là ?
Par
une ignorance ou négligence coupable des principes de la Foi qui éclairèrent la
décision de Mgr Lefebvre de sacrer des évêques il y a 30 ans. Assurément rien ne peut remplacer la lecture
des réponses entières de l’Archevêque aux questions posées par « Fideliter »
en 1989. Cependant, résumons ici-bas les
questions et les réponses de Mgr Lefebvre, suivies d'une petite mise à jour qui
éclairera les 29 années qui les ont suivies.