vendredi 4 janvier 2019

FSSPX : DOIT-ON LA QUITTER ?

La « preuve par trois » de l'abbé Pagliarani


A plusieurs reprises, on a évoqué ici la question de la juridiction reçue par la Fraternité pour les sacrements à partir de l’année 2015, notamment celui de la confession.

Il faut y revenir une nouvelle fois, tant il apparaît que cette « facilité » canonique concédée par Rome a constitué le premier pas d’un rapprochement en voie de devenir irréversible. 

Dès lors, les consciences s’interrogent : pour rester fidèle à la foi et à l’héritage catholique de Mgr Lefebvre, faut-il maintenant quitter la Fraternité ?


« Dites-moi ce à quoi vous ne voulez pas renoncer, … et je vous dirai qui vous êtes » !

Comme on le sait, Mgr Fellay a accepté le 1er septembre 2015 un cadeau de Rome, à savoir que les absolutions dispensées par les prêtres de la Fraternité sont désormais réputées « licites et valides », et il  a  remercié  le  pape François de ce « geste paternel » (cf. notre article du 19 décembre dernier sur « La Fraternité et ses confessions »).

Depuis sa nomination comme Supérieur général en juillet 2018, l’abbé Davide Pagliarani s’est exprimé trois fois dans des interviews publiées sur FSSPX-News les 12 octobre, 15 décembre, et tout récemment le 28 décembre.

De façon surprenante, dans aucune de ces interviews, il n’a fait la moindre allusion à la question de la juridiction des sacrements.

La première fois, on pouvait concéder que c’était par inadvertance, la seconde fois par négligence regrettable, mais la troisième fois, on est contraint de conclure que ce silence est volontaire.

La « preuve par trois » ainsi administrée par l’abbé Pagliarani lui-même, c’est que la Fraternité n’entend pas renoncer à la juridiction du pape François, alors qu’elle a vécu légitimement pendant 40 ans – pour le bien des âmes – sous le régime de la suppléance canonique, suite à la condamnation de Mgr Lefebvre en 1976.

On mesure aisément les conséquences désastreuses qu’une telle option entraînera sur la poursuite du vrai combat théologique et doctrinal contre les dérives conciliaires, … Il n’est pas d’usage, en effet, de griffer la main dont on a reçu une faveur !

Côme de Prévigny écrivait le 28 décembre sur le site Rorate Caeli que « la situation canonique de la Fraternité Saint-Pie X (était) désormais très largement normalisée » (certains ont ajouté « à 95% »). Il précisait : « La Fraternité est finalement comme une voiture qui a tous les éléments pour rouler : une carrosserie, des roues, un volant, des fauteuils, tout est flambant neuf et rien ne manque (…), il n’y a guère que l’absence de plaque minéralogique qui affecte son état, mais les maréchaussées du monde entier savent désormais que la voiture peut circuler comme elle le veut (…). Ainsi l’a voulu le pape ».

Il faut reconnaître que le laïc Jacques-Régis du Cray, alias Côme de Prévigny, alias Ennemond, un des porte-parole officieux de la Fraternité du temps de Mgr Fellay, toujours actif dans la fonction à ce qu’il semble, dresse là un honnête constat !

La technique du double langage est pratiquée à Menzingen depuis des années : à usage interne, on proclame l’attachement indéfectible à la doctrine et à la défense de la foi, mais on fait passer par la bande, en langage codé destiné aux autorités romaines, qu’on est disposé à accepter une régularisation de la Tradition dans le cadre de l’Eglise actuelle, à condition d’obtenir un statut suffisamment protecteur et des garanties du pape.

D’ores et déjà, on peut pronostiquer qu’il n’y aura pas de mise au point venant de Suisse à l’effet de réfréner l’enthousiasme « accordiste » de Côme de Prévigny, car son « constat » est très proche de celui de la Maison générale : la « plaque minéralogique » qui manque aujourd’hui au véhicule de la FSSPX,  c’est   comme  le  « coup de tampon » qui faisait défaut il y a deux ans pour la prélature (Mgr Fellay à TVLibertés, 29 janvier 2017).

Parallèlement, ce silence persistant du nouveau Supérieur général sur la juridiction – question pourtant centrale dans le dossier de la « normalisation » engagée avec Rome –, apporte un éclairage intéressant sur l’avenir : si la Fraternité ne veut pas renoncer aux « facilités » reçues en 2015-2017 sur les sacrements, elle ne pourra que poursuivre son chemin vers une complète régularisation, car elle ne saurait se maintenir « entre deux eaux » dans une position canonique bancale. En somme, ne pas vouloir reculer … c’est devoir avancer !

Chacun sait que les nouvelles « discussions » réclamées par la Fraternité n’ont aucune chance d’aboutir à un accord doctrinal, vu l’écart impressionnant entre la religion de Mgr Lefebvre  et  celle du  pape  François,   et  en  dépit  de  l’objectif  de  « pleine réconciliation » affiché en septembre 2014 par les deux parties. D’où l’hypothèse – assez crédible – que ces rencontres « doctrinales » puissent (aussi) servir de lieu d’échange pour la négociation d’une « solution de statut canonique » aménageant la place de la FSSPX dans l’Eglise.

Ainsi comprise, l’action de l’ « équipe » de l’abbé Pagliarani se positionne globalement, non dans la rupture, mais dans la continuité avec le gouvernement antérieur de la Fraternité...  n’en  déplaise aux perpétuels attentistes de la soi-disant « résistance interne », qui espèrent d’autant plus ardemment une correction de trajectoire qu’ils diffèrent sans cesse leur entrée effective « en résistance » !

Face aux perspectives qui se précisent, un appel est ici lancé aux fidèles conscients de la situation pour qu’ils entreprennent individuellement ou en groupe des démarches auprès de leur Prieuré, du district de France, ou de la Maison générale de Menzingen, afin de manifester une ferme opposition à tout ralliement canonique de l’œuvre de Mgr Lefebvre à la Rome du pape François, tant que cette dernière ne sera pas revenue à sa tradition bimillénaire par la condamnation solennelle des erreurs de Vatican II et du magistère hétérodoxe des derniers papes.

Comme signe de fidélité à la ligne doctrinale du Fondateur, on demandera concrètement que la Fraternité renonce sans délai, par un communiqué officiel du Supérieur général, à la juridiction sur les sacrements reçue de Rome depuis 2015.

Et si, persistant dans leur silence, les autorités refusent de récuser ces délégations du pape François, les fidèles devront en conclure que la Fraternité est désormais installée et confirmée de façon irréversible dans le processus de ralliement initié en 2012, et ils seront conduits à en tirer les conséquences sur leur participation à la vie des prieurés.

Déjà, à Rome, des rumeurs font état d’une possible suppression de la Commission Ecclesia Dei. Il se dit même que la Fraternité serait favorable à cette suppression, afin sans doute d’accéder au rang d’interlocutrice directe de la Congrégation pour la doctrine de la foi, se plaçant ainsi en position de force dans les négociations sur l’avenir de la « Tradition » au sein de l’Eglise conciliaire.

Mais, dans ces habiles calculs, la FSSPX oublie seulement qu’une société religieuse n’a, d’elle-même, aucune autorité pour négocier avec Rome une position canonique : car dans l’Eglise, c’est bien le pape qui est seul à la manœuvre, et de ce point de vue on ne peut que regretter le surprenant propos de l’abbé Pagliarani dans son interview du 28 décembre : « il n’y a que la Fraternité qui pourra aider l’Eglise » !

La Fraternité se trompe lourdement si elle envisage d’« aider l’Eglise » autrement qu’en recentrant sa démarche sur le terrain de la proclamation, ou plus exactement de la protestation de la foi devant l’apostasie : là était la force de son Fondateur face à Paul VI et à Jean Paul II, là fut le sursaut salvateur des sacres de 1988 !

Mgr Lefebvre ne s’est jamais estimé indispensable. Il a maintenu la foi, le sacerdoce et la messe, et il a effectivement « aidé l’Eglise », non par d’interminables pourparlers avec des théologiens modernistes incurables (2009 - 2011 et bis repetita 2018 - ... ? 2020 ? 2023 ?), mais bien par son héroïque  « opération-survie », acte concret de résistance publique à l’Autorité ecclésiastique !

On n’attend rien d'autre des Supérieurs actuels de la Fraternité…

A négliger les leçons de son passé, et à s’obstiner dans la voie d’un rapprochement téméraire avec Rome en éludant l’exigence du retour préalable de celle-ci à sa tradition, la Fraternité signerait son arrêt de mort. Elle ne pourrait plus, en tout cas, prétendre « faire sienne dans son intégralité » la mémorable Déclaration de 1974 de son fondateur (comme il est écrit dans l’Adresse du 21 juillet clôturant le Chapitre général), car elle l’aurait ainsi reniée à la face de toute l’Eglise.

A cette même Fraternité au bord du gouffre, Mgr Williamson pose une ultime fois le « Vrai Problème », et il lui en donne la solution :

« Quelles affaires vos dirigeants ont-ils encore besoin de traiter et de planifier avec Rome ? Dieu dit à Lot de sortir de Sodome, et de ne pas regarder en arrière. Aussi devez-vous, pour votre salut personnel et celui de votre troupeau, prendre toutes les mesures nécessaires pour vous isoler de la mafia, non seulement de celle de Rome, mais aussi – à moins d’un changement de cap radical – de celle de Menzingen ! Que Dieu vous vienne en aide » (Kyrie eleison n° 598 du 29 décembre 2018).

En ce début d'année 2019, peut-on formuler le vœu que ce « changement de cap radical » soit la récusation par la Maison générale de cette trompeuse juridiction crypto-conciliaire sur les sacrements ?

Un geste fort, et peut-être salutaire… qui sait ?

Sacramentus