Kyrie eleison DCII (26 janvier 2019)
”Où sont donc les héros du temps des Macchabées ?”
Demandait Monseigneur – ils sont partis jouer !
Que peut bien signifier, pour la grande masse des habitants du monde, le ralliement qu’opère la Fraternité Saint Pie X avec Rome ? Et que peut signifier cette politique même pour la plupart des catholiques ? Sans doute : peu de chose. Sans doute en était-il de même lorsque les passagers du Titanic ont vu une équipe de mécaniciens descendre dans les soutes du navire pour examiner ce qui se passait. Ils n’y ont peut-être pas prêté beaucoup d’attention. Mais dès qu’ils apprirent que leur grand paquebot était condamné, leur intérêt s’accrut considérablement. Il y a plus de 50 ans, l’Église catholique a heurté frontalement l’iceberg de Vatican II. Un grand ingénieur de l’Église, Mgr Lefebvre, avertit le commandant de l’Église de ce qui se passait et du résultat qu’il fallait en attendre. En outre, il a indiqué le moyen d’empêcher l’Église de couler. Mais hélas, Mgr Lefebvre n’a été écouté ni par les commandants de l’époque ni par ceux d’aujourd’hui. Ses successeurs découragés préfèrent écouter les capitaines fourvoyés. Or, si la Fraternité ne montre plus la seule issue possible, ils sont bien à plaindre. Rappelons donc les étapes du processus de réconciliation parcouru depuis 2012 pour voir où nous en sommes.
Dans ce processus, l’étape décisive a été le Chapitre Général de la Fraternité tenu en 2012. Cette année-là, la Fraternité a renoncé au principe fondamental posé par son Fondateur : aucun accord purement pratique ne peut servir l’Église sans un accord doctrinal préalable entre la Fraternité et Rome. La raison en est qu’un catholique est catholique d’abord à raison de sa foi subjective qui soumet son esprit et sa volonté à la foi objective, à la foi de l’Église. L’erreur du subjectivisme, c’est de prétendre que la foi de l’Eglise est subjective, en sorte que chacun est libre de croire comme bon lui semble et par conséquent de se comporter comme bon lui chante. C’est comme si on acceptait de croire que 2 et 2 peuvent faire 4, ou 5 ou 6 ou 6 000 000. Cette infidélité, propre à Vatican II, la Fraternité l’a adoptée pour l’essentiel en 2012. Mais les responsables de Menzingen se sont empressés de rassurer leurs prêtres et leurs laïcs, en affirmant que rien d’essentiel n’avait changé dans la Fraternité. MAIS –
2014 : Une série de réunions publiques commencent à Rome avec les autorités romaines, pour préparer un plan d’action, étape par étape, afin que la Fraternité arrive à être pleinement reconnue. Ce processus s’est déroulé comme prévu :—
2015 : Des dignitaires romains visitent les séminaires de la FSSPX ; Rome concède à la Fraternité pour le temps du Jubilé une juridiction officielle pour les confessions.
Juin 2016 : les Ordinations sacerdotales de la SSPX ne sont plus sanctionnées par la suspension “a divinis”.
Novembre 2016 : La “concession” sur les Confessions et l’Extrême-Onction devient permanente.
2017 : Les Mariages célébrés dans la Fraternité sont rendus “licites” par la participation d’un prêtre de la Néo-église comme témoin.
2018 : Le Chapitre Général de la FSSPX élit pour son Conseil Général trois hommes qui ne sont guère des lions de la Foi. Il crée en outre deux nouveaux postes de Conseillers Généraux qui permettent à deux lions de la réconciliation avec Rome de conserver leur pouvoir : Mgr Fellay et l’abbé Schmidberger.
2019 : Rome vient d’effectuer la réabsorption de la Commission Ecclesia Dei (ED) au sein de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF). Cette commission en avait été séparée en 1988 dans le but de garder dans le giron romain les catholiques tentés de suivre Mgr Lefebvre après les consécrations épiscopales de la Fraternité. En tant que tel, ED avait pour mission d’être relativement favorable envers les traditionalistes. Mais le pape François ne veut guère de la Tradition. Par conséquent, puisque la Néo-fraternité est maintenant d’accord avec Rome qu’il n’y a plus le conflit comme il y en avait en 1988, le Pape peut mettre fin à ED. Toutefois, ED était accommodante avec la Tradition, alors que les membres de la CDF sont des lions de la Néo-église. Comme le petit Chaperon Rouge, la Néo-fraternité se jette dans la gueule de Rome – “Oh, douce, grande et méchante Rome, que vous avez de belles dents !” “D’autant mieux pour te manger, petite nigaude !”
Et qu’en est-il de la Fraternité ? De même qu’elle est contente que Rome ait dissous ED, parce que la CFD la traitera enfin comme appartenant pleinement à l’Église, de même elle risque d’être encore plus heureuse si Rome la dote de deux évêques de la Néo-église relativement décents, pour satisfaire ses besoins d’Ordinations et de Confirmations. Mais ils viendront de l’extérieur de la FSSPX et seront toujours sous le contrôle romain. De la part de Rome, la démarche sera habile, refermant encore plus le piège sur ce qui reste de la Fraternité de Mgr Lefebvre. Et combien de prêtres de la Néo-fraternité sauront y discerner “une mer de troubles possibles”, et de plus combien seront prêts à se lever pour “prendre les armes pour y mettre fin (Hamlet)” ? Pas beaucoup, on peut le craindre.