Voici un document de Mgr Vigano daté du 9 juin 2020. Ce dernier dénonce très vigoureusement une église parallèle. Analyse parue sur le site italien Chiesapostconcilio .
Elle contient tout ce que Mgr Lefebvre avait lui-même condamné au sujet de cette église "parallèle, construite, superposée et opposée à la véritable Eglise du Christ".
Nous publions également, avec l’autorisation de son auteur, la lettre que Mgr Thomas d’Aquin, évêque sacré par Mgr Williamson en 2016, vient d’écrire à Mgr Viganó pour l’encourager et le féliciter dans ce beau combat de la Foi que l’ancien Nonce rejoint de plus en plus clairement.
J’ai lu avec grand intérêt le texte de S.E. Athanasius
Schneider publié dans LifeSiteNews le 1er juin dernier et intitulé There is
no divine positive will or natural right to the diversity of religions [la
diversité des religions n'est pas le résultat d'un vouloir divin positif ni
l'objet d'un droit naturel, NdT]. L’étude de Son Excellence résume, avec la
clarté qui distingue les paroles de celui qui parle selon le Christ, les
objections sur la prétendue légitimité de l’exercice de la liberté religieuse
que le Concile Vatican II a théorisée, contredisant le témoignage de la Sainte
Écriture, la voix de la Tradition et le Magistère catholique qui est le fidèle
gardien de l’une et de l’autre.
Le mérite de ce texte réside tout
d’abord dans le fait d’avoir su saisir le lien de causalité entre les principes
énoncés ou sous-entendus par Vatican II et l’effet logique qui en résulte dans
les déviations doctrinales, morales, liturgiques et disciplinaires qui sont
apparues et se sont progressivement développées jusqu’à ce jour. Le monstrum engendré
dans les cercles modernistes pouvait d’abord être trompeur, mais en se
développant et en se renforçant, il se montre aujourd’hui pour ce qu’il est
vraiment, dans sa nature subversive et rebelle. La créature, alors conçue, est
toujours la même et il serait naïf de penser que sa nature perverse puisse
changer. Les tentatives visant à corriger les excès du Concile – en invoquant
l’herméneutique de la continuité – ont abouti à une faillite : Naturam
espellas furca, tamen usque recurret (Épître d’Horace. I,10,24) [Chassez
le naturel, il revient au galop]. La Déclaration d’Abou Dhabi et, comme le
fait remarquer à juste titre Mgr Schneider, ses prodromes du panthéon d’Assise,
« a été conçue dans l’esprit du Concile Vatican II » comme le
confirme fièrement Bergoglio.
Cet « esprit du Concile »
est le certificat de légitimité que les novateurs opposent aux critiques, sans
se rendre compte que c’est précisément en confessant cet héritage, que se
confirme non seulement le caractère erroné des déclarations actuelles, mais
aussi la matrice hérétique qui les justifierait. À y regarder de plus près,
jamais dans la vie de l’Église il n’y a eu un Concile qui ait représenté un
événement historique au point de le rendre différent des autres : il n’y a
jamais eu « l’esprit du Concile de Nicée », ni « l’esprit du Concile de
Ferrare-Florence », et encore moins « l’esprit du Concile de
Trente », tout comme il n’y a jamais eu de « post-Concile »
après Latran IV ou Vatican I.
La raison en est évidente : ces conciles étaient tous, sans distinction,
l’expression de la voix à l’unisson de la Sainte Mère l’Église, et pour cela
même de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est significatif que ceux qui
soutiennent la nouveauté de Vatican II adhèrent également à la doctrine
hérétique qui voit le Dieu de l’Ancien Testament opposé au Dieu du Nouveau,
presque comme s’il pouvait y avoir une contradiction entre les Personnes
Divines de la Très Sainte Trinité. Il est évident que cette opposition presque
gnostique ou kabbalistique sert à légitimer un nouveau sujet délibérément différent et opposé à
l’Église catholique. Les erreurs doctrinales trahissent presque toujours aussi
une hérésie trinitaire, et c’est donc en revenant à la proclamation du dogme
trinitaire que les doctrines qui s’y opposent peuvent être
vaincues : ut in confessione veræ sempiternæque deitatis, et in
Personis proprietas, et in essentia unitas, et in majestate adoretur
æqualitas. Professant la divinité véritable et éternelle, nous adorons le
caractère propre des Personnes divines, l’unité dans leur essence, l’égalité
dans leur majesté.
Mgr Schneider cite plusieurs
canons des Conciles œcuméniques qui, selon lui, proposent des doctrines
difficiles à accepter aujourd’hui, comme l’obligation de reconnaître les juifs
par leurs vêtements, ou l’interdiction pour les chrétiens d’être les serviteurs
de maîtres mahométans ou juifs. Parmi ces exemples, il y a aussi la nécessité
de la traditio instrumentorum déclarée par le Concile de
Florence, corrigée par la suite par la Constitution apostolique Sacramentum
Ordinis de Pie XII. L’évêque Athanasius commente : « On
peut légitimement espérer et croire qu’un futur pape ou concile œcuménique
corrigera les déclarations erronées faites » par Vatican II. Cela me
semble être un argument qui, même avec les meilleures intentions, sape les
fondations de l’édifice catholique. Si, en effet, nous admettons qu’il puisse y
avoir des actes magistériels qui, en raison d’une sensibilité modifiée, sont
susceptibles d’être abrogés, modifiés ou interprétés différemment au fil du
temps, nous tombons inexorablement sous la condamnation du décret Lamentabili et
nous finissons par être d’accord avec ceux qui, récemment, précisément sur la
base de cette hypothèse erronée, ont déclaré « non conforme à
l’Évangile » la peine de mort, allant jusqu’à modifier le Catéchisme de
l’Église catholique.
Et d’une certaine manière, nous pourrions, par le même principe, croire que les
paroles du bienheureux Pie IX dans Quanta cura ont été en
quelque sorte corrigées précisément par Vatican II, tout comme Son Excellence
espère que cela puisse se produire pour Dignitatis humanæ. Parmi
les exemples qu’il a donnés, aucun n’est en soi gravement erroné ou hérétique:
le fait d’avoir déclaré la traditio instrumentorum nécessaire
à la validité de l’Ordre n’a en aucun cas compromis le ministère sacerdotal
dans l’Église, l’amenant à conférer des Ordres invalidement. Il ne me semble
pas non plus que cet aspect, aussi important soit-il, ait insinué des doctrines
erronées chez les fidèles, ce qui n’est arrivé qu’avec le dernier Concile. Et
lorsque, au cours de l’histoire, les hérésies se sont répandues, l’Église est
toujours intervenue promptement pour les condamner, comme cela s’est produit au
moment du Concile de Pistoia en 1786, qui a été en quelque sorte le précurseur
de Vatican II, surtout lorsqu’il a aboli la communion en dehors de la Messe,
introduit la langue vernaculaire et supprimé les prières au bas de l’autel du
Canon de la Messe; mais plus encore lorsqu’il a théorisé les bases de la
collégialité épiscopale, en limitant la primauté du Pontife à la seule fonction
ministérielle. En relisant les actes de ce Synode, on s’étonne de la
formulation minutieuse des erreurs que l’on retrouvera ensuite, voire
davantage, dans le Concile présidé par Jean XXIII et Paul VI. D’autre part, de
même que la Vérité puise en Dieu, ainsi l’erreur se nourrit chez l’Ennemi, qui
déteste l’Église du Christ et son cœur, la Sainte Messe et la Très Sainte
Eucharistie.
Il arrive un moment dans notre
vie où, par disposition de la Providence, un choix décisif pour l’avenir de
l’Église et pour notre salut éternel se présente à nous. Je parle du choix
entre comprendre l’erreur dans laquelle nous sommes tous tombés, et presque
toujours sans mauvaises intentions, et continuer à se détourner ou à se
justifier.
Nous avons, entre autres erreurs,
commis aussi celle de considérer nos interlocuteurs comme des personnes qui,
malgré la diversité des idées et de la foi, étaient néanmoins animées de bonnes
intentions, et qui, au cas où elles réussiraient à s’ouvrir à notre Foi,
seraient prêtes à corriger leurs erreurs. Avec de nombreux Pères du
Concile, nous avons pensé l’œcuménisme comme un processus, une invitation
appelant les dissidents à l’unique Église du Christ ; les idolâtres et les
païens au seul vrai Dieu ; le peuple juif au Messie promis. Mais, à partir du moment
où il a été théorisé dans les commissions du Concile, il s’est configuré en
nette opposition à la doctrine jusqu’alors exprimée dans le Magistère. Nous
avons pensé que certains excès n’étaient qu’une exagération de celui qui
s’était laissé prendre par l’enthousiasme de la nouveauté ; nous avons
sincèrement pensé que le fait de voir Jean-Paul II entouré de marabouts, de
bonzes, d’imams, de rabbins, de pasteurs protestants et d’autres hérétiques
donnait la preuve de la capacité de l’Église à rassembler les gens pour
invoquer la paix auprès de Dieu, alors que l’exemple d’un geste faisant
autorité donnait lieu à une suite déviante de panthéons plus ou moins
officiels, jusqu’à voir l’idole impure de la Pachamama portée sur leurs épaules
par plusieurs évêques, sacrilégement dissimulée sous l’apparence présumée d’une
maternité sacrée. Mais si le simulacre d’une divinité infernale a pu entrer à
Saint-Pierre, cela fait partie d’un crescendo que la partition avait prévu dès
le début. Un grand nombre de catholiques pratiquants, et peut-être même la
plupart des clercs eux-mêmes, sont aujourd’hui convaincus que la foi catholique
n’est plus nécessaire pour le salut éternel ; on croit que le Dieu Un et
Trine révélé à nos pères est le même dieu que celui de Mahomet. Nous l’avons
entendu répéter depuis les chaires et les évêchés il y a vingt ans déjà, mais
récemment nous l’avons entendu affirmer avec insistance même depuis le Trône le
plus élevé.
Nous savons bien que, renforcés
par l’adage paulinien Littera enim occidit, spiritus autem vivificat,
les progressistes et les modernistes ont su habilement cacher dans les textes
du Concile ces ambiguïtés, qui à l’époque semblaient inoffensives pour la
plupart des gens, mais qui aujourd’hui se manifestent dans leur valeur subversive.
C’est la méthode du subsistit in : dire une demi-vérité non
pas tant pour ne pas offenser l’interlocuteur (en supposant qu’il soit licite
de taire la vérité de Dieu par respect pour l’une de ses créatures), mais dans
le but de pouvoir utiliser la demi erreur que l’entière vérité dissiperait
instantanément. Ainsi, « Ecclesia Christi subsistit
in Ecclesia Catholica » ne précise pas l’identité des deux, mais
la subsistance de l’une dans l’autre et, par cohérence, également dans d’autres
églises : c’est l’ouverture aux célébrations inter-ecclésiales, aux prières
œcuméniques, à la fin inexorable de la nécessité de l’Église pour le salut, de
son unicité, de sa nature missionnaire.
Certains se souviendront
peut-être que les premières rencontres œcuméniques ont eu lieu avec les schismatiques d’Orient,
et très prudemment avec certaines sectes protestantes. À part l’Allemagne, la
Hollande et la Suisse, les pays de tradition catholique n’ont pas accueilli dès
le début les célébrations mixtes, avec des pasteurs et des curés ensemble. Je
me souviens qu’à l’époque, il était question de supprimer l’avant-dernière
doxologie du Veni Creator afin de ne pas heurter les
orthodoxes, qui n’acceptaient pas le Filioque. Aujourd'hui, nous entendons les sourates du Coran récitées
du haut des chaires de nos églises, nous voyons une idole en bois adorée
par des religieux; et les évêques n'ont plus même l’idée de présenter des
excuses pour de telles aberrations, ce qu'ils auraient fait auparavant.
Ce que le monde veut, à
l’instigation de la franc-maçonnerie et de ses tentacules infernaux, c’est
créer une religion universelle, humanitaire et œcuménique, dans laquelle ce
Dieu jaloux que nous adorons est banni. Et si c’est ce que le monde veut, toute
démarche dans la même direction de la part de l’Église est un choix
malheureux, qui se retournera contre ceux qui croient pouvoir se moquer de
Dieu. Les espoirs de la Tour de Babel ne peuvent pas être ramenés à la vie par
un plan mondialiste qui vise à effacer l’Église catholique, à la remplacer par
une confédération d’idolâtres et d’hérétiques unis par l’environnement et la
fraternité humaine. Il ne peut y avoir de fraternité qu’en Christ, et seulement
dans le Christ : qui non est mecum, contra me est.
Il est déconcertant que peu de
gens soient conscients de cette course vers l’abîme, et que peu de gens soient
conscients de la responsabilité des dirigeants de l’Église à soutenir ces
idéologies anti-chrétiennes, comme s’ils voulaient se garantir un espace et un
rôle sur le char de la pensée unique. Et il est étonnant que l’on persiste à ne
pas vouloir enquêter sur les causes profondes de la crise actuelle, se limitant
à déplorer les excès d’aujourd’hui comme s’ils n’étaient pas la conséquence
logique et inévitable d’un plan orchestré il y a plusieurs décennies. Si la
Pachamama a pu être vénérée dans une église, nous le devons à Dignitatis
humanae. Si nous avons une liturgie protestante et parfois même
paganisée, nous le devons aux actions révolutionnaires de l’évêque Annibale
Bugnini et aux réformes post-conciliaires. Si nous avons signé le document
d’Abou Dhabi, nous le devons à Nostra Aetate. Si nous en
sommes arrivés à déléguer des décisions aux conférences épiscopales – même en
violation très grave du Concordat, comme cela s’est produit en Italie – nous le
devons à la collégialité, et à sa version actualisée dans la synodalité.
Grâce à ce processus synodale nous nous sommes retrouvés
avec Amoris Laetitia à devoir chercher un moyen d’éviter ce
qui était évident pour tout le monde, à savoir que ce document, préparé par une
impressionnante machine organisationnelle, devait légitimer la Communion pour
les divorcés et les concubins, tout comme Querida Amazonia devait
servir de légitimation pour les femmes prêtres (voir le cas très récent d’une
« vicaire épiscopal » à Fribourg) et l’abolition du Saint Célibat. Les
prélats qui ont envoyé les Dubia à François ont, à mon avis,
fait preuve de la même pieuse naïveté : penser que face à la contestation
argumentée de l’erreur, Bergoglio comprendrait, corrigerait les points
hétérodoxes et demanderait pardon.
Le Concile a été utilisé pour
légitimer, dans le silence de l’Autorité, les déviations doctrinales les plus
aberrantes, les innovations liturgiques les plus audacieuses et les
abus les plus éhontés. Ce Concile a été tellement exalté qu’il a été
indiqué comme la seule référence légitime pour les catholiques, les clercs et
les évêques, obscurcissant et connotant avec un sentiment de mépris la doctrine
que l’Église avait toujours enseignée avec autorité, et interdisant la liturgie
pérenne qui, pendant des millénaires, avait nourri la foi d’une génération
ininterrompue de fidèles, de martyrs et de saints. Entre autres choses, ce
Concile s’est avéré être le seul à poser autant de problèmes d’interprétation
et à présenter autant de contradictions par rapport au Magistère précédent,
alors qu’il n’y en a pas un – du Concile de Jérusalem à Vatican I – qui ne
s’harmonise pas parfaitement avec l’ensemble du Magistère et qui nécessite quelques
interprétations.
Je l’avoue avec sérénité et sans
polémique : j’ai été l’un de ceux qui, malgré de nombreuses perplexités et
craintes, qui s’avèrent aujourd’hui tout à fait légitimes, ont placé leur
confiance dans l’autorité de la Hiérarchie avec une obéissance
inconditionnelle. En réalité, je pense que beaucoup, et moi parmi eux, n’ont
pas initialement envisagé la possibilité d’un conflit entre l’obéissance à un
ordre de la Hiérarchie et la fidélité à l’Église elle-même. Ce qui a rendu
tangible la séparation contre-nature, voire perverse, entre la Hiérarchie et
l’Église, entre l’obéissance et la fidélité, c’est certainement ce dernier
pontificat.
Dans la « chambre des
larmes » adjacente à la Sixtine, alors que l’évêque Guido Marini prépare
le rochet, la mozette et l’étole pour la première apparition du pape
« nouvellement élu », Bergoglio s’exclama : « Le
carnaval est terminé ! », rejetant avec dédain les insignes que
tous les papes avaient jusqu’alors humblement acceptés comme distinctives
du Vicaire du Christ. Mais il y avait quelque chose de vrai dans ces mots, même
s’ils étaient prononcés involontairement : le 13 mars 2013, le masque des
conspirateurs est tombé, enfin libérés de la présence gênante de Benoît XVI et
fiers d’avoir enfin réussi à promouvoir un cardinal qui incarnait leurs idéaux,
leur façon de révolutionner l’Église, de rendre sa doctrine dépassable, sa
morale adaptable, sa liturgie adultérable, sa discipline abrogeable. Et tout
cela a été considéré, par les protagonistes du complot eux-mêmes, comme la
conséquence logique et l’application évidente de Vatican II, selon eux affaibli
précisément par les critiques exprimées par Benoît XVI lui-même.
Le plus grand affront de son pontificat a été la libéralisation de la vénérable
liturgie tridentine, à laquelle la légitimité a finalement été reconnue, niant
cinquante ans d’ostracisme illégitime. Ce n’est pas un hasard si les partisans
de Bergoglio sont les mêmes qui voient dans le Concile le premier événement
d’une nouvelle église, avant laquelle il y avait une ancienne religion
avec une ancienne liturgie. Ce n’est pas un hasard : ce
qu’ils affirment impunément, suscitant le scandale des modérés, c’est ce que
les catholiques croient aussi, à savoir que malgré toutes les tentatives d’herméneutique
de la continuité misérablement anéanties lors de la première
confrontation avec la réalité de la crise actuelle, il est indéniable que
depuis Vatican II, une église parallèle s’est formée, superposée et opposée à
la véritable Église du Christ. Elle a progressivement occulté l’institution
divine fondée par Notre Seigneur pour la remplacer par une entité fallacieuse,
correspondant à la religion universelle souhaitée, dont la
Franc-maçonnerie a été le premier théoricien. Des expressions comme nouvel
humanisme, fraternité universelle, dignité humaine sont les mots d’ordre d’un
humanitarisme philanthropique qui nie le vrai Dieu, d’une solidarité
horizontale d’inspiration vague et spiritualiste, et d’un irénisme œcuménique
que l’Église condamne sans appel. « Nam et loquela tua manifestum te
facit » (Mt 26, 73) : ce recours très fréquent, presque
obsessionnel, au même vocabulaire que l’ennemi, trahit l’adhésion à l’idéologie
dont il s’inspire; inversement, le renoncement systématique au langage clair,
sans équivoque et cristallin propre à l’Église, confirme la volonté de se
détacher non seulement de la forme catholique, mais aussi de sa substance.
Ce que nous entendons depuis des années, de façon vague et sans connotations
claires, de la plus haute Chaire, nous le trouvons ensuite élaboré dans un
véritable manifeste chez les partisans du présent Pontificat : la
démocratisation de l’Église par le biais non plus de la collégialité inventée
par Vatican II, mais de la voie synodale inaugurée au Synode
pour la Famille; la démolition du sacerdoce ministériel par son
affaiblissement, avec les exceptions au célibat ecclésiastique et l’introduction
de figures féminines aux fonctions quasi-sacerdotales; le passage silencieux de
l’œcuménisme visant les frères séparés à une forme de pan-œcuménisme qui
abaisse la Vérité du Dieu Un et Trine au niveau des idolâtries et des
superstitions les plus infernales; l’acceptation d’un dialogue interreligieux
qui présuppose le relativisme religieux et exclut l’annonce
missionnaire; la démythisation de la papauté, poursuivie par Bergoglio
lui-même en tant que marque du pontificat; la légitimation progressive du
politiquement correct: théorie du genre, (gender) sodomie,
mariages homosexuels, doctrines malthusiennes, écologisme,
immigrationnisme… Ne pas reconnaître les racines de ces déviations dans
les principes fixés par le Concile rend toute guérison impossible : si le
diagnostic s’obstine contre l’évidence à exclure la pathologie initiale, il ne
peut formuler une thérapie adaptée.
Cette opération d’honnêteté
intellectuelle exige une grande humilité, tout d’abord pour reconnaître que
nous avons été induits en erreur pendant des décennies, en toute bonne foi, par
des personnes qui, constituées en autorité, n’ont pas su veiller et garder le
troupeau du Christ : certains pour vivre tranquilles, d’autres par excès
d’engagements, d’autres par commodité, d’autres enfin par mauvaise foi ou même
par malice. Ces derniers, qui ont trahi l’Église, doivent être identifiés,
repris, invités à s’amender et, s’ils ne se repentent pas, jetés hors de
l’enceinte sacrée. Ainsi agit un vrai berger, qui prend soin de la santé des
brebis et donne sa vie pour elles ; nous avons eu et nous avons encore trop de
mercenaires, pour qui le consensus des ennemis du Christ est plus important que
la fidélité à son Épouse.
Tout comme j’ai obéi honnêtement et sereinement à des ordres douteux il y a
soixante ans, croyant qu’ils représentaient la voix aimante de l’Église, de
même aujourd’hui, avec autant de sérénité et d’honnêteté, je reconnais que je
me suis laissé tromper. Être cohérent aujourd’hui en persévérant dans l’erreur
serait un choix malheureux et ferait de moi un complice de cette fraude.
Prétendre dès le départ à une clairvoyance de jugement ne serait pas honnête :
nous savions tous que le Concile serait plus ou moins une révolution,
mais nous ne pouvions pas imaginer qu’il s’avérerait si dévastateur, même pour
ceux qui étaient censés l’empêcher. Et si jusqu’à Benoît XVI on pouvait encore
imaginer que le coup d’État de Vatican II (que le cardinal Suenens a
appelé le 1789 de l’Église) avait ralenti, ces dernières années
même les plus naïfs d’entre nous ont compris que le silence, par crainte de
provoquer un schisme, la tentative d’ajuster les documents pontificaux au sens
catholique pour remédier à l’ambiguïté souhaitée, les appels et les doutes
adressés à François, éloquemment laissés sans réponse, sont une confirmation de
la situation d’apostasie très grave à laquelle sont exposés les dirigeants de
la Hiérarchie, alors que le peuple chrétien et le clergé se sentent
irrémédiablement écartés et considérés presque avec agacement par l’épiscopat.
La Déclaration d’Abu Dhabi est le
manifeste idéologique d’une idée de paix et de coopération entre les
religions qui pourrait être tolérée si elle émanait des païens,
privés de la lumière de la Foi et du feu de la Charité. Mais ceux qui ont la
grâce d’être enfants de Dieu, en vertu du Saint Baptême, devraient être
horrifiés à l’idée même de pouvoir construire une tour de Babel blasphématoire
dans une version moderne, en essayant d’assembler l’unique vraie Église du
Christ, héritière des promesses du Peuple élu, avec ceux qui nient le Messie et
avec ceux qui considèrent blasphématoire la seule idée d’un Dieu Trine. L’amour
de Dieu ne connaît aucune mesure et ne tolère aucun compromis, sinon ce n’est
tout simplement pas la Charité, sans laquelle il n’est pas possible de rester
en Lui : qui manet in caritate, in Deo manet, et Deus in eo (1Jn
4,16). Peu importe qu’il s’agisse d’une déclaration ou d’un document
magistériel : nous savons très bien que la mens subversive des
novateurs joue sur ces mêmes détails pour répandre l’erreur. Et nous savons
très bien que le but de ces initiatives œcuméniques et interreligieuses n’est
pas de convertir au Christ ceux qui sont loin de l’unique Église, mais de
tromper et de corrompre ceux qui conservent encore la Foi catholique, les
amenant à considérer comme souhaitable une grande religion universelle qui
rassemblerait « dans une seule maison » les trois grandes
religions abrahamiques : c’est le triomphe du plan maçonnique en préparation du
règne de l’Antéchrist ! .Il importe peu que cela se concrétise sous
la forme d’une bulle dogmatique, d’une déclaration ou d’une interview de
Scalfari sur La Repubblica, car les paroles de
Bergoglio sont attendues par ses soutiens comme un signal, auquel on répond par
une série d’initiatives déjà préparées et organisées depuis longtemps. Et si
Bergoglio ne s’en tient pas aux indications reçues, des légions de théologiens
et de clercs sont déjà prêts à se plaindre de la « solitude du pape
François », comme prémisse à sa démission (je pense, par exemple, à
Massimo Faggioli dans un de ses récents écrits). D’autre
part, ce ne serait pas la première fois qu’ils utilisent le pape lorsqu’il suit
leurs plans, et qu’ils se débarrassent de lui ou l’attaquent dès qu’il s’en
éloigne.
L’Église a célébré la Très Sainte
Trinité dimanche dernier et propose dans le Bréviaire la récitation du Symbolum
Athanasianum, désormais proscrite par la liturgie conciliaire et déjà
limitée à deux occasions seulement dans la réforme de 1962. Les premiers mots de
ce Symbole aujourd’hui disparu restent gravés en lettres d’or : « Quicumque
vult salvus esse, ante omnia opus est ut teneat Catholicam Fidem ; quam nisi
quisque integram inviolatamque servaverit, absque dubio in aeternum peribit »
[Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir la Foi Catholique: s’il
ne la garde pas entière et pure, il périra sans aucun doute pour l’éternité].
+ Carlo Maria Viganò
Saint Éphrem, 9 juin 2020
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Lettre de soutien de Mgr Thomas d'Aquin
+
PAX
Excellence,
C'est du Brésil que je vous écris pour vous féliciter pour votre écrit du 9 juin. Votre lucidité et votre courage nous ont beaucoup édifiés et consolés.
J'ai été ordonné par S. Ex. Mgr. Marcel Lefebvre en 1980 et sacré évêque par S.Ex. Mgr Richard Williamson en 2016. Je réside au Brésil, au monastère bénédictin de la Sainte Croix (Mosteiro da Santa Cruz, en portugais) dont je suis le supérieur. Ici nous suivons depuis toujours les orientations de Mgr. Lefebvre, qui a toujours combattu et le modernisme et le sedevacantisme.
Nous avons bien apprécié votre clarté dans la dénonciation de "l'Église Parallèle" qu'un cardinal a nommé "Église Conciliaire". Bien que cette réalité soit bien difficile à définir nous nous trouvons devant deux réalités distinctes, avec des fins distinctes, des doctrines distinctes, des morales distinctes, des liturgies distinctes, etc., malgré le fait qu'un seul Pape soit à la tête des deux églises, lequel protège l'une (la moderniste) et persécute l'autre (la catholique).
Dans une conférence, Mgr. Lefebvre dit, en exposant les questions qu'il ferait s'il était invité à Rome:
"Quelle Église êtes-vous ? À quelle Église avons-nous affaire — moi je voudrais savoir —, si j'ai affaire à l’Église catholique, ou si j’ai affaire à une autre Église, à une Contre-Église, à une contrefaçon de l’Église ?… Or, je crois sincèrement que nous avons affaire à une contrefaçon de l'Église et non pas à l’Église catholique. Pourquoi? Parce qu'ils n'enseignent plus la foi catholique. Ils ne défendent plus la foi catholique. Non seulement ils n'enseignent plus la foi catholique et ne défendent plus la foi catholique, mais ils enseignent autre chose, ils entraînent l’Église dans autre chose que l’Église catholique. Ce n’est plus l’Église catholique. Ils sont assis sur le siège de leurs prédécesseurs, tous ces cardinaux qui sont dans les congrégations et tous ces secrétaires qui sont dans ces congrégations ou à la secrétairerie d’État ; ils sont bien assis là où étaient leurs prédécesseurs, mais ils ne continuent pas leurs prédécesseurs. Ils n'ont plus la même foi, ni la même doctrine, ni la même morale que leurs prédécesseurs. Alors ce n'est plus possible. Et principalement, leur grande erreur, c’est œcuménisme. Ils enseignent un œcuménisme qui est contraire à la foi catholique". (Conférence aux séminaristes, le 8 juin 1978).
Mgr de Castro Mayer n'était pas moins explicite:
"Nous dirions que la meilleure manière d'abandonner l'Église du Christ, l"Église Catholique Apostolique Romaine, est d'accepter sans réserve ce qu'a enseigné et proposé le Concile Vatican II. Il est l'Anti-Église." (Journal Heri et Hodie nº33 - septembre de 1986). Cette citation de Mgr. de Castro Mayer a été traduite du portugais.
Avant de terminer, je vous assure à nouveau de mon soutien, de mes prières et des prières de tous les moines de notre monastère ainsi que celles des fidèles qui sont avec nous et des séminaristes brésiliens de la Tradition.
En vous souhaitant le courage que seul Dieu peut donner je vous assure, Excellence, de mon entier dévouement.
Dans le Sacré Coeur et dans le Coeur Immaculé,
+ Tomás de Aquino, OSB
U.I.O.G.D.