samedi 5 novembre 2022

79 séminaristes

Nous nous permettons cette fois de publier deux lettres successives de Mgr Williamson en un seul article pour en faciliter la compréhension. Mgr Williamson aborde un sujet douloureux et explosif de la "structure" mais n'est-ce pas le rôle d'un évêque de dénoncer ce qui permet à la révolution d'étendre ses tentacules et de briser toute résistance. 


KE 798 et 799 (29 octobre et 5 novembre 2022)


Au jeune qui s’engage à votre appel, Seigneur,
Epargnez les structures qui feraient son malheur !

Bonne nouvelle pour la « Néo-Fraternité Saint Pie X » : elle a admis 79 jeunes hommes cette année dans ses quatre grands séminaires pris ensemble, en vue de discerner leur vocation au sacerdoce Catholique traditionnel : Flavigny (Ecône), France, 21 ; Zaitzkofen (Allemagne), 21 ; Dillwyn (États-Unis), 28 et La Reja (Amérique latine), 9. Dans le monde anti-traditionnel d’aujourd’hui, il s’agit d’un exploit admirable, et même si certains d’entre eux ne persévéreront pas, sans doute, jusqu’à la prêtrise, nous pouvons sérieusement espérer voir nombre d’entre eux dispenser les sacrements catholiques dans, disons, six ans.

En revanche, le seul séminaire classique de la « Résistance » à Morannes, en France, ne compterait qu’un ou deux jeunes hommes entrant cette année pour juger de leur vocation *. Un lecteur de ces Commentaires a été amené à poser la question suivante : la « Résistance » n’aurait-elle pas dû, dès le début, être structurée avec une Congrégation et des séminaires bien organisés, comme dans la Fraternité de Mgr Lefebvre, en vue de rassembler et rallier les réfugiés et les dissidents de la FSSPX originelle, au lieu de les laisser se dissiper dans une obscure indépendance ? Ce même lecteur concédera que la substance ou le fonds de la Néo-Fraternité n’est plus ce qu’il était sous Mgr Lefebvre, mais il attribuera ce déclin au manque d’un vrai chef plutôt qu’au maintien lui-même de la structure et de son organisation, de sorte que si de son côté, la « Résistance » n’avait pas eu tendance à renoncer à la structure, elle aurait fait mieux qu’un rapport, pour ainsi dire, de 1 ou 2 à 79.

La question est grave, et elle se pose depuis le début de la « Résistance », parce que Notre Seigneur a institué l’Église catholique comme la monarchie d’un Pape (Pierre), avec des Apôtres (évêques), des Disciples (prêtres) et des laïcs organisés hiérarchiquement sous lui, de sorte que chaque membre de cette hiérarchie ait un ou plusieurs supérieurs légitimes jusqu’au Pape inclus, qui répond à Dieu de la façon dont il gouverne tous les Catholiques sous lui. Cette structure est déjà claire dans le Nouveau Testament depuis les premières origines de l’Église. Et de l’obéissance de tous les Catholiques à leurs supérieurs respectifs dépend que l’Église tienne bon et sauve les âmes pour l’éternité, en maintenant intactes la vérité et la morale Catholiques. De plus, par sa propre mort atroce sur la Croix, Notre Seigneur a donné aux Catholiques l’exemple le plus sublime de l’obéissance, dont ses disciples auront besoin pour accomplir la volonté de leur Père céleste.

Toutefois, cette obéissance et la structure de l’Église qui l’accompagne ne sont pas leur fin en soi. Leur fin ou but ultime est le salut des âmes pour la gloire de Dieu. Ainsi, même le dernier Canon du Code de droit canonique de 1983 déclare que « La loi suprême est le salut des âmes. » Mais les âmes ne peuvent être sauvées que si elles plaisent à Dieu, et elles ne peuvent plaire à Dieu sans la foi (Hebr. 11, 6). Par conséquent, l’un des principaux objectifs de l’autorité de l’Église est de protéger la Vérité Catholique parmi les hommes, des ravages que lui causeront leurs péchés originel et personnels. En d’autres termes, la Vérité Catholique est le but et la substance de l’Autorité Catholique, et non l’inverse. Ainsi, dans Sa Passion, Notre Seigneur dit à Pierre que Satan le mettra à l’épreuve, mais Notre Seigneur priera pour que sa « foi ne défaille pas », et une fois que Pierre lui-même sera « revenu » (comprenez : de son triple reniement de la Vérité), qu’il utilise ensuite son Autorité pour « fortifier ses frères », c’.-à-d. les autres Apôtres. La Vérité est le fondement présupposé de l’Autorité de Pierre (Lc 22, 31–32).

Or le centre névralgique de l’épreuve actuelle de l’Église, qui est sans précédent dans toute son histoire, c’est que Vatican II (1962–1965) a séparé l’autorité Catholique de la Vérité Catholique. Depuis déjà six papes consécutifs, la hiérarchie Catholique a abandonné la Tradition Catholique, forçant tous les Catholiques qui croient à la fois en la Vérité et en l’Autorité à devenir plus ou moins schizophrènes. Si Mgr Lefebvre n’avait pas ouvert la voie du retour à la Tradition, c’est-à-dire à la Vérité, il n’y aurait jamais eu ces 79 vocations. Mais ces vocations vont-elles, au sein de la Néo-Fraternité, recevoir la leçon capitale de l’Archevêque ? Rendez-vous la semaine prochaine.

Kyrie eleison.



Pourquoi de « braves » Clercs se trompent-t-ils autant ?
Parce qu’ils respirent un air modernisant.

La semaine dernière, ces Commentaires ont mentionné l’entrée record, pour cette nouvelle année scolaire, de 79 jeunes hommes venus essayer leur vocation au sacerdoce catholique traditionnel, dans les quatre grands séminaires de ce qui est connu sous le nom de « Fraternité Saint Pie X ». Ceci devrait être une bonne nouvelle pour l’ensemble de l’Église catholique, car chaque prêtre traditionnel finalement ordonné sera une source de sacrements traditionnels au bénéfice de toutes les âmes catholiques. Mais il se peut que ce ne soit pas en réalité une si bonne nouvelle, pour deux raisons en particulier, qui appellent toutes deux notre prière. Une seule a été mentionnée la semaine dernière.

La seconde raison nécessite peu d’explications, mais elle est bien réelle : l’électronique. Lorsque l’abbé Franz Schmidberger était Supérieur Général de la FSSPX de 1982 à 1994, un laïc lui aurait dit un jour que l’électronique allait détruire ses prêtres. Il faisait bien sûr référence au marais de tentations contre la sainte pureté, rendu si facilement accessible par la télévision et l’Internet, et ce, avant même l’invention du Smartphone survenue quelques années plus tard. De fait, ne devient-il pas presque surhumain pour un jeune homme né et élevé longtemps après l’invention de telles machines, de se tenir à l’écart de leur séduction ? Bien sûr, Dieu et Sa Mère peuvent retirer un jeune garçon ou une jeune fille d’un dédale d’égouts et les faire sortir sentant la rose, mais étant donné le respect de Dieu pour le libre-arbitre dont Il a doté chacun d’entre eux, n’est-il pas raisonnable de supposer que de tels cas de figure seront l’exception plutôt que la règle ? Et dans ce cas, combien des 79 jeunes hommes pourront éviter cet obstacle sur le chemin vers la prêtrise ? Chaque prêtre catholique fidèle est un grand don de Dieu. Nous devons prier pour toutes ces 79 vocations...

Quant à la première raison, présentée dans les Commentaires de la semaine dernière, elle est moins apparente car elle concerne non pas la pureté physique mais, plus grave encore, la pureté spirituelle de la foi. Un lecteur avait suggéré que le mouvement dit de « Résistance » catholique aurait peut-être eu plus de succès aujourd’hui pour attirer les vocations (comme les 79) s’il avait été correctement structuré – c’était l’argument – comme c’est beaucoup plus normal pour des communautés catholiques, à l’exemple des quatre grands séminaires de la « FSSPX ». La semaine dernière, ces Commentaires ont commencé à répondre qu’aujourd’hui, et anormalement, l’accent mis sur la structure est susceptible de distraire de l’essentiel, à savoir la foi catholique, et que l’on peut craindre ce phénomène dans les quatre séminaires mentionnés ci-dessus. Ce qui fait deux points distincts, dont le second fera l’objet des Commentaires de la semaine prochaine.

Quant au premier point, la semaine dernière ces Commentaires ont commencé à présenter son arrière- fond, à savoir que l’essence de l’épreuve actuelle de l’Église consiste en la scission à Vatican II entre l’Autorité catholique et la Vérité catholique, scission opérée lorsque les plus hautes autorités de l’Église, réunies en Concile, ont officiellement abandonné la Tradition de l’Église pour la modernisation de l’« église ». À partir de ce moment-là, les catholiques ont dû choisir : soit s’accrocher à l’Autorité en « obéissant » aux modernistes et en abandonnant la Tradition, soit s’accrocher à la Vérité en défiant plus ou moins les « autorités » apparentes de l’Église ; ou encore, choisir l’une des nombreuses combinaisons possibles, n’importe où entre ces deux termes, en incorporant des fractions de Vérité et d’Autorité.

En ce qui concerne Mgr Lefebvre, son choix consista à respecter autant que possible l’Autorité à Rome tout en gardant la Tradition – car la Vérité catholique ne peut être que conforme à la Tradition. Mais lorsqu’en 1988 les autorités romaines le mirent au pied du mur par leur refus implicite mais définitif de prendre soin de la Tradition, alors, pour lui, la doctrine (la Vérité) prit enfin le pas sur la diplomatie (sur l’Autorité agissant en fin de compte sans vérité). Il défia donc les Romains en consacrant quatre évêques dans le cadre de l’« Opération Survie », au lieu d’« obéir » à l’Autorité privée de vérité dans ce qui aurait été l’« Opération Suicide ». L’« Opération Survie » assura à sa Fraternité plus de deux décennies supplémentaires de primauté de la doctrine (la Vérité), mais ensuite, en s’efforçant d’obtenir une approbation officielle pour la Fraternité, ses successeurs transformèrent cette Fraternité en Néo-fraternité, préférant l’Autorité (la reconnaissance par Rome) à la Vérité (la défense de la Foi). Ils abandonnaient l’héritage essentiel de l’Archevêque : la défense héroïque de cette Vérité qui est au cœur de l’Église. Leur Néo-fraternité pourra en être plus attirante et confortable, mais elle ne fournira plus l’étoffe des martyrs.

Kyrie eleison

 * Note de Reconquista : dans cet article, Mgr Williamson ne prend pas en considération les divers séminaristes formés par les prêtres de la "Résistance" dans les prieurés et non dans un séminaire