Nous publions un premier chapitre de l'étude de l'abbé Chazal sur l'enfer. Actuellement en anglais, une traduction française devrait paraître prochainement. Petit avant-goût...
Tympan de Bourges |
Un menteur
Voltaire l’a bien saisi : « Mentir est le premier devoir de l’amitié. Le mensonge n’est un vice que s’il fait du mal ; et une grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc vertueux, plus que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, mais audacieusement. Mentez, mes amis, mentez ; je vous en rendrai [le compliment] quand l’occasion se présentera. »
Mais ce que Voltaire ne comprend pas, c’est que le Diable ment pour faire du mal, un mal éternel, qui plus est : déguisé en bien apparent. En outre, Voltaire se fait rouler par le Prince du mensonge, qui ne peut être démasqué qu’à condition d’être en état de grâce ; Voltaire a pourtant dit la vérité quand il a dit : « Pas de Diable, pas de Dieu. »
Homicide depuis le commencement
Tout ce qui évoque le meurtre décrit très bien le Diable : Dragon, Serpent, Vautour, Lion, Bête, et Homicide. Ses noms propres respirent l’homicide et décrivent le mieux la nature de son combat : Satan, Belzébuth, Diable, Démon, Père du mensonge, Lucifer.
1. D’innombrables fossiles indiquent l’existence, à des époques révolues, de dragons, même volants, comme les ptérodactyles ; leur aspect est véritablement démoniaque, leurs dents et leurs griffes n’étaient certainement pas une pure décoration. L’un des derniers dragons ayant vécu est attesté dans le livre de Daniel, et saint Jean fait de cet animal le symbole du pouvoir de tuer à grande échelle.
2. Le Diable est le Serpens Antiquus, le Vieux Serpent. Sa ruse et son expérience de la guerre se sont développées au cours de milliers d’années. Ce serpent n’est que mort et séduction, il est fascination du mal sur l’esprit des hommes. « Il a séduit le monde entier » : Babyloniens, Égyptiens, Grecs, Romains, tous les peuples prétendument civilisés lui ont construit des temples, et on l’adore encore en Inde et dans certaines régions d’Afrique. Il est la représentation préférée du Diable, d’où son omniprésence dans toutes les formes du culte païen, à tel point qu’Attia, la mère d’Auguste, s’endormit dans le temple des oracles d’Apollon et fut touchée par le dieu sous la forme d’un serpent. Le dragon laissa une marque indélébile sur son corps, et par la suite elle ne parut plus jamais dans les bains publics. C’est pour cette raison qu’Auguste s’est fait appeler fils d’Apollon et a frappé des médailles pour commémorer l’évènement.
3. Le vautour désigne l’agilité du Démon, sa capacité à découvrir ses proies, la rapidité de sa capture et la cruauté dont il fait preuve pour démembrer ses victimes.
4. Du Lion, il ne retient que certains aspects, puisque Notre Seigneur lui-même est appelé le « Lion de Judas ». Le lion possède une fierté, une vigilance, une force et une cruauté particulières. Il dévore non seulement lorsqu’il a faim mais aussi lorsqu’il est en colère, et alors méprise les carcasses de ses victimes quand elles sont au sol, tout comme le Diable est animé par la haine, et méprise totalement ceux qui se soumettent à lui. Le lion est libidineux, il saillit même les hyènes, en dégageant une odeur repoussante ; c’est pourquoi le Diable est appelé un esprit impur, une génisse, un bouc, et laisse souvent une odeur physique nauséabonde lorsqu’il apparaît.
5. Pour résumer, on l’appelle la Bête, car il a l’immensité du Léviathan ou de la baleine, la voracité du requin, et la puissante mâchoire du crocodile. S’approcher de lui, c’est mourir.
Il ne dort jamais
Contrairement à la ménagerie que nous venons d’énumérer plus haut, le diable n’est pas soumis à la fatigue, au sommeil, à la faim, à la maladie, au vieillissement, à l’envie d’abandonner, à la mort et pas même à la gravité ; donc il n’y a pas de chaînes ni de subterfuges pour contenir cette Bête, sauf la fidélité à Dieu par la prière.
1. C’est pourquoi il est Satan, c-à-d. l’ennemi, l’ennemi puissant qui n’a rien perdu de ses pouvoirs suite à sa chute. La matière n’est qu’un jouet dans sa main, il transporte même le corps de Notre Seigneur d’un endroit à l’autre instantanément et avec une grande facilité. Il détruit les biens et la santé de Job en un clin d’œil ; mais c’est surtout sur les esprits qu’il a un tel pouvoir, faisant basculer des empires et des nations entières grâce à ses hiérarchies angéliques.
2. Il est « Homicide » dès le début, ce qu’on appelle un « tueur parfait », qui provoque un gigantesque massacre d’âmes, de la chute de myriades d’anges à l’immense hécatombe d’âmes que nous contemplons aujourd’hui. Pour parachever son œuvre, il laisse derrière lui une formidable traînée de mort, comme nous le verrons, en inspirant le suicide à des esprits païens sans nombre.
3. Belzébuth : pour effectuer des massacres à une telle échelle, il s’appuie sur des myriades de fantassins et d’officiers, autant qu’il y a de mouches. D’où le nom de Belzébuth, c’.-à-d. : « Seigneur des mouches ». Un jour, Padre Pio se trouvait dans un endroit dégagé et un de ses compagnons lui demanda combien de diables il voyait : « Ils sont si nombreux, que si tu les voyais, ils bloqueraient le Soleil. »
4. Diable. Il s’agit peut-être d’une corruption de diavolos, mais en grec, il signifie « celui qui est divisé ». Pour tuer, on divise le corps et l’âme, et, ce qui est infiniment plus, on arrache l’âme de son Âme qui est Dieu. Chez le diable, cette scission est totale, aussi aspire-t-il à la faire subir aux autres en retour, à détacher les hommes de la véritable Église, à diviser les hommes dans des guerres terribles, à déchirer les familles, à opposer les voisins et les villages. Étant la première créature qui a fait schisme d’avec Dieu, il sépare d’abord de Dieu tout ce qu’il peut Lui arracher, puis pulvérise tout ce qui n’est pas lui-même.
5. Démon signifie intelligent, qui voit, qui connait. Alors qu’une dame loue saint Jean Bosco de son pouvoir sur les démons, le saint la regarde avec des yeux craintifs : « Non Madame, j’ai très peur de lui et de sa terrible intelligence. » Quel meilleur coup de maître que Vatican II ? Par un coup d’état soigneusement préparé, l’entière nature missionnaire de l’Église est mise au rebut, dit Mgr Lefebvre, et un mécanisme permanent de refus d’expédition des âmes au Ciel est mis en place, fermement inscrit dans le marbre romain et confirmé par les pouvoirs dans l’Église. De toutes les qualités démoniaques, c’est la plus à craindre ; c’est pourquoi le Diable est aussi appelé le Malin. « Craignez un ennemi patient et intelligent », dit un proverbe russe. Si le Diable attend son heure, c’est qu’il a une raison ; souvent, il ne se montre pas au grand jour et il se faufile très habilement, pour s’infiltrer et infiltrer ses agents.
Il trouve l’angle d’attaque, le Schwerpunkt ou point de rupture comme le dit saint Léon : « Il sait à qui il doit montrer l’amour de la richesse, à qui l’attrait de la gourmandise, à qui l’excitation de la luxure, à qui le poison de l’envie. Il sait qui il doit troubler par le chagrin, séduire par la joie, abattre par la peur, fasciner par la beauté. À tous il parle de vie, il démêle les soucis, scrute les affections, il connaît les préférences de chacun, et y trouve l’occasion d’infliger une blessure » (Serm. 8 sur la Nativité).
Il devine très exactement, il comprend tout de la furtivité, du brouillage, de la tromperie, de la subversion ; il perçoit clairement ce qui est en sa faveur et, comme un bon général, il connaît la configuration du terrain, le temps et les personnes qu’il affronte ; puis il exécute son plan avec vigueur et entièrement. Il apprend en combattant, dans la victoire comme dans la défaite.
6. De là vient son nom, « Père du mensonge ». Le serpent tue avec sa bouche. Il est le mensonge incarné, « Menteur et Père du mensonge », car il a été le premier à mentir, lui qui « ne s’est pas tenu dans la vérité ». C’est pourquoi il est appelé un esprit de ténèbres, capable d’utiliser et de tordre la vérité pour faire avancer son mensonge, en ne donnant qu’une partie de la vérité, comme il l’a fait avec Ève.
7. Lucifer se souvient de ce qu’il était avant sa chute, et s’en sert dans sa prétention à éclairer tous ceux qui suivent ses ténèbres, qu’il appelle lumière : d’où sa délectation à usurper les symboles porteurs de lumière, comme l’ange portant la lumière sur la place de la Bastille ; la statue de la Liberté ; la torche olympique, et le terme général d’« illumination », son slogan préféré, car il aime apparaître en ange de lumière, regrettant peut-être ce qu’il était autrefois.
Vigilas hostis, dormis tu ? « L’ennemi veille, tu dors ? ». Désespoir mis à part, la seule chose que nous pouvons imiter chez le Diable, c’est sa façon de combattre, son assiduité, sa persistance, sa constance, son sens du détail et de l’organisation. Se battre comme un diable, c’est se battre mieux qu’un soldat ordinaire et même courageux. « Le diable est descendu vers vous, avec une grande fureur, sachant qu’il ne lui reste que peu de temps. » (Ap 12, 12). Nous aussi avons peu de temps, notre éternité est en jeu, mais nous restons indolents… son éternité à lui est déjà perdue, c’est lui qui devrait se faire moins de souci, pas nous.
Un usage immodéré du symbolisme
Pyramides, obélisques, colonnes tronquées, étoile kabbalistique à six branches, nombre 666, pentagrammes, tridents, talismans, runes, médaillons, svastikas hindous, anneaux, bracelets, croix et scarabées égyptiens, signes « Om », bougies noires et rouges, symboles macabres, anges porteurs de lumière et statues, équerres et compas, tatouages, piercings, mutilations et signes de la main en tous genres, plans de Washington, Canberra et Adélaïde, jardins maçonniques triangulaires… Et bien plus, si vous lisez Morale et Dogme d’Albert Pike ; le Diable est très religieux.
Il y a beaucoup à dire sur chacun de ces symboles, que le Diable utilise pour marquer son territoire, et à la fois manifester son pouvoir et susciter le consentement du porteur de symbole à son règne. Par souci de concision, n’examinons que le pentagramme, que nous utilisons ordinairement avec une pointe en haut. Mais lorsque deux pointes sont en haut, ce sont deux cornes, et c’est une toute autre histoire : il représente à la fois Baphomet, le bouc du sabbat, et une figure humaine, tandis que la pointe en bas représente : un démon, un humain tombant dans la damnation, la subversion intellectuelle, le désordre, la folie… Pourquoi alors la Médaille d’Honneur américaine est-elle un pentagramme inversé ?
Très souvent, les symbolismes sont à plusieurs niveaux, comme dans Hotel California des Eagles : un de ces niveaux, j’en suis convaincu, représente le processus de damnation. Jamais les auteurs de la chanson ne dévoilent leur jeu, ils maintiennent le mystère juste à la surface. Les symboles, sans jamais produire une explication complète, sont accompagnés d’autres éléments : la musique, les drogues, les décoctions de charlatans, la magie noire et son antichambre la magie blanche, tout comme les sorts, les charmes et les malédictions. La nécromancie, la cartomancie, l’hydromancie, la lecture des lignes de la main, la lecture des cristaux, font également référence aux symboles. (à suivre)