lundi 18 décembre 2017

LA FOLLE DE L’ANALOGIE

Le bateau des fous de Jérôme Bosch – La nef des fous
Un texte de l'abbé Chazal, succulent ...

A- ÉTAT DES LIEUX

Un disciple posa cette question à son maître : "Je me demande si vous croyez un mot de ce que vous écrivez." L'abbé de Tanouärn lui répondit que sa pensée osée n’est qu’un langage thomiste qui repose sur l'Analogie. Citons deux exemples tirés du Métablog d'Avril 2016.


-1. Les tradis étriqués que nous sommes enferment la Paternité Divine au bénéfice d’un petit nombre d'élus, alors qu'en fait cette notion est non univoque mais analogique. La Paternité Divine, comme l’appartenance à l’Église est analogique (Somme, IIIa, VIII, 3), large. Sinon, on la vide de sa signification, "comme si tous les hommes étaient identiquement appelés" [comment pouvions-nous ignorer, que Notre Seigneur disait seulement qu'il y a peu d'élus dans un segment d'appel seulement].


La conséquence est claire et rejoint parfaitement le discours conciliaire : "[Ce qui vaut pour les tradis] vaut pour tous les Chrétiens attachés à la parole du Christ"; "Nous n'avons pas le droit d'exclure les chapelles rivales au nom d'une vieille tendance au monopole"..."Tout homme est membre en puissance du Corps du Christ, par conséquent le Christ prend chacun là où il est et ne cherche pas à imposer un code moral exigeant à ceux qui ne le connaîtraient pas."

-2. Contre la "Résistance salonnarde et superficielle, mettant une fierté mal placée à dire non au Pape." "Je parle de cette part de vérité que j'ai aperçue dans le Thomisme [et que je devrais taire] qui s'élève contre l'"orthodromie". "Je suis d'accord avec St Thomas dans le texte, avec le Pape régnant"...

Quelle est la clef de cette prouesse qui permet à un ex écônien de rejoindre la nouvelle herméneutique de la "miséricorde qui nous rend plus chers à Dieu, qui que nous soyons"?? L'Analogie. Pauvres niais orthodromes que nous sommes. "[Autrefois je parlais de l'] analogicité de la loi naturelle (Somme, I,II,94,4)" [ou] "plus on rentre dans les détails, plus les exceptions se multiplient", qui fait que dans les détails de notre vie, nous sommes tous des exceptions. Ainsi, l'homme est un "sujet libre avec sa propre histoire et sa lumière propre", à tel point, disait St Thomas, (Somme, II,II,19), que "celui qui croit que forniquer est un bien et ne fornique pas commet un péché".

 L’Allégorie de la débauche et du plaisir de Jérôme Bosch – La nef des fous


B- MARITAIN DÉJÀ...


...dans son "Humanisme Intégral", page 151, se posait la question : "Une Chrétienté nouvelle [...] doit-elle, tout en incarnant les mêmes principes (analogiques) être conçue selon un type essentiellement différent, (spécifiquement) distinct de celui du monde médiéval?

Nous répondons affirmativement.


Nous pensons qu'un âge nouveau du monde permettra aux principes de toute civilisation vitalement chrétienne de se réaliser selon un nouvel analogue concret".

Car "immobiliser en une forme univoque l'idéal d'une culture digne de déterminer nos actions, serait aller contre Dieu même et lutter contre le gouvernement suprême de l'Histoire." (cité par Meinvielle dans "Problemas", p.114).

Là où l’abbé de Tanoüarn prend la Paternité Divine, l'appartenance à l’Église et la Loi, Maritain prend la "Chrétienté", ...un petit coup de baguette magique et voilà! Toute une série de nouveaux concepts jaillissent; spécifiquement différents de l'original, mais parfaitement adaptés à un âge nouveau (Maritain), à une situation humaine nouvelle (Tanoüarn). Nos deux penseurs sont parfaitement Chrétiens thomistes, et c'est nous qui mettons opposition là où il y n'y a qu'Analogie... sauf que nous sommes confrontés à...

C- LA CHEWINGUMISATION DES CONCEPTS


Citons d'abord les propos de l'abbé sur KTO, "L'Esprit des Lettres", émission d'Avril 2016 pour comprendre comment les concepts passent à la moulinette :" La vérité qui ne se tourne pas en amour est une idole". "L'intégrisme est une réduction au texte [... il faut] être délivré de l’esprit et de l'obsession du texte qui me semble enfermante. "(1.07'40") "La liberté ne se laisse pas objectiver, elle ne se laisse pas définir. Elle est autre en chaque personne et elle est avant tout une expérience... se dépasser soi-même. [Elle est une] force à portée de main qui vient de la grâce. La liberté et la grâce, c'est la même chose. [C'est] être vraiment libre de nos conditionnements." (ibid. 8') "Il n'y a rien de plus démocratique que la grâce" (id. 9'30") "La foi n'est pas toujours une foi en Dieu pour tous, mais une foi au bien"..."[on peut parler de] la foi de certains athées comme Sartre." (1h11') "Chaque vie est une aventure spirituelle... et se termine dans le salut." "Suis ta lumière, dit Malebranche. Si on suit sa lumière, on est dans la foi qui mène à Dieu". "Dans la mesure où on est capable chacun de suivre sa lumière, on est dans la foi qui nous mène à Dieu; et cette foi a son plus haut degré d'affirmation dans la foi au Christ... c'est forcément le Christ qui vient nous chercher."

(1h14) "Foucault est le même Foucault avant et après sa conversion, et tout le monde le fait." (17') "Dans la mesure où il y a une véritable quête, qui sommes-nous pour juger?" (1h19') "Tous, nous avançons vers Dieu, même parfois a contrario." "Le Christianisme est un hymne à la liberté" (1h22') "La Tradition, c'est tous les tempéraments et toutes les approches".

Les créatures hybrides et inquiétantes peuplent
 l'univers de Jérôme Bosch – La nef des fous

D- TOUT EST UN

Si j’ai bien compris, malgré les apparences, Sartre, Staline et Satan avancent vers Dieu, mais a contrario. Leur acharnement contre Dieu est la preuve d'une trace divine que l'on peut certainement identifier dans cette quête du dépassement et ce refus permanent de tout conditionnement. Bien sûr, détester Dieu, c'est pas gentil; mais Dieu est trop bon pour se laisser entraîner à la colère contre ces pauvres bougres qui lui font l'honneur de confirmer son statut divin par leur quête brûlante d’auto-divinisation, cette quête du divin toujours implicite dans toutes les approches authentiquement humaines et libres, en ce refus constant de se laisser objectiver et définir.

Crois-je vraiment ce que je dis? Délire-je? Est-ce moi ou est-ce cette folle qui divinise à tout bout de champs?

La conversion de Staline n'aurait rien changé, puisque, à 50 millions de morts près, Staline aurait été le même avant et après. "Fawl is fair and fair is fawl"; "Yin & Yang"; "Shiva danse sa destruction créatrice"; "Kali règne dans la bonté admirable de sa malice"; "Involution et Evolution"; fusion moniste des contraires; la folie sort sa science mais radote au fil des siècles.

E- PETIT CONTRÔLE TECHNIQUE


Techniquement parlant, l'abbé de Tanoüarn abuse de l'analogie de proportion propre, qui existe entre un Chrétien en puissance, et un Chrétien en acte, comme le fait le Concile au fil de ses décrets. Le raisonnement a quatre termes, la majeure est que tout homme est capable de Dieu, cherche Dieu explicitement, implicitement, voire même a contrario. La mineure se contente de dire que chercher Dieu, c'est le trouver, être trouvé par le Christ; Conclusion; nous sommes tous saufs. Le syllogisme est à quatre termes au lieu de trois normalement (a=b,b=c,a=c) et le moyen terme (b), a un double sens, ou plutôt, un sens élasticisé dans tous les sens par la néoanalogie.


L'analogie dit toujours que deux choses différentes restent différentes dans leur espèce, gardent leur essence, tandis qu'elles se ressemblent "secundum quid", "selon quelque chose" "en quelque sorte." Faire une analogie, c'est faire la comparaison entre deux choses différentes, et non dire que deux choses différentes (comme la liberté et la grâce) sont une et même chose. En fait la néoanalogie maritanoTanoüarnesque confond les termes que l'Analogie sépare, fusionne ce que l'analogie compare. Par exemple, Maritain prétend que les principes de la néochrétienté sont les mêmes, à peu de choses près, que ceux de la Chrétienté. Il n'est pas nécessaire d'aller loin pour voir que non, et que les principes de la nouvelle chrétienté qu'on nous sert sont anthropocentriques; centres sur la personne humaine et non plus sur le Christ, Maître et Centre de toute l'Histoire humaine et de tout l'Univers créé.

Si nous avions une Chrétienté combattante qui remettrait l'homme à sa place, face à la Révolution, il y aurait une réelle analogie, un vrai prolongement entre deux Chrétientés d'époques différentes comme celles fondées par Cortès et Charlemagne.

Il n'y a qu'une ressemblance de nom entre la néochrétienté et la Chrétienté réelle.... et l'Apocalypse nous en donne l'avertissement :" Tu as le nom d'être vivant, mais en réalité tu es mort."

Ce n'est pas parce que l'analogie trouve quelque chose de commun entre deux choses qu'il faut conclure que l'identité de chacune finit par se confondre avec l'autre (dans un grand embrassement d'amour cosmique).

C'est toute l’identité des concepts qui est en péril avec cette notion parathomiste... l'acte de penser retombe au nouveau sophistique où Socrate l'avait trouvé il y a vingt-cinq siècles. 

Chacun devient autorisé à donner n'importe quel sens aux concepts; il n'y a rien de plus démocratique que la grâce; "Suivre sa lumière". Tout flotte et rêvasse. Ça fait très salon.

F- UN JOUJOU LIBÉRAL CLASSIQUE

Et ce que l'on oppose souvent à la "Résistance salonnarde", c'est l'analogie de l’Église officielle vue comme le "Corps souffrant du Christ". Ici, c'est l'analogie de proportion impropre, celle-là même dont Notre-Seigneur fait usage dans ses Paraboles, qui pâtit.

L’église Conciliaire est putride, peccamineuse, mortelle et hérétique; le Corps souffrant de Notre-Seigneur est couvert de blessures et de crachats, mais il ne tombe pas en dégénérescence de son propre fait et par sa propre faute. L’Église, son Corps Mystique, est sujette à des attaques extérieures, et quand un de ses membres commet un péché, il devient un membre mort, en attente de retranchement.

Triptyque du jugement dernier de Jérôme Bosch

Il ne faut pas non plus confondre les bourreaux (hiérarchie conciliaire), et la victime (innombrables fidèles dont la foi est en danger dans la secte conciliaire); les premiers n’étant dignes d'aucune compassion tant qu'ils cherchent à détruire la Foi, les seconds dignes de toute notre commisération et nos chagrins.

Enfin, les libéraux qui se proposent de rejoindre compassionellement l’église officielle se posent en sauveurs... ils disent à quel point le Corps Souffrant va bénéficier de leur venue : Sans commentaires.

G- DIEU SÉPARE


"Tout homme est membre en puissance du Corps du Christ, par conséquent le Christ prend chacun là où il est et ne cherche pas à imposer un code moral exigeant à ceux qui ne le connaîtraient pas". L'abbé dit vrai dans le premier membre de la phrase, "Tout homme est membre..."...; c'est la conséquence qui ne suit pas, à cause de la différence, presque infinie, entre l'être en puissance, et l'être en acte.

Il y a une analogie de proportion entre les deux choses, et je serais plus enclin de dire analogie d'Attribution, tant la distance est grande entre ce qui est en puissance et ce qui est en acte. Passer de la puissance à l'acte requiert une cause en acte et un sujet passif qui n'y fait pas obstacle, comme c'est le cas bien souvent. Pour l'abbé de Tanoüarn, tout passe à l'acte, il suffisait simplement d'être en puissance à un moment donné. Le bon sens récuse cela, mais, c'est vrai, le bon sens, c'est pour les bouseux.


En outre, l'analogie entre les êtres n'existe pas pour confondre leurs essences, faire des tours de passe-passe intellectuels. Quand il y a analogie, les deux objets restent différents "Per se" et même s'ils se ressemblent en quelque sorte, c'est le "Per se", l'être réel qui demeure.

Tout s'écroule autour de nous parce que les hommes rejettent le principe d’identité : "Une chose est ce qu'elle est; elle n'est pas ce qu'elle n'est pas". L'analogie ne fait pas le pont entre les contraires naturels, sinon tout serait une soupe répugnante, immangeable. Les dizaines de millions de Sadhous (ascétiques hindous) l'ont compris et se font un devoir de nager dans la crasse physique, vu que tous les êtres sont relatifs parce que reliés dans un seul Brahma.


Dieu merci, tout a été créé dans son espèce; "Il sépara la lumière des ténèbres" et retira la créature du chaos originel, dit la Genèse. 

Le Christ fut une "épée de contradiction" comme le Verbe de Dieu juge et sépare la lumière des ténèbres. 

Devinez ce qu'il va faire la prochaine fois que nous Le reverrons sur Terre.



Triptyque du jugement dernier de Jérôme Bosch