UN NOUVEAU « COUP » DE LA MAISON GÉNÉRALE EN PRÉPARATION ?
Récemment, une
intervenante du forum Fidélité catholique
francophone a soulevé un « lièvre », en s’interrogeant sur la
portée des déclarations faites au Bulletin du district d’Allemagne par l’abbé
Christian Thouvenot, Secrétaire général de la FSSPX, en poste à Menzingen, concernant
la question de la Prélature personnelle (La
Porte latine, 16 février).
Dans la perspective
du prochain Chapitre général de juillet 2018, l’abbé Thouvenot a évoqué ce
sujet sensible dans les termes suivants :
« Il
est vraisemblable que la question du statut de Prélature personnelle soit posée
lors du Chapitre. Mais c’est le Supérieur général seul qui conduit la
Fraternité et qui a la responsabilité des relations de la Tradition avec le
Saint-Siège. Mgr Lefebvre, en 1988, avait tenu a bien préciser cet
aspect ».
Cette surprenante
déclaration appelle une triple mise au point :
§
le Supérieur général n’est pas
« seul » à conduire la Fraternité, s’agissant en particulier des
relations avec le Saint-Siège,
§ dans ses fonctions, il n’a aucun mandat pour
représenter l’ensemble de « la Tradition »,
§ sur ces sujets, l’exemple de Mgr Lefebvre en
1988 ne peut pas être appelé en renfort de la position des autorités actuelles
de la Fraternité.
I - Sur le premier point, on rappelle
que le Chapitre général est l’instance suprême de la Fraternité. Il désigne le
Supérieur général et ses deux Assistants pour 12 ans (§ V, 1 des statuts).
Ce même Chapitre
est en outre chargé de la mission essentielle de « vérifier si la
Fraternité applique (…) ses statuts et s’efforce d’en garder l’esprit » (§
V, 2).
Le Supérieur
général élu jouit, pendant son mandat, des plus larges pouvoirs pour gouverner et
administrer la Fraternité avec le concours de ses Assistants. Ils forment
ensemble le Conseil général.
En
complément de ces règles, et faisant suite au Chapitre général de 2006 qui
avait adopté une position de principe « pas
d’accord pratique avec Rome sans accord doctrinal », le Chapitre de
juillet 2012 a énoncé des dispositions spécifiques précisant les conditions d’une
éventuelle « normalisation canonique » de la Fraternité : dans
cette hypothèse, doit se tenir au préalable un Chapitre extraordinaire « délibératif »,
c’est-à-dire doté d’un pouvoir de décision sur les orientations envisagées.
N’ayant pas été
abrogées, ces dispositions sont toujours en vigueur : toute action dans ce
domaine nécessite donc la convocation du Chapitre, son information complète,
puis sa délibération sur le contenu du projet en cause (après vérification
concernant les six conditions formulées en 2012). La décision votée par le Chapitre
s’impose au Conseil Général et à tous les membres de la FSSPX.
C’est ce que déclarait Mgr de Galarreta à Villepreux
le 13 octobre 2012 :
« Également il a été décidé dans ce Chapitre que si jamais la Maison générale parvenait à quelque chose de valable et d’intéressant avec ces conditions, il y aurait un Chapitre délibératif, ce qui veut dire que sa décision lie nécessairement (les membres de la Fraternité). Lorsqu’il y a un chapitre consultatif, on demande conseil, mais après l’autorité décide librement. Un chapitre délibératif signifie que la décision prise par la majorité absolue – la moitié plus un, ce qui nous a semblé raisonnable –, cette décision sera suivie par la Fraternité ».
Il s’ensuit que
le Supérieur général n’est pas « seul » compétent pour conduire le
processus de normalisation avec Rome. Bien au contraire, il a au-dessus de lui une instance qui est, juridiquement, « seule »
compétente pour définir souverainement la position de la Fraternité !
Par
conséquent, l’abbé Thouvenot se trompe gravement
sur ce point. Et puisqu’il est censé engager la Maison générale à raison de ses
hautes fonctions, on s’étonnera que Mgr Fellay n’ait pas déjà réagi.
II - Sur le deuxième point, il est
évident que le monde dit « de la Tradition » déborde largement, par
ses ramifications variées, sociétés religieuses et communautés, le périmètre de
la seule Fraternité Saint-Pie X. Il suffit de rappeler les dénégations de
Mgr Lefebvre chaque fois qu’on a voulu faire de lui « le chef des
traditionalistes » !
La formulation
attribuant au Supérieur général « la responsabilité des relations de la Tradition avec le
Saint-Siège » résulte manifestement d’une inadvertance, et Mgr Fellay
pourrait corriger les propos de son Secrétaire général sur ce point également.
III - Sur le troisième point, l’abbé Thouvenot
invoque à tort le Fondateur pour valider le positionnement actuel de Mgr Fellay
comme seul en charge de conduire les discussions avec Rome. Il oublie seulement
qu’un paramètre essentiel a été modifié depuis 1988, à savoir que le Supérieur
général a été assujetti en 2012 – on l’a dit – à un accord préalable du Chapitre
pour toute normalisation canonique de la Fraternité.
Mgr Lefebvre
ne s’étant pas trouvé dans une position semblable au cours de ses pourparlers
avec Rome, le parallèle fait par l’abbé Thouvenot entre les situations de 1988
et de 2018… est un anachronisme. Mgr Fellay
devrait, là encore, rectifier les propos de son collaborateur.
Mais il est
peu probable qu’il le fasse… Pourquoi ?
Parce que Mgr
Fellay a lui-même délibérément omis ces dernières années de réunir et de consulter
le Chapitre avant d’accepter la juridiction concédée par le pape François sur
certains sacrements :
- pénitence et extrême-onction fin 2015
- ordre à l’été 2016
- mariage en 2017,
alors
qu’une autorisation préalable était exigible, s’agissant dans tous les cas d’une
« normalisation » – partielle certes, mais indiscutable – de la
situation de la Fraternité.
Sans risquer
un jugement téméraire, on peut donc lui prêter l’intention de pratiquer de la
même façon pour la normalisation finale de la FSSPX qui résulterait de son
érection en Prélature personnelle.
L’avertissement délivré par l’abbé
Thouvenot depuis l’Allemagne, et l’aplomb avec lequel il déclare l’autorité du
Chapitre transférée au profit du Supérieur général, est un indice troublant dans
ce sens…
A supposer
que la question de la Prélature soit effectivement « posée » lors du
Chapitre prévu en juillet prochain, ces
mêmes déclarations du Secrétaire général impliquent que la saisine de l’instance
suprême de la FSSPX, si elle a bien lieu, se verrait réduite à une simple « consultation »,
au mieux à une « délibération-cadre» donnant pouvoir au Supérieur général de
traiter le dossier, le Chapitre étant ainsi cantonné dans le rôle d’une « chambre
d’enregistrement ».
Par ce
biais, le débat doctrinal de fond se trouverait écarté.
Comment garantir
dans ces conditions que le Chapitre pourra remplir sa mission propre, celle de vérifier
la conformité du projet de normalisation, aux statuts d’une part, à
« l’esprit » qui les a inspirés de par la volonté du Fondateur
d’autre part ?
Si en
définitive ce scénario pessimiste (ou réaliste ?) s’avérait exact, et que
le Chapitre, celui de juillet ou un autre, en arrivait à autoriser la
transformation de la Fraternité en Prélature personnelle, la « révolution
copernicienne » (J. Madiran) de l’Oeuvre de Mgr Lefebvre serait parachevée,
et l’héritage du grand Prélat tomberait comme un fruit mûr entre les mains des sectateurs
du Concile Vatican II.
Dans le
nouveau contexte canonique où elle se trouverait placée, sous la férule du pape
François, quelle protection la Fraternité pourra-t-elle espérer de la Rome
conciliaire ?
Si en effet le
Supérieur général (et le Chapitre) « oublient »
ou contournent les directives données par Mgr Lefebvre après les sacres,
les contraintes statutaires de la Société, et
les « verrous » – déjà allégés – mis en place à l’occasion du Chapitre de
2012, comment la Fraternité pourra-t-elle exiger que les modernistes romains honorent
leurs propres engagements lorsque la Fraternité sera
totalement sous leur tutelle juridique ?
Ce serait mal
connaître la Rome actuelle que d’imaginer qu’elle respectera l’espace doctrinal et pastoral de la Prélature, alors que Mgr Fellay, quant à lui, prend
ses libertés avec les règles internes de la Fraternité et néglige les prudentes mises
en garde du Fondateur.
Qui pourra
assurer, dès lors, que la FSSPX ne subira pas, un jour ou l’autre, le sort des
Franciscains de l’Immaculée ?
Avant que le
pas décisif vers la Prélature ne soit franchi et que l’irréparable ne soit
commis, les derniers espoirs résident dans les capitulants eux-mêmes, s’ils ne
se déchargent pas de leurs propres responsabilités sur qui que ce soit.
Dans ces
circonstances difficiles, on formule le souhait que leur conscience s’oriente
fermement dans les voies de la prudence surnaturelle, dussent-ils risquer une confrontation
avec ceux qui cherchent d’impossibles compromis au détriment du combat de la
foi.
Nous
prierons en ce sens Saint Joseph, patron de l’Eglise Universelle.