samedi 13 octobre 2018

ADRESSE AU SUPERIEUR GENERAL DE LA FSSPX

Au sujet d’un article récent de l’abbé J.M. GLEIZE 


Nous relevons sur le site Gloria.tv une intéressante contribution de Correctio Marcelis aux débats en cours au sein de la Tradition, qui met en évidence le piège dans lequel s’est enfermée la Fraternité Saint-Pie X par la faute de Mgr Fellay. 
Face à un naufrage désormais inéluctable, son successeur trouvera-t-il la force surnaturelle de redresser à temps la barre du navire en perdition ? 

Le 13 octobre 2018 

A l’attention de Monsieur l’abbé D. PAGLIARANI 

Monsieur le Supérieur général, 

Lorsque, du haut de leur chaire, les Docteurs se croient importants… ils s’exposent à subir la Correctio (filialis !) des simples fidèles. 

L’abbé Jean-Michel Gleize, théologien réputé et professeur d’ecclésiologie au Séminaire international d’Ecône, a signé le 10 octobre sur le site officiel FSSPX-news un long article (180 lignes) intitulé : 


A l’évidence, par le choix du support de publication, un tel texte engage non seulement son signataire, mais également l’ensemble de la hiérarchie responsable de la Maison générale de Menzingen, et vous-même en premier lieu en votre qualité de Supérieur général. 

Il s’agit d’une savante contribution – par endroits excessivement savante ! – au débat en cours sur la crise de l’Eglise « conciliaire », et sur la position toujours ambiguë  de  la  FSSPX,  « ni schismatique »   nous  dit-on,  mais  pas  non  plus  en   « pleine communion » avec cette Eglise. 

Sur ces sujets, l’abbé Gleize commente abondement les déclarations faites en Pologne par Mgr Pozzo en juillet dernier. 

Il précise que les autorités romaines persistent à exiger l’adhésion de la Fraternité à une « déclaration doctrinale approuvée par le pape François et présentée par la Congrégation de la doctrine de la foi. » 

Cette exigence conduit à une situation de blocage, puisque les Supérieurs de la FSSPX ne sont pas prêts à signer une telle « déclaration doctrinale » qui répute partie intégrante du magistère, et par conséquent faisant autorité dans l’Eglise, le funeste Concile Vatican II et les orientations doctrinales et pastorales des cinq derniers papes. 

De la sorte, l’abbé Gleize et vous-même, Monsieur le Supérieur général, donnez à penser que la reconnaissance canonique de la Fraternité est, en l’état, devenue improbable, voire impossible, puisqu’elle dépend de la ratification d’un texte… que vous n’envisagez pas de signer (cela équivaudrait effectivement à renier l’héritage de votre Fondateur). 

On imagine facilement que ce raidissement sera présenté à l’opinion comme un repli par rapport aux orientations plus « ouvertes » de Mgr Fellay vis-à-vis de Rome, et comme l’assurance que l’érection de la Fraternité en Prélature personnelle n’est plus à l’ordre du jour… 

Pour rassurer encore les fidèles, vous avez laissé écrire par l’éminent abbé Gleize  que  « le problème est  donc  bel  et  bien,  d’abord  et  avant  tout,  doctrinal.    C’est   de  sa solution que doit dépendre,  aux yeux même de Rome,  la reconnaissance canonique » : ce qui implique en clair que les discussions avec Rome sont inutiles, parce que sans issue ! 

Mais ce faisant, vous semblez ne pas apercevoir que le pape, plus « rusé » (furbo en italien) qu’il le dit lui-même, a depuis trois ans pris l’initiative et acquis une bonne longueur d’avance dans le processus de rapprochement en cours avec la Fraternité. 

Votre prédécesseur était convaincu de sa propre fidélité à l’héritage de Mgr Lefebvre et aux principes contenus dans la Déclaration de 1974 ; il prétendait résister à Rome, et dicter ses conditions pour une reconnaissance canonique acceptable. 

Mais le pape François a su discerner les faiblesses et les contradictions de Mgr Fellay, et en bon tacticien, il a choisi de « prouver le mouvement en marchant » ! 

- Comment donc ? objectera-t-on… 

- Tout simplement en conférant unilatéralement à la Fraternité la juridiction sur les sacrements - une juridiction « conciliaire » selon la lettre et l’esprit du nouveau Droit canon, là est le problème ! -,    cela sous l’argument  spécieux   de   « répondre au bien » de ses « frères ». « Le pape s’inquiète du salut spirituel des fidèles de la Fraternité Saint Pie X » précise Mgr Pozzo. Mais vu les coups qu’elle porte régulièrement à la foi et la morale,  on peut  douter que la Rome  actuelle  «s’inquiète» vraiment du sort des catholiques de la Tradition ! 

Ainsi, François n’a demandé la permission à personne pour mettre le pied dans la Fraternité dès septembre 2015, escomptant bien que Mgr Fellay, naturellement porté au compromis, et fragilisé par certaines de ses actions antérieures (déclaration du 15 avril 2012, entrevue du 23 septembre 2014 à Rome, notamment), ne s’opposerait pas à une normalisation canonique discrète, sacrement par sacrement, libéralement offerte par le pape, « sans contrepartie »… 

Négligeant d’appliquer les règles de protection énoncées en juillet 2012 qui l’obligeaient à convoquer son Chapitre pour se faire autoriser à accepter la juridiction sur les confessions – infraction qui aurait dû en principe être sanctionnée en interne - , Mgr Fellay s’est au contraire empressé de remercier le pape François le jour même (1er septembre 2015), refermant ainsi sur lui-même et sur toute la Fraternité le piège tendu par les romains ! 

A partir de cette première avancée, le pape a complété le dispositif quelques mois plus tard en faisant déclarer – juin 2016 – les ordinations de la Fraternité désormais « tolérées, sans sanction », et au printemps 2017 en concédant la juridiction pour les mariages. A part une réaction de prieurs de France et de certaines communautés de religieux, les dispositions romaines ont été globalement acceptées. 

Depuis lors, le pape François « mène en bateau » les autorités de la Maison générale. 

Appliquant sa formule favorite « cheminons, cheminons, cheminons ! », il est persuadé que le temps travaille désormais pour lui, tandis que la Fraternité, minée par ses courants d’opinion et l’impuissance de sa « résistance interne », se délite lentement. 

Le 12 septembre dernier, au « Club des Hommes en noir », l’abbé de Tanoüarn faisait justement remarquer : 

« - Je ne suis pas sûr que la Fraternité Saint-Pie X demande davantage que ce qu’elle a obtenu aujourd’hui du pape François, et c’est cela qui est amusant, c’est qu’on a une (nouvelle) équipe qui ne veut plus faire d’accord, mais l’accord a été fait !... et finalement tout le monde est bénéficiaire dans cette affaire : ceux qui disent « on ne fera pas d’accord » peuvent continuer à le dire, parce que de toute façon l’accord existe, concrètement, pratiquement.  Un prêtre, c’est l’homme qui donne les sacrements, et les sacrements peuvent être donnés en toute légitimité, aujourd’hui, par la Fraternité Saint-Pie X dans l’Eglise. » 

L’abbé Celier, participant à la réunion de ce Club comme prêtre de la Fraternité, n’a émis aucune réserve sur les propos de son confrère.

Au contraire, il a tenu à ajouter : « - Je précise bien que cette nouvelle équipe (élue par le Chapitre de juillet) ne s’est aucunement opposée à ces nouvelles facilités (concernant les sacrements) ». 

Soyons clairs : la Fraternité s’est laissé berner et ligoter, mais le plus choquant… c’est qu’elle semble s’en accommoder assez bien ! 

Refusant de professer la nouvelle « foi » de l’Eglise conciliaire, condition mise par le pape à sa régularisation, mais ayant imprudemment accepté un rattachement canonique sur le point essentiel de la juridiction des sacrements, elle se retrouve maintenant dans une situation intenable. 

Privée de marge de manœuvre face à Rome, la FSSPX ne peut plus désormais, empêtrée qu’elle est dans ses contradictions :
- ni se réconcilier avec Rome dans les conditions admises par Mgr Lefebvre, qui enjoignait à ses évêques de « déposer la grâce de leur épiscopat » entre les mains d’un pape « parfaitement catholique », ce qui ne correspond pas à ce jour au profil du pontife régnant, loin s’en faut !
- ni procéder, vu la situation catastrophique de l’Eglise, à une nouvelle « opération-survie » par le sacre d’un ou plusieurs évêques, puisque de toute évidence la Fraternité ne paraît pas disposée à subir de nouvelles excommunications. 

Nous n’avons pas la naïveté de penser que François prépare la relève des trois évêques actuels de la Fraternité  - qui prennent chaque année de l’âge -,  ni qu’il envisage,  le moment venu,   de  désigner  un  candidat  parmi  les  « clones »   de  Mgr Lefebvre (s’il en existe au sein de la FSSPX, et que le pape décide d’en faire cadeau à la Tradition pour assurer sa « survie »). 

Dans ces conditions, considérant surtout le salut des âmes, a-t-on le droit de laisser dans l’incertitude l’avenir du ministère épiscopal au sein de la Fraternité ? 

Peut-on donc garantir que celle-ci restera en mesure, jusqu’à l’issue de la crise, de poursuivre le combat du Fondateur pour la sauvegarde de la foi et du sacerdoce ? 

D’une telle impasse, Monsieur l’abbé, la Fraternité ne peut sortir que par un retour à la fidélité au message authentique de Mgr Lefebvre, et à cet effet nous vous demandons respectueusement et instamment : 

1°) de reconnaître les erreurs du supériorat précédent, qui ont conduit l’œuvre de Mgr Lefebvre à la crise la plus grave de son histoire, et d’en tirer les conséquences sur le concours effectif de Mgr Fellay à la gouvernance de la Fraternité en tant que Conseiller (de même, une rétractation formelle de sa malheureuse  déclaration  du  15 avril 2012 serait indispensable), 

2°) de rappeler à Mgr de Galarreta, désormais Premier assistant, ses positions très fermes de l’automne 2011 à Albano, sachant que ses évolutions ultérieures ont déconcerté de nombreux fidèles, 

3°) de renoncer officiellement à la juridiction « ordinaire » concédée par le pape pour les sacrements, et de revenir au régime  de  suppléance  attaché  à « l’état de nécessité » prévu par le droit, régime qui fut en vigueur dans la Fraternité de 1976 à 2015, 

4°) de reprendre résolument l’offensive contre la « Rome néo-moderniste et néo-protestante »,  dans l’esprit de la Déclaration  du  21 no- vembre 1974, en réclamant au Souverain pontife le retour de l’Eglise à sa Tradition  bimillénaire  par  une  profession  publique  de  la  foi  catholique  dans  son intégrité (voir ici), à commencer par les trois mesures prioritaires suivantes : 

- dénoncer les erreurs de la culture libérale, en réaffirmant la Royauté sociale de Jésus-Christ à l’encontre de la « liberté religieuse » et des « droits de l’homme sans Dieu », 

- rétablir le serment antimoderniste pour l’accès aux ordres de la hiérarchie ecclésiastique, dans le but d’enrayer le processus de corruption de la foi qui mène les âmes à l’apostasie et à la perdition, 

- condamner solennellement les textes de Vatican II contraires aux définitions irréformables du magistère antérieur, révoquant ainsi la prétendue autorité d’un concile « pastoral » qui se révèle être, cinquante ans après, le plus grand désastre de l’histoire de l’Eglise. 

… et, en outre, rappeler au pape qu’il reste toujours à consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie, selon la demande du Ciel transmise à Fatima, et dans les formes requises par cette demande. 


A défaut de ces actions courageuses,  entreprises sans tarder,  la  fin  de  l’œuvre  de  Mgr Lefebvre apparaît à terme inéluctable, tant il est vrai que « tout royaume divisé contre lui-même court à sa ruine » ! 

C’est à vous qu’il appartient, Monsieur l’abbé, à raison de la charge que vous avez reçue du Chapitre en juillet, de faire usage de votre autorité de Supérieur général pour conjurer cette issue fatale. 

Veuillez croire à nos ferventes prières, et à nos sentiments respectueux. 

Correctio Marcelis 


Dernière minute : 

Le vendredi 12 octobre, est paru sur FSSPX-News un entretien avec l’abbé Davide Pagliarani : 266 lignes de considérations diverses, fort instructives sur la pensée profonde du nouveau Supérieur général, et les messages qu’il entend faire passer. 
Le rôle de la Fraternité dans la crise actuelle de l’Eglise, et l’état des rapports avec les autorités romaines, sont largement traités. 
On notera toutefois que, dans ses réponses, l’abbé Pagliarani ne fait aucune allusion à la nouvelle situation canonique de la Fraternité résultant des concessions du pape François sur la juridiction des sacrements ! 
Le diagnostic posé par la présente « Adresse » sur la paralysie des autorités de Menzingen face à la Rome conciliaire se trouve ainsi, hélas, confirmé…