Par Mgr Williamson - Commentaires Eléison n° 642
De tels chefs guident-ils vers le Ciel . . . ou l’Enfer ?
Il y a peu, nous avons eu des indications laissant espérer que la Fraternité Saint Pie X cessait de glisser sous l’autorité et sous le contrôle des prélats Conciliaires romains. Malheureusement des signes contraires sont venus infirmer ces espoirs. A preuve, le 12 septembre dernier, l’abbé Davide Pagliarani, nouveau Supérieur Général (SG), élu successeur de Mgr Fellay en juillet 2018, a rendu publique une interview dans laquelle il disait beaucoup de bonnes choses ; à tout le moins, assez pour réjouir une lectrice de ces « Commentaires », car la dérive de la Fraternité lui semblait s’être inversée. Hélas, un fait récent venant du siège de Menzingen nous fait craindre que l’abbé Pagliarani n’ait en fait reçu l’ordre de tenir ce discours bien conservateur afin de tromper les Traditionnalistes qui écoutent les paroles sans regarder les actes. Examinons donc ce qui s’est passé à la Maison Générale et replaçons l’événement dans son contexte.
La Tradition catholique compte en France trois ordres de moines et de frères fidèles au passé de l’Eglise : les Bénédictins de Bellaigue, les Dominicains d’Avrillé et les Franciscains de Morgon. Tous trois ont été, en leur temps, encouragés et aidés par Mgr Lefebvre lors de leur fondation. Mais Monseigneur n’a jamais revendiqué d’autorité sur aucun d’entre eux. Il a même explicitement refusé de le faire, car il ne voyait pas la Fraternité comme ayant pour mission de monopoliser la Tradition ou de contrôler toutes les initiatives Traditionnelles. Chacune à son rythme, ces trois congrégations indépendantes ont prospéré depuis leur fondation, et, en 2019, comme il est normal pour les moines et les frères, on peut dire que toutes les trois exercent, partout dans le monde, une certaine influence sur les Traditionnalistes.
Cependant, à l’occasion du changement d’orientation majeur de la Fraternité, devenu public en 2012, les relations de ces congrégations avec la FSSPX sont devenues problématiques. La Fraternité, en effet, à voulu que ces religieux influents lui emboîtent le pas dans sa nouvelle orientation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, il y a quelques années, la Fraternité a rompu ses relations avec les Dominicains d’Avrillé car ils étaient considérés par trop indépendants ; dans le même temps, les Franciscains ont dû, de leur côté, pratiquer une délicate politique d’équilibre entre coopération et indépendance. Quant aux Bénédictins, leur jeune Supérieur brésilien, Dom Placide, a dû subir, en août dernier, une pression particulièrement forte de la part de la Fraternité.
Convoqué à Menzingen par l’abbé Pagliarani, il fut vertement réprimandé pour son manque de coopération. On lui présenta un écrit qu’il devait signer pour céder tout simplement à la Fraternité le contrôle entier du monastère bénédictin ! Quand – pour le dire poliment – il a refusé cette « offre », on l’a menacé de faire connaître au monde entier que la FSSPX coupait toute relation avec le Monastère. Dom Placide a répondu qu’il incombait au SG de faire comme bon lui semblait. Ce sur quoi la menace devint la suivante : tous les prieurés de la Fraternité allaient recevoir l’ordre de ne plus envoyer de vocations à Bellaigue. Et cette menace a été mise à exécution. Dom Placide a décliné l’offre de rester pour déjeuner à Menzingen.
Réfléchissons un instant sur cet échange de vues. D’une part, si on veut garder ses espoirs dans l’abbé Pagliarani personnellement, on supposera qu’il lui a été imposé d’utiliser cette tactique d’intimidation contre le Supérieur des Bénédictins qui est relativement jeune. Il n’en porte pas moins la responsabilité d’avoir consenti à jouer ce rôle de croquemitaine. Plus sérieusement, de telles manœuvres d’intimidation donnent à penser que Rome et Menzingen complotent ensemble pour ramener sous le contrôle de la Fraternité tous les groupements Traditionnels actuellement indépendants et, ceci fait, la Fraternité serait restructurée et remplacée par une Prélature Personnelle placée entièrement sous le contrôle des Conciliaristes. Dans la guerre que Rome mène contre la Tradition, cela présenterait deux avantages : premièrement, gommer l’indépendance et les dernières traces laissées par Mgr Lefebvre dans la structure de la Fraternité ; et deuxièmement, après ce coup de maître, laisser à Rome le loisir d’étrangler doucement, et d’un seul coup, la Fraternité avec tous les groupements Traditionnels. Les dirigeants actuels de la Fraternité ne bouderaient pas non plus un tel coup, au contraire. Car, tout en mourant étranglés, ils mourraient si contents de recevoir enfin cette reconnaissance officielle pour laquelle ils se sont battus depuis si longtemps.
Voilà pour les dirigeants égarés de la Fraternité. Mais qu’en est-il de ceux qui les suivent, prêtres et laïcs ?
Kyrie eleison.