mercredi 1 septembre 2021

Mgr Lefebvre le Sage - II

Commentaire Eleison 737 (28 août 2021)

Mon Seigneur Dieu, je crois, mais augmentez ma foi !
Le monde tout autour s’est détourné de Toi !

Outre les conceptions antagonistes du libéralisme et du sédévacantisme (cf. les "Commentaires" de la semaine dernière), une autre approche permet de voir la sagesse avec laquelle Mgr Lefebvre a su « faire face » aux papes Paul VI et Jean-Paul II. En effet, comment concevoir à l’époque qu’une telle résistance ait été absolument nécessaire à la survie de l'Église ? Très peu d’hommes d’Église l’ont vu en ce moment-là. A preuve : lorsque Mgr Lefebvre fit sa déclaration du 21 novembre 1974, qui était une sorte de Charte du mouvement Traditionnel à venir, Rome suspendit officiellement, en 1975, la Fraternité Saint-Pie X dont il était le fondateur ; et, en 1976, il fut encore suspendu personnellement de toute activité en tant qu'évêque. Sa résistance paraissait alors totalement inacceptable, au point que la grande majorité de ses frères dans l'épiscopat se rangèrent du côté de Rome, et beaucoup d'entre eux exercèrent sur lui une pression continuelle pour qu'il cédât à Paul VI, et cessât de "désobéir".

Jusqu'à la Consécration de quatre évêques en 1988 pour la Tradition catholique, Monseigneur entretint l’espoir de constituer un petit groupe de quatre ou cinq évêques traditionnels qui pourraient sérieusement s’opposer à la dissolution de l'Église par les néo-modernistes. Mais il n’en fut rien. Bien qu’il rendît visite à de nombreux confrères, il n'en trouva aucun qui acceptât de le soutenir dans sa prise de position publique contre les destructeurs romains. Ce n'est qu'en 1981 qu'un confrère se rangea enfin publiquement à ses côtés. Il s’agit de Mgr de Castro Mayer qui venait d’avoir 75 ans (âge de la retraite) et qui avait dû démissionner de son poste d'évêque diocésain de Campos, au Brésil. Cet évêque, bien qu’officiellement en retraite, resta publiquement aux côtés de l'Archevêque, notamment lors de la cérémonie des Consécrations épiscopales en 1988. Ce geste fut très apprécié par Mgr Lefebvre, car c’était bien la preuve qu’il n’était pas le seul à juger que la crise de l'Église justifiait une action aussi radicale que des Consécrations épiscopales sans l’approbation du Pape.

Ces deux évêques clairvoyants restèrent ensemble jusqu'à leur mort qui intervint en 1991 à un mois d'intervalle. Mais, après leurs décès, leurs propres disciples ne les suivirent pas très longtemps, ce qui montre à quel point la clairvoyance de ces deux-là avait été exceptionnelle. Au Brésil, le groupe de prêtres de Campos réinterprétèrent rapidement l’épiscopat de Mgr de Castro Mayer en le divisant en deux périodes : d’abord, celle du pasteur obéissant, avant sa rébellion "contre Rome", puis celle du "rebelle désobéissant". Ils déclarèrent alors que leur loyauté allait à "Castro I", excuse pour se soumettre en groupe à la juridiction de Rome. Quant à la Fraternité St-Pie X que l'Archevêque avait laissée derrière lui dans le monde entier, elle vit ses dirigeants, au bout de quelques années, prendre contact en privé avec des représentants de l'Église officielle dans le cadre de discussions organisées par le GREC. Et, quelques années plus tard, le Supérieur de la Fraternité annonça publiquement que seul un coup de tampon manquait encore pour entériner un accord officiel entre la Fraternité et Rome. À la décharge des dirigeants de la Fraternité, aucun accord officiel n'a jamais été conclu, mais à leur charge, ce n'est pas faute d'avoir essayé, et il y a bien en place un accord officieux.

Mais comment ose-t-on discréditer de manière aussi nette les dirigeants de la Fraternité alors qu’ils ne visaient qu’à trouver un statut légitime par lequel la Fraternité serait reconnue au sein de l'Église officielle ? Répondons à cette question en examinant les fruits portés par ces efforts. Depuis que les successeurs de l’Archevêque essaient de s’entendre avec Rome, la Fraternité porte-t-elle des fruits comparables à ceux qu’elle produisait lorsqu’elle rejetait clairement, derrière son Archevêque, tout contact avec les Romains prévaricateurs, destructeurs de la Foi ? Certes, on n’affirmera pas que la Fraternité ne produit plus aucun fruit depuis qu’elle traite ces Romains comme s'ils étaient catholiques, mais dans la crise actuelle de l'Église qui ne cesse de s'aggraver – et non de s'atténuer ! – combien plus de fruits réels la FSSPX n’aurait-elle pas obtenus si seulement les âmes n'avaient pas été fourvoyées par son message équivoque, disant : "Oui, bien sûr, les Romains sont mauvais, mais enfin, ils ne sont pas aussi mauvais que cela ! Et ils finiront par nous reconnaître, si seulement nous savons les ménager !"

Or, en réalité, ces Romains sont très mauvais. Ils sont les premiers responsables de la destruction de l'Église dont dépend le salut ou la damnation de millions et millions d'âmes. Le dernier Motu Proprio du Pape François ne montre-t-il pas clairement qu’ils sont toujours aussi mal orientés ? Ils n’ont pas changé depuis les 60 dernières années. Alors posons-nous la question : comment Mgr Lefebvre a-t-il su voir cela aussi clairement, à la différence de ses confrères et de ses successeurs ? Assurément, par la pureté et la force de sa foi.

 Kyrie eleison.