mercredi 16 novembre 2016

De la subversion de la monarchie pontificale par les modernistes au ralliement.


De la subversion de la Monarchie Pontificale et du ralliement. Par un juriste catholique.


Depuis 1962, aux yeux de tout observateur attentif aux moindres indices, tout se passe dans le gouvernement et l’administration de l’Église comme si le pouvoir était bicéphale, c-à-d partagé entre deux détenteurs : l'un, clandestin, qui pense et planifie dans l'ombre en vue d’un objectif déterminé d'avance, imposé de l'extérieur, et le second, titulaire apparent de la fonction, qui n'est plus que l'instrument exécutif des résolutions du premier. La dyarchie, régime gouvernemental dans lequel le pouvoir est exercé conjointement par deux personnes (ou deux groupes), a existé dans l'Antiquité, à Sparte ; ces deux chefs étaient contrôlés par un collège de cinq magistrats (éphores) qui avaient les pouvoirs de justice et de police sur tous les citoyens, y compris les deux chefs ; l'histoire nous apprend aussi qu'à Rome il y eut en 60 av J.-C. un premier triumvirat (César, Crassus et Pompée) puis un second en 43 (Octave, Antoine et Lépide); il y eut en France, à la Révolution, le Directoire composé de cinq Directeurs (1795) auquel succéda le Consulat (Bonaparte, Cambacérès et Lebrun), suivi de l'Empire personnel de Napoléon Bonaparte. Pourquoi ces rappels historiques de régimes politiques appartenant au passé ? Parce que l'idée de partage du pouvoir est réapparue et a pris forme dans le gouvernement pratique de l'Église.

Or, la "dyarchie" est constitutionnellement impossible dans l'Église, où le pouvoir est personnel et monarchique ; la dyarchie n'y est possible ni dogmatiquement ni canoniquement, mais de facto elle a été mise en place par les réformes administratives opérées au lendemain du Concile "pour réaliser les vœux des Pères conciliaires", a-t-on dit : l'une de ces réformes fut celle de la Curie par Paul VI qui transforma complètement la structure gouvernementale de l'Église : le Secrétaire d'État, qui n'était antérieurement qu'un "secrétaire" chargé du courrier du S. Siège devenait un homme politique, un véritable "premier ministre" dirigeant et contrôlant les ministères (portant ici le nom de Congrégations) et toute l'administration vaticane tandis que le Pontife devient une sorte de souverain constitutionnel et représentatif, comme en Angleterre, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, au Grand-Duché : "Le roi règne, mais ne gouverne pas", il est le symbole de la Nation, avec des prérogatives honorifiques et quelques pouvoirs très limités ; d'autre part, les bureaux permanents créés après le Concile pour gérer les affaires "œcuméniques" sont autant de portes constamment ouvertes aux influences extérieures.

Ce n'est pas fini : après la dyarchie actuelle, qui fonctionne depuis 50 ans, il faut prévoir pour demain l'instauration d'un "directoire" dans lequel les chefs d'autres religions, simples "invités" jusqu'à présent pour prier ensemble en faveur de la paix, deviendront les assistants, les conseillers du Pontife avant de devenir les "consorts" du pouvoir pontifical. A quelles fins ? Réaliser la collaboration de tous les croyants, de toutes les religions et philosophies (laïcité y compris) pour établir la paix, la concorde, dans la grande et universelle fraternité humaine. Sous quelle autorité ? Clandestine aujourd'hui, elle se manifestera demain. Et après le Directoire ? L'empire personnel évidemment, celui de l'Antéchrist ! C'est ce que, dans les grandes lignes, le P. Emmanuel décrit dans "Le drame de la fin des temps", préfacé par Mgr LEFEBVRE. (Voir ci-après un relevé succinct des faits dans lesquels l'auteur voit les préparatifs lointains de l'avènement de l'Antéchrist).

Voilà comment "le Siège de Pierre et la Chaire de la Vérité pour la lumière du monde" sont devenus la plateforme (que Léon XIII appelle trop pompeusement le trône) des manœuvres de l'Antéchrist ; mais ceci ne veut pas dire que le Pontife s'identifie avec l'Antéchrist ; ça veut simplement dire qu'à la faveur du Concile "et par effet de ses réformes, la Parole de Vérité est liée, supplantée par un régime directorial ordonné à une finalité autre que la fin de l’Église de Jésus-Christ ; et ce, "dans le lieu saint même, là où a été établi le Siège du bienheureux Pierre". La foi est déviée, récupérée à des fins étrangères.

Relevé des faits dans lesquels le P. Emmanuel voyait en 1884 les préparatifs de l'avènement de l'Antéchrist.

• point de départ : Calvin et Luther, le libre-examen, le protestantisme.
• la fondation de la Franc-maçonnerie vers le milieu de 18e siècle en Angleterre avant de passer sur le Continent.
• la Révolution avec sa triple devise : liberté, égalité, fraternité ; liberté de pensée, directement opposée à la Révélation, c-à-d à Dieu son auteur.
• laïcisation de l'enseignement accaparé par l'état qui se veut hypocritement neutre, c-à-d athée.
• les "prédicateurs" de l'Antéchrist prennent l'apparence de l'Agneau ; ils singent les maximes évangéliques de paix, de concorde, de liberté, de fraternité humaine ; mais sous ces dehors trompeurs, ils propagent l'athéisme.
• pour discréditer l'Église et ridiculiser la Foi, on qualifie le Moyen-Age de siècles d'obscurantisme, époque de "ténèbres" qui a pris fin avec le siècle des "Lumières", le 18° siècle, celui de la libre-pensée et du rationalisme.
• l'accès aux carrières publiques sera réservé aux porteurs de la marque de la Bête, c-à-d son estampille, son label.
• l'Église sera dépouillée de tout pouvoir temporel et de tout appui sur terre (pour mémoire : les États Pontificaux ont été annexés au Royaume d'Italie en 1870 par les nationalistes italiens).


Que dirait aujourd'hui le P. EMMANUEL ? s'écrie Mgr LEFEBVRE, et que verrait-il à présent qu'il n'imaginait même pas en son temps ?

• la légalisation de l'avortement ;
• l'institutionnalisation de l'homosexualité ;
• la pédophilie, produit du laxisme général ;
• le S.I.D.A., produit de la même cause ;
• l'action de plus en plus virulente de la laïcité ;
• le remplacement des cours de religion par des cours de citoyenneté et l'invitation à travailler "pour changer le monde" ;
• la conversion de la religion en civilisation (cf. Romano AMERIO, Iota unum p.468, n°255), qui fait son chemin, dans la société civile et dans 1'Église, depuis et par le Concile, depuis que l'activité missionnaire de l'Église n'est plus œuvre de religion, mais de civilisation : "collaborer à éliminer du monde les haines, les guerres, la famine, la misère", (op.cit. p.467) Dans le Glossaire spécial qui précède le chapitre de cet ouvrage, deux mots sont à souligner :

• Ethnarchie : gouvernement des nations par une autorité mondiale.
• œkoumène : administration de la vie commune entre les hommes, société universelle des hommes et des peuples.

C'est ce programme qui est à l'œuvre, dans laquelle l'Église se trouve entraînée par l'œcuménisme, que Mgr LEFEBVRE n'hésite pas à appeler l'hérésie œcuménique de notre temps. On apprend maintenant que le Pape François veut à tout prix récupérer la FSSPX ; on parle d'une éventuelle prélature ; mais à quelle fin ? Ce n'est pas par la reconnaissance "officielle" de la Fraternité qu'il faut commencer, mais par le retour du S. Siège et de la hiérarchie à la Tradition, retour qui fera disparaître la cause des difficultés. Accepter une reconnaissance sans ce préalable, ce serait emboîter le pas à 1’ethnarchie, ce serait, pour reprendre les termes du P. Emmanuel, accepter de prendre place "...dans je ne sais quel panthéon des faux dieux", ce serait rejoindre l'esprit d'Assise et y coopérer tout en le critiquant...verbalement.

La tentation, d'autant plus dangereuse qu'elle est subtile, c'est de vouloir considérer le problème à la manière de Chateaubriand, qui a laissé en littérature le souvenir d'un ouvrage célèbre que plus personne aujourd'hui n'a envie de lire mais qui eut un grand retentissement au 19e siècle : Le Génie du Christianisme, dont il fait l'apologie en cherchant à émouvoir les esprits, ou plutôt les cœurs, par des arguments d'ordre poétique, esthétique, moral : les bienfaits du christianisme ; le 2e titre donné primitivement à son ouvrage est significatif de l'intention apologétique poursuivie : "Des beautés poétiques et morales de la religion chrétienne et de sa supériorité sur les autres cultes de la terre" (et pourtant l'œcuménisme n'existait pas encore...). Perpétuellement ballotté entre la fidélité à la monarchie déchue et la nouvelle, optant finalement pour la Restauration, il fit paraître en 1814 une petite brochure intitulée : "De Buonaparte et des Bourbons et de la nécessité de se rallier à nos princes légitimes pour le bonheur de la France et celui de l’Europe" (D.T.C. Tome II, 2* partie, V° Chateaubriand, col. 2331-2339).

Ce que Chateaubriand n'a pas compris à l’époque, c'est que le prince légitime auquel il préconisait le ralliement n’était plus que l'emblème d'un régime monarchique révolu. La Restauration souhaitée fut d’ailleurs de courte durée : Louis XVIII, roi de 1814 à 1824, Charles X, de 1824 à 1830, Louis-Philippe, de 1830 à 1848, soit 34 ans.

Le ralliement au S. Siège, d'où que vienne le projet, n’est pas comparable au problème de la restauration de la monarchie dans un État temporel quel qu'il soit. Tout d'abord, il n'est nullement démontré, par des arguments convaincants, que le ralliement au S. Siège est nécessaire "pour le bien de l'Église", comme certains partisans le croient ; deuxièmement, on ne peut pas perdre de vue que le Prince des Apôtres n'est qu'un "lieutenant", un "tenant lieu" de quelqu'un d'autre qui ne peut être que le Christ, Chef invisible de l'Église ; or, depuis le Concile et à cause des réformes conciliaires, la "lieutenance" est faussée dans son fonctionnement ; trop d'actes scandaleux, de discours, de déclarations vont dans le sens du ralliement de la Hiérarchie à des finalités autres que celle de l'Église. C'est le ralliement à la Tradition qui s'impose préalablement, parce qu'il n'y a pas d’autre moyen de sortir l'Église de l'impasse où elle se trouve depuis une cinquantaine d'années.