Nous publions aujourd'hui la deuxième partie de l'étude de Don Nitoglia où, après avoir rappelé la stratégie communiste, il montre le parallèle avec l'attitude moderniste, surtout dans la situation actuelle.
Vous trouverez la première partie de cette étude ici
Partie II
La stratégie
moderniste
Le modernisme est « l’égout collecteur de toutes les
hérésies » (St Pie X, Encyclique Pascendi, 8 septembre 1907). Donc il est
plus pervers que le communisme parce qu’il n’est pas seulement matérialiste, et
donc athée, mais toutes les erreurs contre la droite raison, toutes les
hérésies contre la Foi et toutes les dépravations contre la morale (y compris
l’athéisme) le caractérisent et confluent en lui comme les canaux d’écoulement
de faible débit qui confluent dans le cloaque Maxime.
Aussi à partir de la doctrine exposée par le Magistère de
l’Eglise, on peut se demander si un accord et une collaboration uniquement
pratique entre catholicisme et modernisme est possible. Et bien, selon l’enseignement de Pie X et Pie
XI, la réponse est évidente : n’est licite aucun accord ni collaboration
entre eux, pas même au seul niveau de l’action.
Si nous analysons la nature du modernisme et du
catholicisme, nous comprenons aussi la raison de cette prohibition. En effet, le modernisme s’appuie sur la
philosophie moderne idéaliste (Kant/Hegel), selon laquelle c’est la pensée
humaine qui crée la réalité. La
théologie du catholicisme se fonde sur le bon sens naturel et sur la
philosophie du réalisme de la connaissance (Aristote/St Thomas) selon lesquels
la réalité
existe indépendamment de la pensée humaine et cela doit être
conforme à la réalité pour atteindre la vérité.
En outre, la Révélation confirme tout ce que la droite raison arrive à
connaître : Dieu a créé le monde et l’homme.
Pour cette raison, ce n’est pas la pensée humaine qui a créé la réalité, mais elle est seulement un
effet de la cause première sans cause, qui s’appelle Dieu.
Dans l’allocution « Accogliamo » (18 avril 1907),
Saint Pie X met bien en évidence que l’Eglise ne craint pas la persécution
ouverte comme « lorsque les édits des Césars ordonnaient aux premiers
chrétiens d’abandonner le culte envers Jésus-Christ ou de mourir. » Donc,
aujourd’hui, nous-mêmes, comme le Pape Sarto, nous ne devons pas craindre la
persécution ouverte de la Tradition apostolique, mais bien la main tendue par
le modernisme qui, au début, voudrait nous faire agir avec lui pour, par la
suite, nous moderniser spéculativement et nous mettre accidentellement « à
jour » (« aggiornati » de Jean XXIII et François Ier). « Celui qui n’agit pas suivant sa pensée
finit par penser comme il agit. »
Si le catholique travaille en collaboration avec les modernistes, il
finira tôt ou tard par penser comme eux sans le savoir.
Accord actuel entre
catholiques et néo-modernistes
Aujourd’hui, se pose la question brûlante d’une possible
collaboration ou d’un accord entre le catholicisme et le modernisme et, pour
soutenir cette possibilité, on apporte une multiplicité de raisons qui n’ont
aucun fondement dans la réalité.
Voyons-les un par un.
1) De
nombreux évêques et cardinaux conservateurs ont élevé la voix
A propos des nouveautés contre la morale naturelle et
divine, contenue dans l’enseignement « exhortatif » de François Ier
(Exhortation Amoris laetitia, 19 mars 2016), il semble qu’il y a un certain
retour à la doctrine catholique traditionnelle dans le milieu ecclésiastique et
dans la hiérarchie.
Réponse : Il est vrai qu’en ce qui concerne les
récents excès en matière de morale, il y a eu une évidente et louable réaction
de cardinaux et évêques, mais le problème qui est à l’origine de cette
déviation, c’est Vatican II dont les décrets sont en rupture objective avec la
Tradition apostolique, l’enseignement constant et traditionnel des Papes et la
saine théologie. Or ces évêques et
cardinaux ne remettent pas en question la différence entre l’enseignement
pastoral de Vatican II et celui de la Tradition catholique.
Par exemple, le pieux Cardinal Burke a
déclaré maintes fois que toute sa formation sacerdotale s’est passée à la
lumière du Concile Vatican II. Donc les
principes de Vatican II sont tout à fait acceptables pour lui (Monde et vie,
n°899).
Ensuite le courageux Cardinal
Sarah a critiqué les écarts en matière de morale mais il a affirmé en même
temps qu’il faut suivre fidèlement « l’enseignement constant du
Bienheureux Paul VI, de Saint Jean-Paul II et de Benoît XVI » et qu’il est
nécessaire d’avoir confiance dans « la fidélité de François Ier »
(Monde et vie, n°905, p 19).
De plus, le
théologien Monseigneur Athanasius Schneider a affirmé : « C’est le
Concile Vatican II qui a élargi la compréhension du mystère de l’Eglise dans
Lumen Gentium » (Présent, 10 janvier 2015). Au sujet de l’exhortation Amoris Laetitia de
François Ier (19 mars 2016), Mgr Schneider pense qu’elle a été mal interprétée
par certains évêques libéraux et qu’en elle-même, elle ne contient rien de
contraire à la doctrine catholique ; au pire, elle comporte quelques ambiguïtés
(A.Schneider, Déclaration sur Amoris Laetitia, 30 avril 2016).
Le Cardinal Burke a parlé de lire
« Amoris Laetitia » à la lumière du magistère traditionnel de
l’Eglise. Comme on peut le voir, leur
doctrine est la théorie de Ratzinger (« Très souvent prêchée mais jamais
prouvée », comme l’a démontré Mgr Brunero Gherardini) de l’herméneutique
de la continuité entre Vatican II et la Tradition apostolique. Même pendant le Concile Vatican II, il y
avait des théologiens plus ou moins modernistes ; voyez l’opposition
(quant au mode mais pas à la substance) entre les revues Concilium (Rahner,
Küng, Schillebeeckx) et Communio (Daniélou,
de Lubac, Ratzinger, von Balthasar). Le
phénomène des prélats progressistes un peu plus conservateurs a toujours existé
depuis Jean XXIII jusqu’à nos jours.
Mais quasi personne n’a remis en question les principes de Vatican II
comme incompatibles avec la doctrine catholique. Récemment, Mgr Mario Olivero,
évêque d’Albenga, l’a fait mais il a été chassé de son diocèse. De même le
vaillant théologien Mgr Brunero Gherardini l’a fait conjointement avec les
Franciscains de l’Immaculée qui ont été dissous et persécutés, comme il a été
mis totalement de côté. Dans un passé
récent, Mgr Antonio de Castro Mayer ( † 25 avril 1991) et Mgr Marcel Lefebvre
( †
25 mars 1991) l’ont fait, mais ils ont été condamnés (1976/1988). Evidemment les traditionalistes ne sont les
bienvenus et tolérés que s’ils acceptent Vatican II et la parfaite orthodoxie
du Novus Ordo Missae, mais s’ils ont l’audace de poser la question de savoir si
on peut concilier Vatican II et la Tradition apostolique, ils sont
inexorablement condamnés. Donc un accord
avec les modernistes ne pourrait se faire qu’à la condition d’accepter presque
pas inadvertance, lentement, le Concile Vatican II et la pleine orthodoxie de
la nouvelle messe de Paul VI.
2) Il y
a eu un véritable changement de mentalité dans la hiérarchie de l’Eglise
Le Pape a poussé jusqu’au paroxysme le modernisme de Vatican
II. Pour ce qui regarde le Motu Proprio
Summorum Pontificum de Benoît XVI du 7 juillet 2007, il a déclaré qu’il ne veut
pas l’abandonner, mais que l’ancien rite ne doit pas devenir une barrière
idéologique (Monde et vie, n°849). De
plus, il a condamné les Franciscains de l’Immaculée en raison du risque d’un
retour au passé ante-conciliaire, d’une idéologisation de la Messe de Saint Pie
V. Donc il faut « abattre les
bastions » (Hans Urs von Balthasar).
Ses collaborateurs les plus proches, qui gouvernent
réellement l’Eglise et qui n’ont pas été mis de côté (comme Burke ou Schneider)
sont aussi eux-mêmes radicalement modernistes.
Par exemple, le Cardinal Müller (Préfet de la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi), bien qu’il ait exprimé des réserves sur « Amoris
Laetitia », est un élève et un admirateur du Père Gustavo Gutierrez, chef
de file de l’école de la théologie de la libération. Récemment, il
a pris la défense de l’Université Catholique de Lima (au Pérou) face aux
censures de l’archevêque de Lima le Cardinal Thorne (La Stampa, 18 février
2013). Sa théologie est entachée
d’erreurs graves et d’hérésies ; par exemple, la Très Sainte Vierge est
toujours vierge mais pas physiquement, la transsubstantiation est réduite à une
transsignification, il y a beaucoup d’églises dans l’unique peuple de Dieu (cf
Le Sel de la Terre, n°84, Printemps 2013, p 165 et suivantes)
Réponse : de ce qui précède, il résulte que
François Ier et ses proches collaborateurs ayant un réel pouvoir dans l’Eglise
ne sont pas du tout disposés à remettre en question le Concile Vatican
II ; bien plus, ils viennent de réaliser radicalement une sorte de
« Vatican III » dans le milieu ecclésiastique.
3) François
Ier ne demande plus l’acceptation formelle de Vatican II et de la Nouvelle
Messe
Le « Pape émérite » Benoît XVI était un
théologien, très attaché aux questions doctrinales. Donc il exigeait l’acceptation de Vatican
II ; au contraire le Pape Bergoglio est un homme pratique qui ne
s’intéresse pas à la théologie, mettant totalement de côté les questions
spéculatives. L’important pour lui est
d’entrer en contact avec les gens (comme le loup dans le Petit Chaperon Rouge,
peut-être en faisant la promesse de quelque calotte écarlate ou barrette
cardinalice), de marcher ensemble, se connaître et donc d’arriver à se
comprendre et se respecter mutuellement.
Il débloque tout doucement les situations de conflit, qui se sont créées
dans la période post-conciliaire, par des concessions pratiques qui
(apparemment et initialement) ne touchent pas la doctrine et ne l’exposent pas
au risque d’être contaminée par le néo-modernisme.
Réponse : si l’attitude extérieure, la mode
d’agir de François Ier peuvent donner cette impression, il reste tout de même
vrai qu’il a fait des déclarations qui vont dans le sens opposé et qui sont
pour lui des « questions non négociables ». En effet, le Pape Bergoglio, dans une
interview au journal La Croix (17 mai 2016), a déclaré que : « Avant
tout, il est nécessaire d’établir un accord fondamental. Le Concile Vatican II a sa
valeur. » Le 24 mai, le Cardinal
Müller a déclaré : « Si on veut être pleinement catholique, il faut
reconnaître le Concile Vatican II. » (Revue Herder Korrespondenz) Les
déclarations de Mgr Guido Pozzo vont dans le même sens (cf. Zenit, 25 février
2016 ; La Croix, 7 avril 2016) : le Concile Vatican II doit
certainement être lu « à la lumière de la Tradition », mais pour les
modernistes, il y a une totale compatibilité entre Tradition et Vatican II,
alors que pour les catholiques intégraux, il y a une rupture objective. Donc on ne peut pas faire un accord
(spécialement sur les questions de Foi et de morale) en se basant sur
l’équivoque. De plus ceux qui commandent aujourd’hui sont
les modernistes : ils ont beau jeu et dictent la loi dans un éventuel
accord. Ensuite s’exposer au risque d’être absorbés par le modernisme ou de
faire un accord avec le Pape, et puis d’avoir à le rompre et donner un démenti,
ce serait se couvrir de ridicule devant le monde entier, c’est un risque à
éviter. Il vaudrait mieux attendre, sans
se faire prendre par la hâte, laquelle est toujours mauvaise conseillère. Pour les modernistes, on a seulement le droit
de faire une « critique constructive » de Vatican II, c’est-à-dire
selon l’herméneutique de la continuité, mais sans jamais briser la continuité
entre la Tradition apostolique et la théologie conciliaire.
A suivre ....
A suivre ....