Rio de Janeiro (envoyée spéciale)
Lors de ses différentes rencontres avec les évêques et les religieux du Brésil, samedi 27 juillet, en marge des Journées mondiales de jeunesse (JMJ) qui se tiennent à Rio jusqu’au 28, le pape François a précisé sa vision de l’état de l’Eglise catholique et insister sur les changements à adopter, notamment dans le clergé, pour faire revenir en son sein ceux qui s’en sont éloignés.
Constatant l’évaporation d’une partie des catholiques vers « de nouveaux et répandus groupes religieux », -allusion soft aux Eglises évangéliques, souvent qualifiées de « sectes » par des responsables de l’Eglise catholique-, et la multiplication de « ceux qui sont désormais sans Dieu, en théorie ou en pratique », le pape a plaidé pour une Eglise « simple » qui n’ait pas peur « de sortir dans leur nuit, de croiser leur route, de s’insérer dans leurs conversations ». « Il faut partir de la périphérie, de ceux qui sont le plus loin », répète à l’envi le pape depuis son élection. « L’Église doit toujours se rappeler est qu’elle ne peut pas s’éloigner de la simplicité ».
"Une Eglise prisonnière de ses langages rigides"
Non sans franchise, il a pointé le « désenchantement » de croyants face à un « christianisme considéré désormais comme un terrain stérile, infécond, incapable de générer du sens ». Derrière une métaphore d'un épisode des Evangiles, il s'est interrogé sur les défauts d'une Eglise trop "faible", trop "auto-référentielle", trop "froide", trop "éloignée des besoins", "prisonnière de ses langages rigides", "survivance du passé". Et, alors qu’il avait attribué, la veille, la désaffection de nombreux fidèles à « l’incohérence de certains chrétiens et de certains prêtres » il a insisté devant les évêques sur le "découragement" dû aux exigences d’une Eglise« trop haute ».
« Certains ont cherché de faux-fuyants car ils ont pensé que l’idéal de vie que l’Eglise propose était hors de portée ». « Avec la désillusion dans le cœur, ils sont allés à la recherche de quelqu’un qui les illusionne encore une fois ». Dans une allusion à la devise des Jeux olympiques qui se dérouleront au Brésil en 2016, le pape a regretté que « beaucoup soient partis parce qu’on leur a promis quelque chose de plus haut, quelque chose de plus fort, quelque chose de plus rapide ». Mais dans cet éloignement de la transcendance, il a aussi mis en cause la "mondialisation" et ses effets dévastateurs : "la perte du sens de la vie, la solitude, la violence, la fracture des familles, la drogue, l'alcool, le sexe", autant de "prisons supplémentaires"
Alors que le Brésil traverse une période de contestation sociale, le pape a plaidé, devant des représentants de l’élite économique et intellectuelle brésilienne, pour « une culture de la rencontre et du dialogue » contre une « culture de l’exclusion, du rebut ». Mais, adressés aux évêques brésiliens, les conseils du pape pour répondre aux défis de l'Eglise dépassent largement le cadre sud-américain. Ainsi, il a demandé une meilleure formation « humaine, culturelle, affective, spirituelle, doctrinale » pour les clercs. Engagé dans une réforme des structures vaticanes, le pape a aussi défendu aussi l’idée, sur le terrain, d’un fonctionnement plus collégial de l’Eglise, au détriment d’« une bureaucratie centrale ». [caractères gras de Reconquista]
Le droit d'être "en opposition avec le monde"
Privilégiant jusqu’à présent le « pardon et la miséricorde » aux condamnations, le pape a insisté auprès des religieux pour qu’ils mettent en oeuvre cette dimension afin de mieux « s’introduire dans un monde de « blessés » qui ont besoin de compréhension, de pardon, d’amour ». Il n'en a pas moins demandé aux catholiques d'être "fermes sur leurs valeurs éthiques" et s'il le faut "d'aller à contre-courant". Sans plus de précision, le pape a aussi demandé que soit promu « le rôle actif des femmes dans la communauté ecclésiale ». « En perdant les femmes, l’Eglise risque la stérilité », a affirmé François.
Dans l’une de ses rares allusions au rôle de l’Eglise dans la société il a également précisé : « Il est impossible d’imaginer un avenir pour la société sans une forte contribution d’énergies morales dans une démocratie ». « La laïcité de l’Etat », a-t-il assuré, doit valoriser la présence du facteur religieux dans la société et en favoriser ses expressions concrètes ». « Dans la société, l’Église demande une seule chose avec une clarté particulière : la liberté d’annoncer l’Évangile de manière intégrale, même quand elle est en opposition avec le monde».
Stéphanie Le Bars