jeudi 19 septembre 2013

Commentaires du monde sur la lettre du pape François à E Scalfari

Inédit : le pape François écrit aux « non croyants » dans la Repubblica

A peine sorti de son offensive diplomatique contre des frappes militaires en Syrie, le pape François se livre, mercredi 11 septembre, à un nouvel exercice inédit, marquant, sur la forme, une ouverture envers le monde et les sociétés sécularisées et rappelant, sur le fond les principes de la foi chrétienne. Dans une longue lettre parue dans le quotidien italien de gauche La Repubblica, le pape s’adresse aux « non croyants », convaincu de la nécessité de « faire un bout de chemin ensemble » et de poursuivre « un dialogue serein et constructif », initié après le concile Vatican II.

De "la lumière" à "la superstition"
Cette missive est une réponse aux articles d’Eugenio Scalfari, personnalité intellectuelle italienne, et l’un des fondateurs du journal. Durant l’été, ce dernier, athée convaincu, l’avait interpellé sur la foi et « l’invention de Dieu », peu après la publication de l’encyclique La lumière de la foi, co-rédigée par Benoît XVI et François.
Entre longue catéchèse sur la foi chrétienne, rappel des points de doctrine et conseils aux croyants dans leur attitude avec les non croyants, le pape invite au dialogue et pointe les raisons d’une forme « d’incommunicabilité » entre la culture chrétienne et la culture moderne. La foi chrétienne, dit-il, longtemps « symbole de la lumière » est devenue « la face sombre de la superstition, s’opposant à la lumière de la raison ». Le temps est venu d’un dialogue « sans préjugés », estime le pape. Sans jamais évoquer nouvelle évangélisation ou prosélytisme, il rappelle au passage aux croyants que la rencontre avec les non croyants n’est pas « un accessoire secondaire » de leur vie mais « une expression indispensable ». Le pape évoque aussi "les lenteurs, les infidélités, les erreurs et les péchés qui ont été commis et peuvent encore être commis par ceux qui composent l'Eglise".

Une lettre "scandaleusement fascinante"
Dans une réponse précise aux remarques de M.Scalfari sur la « vérité révélée » des croyants, le pape s'efforce d'expliquer, comme dans l’encyclique de juin, que selon la foi chrétienne, « la vérité n’est pas absolue » mais doit être comprise comme « un chemin » et que témoigner de cette foi nécessite « humilité et ouverture ».
A une question de M.Scalfari s’inquiétant de savoir si « le Dieu chrétien pardonnait aussi les péchés des non croyants », le pape développe l’un de ses thèmes de prédilection, affirmant que « la miséricorde de Dieu n’a pas de limite » et que l’important pour les non croyants est « d’obéir à leur conscience ». "Le péché, y compris pour les non croyants, est de ne pas suivre sa conscience". Dans un passage consacré aux juifs, le pape relève encore que "dans les terribles épreuves subies au fil des siècles", ils "ont gardé leur foi en Dieu, et pour cela, nous ne leur serons jamais suffisamment reconnaissants, en tant qu'Eglise mais aussi en tant qu'humanité".
M.Scalfari, qui reconnait « apprécier beaucoup » le nouveau pape, a jugé cette lettre signée "avec proximité fraternelle", « scandaleusement fascinante ». Elle est selon lui la preuve de « la capacité et du désir du pape de surmonter les obstacles au dialogue avec tous, pour la recherche de la paix et de l’amour ».
Stéphanie Le Bars