jeudi 19 décembre 2013

Affaire Pinaud: conclusion du procès et rejet de l'appel






Insurexerunt in me testes iniqui,

et mentita est iniquitas sibi







M. l’abbé Pinaud a subi huit mois d’isolement et de privation de tout ministère pour s’entendre dire qu’il ne pourrait plus dorénavant offrir le saint sacrifice de la messe. On lui reproche d’avoir corrigé les fautes d’orthographe d’une lettre, d’avoir donné un avis en privé à un confrère qui lui avait demandé conseil et d’avoir pensé qu’on pouvait s’opposer à une autorité qui mettait la foi en péril même si cette autorité s’appelait Mgr Fellay. Lire l'acte intégral de condamnation
Le 15 novembre 2013, la veille de quitter Jaidhof, sa prison ecclésiastique en Autriche, M. l’abbé Pinaud a écrit la lettre qui suit au Supérieur Général.

Lettre de M. l’abbé Pinaud à Mgr Fellay

Monseigneur,

La sentence du 28 octobre 2013 qui me condamne m’a été remise le 8 novembre 2013 par M. l’abbé Frey.
J’en appelle par la présente pour les raisons suivantes :

1° - L’avocat que j’avais choisi a été révoqué sans motif suffisant.
2° - L’action canonique que vous avez entreprise à mon encontre, ainsi que le procès qui a suivi, reposent de façon exclusive sur des courriers privés, sans parler des usurpations d’identité dont j’ai été victime.
3° - L’acte du tribunal me condamnant ne répond que partiellement à ma défense.
4° - La sentence portée est disproportionnée par rapport aux actes incriminés. Si l’on ajoute la circonstance que le Supérieur Général est à la fois juge et partie, elle va scandaliser bien des confrères et des fidèles.
5° - Le point 6 montre que je suis condamné pour avoir tenu les propos suivants lors de ma comparution le 19 octobre 2013 : « En raison des nombreuses concessions qu’elle fait au Concile et aux réformes conciliaires inacceptables, à elle seule, la Déclaration doctrinale du 15 avril 2012 constitue un péril pour la foi qui légitime la révolte, car cette Déclaration doctrinale n’est pas ‘un texte minimaliste’, comme l’écrit Mgr Fellay dans l’éditorial de Cor Unum N° 102. »

La privation de mon avocat m’ayant laissé échapper quelques maladresses, je souhaiterais remplacer le terme « révolte » par celui de « résistance », qui est plus conforme à ma pensée ; mais comment pourrais-je éprouver du regret pour avoir estimé que ce qui favorisait un accord pratique sans accord doctrinal serait un grand malheur pour la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ?

Avec vous je rends grâce « de ce que nous avons été préservés de toute sorte d’accord l’an dernier ». Mais je ne peux m’empêcher de penser, encore aujourd’hui, que les causes principales qui nous conduisaient au malheur sont d’une part le non-respect des prescriptions du Chapitre de juillet 2006 qui excluaient un accord pratique sans accord doctrinal, et d’autre part le refus de tenir compte des nombreux avis sages et légitimes de ceux qui vous suppliaient de ne pas persister dans cette voie d’un accord pratique. Seule l’opinion favorable à un accord pratique était exposée dans nos publications. Les confrères qui ont manifesté, d’une manière ou d’une autre, leur désaccord ont été repris ou sanctionnés.

De plus, les jugements très défavorables émis par des supérieurs majeurs, qui avaient eu connaissance confidentiellement du contenu de la Déclaration doctrinale du 15 avril 2012, favorisaient de graves soupçons au sujet de concessions inacceptables qui auraient été faites. La publication de cette Déclaration, au printemps 2013, a confirmé ces soupçons. Mgr Tissier de Mallerais m’écrivait le 20 mai 2013 : « Je ne m’étendrai pas sur le contenu du dernier N° de Cor Unum, trop déplorable pour être commenté, trop évidemment insatisfaisant pour être approuvé, trop choquant pour ne pas faire honte à qui de droit. »
Il est clair que toute cette affaire tourne autour des positions doctrinales qui sont exprimées par cette Déclaration du 15 avril 2012, non rétractées lors du Chapitre. Vos déclarations subséquentes, tout en retirant ce texte, ne renient pas son contenu et n’apportent pas les corrections doctrinales nécessaires.
- Maintenez-vous votre acceptation de la nouvelle formule de la Profession de foi et du Serment de fidélité pour assumer une charge exercée au nom de l’Église (DD II, note 1) ?
- Maintenez-vous que la nouvelle messe et les nouveaux sacrements ont été légitimement promulgués par les papes Paul VI et Jean-Paul II (DD III, § 7) ?
- Maintenez-vous que Mgr Lefebvre a accepté en 1988 « la légitimité ou légalité de la promulgation du NOM » (votre note de présentation de la DD publiée dans Cor unum 104) ?
- Maintenez-vous votre acceptation du nouveau Code de 1983 (DD III, § 8) ?
Le fait d’avoir mentionné la Constitution dogmatique Pastor æternus en DD III ne supprime pas l’acceptation de la nouvelle Profession de foi qui a été faite au paragraphe précédent, ni ne lève l’ambiguïté des autres affirmations mentionnées ci-dessus, puisque aussi bien il n’y a aucune ambiguïté dans ces affirmations.

En vous assurant de ma prière, je vous prie d’agréer, Monseigneur, mes respectueuses salutations.

Réponse de Mgr Fellay

Menzingen, le 25 novembre 2013

Monsieur l’abbé,

Votre courrier du 15 novembre par lequel vous faites recours contre la décision du tribunal du 28 octobre m’est bien parvenu. Vous serez informé ultérieurement de la suite qui sera donnée à votre recours.
Comme je vous l’écrivais dans le fax que mon secrétaire vous a fait parvenir le 15 octobre, je vous autorise à prendre deux semaines de vacances dans votre famille. A l’issue de ces deux semaines, je vous demande de vous rendre à Montgardin.
L’exécution de la peine prévue par le jugement du 28 octobre est suspendue de par votre recours. En revanche, ce que je vous signifiais dans le fax du 15 octobre dernier demeure, à savoir que, lors du séjour en famille, vous êtes censé éviter de passer dans nos prieurés et vous contenter de célébrer votre messe en privé.
Soyez assuré de ma prière à vos intentions.
+ Bernard Fellay.

Ultime réponse de M. l’abbé Pinaud

Le 8 décembre 2013

Monseigneur,

Votre réponse à ma lettre du 15 octobre m’est bien parvenue et je vous en remercie.
Les mesures que vous m’imposez n’étant nullement nécessaires à titre conservatoire, je constate qu’elles ont un caractère de peine, ce que va contre la présomption d’innocence.
Je suis condamné avant d’avoir été jugé.
Dans ces conditions arbitraires, mon recours n’a plus d’objet et je m’en désiste.
Vous assurant de ma prière, je vous prie d’agréer, Monseigneur, mes respectueuses salutations.
*
Depuis, Mgr Fellay a appliqué, par contumace, la peine décrétée par M. l’abbé Wuilloud. Mgr Fellay a fait savoir à M. l’abbé Pinaud que ses vacances en famille était finies, qu’il était bien suspens a divinis, qu’il devrait déjà être à Mongardin et qu’il devait donc s’y rendre pour y subir sa peine pour un temps indéterminé…

M. l’abbé Pinaud n’est pas en ce moment à Mongardin et célèbre quotidiennement la messe en privé comme en public.