vendredi 25 mai 2018

Ode à dindon qui se prenait pour un aiglon

Parmi nos lecteurs, se trouvent encore quelques talents, qui savent manier notre belle langue, et n'hésitent pas à s'en servir pour nous mettre en garde et nous avertir des dangers. 

Ainsi le beau langage garde ses droits ! Que ce soit par la poésie ou le conte ...


Aiglon ou dindon ?

Monsieur l’abbé Simoulin a publié dans son bulletin Le Seignadou d’avril dernier un article satirique comparant ceux qui craignaient les conséquences d’une reconnaissance canonique à des autruches apeurées, quand il faudrait plutôt se considérer comme des aiglons, dignes descendants de ces aigles que furent les saints et nos proches prédécesseurs au rang desquels on s'étonnera cependant de voir figurer certains noms.

Il est en effet fort peu convaincant d'oser se réclamer du Père Calmel dont on voit mal qu’il se fût  accommodé d’une mise en tutelle (par étapes ! ) de la Tradition par l'Eglise conciliaire, alors qu'il préconisait une défense de la Foi sous la forme de bastions irréductibles organisés  autour de prêtres fidèles au combat catholique.

Il est tout aussi inconvenant de se réclamer de Mère Anne-Marie Simoulin, alors que cette éminente religieuse, d'heureuse mémoire :

· a manifesté son refus de principe de tels accords, du vivant même de  Monseigneur Lefebvre qui lui a exprimé sa reconnaissance,

· a signifié à son frère prêtre une totale divergence sur son analyse de la situation après les événements de l'année 2012 au sein de la Fraternité,

· et qui, quelques semaines avant sa mort, confiait avoir beaucoup apprécié le livre de l’Abbé Pivert, "Nos rapports avec Rome", avoir désiré que les religieuses de sa congrégation le lisent, avoir regretté de ne plus pouvoir participer au Chapitre de sa congrégation pour y faire valoir son analyse de la situation, et être bien décidée, au cas où Fanjeaux suivrait la Fraternité dans un accord pratique avec Rome sans accord doctrinal, à quitter sa communauté pour fonder une nouvelle congrégation !

Qui sont les aigles ? Et qui sont les autruches ?

Extrait du Carnaval des animaux

de Cinq Sens

Le dindon qui se croyait aiglon

En pays de Catharie, un doux-seigneur régnait.
Il avait bien sa cour, mais il parlait si fort
Que bien loin en Francie, son discours résonnait :
Obéissez d’amour, ne craignez pas la mort !

En doux pays de France la bataille était rude
Et les coups se portaient au sein même des familles ;
Ce seigneur en donnait, se mettant en cheville
Avec la vieille engeance qui toujours se croit prude.

Il les traita d’autruches, qui de trahir craignaient,
Se moquant de leur peur, lui qui tout risque fuyait.
Il les disait nunuches et craintifs les peignait,
Voyant partout malheur et sans cesse inquiets !

Oubliant Salomon qui tomba de si haut
Il se voyait aiglon dominant les autruches.
Enfant des plus grands aigles, il se crut l’héritier,
Peur et sagesse, la règle, il voulut oublier.

Du grand maître du Tibre ils voulaient une paix
Dont nos craintives fibres discernaient le fausset.
De cet ami pleurons la profonde illusion,
La farce du dindon qui se croyait aiglon.

Ode à dindon qui se prenait pour un aiglon

Dieu créateur avait donné au Lion son pouvoir sur la terre, mais bien des animaux, refusant son service, se choisirent d’autres rois pour vaquer librement. Le petit peuple fidèle n’avait cure des mensonges que tramaient tant d’ennemis dispersés, mais le Lion regretta le bonheur disparu et imagina qu’il pourrait restaurer la paix générale.

Il convoqua son concile et la discussion fut rude entre les vieux conseillers qui se voulaient prudents et toute une jeune troupe qui sentait que son heure sonnait. Les vieux défenseurs d’une seule vérité se virent bousculés si forts que le Lion les pria de se retirer. Et l’on décida d’envoyer des émissaires auprès de toutes les cours afin de construire la paix universelle.

Le Lion se croyait tout pouvoir et bien des animaux, qui jadis le lui refusaient, lui léchaient la patte pour aller de l’avant. Le petit peuple fidèle n’avait pas oublié que cet immense pouvoir n’appartenait qu’à Dieu, et que sans vérité, il n’y a pas de paix.

Le Lion réforma tout, et en quelques lustres, un étrange royaume se construisit, reconnaissant à chaque roi le pouvoir de régner, à chaque animal celui de choisir son roi et d’agir à sa guise. Le Lion qui avait cru pouvoir multiplier ses sujets les vit tous le quitter, mais dans son aveuglement, il s’imagina le roi de tous. Le peuple décidait de tout, il se fit souverain, laissant au roi le titre et toutes ses illusions.

Le petit peuple fidèle, un instant abasourdi, voulut défendre le roi contre ses mauvais amis, contre l’erreur qui régnait dans son palais. Il réunit une garde pour défendre le vrai, pour rappeler que tout pouvoir vient de Dieu et doit lui revenir. Mais le roi n’en avait cure et il les congédia tous.

Loin de se décourager, ils s’organisèrent, et fidèles à Dieu et au roi, leur armée se fortifia tant que le roi lui-même s’en émut et les rappela.

Certains tout joyeux, vers lui s’empressèrent, et bientôt acceptèrent de participer à la paix des royaumes.

D’autres plus prudents, virent bien que le Lion ne voulait que les désarmer, ne supportant pas que l’on maintienne à la vue de tous, le témoignage de l’ancien royaume. Le Lion ne cachait pas vraiment ses intentions, et sa fureur était grande dès qu’un groupe ou l’autre regardait vers les anciens usages.

Le temps passait, et la situation ne s’améliorait guère. Le Lion bradait toutes les anciennes lois, oubliant leur auteur et s’en croyant le maître. Les animaux suivaient joyeux d’une liberté sans frein, oubliant tout roi, ils se crurent vite dieux.

L’histoire en était à son Vendredi-Saint, le Sauveur devait mourir et ainsi du royaume, le Samedi-Saint allait venir, avec son lourd silence, avec la peur de voir disparaître le Foi qui pourtant subsistait dans une âme ou deux pour préparer le Dimanche… Non, ce n’est pas encore Dimanche, ce n’est pas l’heure des aigles, mais c’est celle où la peur vous tenaille le ventre, car il en est si peu qui seront là Dimanche. Oh, ce n’est pas que nous ne soyons certains que demain sera Dimanche, et que tout ressuscitera ! Seule la grâce de Dieu nous ouvrira les yeux, et ce n’est pas l’orgueil de Pierre qui le rendit fidèle.

Le Lion alors décida d’en finir avec ce petit peuple qui avait l’arrogance de se dire fidèle, et après de vains palabres, sur les conseils du roi de Bolchevie, il invita les chefs de ce peuple à vivre auprès de lui. Il leur accorda progressivement quelques pouvoirs pour les attirer, les amenant à accepter pratiquement ce qu’ils avaient refusé. Ainsi du nouveau code conçu pour le nouveau royaume, qui sur bien des points s’opposait à l’ancien, ces chefs reçurent les pouvoirs du Lion. Pour rassurer le petit peuple fidèle, ils feignirent de n’accepter que le pouvoir et de rejeter le code, mais tout le petit peuple n’était pas si naïf… Il sentait bien le piège et comprit vite que ce pouvoir était lié au code, seul code qui vaudrait s’il y avait appel.

Certains décidèrent donc de dire leur désaccord, refusant ces cadeaux, n’oubliant pas l’adage : time danae, dona ferentes ! (Je crains les Grecs, jusque dans leurs cadeaux !) Ils voyaient et sentaient, ils ouïssaient et goûtaient, ils touchaient du doigt la tentation fatale.

On les traita d’autruches, mais ils n’en avaient cure, car ils savaient bien que les aigles qui les ont précédés, leur ont transmis la crainte qui est le commencement de la sagesse. Ces aigles sont autant leurs ancêtres que les leurs, et ils n’oubliaient pas leurs leçons : tenez bon, ne craignez pas ceux qui en veulent à votre vie, mais craignez plutôt ceux qui peuvent vous tuer l’âme et le corps.

Que celui qui est debout craigne de tomber, n’en déplaise aux glougloutements des prétendus aiglons.